Un début de cycle végétatif 2015 à surveiller de près

10 juin 2015

Le début de cycle végétatif 2015 a plutôt assez bien démarré avec un débourrement plutôt bon suite au contexte climatique favorable de la deuxième quinzaine d’avril. La croissance végétative s’est poursuivie de manière un peu plus irrégulière durant la première quinzaine de mai, mais, globalement, l’état du vignoble est bon. Les seules véritables inquiétudes concernent les vignes fortement grêlées en 2014. La pression de parasitisme n’est pas réellement préoccupante pour l’instant dans la région, même si des foyers de mildiou et de black-rot ont été découverts début mai.

Les années se suivent et ne ressemblent pas ! Après un millésime 2014 généreux et assez facile à conduire, sauf dans les zones grêlées, 2015 se présente pour l’instant comme une année moyenne en terme de précocité et un peu hétérogène au niveau du développement végétatif. Les vignes ont débourré avec quelques jours de retard et les différences de stades de développement entre les terroirs précoces et tardifs sont pour l’instant très perceptibles.

Un hiver très doux et relativement pluvieux

p6.pngLe cycle végétatif 2015 a commencé dans d’assez bonnes conditions après un hiver normalement pluvieux et pas froid. Les cumuls de pluies entre le début octobre et la fin mars ont atteint 507 mm alors que les précipitations moyennes de la dernière décennie durant cette période s’élèvent à 441 mm. Les excédents de pluies se sont concentrés sur les mois de novembre, janvier et février. Durant l’hiver 2014-2015, les températures sont supérieures aux valeurs moyennes régionales avec 9,4 °C au lieu de 8,9 °C. Les mois de novembre et de janvier ont été particulièrement doux, et la zone littorale du vignoble a bénéficié de conditions encore plus clémentes. La rentrée en phase dormance des bourgeons est intervenue assez tard (tout début décembre) et la douceur du mois de janvier l’a stoppée.

Le réveil des bourgeons a été retardé par « les petites fraîcheurs » de mars

p7.jpgLe mois de mars a été un peu plus frais, ce qui a retardé le démarrage du cycle végétatif. Les bourgeons n’ont commencé à « bouger » qu’à partir de la mi-avril, suite à la nette remontée des températures. Les Chardonnay, Merlot et Colombard, qui début avril étaient au stade moyen bourgeon dans le coton, ont pleinement profité de la séquence chaude et ensoleillée du milieu du mois. Les bourgeons ont éclos rapidement et au 15 avril le stade une à deux feuilles étalées était atteint dans la plupart des parcelles de Merlot, de Chardonnay et de Colombard. L’Ugni blanc, bien qu’étant plus tardif, a vite réagi à ces bonnes conditions climatiques et, au 23 avril, le stade moyen pointe verte était atteint avec une forte hétérogénéité selon les parcelles. Cette année, l’incidence de la précocité des sols et des terroirs était nettement perceptible. La frange littorale du vignoble (zone proche de l’estuaire de la Gironde), les coteaux bien exposés, les sols se réchauffant rapidement ont favorisé une croissance plus précoce et plus rapide des bourgeons.

Le beau temps à partir de la mi-avril a stimulé la végétation

p72.jpgLes réseaux d’observations de la phénologie de l’Ugni blanc du BSV Charentes et des Chambres d’agriculture de Charente et Charente-Maritime, qui existent depuis plus de 10 ans, ont permis d’établir les principaux stades repères du développement du cépage dans notre région.

Les éléments présentés dans le tableau ci-contre permettent de constater que le débourrement 2015 a commencé avec seulement 3 à 4 jours de retard et s’est ensuite accéléré à la faveur du beau temps de la fin avril. L’information sur la date de débourrement ne devient réellement significative que lorsqu’elle est fortement décalée des va-leurs moyennes. C’était le cas par exemple en 2011 où les stades pointe verte et éclatement des bourgeons avaient été atteints avec deux semaines d’avance. L’influence du climat durant la période encadrant le débourrement à la floraison joue un rôle déterminant sur l’état d’avancement du cycle végétatif. En moyenne, l’intervalle de temps entre l’éclatement des bourgeons et la pleine floraison (stades 6 et 23) est de 50 jours mais, certaines années, il fluctue beaucoup : 42 jours lors du millésime précoce 2011 et 65 jours lors du cycle tardif 2013. Pour l’instant, les belles journées de la fin avril ont stimulé la croissance végétative du cycle 2015 dont la précocité s’avère moyenne. Le climat de mai et de juin va fortement influencer le déroulement du cycle végétatif et le développement du parasitisme.

