Un gel important dans toutes les zones du vignoble

22 mai 2017

La Rédaction

 

      Les trois matinées de gel du 27, 28 et 29 avril ont fait très mal au vignoble Charentais dont toutes les zones de l’aire de production sont touchées. Seules les îles d’Oléron et de Ré et une frange côtière étroite semblent avoir été épargnées. Les niveaux des températures se sont situés entre – 2 et – 4 °C en moyenne, voire – 5 à – 6 °C dans les situations les plus fortes. Les zones de bas-fonds, de plaines ont bien sûr été les plus touchées mais les dégâts concernent aussi les mi-coteaux et voire localement des pleins coteaux. Les dégâts varient de manière importante dans beaucoup de communes de la région délimitée ce qui rend complexe l’appréciation précise de l’importance du sinistre. La première estimation de 25 000 ha de vignes gelées à plus de 80 % risque d’être revue à la hausse compte tenu de l’importance des surfaces touchées entre 20 et 60 %.

Les risques de gel au cours du mois d’avril ont toujours été statistiquement possibles dans notre région. Les données météo extraites, d’une étude sur l’évolution climatique réalisée par Laëtitia Four de la Station Viticole du BNIC montrent que sur le poste météo de Saintes, un jour de gel se produit chaque année en moyenne sur la période 1 988 – 2 007. 
 – Graph 1/Le Pourcentage du nombre total de jours de gel durant quatre séquences d’années entre 1918 et 2007 (source Station Viticole du BNIC)

En 2017, le mois d’avril a fait exploser cette moyenne puisqu’il s’est produit 2 à 4 jours de gel dans la région délimitée répartie dans deux périodes, une première d’intensité limitée les 19 et 20 avril et la seconde beaucoup plus forte du 27 au 29 avril. L’intensité des dégâts à l’échelle de la région bien qu’étant forte semble inférieure à la gelée historique du 21 avril qui avait littéralement ravagé 90 % du vignoble. Dans les secteurs exposés du Pays Bas, la plupart des viticulteurs considèrent l’intensité du gel 2 017 est équivalent à celui de 1991.

 

Des précipitations la veille du gel qui ont localement accentué la chute du thermomètre

 

      Depuis plus de deux décennies, les épisodes de gel n’ont concerné que des zones localisées, basses et historiquement qualifiées de gélives. Lors du printemps 2016, diverses zones du Pays Bas avaient été déjà touchées. Cette année les dégâts de gel ont un gradient d’intensité global élevé et une forte variabilité. La chute du thermomètre a été à la fois amplifiée et minimisée par les effets, de la topographie, du microclimat local, les conditions d’entretien des sols, de hauteur d’établissement des souches. Le coup de froid de 2017 s’apparente à une véritable situation de gel de printemps dont l’intensité a épargné beaucoup de coteaux situés au-dessus de 80 à 90 m d’altitude. À l’inverse toutes les zones basses sont pratiquement touchées entre 80 et 100 %. Dans beaucoup d’endroits, de faibles précipitations en soirée (de 1 à 4 mm) la veille du gel ont humecté les sols et la végétation ce qui a accentué la réceptivité de la végétation aux effets de glaciation et de brûlures dues aux températures négatives.


L’état d’avancement de la végétation a amplifié l’importance des dégâts

 

      L’ampleur des brûlures liées gel a été cette année très spectaculaire en raison de l’état état d’avancement de la végétation. Les vignes avaient atteint les 26 et 27 avril derniers un état de développement avancé qui laissait augurer d’un bon début de cycle végétatif. Plusieurs viticulteurs ayant vécu le sinistre de 1991 estiment qu’en 2017, la végétation était beaucoup plus avancée que lors de la précédente gelée historique. Le débourrement est intervenu fin mars avec une dizaine de jours d’avance suite à une séquence de beau temps atypique pour la saison qui a duré jusqu’à la mi-avril. Dans les ugni blancs, beaucoup de rameaux avaient atteint le 25 avril, le stade 3 à 5 feuilles étalées (avec des inflorescences bien visibles) et dépassaient une longueur de 10 à 15 cm. Les colombards, les merlots, les sauvignons et les chardonnays étaient au stades grappes séparées et beaucoup de contre-bourgeons étaient déjà sortis. La phase de débourrement s’était déroulée de façon régulière et la sortie avait une belle apparence.

