Un début de cycle végétatif en attente de chaleur

4 juin 2013

Le débourrement 2013 est interv nu avec une petite semaine de retard, mais les conditions climatiques favorables de la deuxième quinzaine d’avril ont été propices à une éclosion rapide et régulière des bourgeons. Globalement, la sortie est de bien meilleure qualité que celle de l’année dernière. La persistance d’un climat frais et humide jusqu’au 20 mai a ralenti la croissance végétative et fait craindre une montée en puissance discrète du parasitisme. Le retour à des températures plus clémentes et d’un ensoleillement suffisant est souhaitable pour que le potentiel d’inflorescences se pérennise.

 

 

L’hiver 2012-2013 aura été marqué par des pluies abondantes et des températures hivernales assez douces et conformes aux normales saisonnières. Traditionnellement, les mois d’octobre, de novembre et de décembre correspondent à une période de pluies abondantes mais, depuis une décennie, les hivers secs sont devenus plus fréquents. En 2012-2013, les précipitations ont nettement dépassé les valeurs moyennes en octobre, en décembre et en janvier, ce qui est une bonne nouvelle pour la reconstitution des réserves d’eau.

Un hiver très pluvieux : 600 à 700 mm en 6 mois

La moyenne des précipitations d’octobre 2012 à mars 2013 s’est située entre 600 et 700 mm dans la région délimitée avec, bien sûr, de fortes hétérogénéités selon les zones (de plus ou moins 100 mm). Ce cumul des pluies au cours de l’hiver correspond à peu de choses près à la pluviométrie d’années complètes comme 2009, 2010 ou 2011.

La fréquence des pluies dès l’automne et en début d’hiver a permis aux sols d’absorber régulièrement les apports d’eau. Le déficit hydrique des sols était si important que les 200 mm de précipitations d’octobre et de novembre se sont infiltrés facilement. Début décembre, les fossés, les fonds de vallée n’étaient pas submergés. Ce n’est qu’à l’issue des deux mois très pluvieux de décembre et de janvier que les terres n’ont plus semblé être en mesure d’absorber les pluies. L’abondance des précipitations s’est alors ressentie dans le bassin fluvial de la Charente qui a connu plusieurs crues successives. Un hiver aussi pluvieux a eu des conséquences sur le déroulement de nombreux travaux manuels et mécaniques dans le vignoble. Les équipes de tailleurs, de tireurs de bois ont travaillé très souvent dans des conditions difficiles en portant des journées entières les imperméables. Les travaux d’arrachage des vignes, la préparation des sols en vue des plantations 2013, l’accès dans les parcelles pour l’entretien du palissage, la réalisation des chantiers de plantation mécanique, les entreplantations, n’ont pas été faciles à programmer. Les sols du pays bas, de champagne, de doucins et même les groies profondes de nombreuses parcelles sont restés saturés en eau jusqu’à la mi-mars, ce qui a rendu la préparation des sols complexes. La mise en terre des jeunes plants ne s’est pas toujours effectuée dans les meilleures conditions.

Un réchauffement intervenu mi-avril

Au cours des mois de février et de mars 2013, les niveaux des températures en dessous les valeurs moyennes ont retardé le réveil de la végétation et le début du printemps n’a pas été clément. La période de fraîcheur qui s’est poursuivie pendant la première décade d’avril a permis à beaucoup de propriétés d’avoir le temps de finir les travaux d’hiver. En effet, les bourgeons de la plupart des cépages précoces n’avaient pratiquement pas bougé jusqu’à la fin mars.

Le réchauffement des sols est intervenu assez lentement entre la fin mars et la mi-avril, et, durant cette période, le nombre de journées où le thermomètre a dépassé les 15 °C a été rare. Les cépages précoces, le merlot et le colombard, ont commencé à bouger à partir du 5 au 10 avril et la courte séquence de chaleur du milieu du mois a donné le top départ du débourrement. Les sols parfaitement humectés avaient besoin des remontées de températures pour initier l’éclosion de la végétation. Les cépages précoces accusaient aussi un certain retard par rapport aux millésimes précédents.

