Dans la vie d’une parcelle de vigne, la longévité des piquets, des fils et de la structure globale du palissage semble devenir une préoccupation de plus en plus importante pour de nombreux responsables de propriétés viticoles de la région. La Chambre d’agriculture organise le 5 novembre prochain, à partir de 13 h30 à Chérac, une après-midi de réflexion technique consacrée aux équipements de palissage de la vigne sur une parcelle d’essai où sont implantées 11 configurations de palissage différentes.
L’équipe de techniciens viticoles de la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime a décidé de travailler le sujet des matériaux de palissage dans le court et le long terme. Lionel Dumas Lattaque, qui a en charge ce dossier, ne cache pas que, comme ses collègues, il est plus fréquemment questionné depuis quelques années sur l’intérêt, les limites et la longévité de tel ou tel type de piquets, d’amarres, de fils et de tendeurs. L’absence d’essais à long terme des divers équipements de palissage dans la région ne permet pas d’apporter d’informations concrètes sur tous ces sujets. Les seules réponses cohérentes reposent sur le carnet d’adresses de chaque technicien qui dispose toujours de contacts auprès de viticulteurs qui expérimentent sur leurs propriétés des piquets métalliques, des fils inox… Si les interrogations sur le sujet palissage sont devenues plus fréquentes ces dernières années, c’est en raison à la fois d’un plus fort taux de replantation, d’un souci permanent de réaliser de nouvelles interventions mécaniques (prétaillage en tête) pour réduire les interventions manuelles et limiter au strict minimum les travaux d’entretien annuels. Au moment de la plantation, l’investissement dans des piquets, des fils, des amarres, des tendeurs susceptibles de tenir pendant 25, 30, 35 ans engendre un surcoût important mais en contrepartie, les travaux annuels d’entretien du palissage seront très limités. Le fait d’être en mesure de réduire fortement la charge de travail annuelle d’entretien du palissage semble devenir un argument important dans les exploitations employant de la main-d’œuvre salariée.
Une journée d’information sur le palissage le 5 novembre après-midi à Chérac
Pour répondre à toutes ces interrogations, la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime organise le 5 novembre prochain, à partir de 13 h 30, une après-midi de réflexion consacrée au palissage à Chérac au lieu-dit la Couture. L’organisation de cette manifestation s’appuie sur la mise en place d’une plate-forme d’essais comparatifs de différents matériaux de palissage, piquets, fils, tendeurs et amarres, avec des modes d’installations différents. Le public aura la possibilité de participer à quatre ateliers successifs dont l’objectif est de faire le point sur les produits utilisés pour le palissage et les différentes méthodes d’implantation. La première intervention effectuée par Gilbert Cazals, un technicien de la Chambre d’agriculture de l’Aude, sera consacrée à la présentation des résultats d’une expérimentation longue durée (plus de 20 ans de recul) de divers matériaux de palissage (piquets bois et métallique, fils…) dans ce département et une description précise des caractéristiques des piquets et fils actuellement commercialisés. Ensuite, Sylvain Beaudoin, de la société CR-Distribution, fera une intervention sur les diverses méthodes d’installation d’un palissage en tenant compte des spécificités du vignoble charentais (des vignes larges et hautes portant une charge de raisins importante par cep). L’expérimentation mise en place par la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime sera présentée par deux responsables de la distribution qui ont fourni les matériaux, Jean-Pierre Jamain, le directeur de la coopérative de Chérac et Alain Rouil, technicien de Soufflet Atlantique. La MSA animera aussi un atelier sur la prévention des accidents lors des opérations d’entretien et d’implantation du palissage, l’enfonçage des pieux, le déroulage des fils et leur accrochage. Les principaux fournisseurs de piquets, fils (Carmo, Octowood, Wieland Linus, Profil d’Alsace, Deltex), et des matériels assurant leur mise en œuvre (Dagnaud, Rabaud, Yanigav…) seront présents sur le site afin de répondre à toutes les questions du public.