 

 

Les études sur les conséquences de l’évolution climatique dans la région révèlent un net avancement des dates de vendanges en raison des sommes de températures plus élevées durant le printemps et l’été. Par contre, l’incidence du réchauffement climatique sur les dates de débourrement semble en moyenne moins perceptible. Néanmoins, en 2017, l’éclosion des bourgeons d’ugni blanc a été précoce. Si le débourrement était intervenu entre le 05 à 10 avril, l’intensité des dégâts du gel aurait été nettement moindre.

 

La première estimation de 25 000 ha fortement gelés risque d’être revue à la hausse

 

      Les investigations des techniciens de la Station Viticole du BNIC et des chambres d’agricultures de Charente et Charente Maritime dans les deux ou trois jours qui ont suivi le gel ont permis de réaliser une première estimation des dégâts. Les conclusions de ce travail ont débouché sur le chiffre de 25 000 ha fortement touchés, soit 30 % de du potentiel de production régional. Plus de deux semaines après cette première estimation, beaucoup d’observateurs avisés considèrent que l’ampleur des dégâts serait beaucoup plus importante. L’hypothèse que 50 % du vignoble soit fortement touché, semble de plus en plus plausible. L’intensité des dégâts au niveau de l’ensemble de la région est souvent très disparate hormis dans les bas-fonds et les plaines. Dans les secteurs bien vallonnés, les pleins coteaux ont été généralement pas ou peu touchés sauf quand l’atmosphère était saturée d’humidité.

 

L’importance des vignes gelées entre 30 et 60 %

 

      Les petites précipitations en fin de soirée la veille du gel ont accentué la réceptivité de la végétation qui était recouverte de rosée toute la nuit. Les niveaux d’hygrométrie maximum ont accentué l’effet de radiation au lever du jour et la chute du thermomètre. Les situations de topographies intermédiaires ont paru être dans un premier temps beaucoup moins affectées mais une grosse semaine après le sinistre, les dégâts se révèlent de plus en plus importants. Quelles surfaces représentent les vignes touchées entre 30 et 60 %, 5 000, 10 000, 15 000 ha,…… ? Aucune réponse précise ne peut-être actuellement apporter mais le sentiment de beaucoup d’observateurs est qu’elles sont importantes. Les comptages d’inflorescences à partir du 15 mai et ensuite les mesures de captures de pollen à l’issue de la floraison réalisée par les ingénieurs de la Station Viticole du BNIC apporteront des informations beaucoup sérieuses sur le potentiel de production du millésime 2 017.

 

Les inflorescences sur les rameaux « enrhumés » vont-elles tenir ?

 

      Dans les vignes partiellement touchées (entre 20 et 60 %), des rameaux complètement grillés, totalement sains et entre les deux (bien « enrhumés ») se côtoient sur les mêmes sarments. Cette situation rend l’appréciation des dégâts complexe. Les brûlures liées au gel partiel n’ont extériorisé leurs nuisances qu’au bout d’un à deux jours. Il a même été observé des dégradations sur ces rameaux « incertains » au bout de 5 à 6 jours à partir du moment ou la croissance végétative a commencé à reprendre. Dans un premier temps, les apex et les jeunes inflorescences qui étaient restés verts, paraissaient épargnés. Leur état de développement a semblé s’être bloqué mais au bout de 4 à 5 jours, une proportion plus ou moins importante de ces rameaux « enrhumés » a progressivement changé d’état. Les fractions touchées pousses (souvent les deux ou trois mérithales précédent l’apex) ont commencé à se ramollir et à perdre leur couleur vert tendre au profit d’une teinte vert foncée de plus en plus brune caractéristique d’une brûlure légère par le froid. Certaines de ces pousses commencent à se dessécher alors que d’autres bien qu’étant encore vertes semblent toujours figées. L’extrémité des rameaux et les inflorescences prennent parfois une forme en crosse qui atteste de leur difficulté de développement. Ne risque-t-on pas de voir une forte proportion de ces grappes se transformer en vrille suite aux conditions climatiques humides et fraîches jusqu’au 14 mai ?