Un bon débourrement

Les techniciens des chambres d’agriculture de Charente et Charente-Maritime ont observé les premiers éclatements de bourgeons d’ugni blanc vers le 15 avril et à cette même époque, les merlot et colombard avaient atteint le stade pointe verte. La pousse s’est ensuite déroulée de manière régulière et assez rapidement, ce qui est toujours un gage de qualité pour le débourrement. Le 22 avril, une majorité de bourgeons d’UB étaient au stade pointe verte et, dans les situations très précoces, les premières feuilles étalées étaient visibles. La dernière semaine d’avril a été marquée par la poursuite d’un temps plus chaud et quelques averses se sont produites entre le 28 avril et le 2 mai. Les précipitations ont été à la fois significatives et très variables (de 5 à 30 mm selon les zones). Le débourrement s’est poursuivi d’une manière homogène jusqu’au 6 mai et beaucoup de parcelles d’ugni blanc avaient une majorité de bourgeons au stade 2 feuilles étalées. Anne-Lyse Martin, la technicienne viticole de la chambre d’agriculture de la Charente, considère que le débourrement 2013 s’est déroulé dans de meilleures conditions que celui de l’année dernière : « Le démarrage de la végétation des ugni blancs est intervenu avec une semaine de retard par rapport aux dates moyennes, mais la croissance végétative a été ensuite régulière. Le taux de débourrement semble bon et, d’une manière générale, les stades végétatifs au sein des parcelles sont assez homogènes. Des différences de développement végétatif entre les situations précoces et tardives étaient visibles à la fin avril. Le léger retard de débourrement ne représente pas un handicap à cette époque de l’année car des périodes de chaleurs fin mai ou de début juin peuvent contribuer à les compenser. » Patrice Rétaud, l’animateur vigne de la chambre régionale d’agriculture Poitou-Charentes, pense aussi que le débourrement s’effectue dans de bonnes conditions : « Les bourgeons d’ugni blanc ont débourré avec une semaine de retard par rapport aux dates moyennes mais, depuis la mi-avril, le climat doux a favorisé une croissance régulière. Les comptages sur le réseau d’observation du BSV révèlent un taux de débourrement de 83 %, ce qui est plutôt bien. Les différences de stades observées vers le 25 avril se sont lissées dans les premiers jours de mai. Le retard de débourrement de 5 à 7 jours a eu aussi comme avantage de limiter l’incidence du gel des 28 et 29 avril. La climatologie durant la première phase de développement de la vigne, entre les stades 1 à 2 feuilles étalées et boutons floraux séparés a une influence déterminante vis-à-vis de la précocité des cycles végétatifs. »

Une gelée très localisée, les 28 et 29 avril

Les matinées du 28 et 29 avril ont été très fraîches et le thermomètre est descendu en dessous de 0 °C dans certaines zones basses de la région. Le vignoble du pays bas, traditionnellement sensible au gel de printemps, a été globalement assez peu touché. Par contre, des dégâts ont été observés dans les parcelles très basses réputées sensibles de la vallée du Né, de Segonzac, de Bouteville, de Mainxe, de Gensac- la-Pallue, d’Allas-Champagne, de Guimps, de Saint-Ciers-Champagne, de Montguyon, de Clérac… Les surfaces concernées par le gel sont assez réduites à l’échelle de la région délimitée mais, localement, la production de certaines propriétés pourra en être affectée. Les températures limites (entre 0 et – 1 °C maximum) ont occasionné des destructions de bourgeons très localisées et souvent pas faciles à observer. Généralement, les dégâts se sont limités aux jeunes plants de première et deuxième feuilles ou à des fractions de parcelles réputées sensibles et très basses (des cuvettes, des bouts de rangs). Il est aussi arrivé que quelques parcelles entières soient bien touchées. Des phénomènes de grillures de la périphérie des bourgeons n’ont été visibles qu’au bout de 4 à 5 jours. Un certain nombre de pousses présentant des nécroses (pourtour de feuilles noires ou tâches dispersées sur les limbes) semblent avoir eu une croissance ralentie malgré le beau temps qui a suivi. L’aspect de ces bourgeons « enrhumés » peut engendrer des confusions avec des symptômes précoces d’eutypiose. L’observation de la croissance des parcelles « frisées » par le gel d’ici la fin mai permettra réellement de se rendre compte de l’impact de ce petit coup de froid.