Un site d’essais de référence sur la longévité des matériaux de palissage
Le site d’expérimentation longue durée implanté cette année à Chérac va permettre de comparer sur un sol typique des Borderies (profondeur de terres arable de 15 à 20 cm et sous-sol dur et caillouteux) la longévité de divers équipements de palissage dans les conditions d’une vigne large et haute palissée conduite « à la charentaise ». Les piquets représentent bien sûr le volet essentiel de cette expérimentation qui intègre du bois le châtaignier, l’acacia, le pin injecté (Carmo et Octowood) de 2,30 m et trois fournisseurs de piquets métalliques de 2,30 m présentant des protections de surfaces différentes (Carmo, Linus, Profil Alsace et Julien). Une seconde partie de l’essai est consacrée aux fils avec plusieurs produits en inox, en acier galvanisé à chaud et en plastic (Deltex) seront testés avec deux modes d’installation, 3 fils fixes + 1 paire de releveurs et 3 fils fixes + 2 paires de releveurs. La solidité des ancrages en bout de rang sera aussi étudiée en comparant aux traditionnels fers à T des produits nouveaux (amarres à vis, à percuter…). L’accrochage des fils en bout de rang avec des piquets métalliques fera aussi l’objet de différentes installations comparant le positionnement des tendeurs à mâchoires Gripple et autres. Enfin plusieurs types de tendeurs et de rabouteurs de fils (Gripple, Fénox, Maxtensor…) qui facilitent le travail de tension des fils seront intégrés dans l’essai. Le protocole de l’expérimentation a comme objectif d’être à la fois représentatif de la structure d’un palissage type « Charentes » et des produits actuellement commercialisés dans la région. Un chiffrage des investissements de toutes les modalités de palissage (les piquets, les fils) implantées sur l’essai sera présenté lors de l’après-midi du 5 novembre. Des observations sur la longévité des palissages seront réalisées chaque hiver pendant 10, 15, 20 ans et plus. Elles seront complétées par des relevés annuels des travaux d’entretien annuels (temps passé et matériaux remplacés) afin d’être en mesure de cerner le coût global de chaque modalité de palissage actualisé au fil des années.
L’ensemble des interventions liées au remplacement d’un piquet nécessite 15 à 30 minutes
Les travaux d’entretien du palissage représentent une charge de travail variable mais qui tend à s’accroître sur de nombreuses propriétés. Les phénomènes « d’usure » du palissage semblent liés à des effets années (charge de récolte portée par les souches, incidence du vent, sols secs ou meubles lors des vendanges…), à l’intensité des travaux mécaniques réalisés et aux types de matériaux utilisés. La solidité des amarres et la durée de vie des piquets, des fils dans les vignes larges (de plus de 2 m) font l’objet de nombreux questionnements auxquels les distributeurs essaient de répondre en s’appuyant sur les informations des fournisseurs et l’expérience de certains viticulteurs. Dans les travaux d’entretien du palissage, le remplacement des piquets dans les rangs et au niveau des points d’ancrage représente l’intervention la plus lourde et la plus complexe. La tenue dans le temps des ancrages, la tension des fils, le suivi de la fixation des fils font aussi l’objet d’un entretien annuel incontournable que beaucoup de viticulteurs essaient d’optimiser en installant des tendeurs. Il y a quelques années, les interventions d’entretien du palissage intervenaient généralement en fin d’hiver, après les travaux de tirage des bois et de taille. Actuellement, de plus en plus de viticulteurs réalisent le remplacement des piquets et des amarres aussitôt les vendanges, pour se dégager du temps au printemps. L’utilisation d’enfonce-pieux performants rend le travail de remplacement des piquets beaucoup moins pénible et plus rapide. Néanmoins, l’ensemble des interventions nécessaires au remplacement d’un piquet (repérage, arrachage du vieux piquet, distribution du nouveau piquet, enfonçage, clouage des fils) nécessite en moyenne 15 à 30 minutes, d’où l’importance du travail global d’entretien du palissage. L’évolution des matériaux utilisés depuis 25 ans apparition depuis une quinzaine d’années atteste des attentes des viticulteurs dans ce domaine.