 

L’excès de fraîcheur aussitôt a pénalisé l’espoir d’un redémarrage rapide

 

      Le principal sujet d’inquiétude deux semaines après le gel concerne l’absence de redémarrage de la végétation. Des sols très secs au moment du sinistre et une climatologie ensuite fraîche n’ont pas favorisé la reprise du cycle végétatif. Si l’arrivée de pluies d’environ 40 à 50 mm début mai a permis de bien réhydrater la couche de terre arable, le manque chaleur et d’ensoleillement a continué de faire languir les vignes. Dans les parcelles gelées à plus de 80 %, la sortie des contre-bourgeons n’était pas réellement commencée au 15 mai. Dans les parcelles partiellement gelées, l’état du feuillage d’une couleur très jaune au 10 mai atteste de la difficulté des souches à assurer leurs besoins alimentaires. Si cette situation venait à perdurer jusqu’à la fin mai, la tenue des inflorescences pourrait en être fragilisée.

 

L’état du stock de réserves dans les souches sera déterminant

 

Le gel occasionne un traumatisme important au niveau de l’équilibre alimentaire des souches qui assume leur besoin entre le débourrement et le stade préfloraison en puisant dans leurs réserves. Ensuite, ce sont les racines qui puisent dans le sols l’ensemble des nutriments nécessaire au déroulement du cycle végétatif. On peut se demander si l’état de développement de la végétation relativement avancé au moment du gel ne va pas pénaliser le redémarrage du cycle végétatif. Les souches ont déjà mobilisé une partie significative de leurs réserves pour assurer le  premier débourrement. Auront-elles, des réserves suffisantes pour stimuler une deuxième sortie en attendant que les racines prennent le relais de l’alimentation ? Les vignes en forme sur le plan agronomique seront sûrement plus « armées » pour faire face à la demande de besoins alimentaire nécessaire à ce deuxième débourrement. L’apport de fumure azotée au sol ne représente pas du tout une solution corrective face à ce problème car les racines cette année ne sont pas fonctionnelles avec 10 juin dans les parcelles gelées. L’assimilation de ces éléments interviendra à un moment ou la plante n’en n’aura pas besoin. Cela risque même d’avoir des conséquences négatives sur les phases ultérieures du cycle végétatif.

     

Le soleil et la chaleur attendus avec impatience

 

      Dans les vignes gelées « à plat », les espérances de productivité pour le millésime 2 017 repose uniquement sur la qualité de la sortie des contre-bourgeons qui pour l’instant se fait attendre. Les retours d’expérience des propriétés ayant été confrontées à un gel important en 2016 permettent d’espérer des niveaux de rendement de 40 à 60 hl/ha dans des vignes plutôt jeunes et surtout en pleine forme. Les potentialités agronomiques de chaque terroir joueront à plein sur la capacité des vignes à émettre des contre bourgeons porteurs de grappes. Dans les vignes gelées entre 20 et 50 %, les perspectives de récoltes pourront être supérieures dans la mesure où les inflorescences actuellement présentes auront les moyens de continuer leur développement dans de bonnes conditions. Il est aussi probable que certains contre-bourgeons ressortent et portent une deuxième génération de grappes. Ces situations de deux générations de végétation qui risque d’être assez fréquente, vont compliquer les travaux, notamment les relevages durant toute la saison. Dans tous les cas de figure, le retour de conditions climatiques plus chaudes et ensoleillées à partir du 15 mai est attendu avec impatience pour relancer un cycle végétatif déjà mal engagé.

                                        

 

– Quelques éléments clés du gel « historique » de 1991 :

 

 

 

 

 

  • Date du Gel : le 21 avril

  • Des températures minimales sous abri descendu jusqu’à – 4,2 °C avec des minima très bas sur l’ensemble de la région

  • Une gelée de type radiative d’une puissance rare amplifiée par des épisodes de pluies dans la soirée du 20 avril

  • Un mois de mars très doux ayant engendré un débourrement très régulier et précoce

  • Un débourrement dans les situations précoces noté le 2 avril par la Station Viticole du BNIC

  • 75 % de bourgeons principaux détruits par le gel

  • 36 % des premiers contre-bourgeons non débourrés détruits par le gel

  • Durant les trois semaines après le gel, la végétation n’avait pas bougé en raison de conditions climatiques froides et pluvieuses.

  • Les rares inflorescences des bourgeons épargnés ont souvent subi, un phénomène de filage important.

  • Un potentiel de grappes de 24 000 inflorescences/ha, le plus bas niveau jamais observé

     

  • Des conditions de floraison favorables en deux séquences bien distinctes

     

  • La récolte 2011 :

    – rendement moyen : 48,3 hl/ha

    – TAV moyen : 9,64 % vol

    – Volumes de vins Cognac produits : 3 817 132 hl

    • – Production d’eaux-de-vie : 367 972 hl d’AP

 

 

 

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