Le climat frais du 5 au 15 mai ralentit la croissance végétative

Le beau temps de fin avril des tout premiers jours de mai a favorisé une éclosion rapide des bourgeons propice à un bon taux de débourrement. Les premières impressions des techniciens et des viticulteurs sur la qualité de la sortie étaient plutôt bonnes et cette tendance est quasi générale dans l’ensemble de la région délimitée quels que soit les zones et le type de sol. Le début de cycle végétatif 2013 laisse augurer d’un potentiel de bourgeons développés nettement supérieur à celui de 2012. Les différences de précocité entre les sites réputés précoces et tardifs étaient nettement visibles mais, au sein de chaque îlot, la croissance végétative se déroule de manière homogène. D’une manière générale, les premières semaines du cycle végétatif 2013 ont commencé dans de meilleures conditions que celle de 2012. Sur les rameaux les plus avancés, la présence de deux inflorescences bien charpentées est assez systématique.

La semaine suivante (du 6 au 13 mai) a été fraîche et entrecoupée de pluies avec des températures bien inférieures aux valeurs moyennes à cette époque de l’année. De telles conditions climatiques ont eu une incidence sur la physiologie de la vigne. Le débourrement se déroule en utilisant les réserves accumulées dans les bois lors de l’automne précédent et, en 2012, celui-ci avait été plutôt propice à un bon aoûtement. Les jeunes feuilles ne deviennent fonctionnelles en matière d’activité photosynthétique que lorsqu’elles ont atteint une surface suffisante. Pendant l’intervalle de temps entre les stades 1 à 2 feuilles étalées et 5 à 6 feuilles, la croissance végétative repose sur les réserves accumulées dans les bois et les souches. Si le développement végétatif est stimulé par un climat chaud durant la première quinzaine de mai, la toute « jeune » surface foliaire contribuera à jouer plus rapidement un rôle majeur dans l’alimentation des souches. A l’inverse, un climat frais et pluvieux durant cette période entraîne un retard de croissance des rameaux et des jeunes feuilles dont la capacité à produire des nutriments est retardée. La séquence climatique fraîche depuis le 6 mai est donc une source d’inquiétude pour le développement des vignes. Les observations de suivis phénologiques à partir du 13 mai commencent à révéler des différences de stades de développement notables entre les pousses. L’homogénéité du débourrement semble céder progressivement la place à une hétérogénéité des stades végétatifs, qui est bien sûr amplifiée par les effets nature des sols, les pratiques culturales et l’entretien agronomique des parcelles. C’est dans les situations de sols très calcaires que les phénomènes d’hétérogénéité des stades végétatifs semblent plus marqués, surtout quand des interventions de travail mécanique précoces ont été effectuées. Si le climat frais et pluvieux venait à se poursuivre jusqu’au 20 mai, la tenue des inflorescences sur les rameaux pourrait en être affectée. Des cépages comme le merlot et l’ugni blanc sont sensibles à des phénomènes de filage autour du stade boutons séparés.

Un contexte peu favorable à l’excoriose en 2013

Après une année 2013 marquée par une pression de parasitisme extrême, les techniciens et les viticulteurs abordent le cycle végétatif 2013 avec une vigilance accrue. Les dégâts parfois conséquents occasionnés par le mildiou et le développement de quelques foyers d’oïdium lors de la dernière campagne ont marqué les esprits. Les réflexions concernant le raisonnement judicieux de la protection du vignoble deviennent prépondérantes. L’excoriose était présente cet hiver dans diverses parcelles, suite aux conditions favorables du printemps 2012. Durant l’hiver, un certain nombre de bois de taille fragilisés par la maladie laissaient craindre une expansion de la maladie. Or, les conditions climatiques lors du débourrement 2013 ont été moins favorables et à priori peu de nouvelles contaminations se sont produites. Les tout premiers symptômes d’eutypiose commencent à être visibles dans les colombard et dans les parcelles d’ugni blanc les plus avancées.

Un niveau de risque mildiou modéré jusqu’aux 6-7 mai

Le principal sujet d’inquiétude est bien sûr le mildiou car la végétation est réceptive à la maladie depuis les premiers jours de mai. Les suivis de germination des œufs d’hiver en laboratoire ont commencé depuis le début avril. La phase de maturité dans les 24 heures après leur mise en chambre humide est intervenue depuis le 22 avril. Des pluies significatives sont nécessaires à la dissémination et à la germination des spores. P. Rétaud estime que les premières contaminations ont pu se produire durant l’épisode pluvieux du 29 avril au 2 mai. Cependant, les niveaux de températures bas depuis le 6 mai ont augmenté le temps nécessaire à la réussite des contaminations primaires. Dans de telles conditions, les cycles d’incubation peuvent facilement dépasser 15 jours. Au 14 mai, aucune tâche primaire de mildiou n’a été identifiée dans la région de Cognac. Pourtant, la succession des pluies pratiquement chaque semaine depuis le début mai représente des conditions favorables. Les suivis de modélisation réalisés par les chambres d’agriculture de Charente et de Charente-Maritime faisaient état, au 7 mai, d’un niveau de risque relativement modéré.