Un assez bon débourrement qui n’est ni précoce, ni tardif

p73.jpgLes premiers constats du développement végétatif au 15 mai permettent d’apprécier la qualité du débourrement qui semble très correct mais pas aussi régulier que celui de 2014. Le suivi de phénologie réalisé dans une cinquantaine de parcelles dans le ca-dre du BSV Charentes permet de quantifier le taux de débourrement à 85 %. En 2012 et 2013, il était inférieur à 80 % et l’année dernière son niveau de 96 % avait été exceptionnel.

Le débourrement 2015 peut être qualifié d’assez bon avec un effet marqué des effets précocité des sols et date de taille. Les terroirs précoces taillés avant la fin janvier ont débourré plus rapidement et, dans ces parcelles, une partie des jeunes pousses avait atteint le stade 2 à 3 feuilles étalées dès les 26-27 avril. La qualité du débourrement dans les terroirs précoces a semblé assez bonne au départ mais, au fil des semaines, une certaine hétérogénéité de la végétation est apparue. Au 18 mai, les vignes dans les sites précoces des bords de Gironde et des doucins légers avaient atteint le stade 7 à 8 feuilles étalées. Les écarts de développement végétatif avec les situations traditionnellement tardives sont cette année marqués. Il n’est pas rare d’observer à quelques centaines de mètres près des rameaux d’Ugni blanc de 50 à 60 cm sur des coteaux bien exposés et des pousses de seulement 25 à 30 cm dans des vignes taillées début mars ou dans des terres profondes de bas de vallée.

Une hétérogénéité des stades plus forte dans les zones tardives

Dans les sols froids et les vignes taillées tardivement, le débourrement est intervenu avec 5 à 6 jours de décalage tout à fait fin avril à la fin de la période de beau temps. La végétation à la mi-mai dans ces parcelles tardives présente plus d’hétérogénéité en raison de l’alternance de séquences de 2 à 3 journées chaudes et fraîches. La croissance des bourgeons s’est effectuée de façon plus irrégulière et il est fréquent d’observer trois stades végétatifs nettement différents sur les souches. Des mauvais débourrements sont aussi observés dans des vignes jeunes de moins de 10 ans qui ont porté l’année dernière de fortes charges de raisins. La concurrence alimentaire pour faire mûrir les grappes en fin de saison a dû pénaliser les mises en réserves qui sont essentielles pour assurer le débourrement. Les parcelles ayant aussi subi dès la mi-septembre 2014 de nets dégâts de leurs surfaces foliai-
res ont souvent peiné à mettre en stock des réserves glucidiques suffisantes. Dans les zones très basses du vignoble, le thermomètre a « flirté » autour de 0 les 28 et 29 avril, ce qui n’a pas engendré de dégâts de gel réel. Dans les parcelles les plus gélives, le développement de certains ra-meaux s’effectue de manière particulière. L’apex des pousses extériorise une forme en crosse, reste blanchâtre et la croissance se poursuit par l’allongement des deux ou trois premiers mérithales. Les inflorescences portées par ces rameaux n’ont pas semblé être affectées pour l’instant. On peut se demander si les phénomènes de filage dans les semaines à venir ne seront pas plus importants sur ces rameaux ?

Le mauvais développement des vignes fortement grêlées les 8 et 9 juin 2014

Le véritable sujet d’inquiétude au niveau du débourrement concerne les vignes grêlées les 8 et 9 juin 2 014. Les zones grêlées plus précocement à la mi-mai ont semble-t-il beaucoup mieux récupéré. Des parcelles même touchées à 80 % ont eu un bon débourrement et portent une charge d’inflorescences presque normale. Leur état de déve-
loppement végétatif homogène cette année atteste de la bonne récupération des parcelles suite à des sinistres de grêle plus précoces (intervenus juste avant le stade boutons floraux séparés). La situation des zones fortement grêlées les 8 et 9 juin est beaucoup plus préoccupante. Le débourrement est intervenu tardivement et avec une grande hétérogénéité. Dans les parcelles grêlées à 50-60 %, l’état végétatif semble assez correct au 15 mai. Par contre, les vignes touchées à plus de 70 % ont une évolution beaucoup plus préoccupante.La forte proportion de bourgeons sourds, l’émission de nombreux gourmands peu fructifères et pas bien placés, le décalage important de stade de développement entre les rameaux, une présence moindre d’inflorescences et leur taille petite cons-tituent un gros handicap pour la prochaine récolte. Dans les sols calcaires, dans les terres froides, dans les vignes affaiblies sur le plan agronomique, l’état foliaire a mal supporté les amplitudes thermiques de début mai. Beaucoup de vignes ont jauni et extériorisent des symptômes de chlorose qui risquent d’amplifier les phénomènes de filage. Le potentiel de récolte, déjà limité, risque encore de fondre si la climatologie alternant de fortes amplitudes thermiques devait se poursuivre. L’inquiétude vis-à-vis de la capacité de production et de la récupération des parcelles très grêlées est réelle. La taille ne sera pas encore exceptionnelle l’hiver prochain et les perspectives de rendement en 2015 s’annoncent moroses sur plusieurs milliers d’hectares dans la région délimitée.