Diminuer l’entretien annuel en choisissant des matériaux ayant une longévité accrue
La recherche de palissages plus solides, ayant une longévité accrue (dépassant 20 ans) et plus faciles à entretenir semble une voie dans laquelle un certain nombre de viticulteurs s’engagent. Les raisons principales de l’évolution des attentes dans le domaine du palissage sont liées à une volonté de réduire les temps de travaux d’entretien annuels (dès que les surfaces en vignes dépassent 15 à 20 ha) et de faciliter le déroulement des interventions mécaniques tout au long de l’année. La généralisation de l’utilisation de la machine à vendanger a été le premier élément de sensibilisation vis-à-vis de la solidité des piquets et des amarres. 15 à 20 piquets en châtaignier/ha à changer tous les ans reste acceptable dans des plantations de 15 à 25 ans, mais il arrive fréquemment que la casse soit nettement plus élevée. Bien que la réduction des incidents après le passage des vendangeuses reste toujours une préoccupation importante, la réalisation d’autres interventions mécaniques comme le prétaillage, le rognage de 2 rangs complets en un seul passage, l’effeuillage, le passage d’outils interceps de travail du sol nécessitent des plans de palissages solides et réguliers. Le développement des conduites à port libre comme les cordons hauts et les arcures hautes suscite aussi de nouvelles attentes de longévité des piquets et des fils porteurs, car les travaux d’entretien sont encore plus difficiles à réaliser que les vignes palissées. Les viticulteurs semblent de plus en plus nombreux à penser que les piquets en matériaux historiques comme le châtaignier et l’acacia, bien que nettement moins coûteux à l’achat, ont une durée de vie qui ne dépasse pas une dizaine d’années. Leur choix s’est porté dans un premier temps sur du pin injecté et plus récemment sur une nouvelle génération de piquets métalliques intégrant des systèmes d’accrochage des fils. Tous les distributeurs constatent que la demande de piquets métalliques est en forte augmentation pour les nouvelles plantations et même pour le remplacement dans les vignes en place.
Une percée des piquets métalliques au cours des dix dernières années
Jean-Pierre Jamain, le directeur de la coopérative de Chérac, estime que depuis 10 ans les déceptions au niveau de la qualité des approvisionnements de piquets en châtaignier et en acacia expliquent la montée en puissance d’une nouvelle génération de piquets métalliques : « Il y a encore 20 ans, on pouvait acheter dans les forêts du Limousin des piquets en châtaignier et en acacia provenant d’arbres ayant eu une croissance assez lente, ce qui était un gage de longévité. Un certain nombre de propriétés prenaient le temps de faire elles-mêmes leurs piquets dans les bois ou de préparer les piquets en châtaignier en réalisant une injection au niveau des pointes (par trempages). Aujourd’hui, ces pratiques ont disparu et nos approvisionnements en châtaignier et en acacia ne sont plus aussi fiables. Beaucoup de viticulteurs ont été déçus et pour leurs nouvelles plantations ils ont dans un premier temps choisi des piquets en pin injecté. Là aussi, l’offre des différents fournisseurs n’était pas de qualité homogène. Certains piquets fabriqués avec un cahier des charges sérieux au niveau de la sélection des bois et de l’injection n’ont pas déçu, surtout avec des diamètres supérieurs à 8 cm. A l’inverse, des niveaux de casse en petite section se sont aussi produits au niveau du sol quand des nœuds étaient présents. Actuellement, seuls les fournisseurs ayant fiabilisé leurs fabrications continuent de conserver des parts de marché. Une nouvelle génération de piquets métalliques de plus forte section et avec des revêtements de surface résistants (à la corrosion) a fait son apparition à partir du milieu des années 90 dans la région. On a commencé par faire des essais de ces produits chez quelques viticulteurs, mais c’est à partir du début des années 2000 que leur développement a été significatif. La longévité des piquets métalliques annoncée par les fournisseurs, la durée de la vigne, un entretien annuel minime et le fait de ne plus avoir besoin de clouer les fils sont des arguments qui ne laissent pas indifférents les viticulteurs. Les prix de ces produits dans des longueurs de 2,30 m sont bien sûr élevés, 4,5 et 5,50 € ht, ceux des pins (en diamètre 6/8) se situent autour de 4,30 € ht, les acacias à 3,80 € ht et les châtaigniers à 2,25 € ht. L’investissement dans un piquet métallique est supérieur de 2,3 fois à celui d’un châtaignier mais, avec ce dernier matériau, il faudra envisager de rajouter le coût de 2 ou 3 remplacements sur 30 ans. Aujourd’hui pour les nouvelles plantations, le palissage avec les piquets métalliques représente environ 60 % des besoins, et le pin injecté et l’acacia se partagent le reste du marché. »