Des températures froides pouvant masquer des « épidémies débutantes »

Au 30 avril, les valeurs de l’EPI étaient positives sur la moitié des sites suivis, mais la situation était moins inquiétante qu’en 2012 à pareille époque. La climatologie de la première semaine de mai n’a pas fait évoluer le niveau de risque. Selon les prévisions du modèle, les œufs responsables des contaminations épidémiques de masses auraient atteint la maturité à partir du 10 mai. Toutes les pluies significatives postérieures à cette date seront en mesure d’engendrer des contaminations sporadiques. Dans les secteurs où les précipitations ont été inférieures à 10 mm, le niveau de risque demeure assez modéré. Par contre, les précipitations plus abondantes (supérieures à 20 mm) dans certaines zones ont fait grimper la puissance épidémique du mildiou. L’analyse de la situation par les techniciens des chambres d’agriculture au 14 mai confirme qu’une seule station de leur réseau, celle de Saint-Bonnet-sur-Gironde, a enregistré une contamination épidémique consécutive à des pluies plus abondantes. D’une manière générale, l’impact des faibles niveaux de températures entre le 6 et 13 mai semble avoir fait baisser le niveau de risque mildiou. Il convient tout de même de rester vigilant car les températures froides peuvent masquer la présence d’épidémies débutantes (en raison de durée d’incubation longue). La réalisation de simulations de pluies au cours de la troisième semaine de mai semble propice aux premières contaminations épidémiques sur de nombreux sites. Si, jusqu’à la mi-mai, le mildiou s’est montré moins agressif que l’année dernière à pareille époque, il convient tout de même de rester attentif aux évolutions du microclimat local. La fréquence et l’importance des pluies d’ici le 15 juin auront une importance majeure sur l’agressivité du mildiou.

L’oïdium à surveiller de près à partir du stade boutons floraux séparés

L’oïdium est une maladie qui connaît une certaine recrudescence dans la région de Cognac. En 2012, un millésime marqué par une pression de mildiou historique, des foyers d’oïdium ont été observés au cours de l’été dans diverses zones de la région. Or, les acquis historiques dans le vignoble charentais ont mis en évidence, jusqu’à présent, que des conditions climatiques de début de saison favorables à l’oïdium sont en général antagonistes à celles du mildiou, et vice-versa. Cette évolution du contexte parisitaire est peut-être à mettre en relation avec le changement climatique plus marqué auquel la région délimitée est confrontée. En ce début de cycle végétatif 2013, les techniciens portent une attention soutenue aux approches de modélisation de l’oïdium qui, au fil des années, gagnent en fiabilité mais sans encore atteindre l’efficience des prévisions mildiou. Les modèles ont permis de situer l’arrivée à maturité des organes de conservation de l’oïdium (les cléistothèces) à partir du 8 au 14 mai selon les secteurs. Le stade de réceptivité à la maladie, début des boutons floraux séparés, n’est atteint que par le cépage très précoce chardonnay. A la mi-mai, les colombard, les merlot et les ugni blanc, même dans les situations les plus précoces, sont encore loin de ce stade développement. Si le climat frais des deux dernières semaines venait à se poursuivre, le contexte pourrait être favorable au développement de l’oïdium. Les techniciens conseillent de démarrer la protection dès que les premières inflorescences auront atteint le stade boutons séparés. Le repérage de ce stade végétatif nécessite un sens de l’observation assez avisé et en ce début de printemps 2013, la végétation se développe de façon hétérogène. La qualité des observations au vignoble d’ici le 15 juin est indispensable pour optimiser la mise en œuvre de la protection du vignoble.

Source-Bibliographie :
– Viti-Flash 16/17.
– BSV édition Viticulture Charentes.
− Mme Anne-Lyse Martin, technicienne viticole à la chambre d’agriculture de la Charente.
− Patrice Rétaud, animateur de la filière vigne de la chambre régionale d’Agriculture Poitou-Charentes.

 

 

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