Adapter le dimensionnent et l’installation des piquets à la structure des vignes
Le développement récent des piquets métalliques en Charentes est en grande partie lié aux efforts réalisés par les fabricants pour faire évoluer les produits en les adaptant aux vignes hautes portant une charge de raisins pas cep assez forte. Les efforts supportés par le palissage d’une parcelle de Merlot, de Sauvignon de 4 000 ceps/ha portant une charge globale de raisins de 7 à 10 tonnes sont bien inférieurs à celui d’une vigne d’Ugni blanc large et haute produisant plus de 15 tonnes de vendanges. La première génération de piquets métalliques apparue dans les années 70 et 80 avait laissé un très mauvais souvenir aux viticulteurs. La conception trop légère des produits et des traitements de surfaces résistants mal à la corrosion avaient entraîné des phénomènes de vieillissement prématurés au bout de seulement 10 à 15 ans. Les piquets n’étaient pas assez costaux et à l’approche des vendanges, des coups de vent sans grande intensité faisaient littéralement tomber le palissage au sol. Une deuxième génération de piquets métalliques est apparue à partir du milieu des années 80 et leur conception avec des profilés différents, des épaisseurs plus fortes et des traitements de surface résistants à la corrosion permettaient une grande longévité de ces produits. Dans un premier temps, les fournisseurs se sont intéressés au marché le plus important en France, les vignes dites étroites de moins de 2,50 m d’écartement et ces produits ont donné entière satisfaction dans beaucoup de régions viticoles sauf en Charentes. Dans les vignes larges et hautes, l’utilisation de ces piquets avec des hauteurs de 2,20 à 2,50 m semblait fragile en matière de stabilité verticale du plan de palissage. Les fabricants ont développé des familles de piquets métalliques dits « renforcés » dont ils assurent qu’ils ont les capacités de porter des charges de végétation et de récolte plus importantes et d’améliorer leurs assises au sol dans les situations de coteaux soumises aux « coups de vent » de fin de saison. Lors de leur installation, l’enfonçage dans le sol doit être suffisant (25 à 30 % de la hauteur totale) pour qu’ils aient une meilleure résistance aux effets du vent. Il arrive que dans les situations très exposées aux vents dominants la densité des piquets dans les deux premiers rangs soit renforcée. La réalisation d’avant-trous est généralement indispensable pour être en mesure de les descendre suffisamment, surtout dans les sols caillouteux en profondeur. L’expérience de certains viticulteurs confirme d’une part la meilleure stabilité des piquets « plantés » avec des avant-trous et d’autre part la nécessité d’attendre une année pour que les piquets « se calent » solidement dans le sol. Lors de la journée du 5 novembre les viticulteurs auront la possibilité de recueillir un maximum d’informations sur tous ces aspects pratiques liés à la mise en œuvre des piquets, des fils et des tendeurs.
Programme
Introduction par Gérald Guilbaud, vice-président et membre de la commission viticole de la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime.
Visite guidée par atelier :
1. Caractéristiques et intérêts des différents matériaux (Gilbert Cazals, Chambre d’agriculture de l’Aude).
2. Théorie du palissage et mise en œuvre (Sylvain Beaudoin, de CR Distribution).
3. Ergonomie, accidents du travail et prévention des risques (Michel Saunier, MSA 17).
4. Présentation des matériels installés dans la vigne avec les fournisseurs locaux et la présence des fabricants.
Exposition permanente de matériels (machines enfonce-piquets, dérouleuses de fils, affûteuses de piquets).
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