Les vignes conduites avec cohérence « se portent bien »

La climatologie fluctuante depuis le début mai rend le développement de la vigne irrégulier même si la croissance végétative a connu une nette accélération entre le 11 et le 18 mai. Les
allongements de rameaux ont atteint en moyenne 20 cm au cours de cette semaine, mais les différences d’état de développement entre les parcelles précoces et tardives restent importantes. Les zones précoces au 20 mai sont proches du stade 17 boutons floraux séparés alors que dans les terres froides ou les vignes taillées tard, une majorité de pousses est encore au stade 5 à 6 feuilles étalées. L’hétérogénéité des stades végétatifs au sein des parcelles s’est amplifiée, mais cette situation est souvent fréquente à cette période de l’année. Les premières observations des charges d’inflorescences semblent globalement assez bonnes même si l’aspect des futures grappes est peut-être moins charpenté qu’en 2014. Les effets entretien agronomique dans la durée des parcelles, le nombre de ceps productifs/ha, la maîtrise de l’organisation des travaux semblent devenir des éléments essentiels pour maîtriser les niveaux et la constance de la productivité au fil des années. Les vignes conduites avec cohérence semblent d’une part bien supporter le climat séquencé de début mai et d’autre part portent une charge d’inflorescences intéressante. Les vignes faibles, vieillissantes semblent par contre déjà affectées par la climatologie et extériorisent un état végétatif plus irrégulier.

La nécrose bactérienne réapparaît dans certains secteurs historiques

La pression de parasitisme semble en ce début de cycle végétatif monter en puissance au fil des semaines. L’une des premières surprises concerne la nécrose bactérienne qui a fait son retour dans les zones historiques proches de l’estuaire de la Gironde. Magdalena Girard, la technicienne viticole de la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime, a observé dès la fin avril des symptômes et des foyers dans quelques parcelles dans le secteur de Mortagne-sur-Gironde, Floirac et Givrezac. Les dégâts occasionnés par la maladie restent pour l’instant assez limités, mais il convient de rester vigilant car déjà quelques symptômes discrets avaient été repérés au printemps 2014. Les viticulteurs n’ayant jamais vu de symptômes peuvent très bien assimiler le retard de pousse de 20 ou 30 souches au cœur d’une parcelle à un simple décalage du débourrement. Or, un petit foyer de nécrose bactérienne « oublié » peut sérieusement disséminer l’année suivante dans un vaste périmètre.

Le black-rot bien présent dans le Bordelais

Le black-rot, une maladie que l’on avait presque totalement oublié dans tous les vignobles de la façade atlantique, s’est assez largement invité dès la sortie des premières feuilles. Dans les vignobles du Libournais, du Bourgeais, du Blayais et du sud de la Charente-Maritime, de belles attaques de black-rot sur du Merlot, du Sauvignon, du Chardonnay et du Colombard ont été observées. Les premières tâches ont été identifiées tout début mai et l’épidémie est montée en puissance dans le Bordelais jusqu’au 18 mai. Dans certaines parcelles, toutes les souches extériorisent des symptômes. Les petites tâches foliaires de B-R sur feuilles ne sont pas nuisibles à cette époque de l’année, mais elles constituent un réservoir d’inoculum qui est susceptible de contaminer les grappes avec virulence à partir de la floraison. Le développement des attaques foliaires peut être limité en utilisant des fongicides anti-mildiou de contact adaptés comme le mancozèbe et le méthirame de zinc. À partir de la floraison, l’utilisation de spécialités anti-oïdium aussi efficaces contre le B-R sera fortement conseillée. Les techniciens viticoles du GDON du Libournais, des ADAR de Castillon-St- Foy et de la Haute-Gironde avaient déjà observé très localement des symptômes de B-R (avec quelques dégâts sur grappes) au cours du cycle végétatif 2014. Apparemment, ce « pied de cuve » a bien fructifié. Dans la région de Cognac, la pression de maladie semble moins généralisée dans les Ugni blancs, mais quelques foyers ont été observés. Des sorties assez virulentes ont été constatées à La Couronne et quelques symptômes sont apparus sur un vaste secteur au sud d’une ligne Barbezieux-Archiac. La sensibilité de la vigne au B-R reste forte jusqu’à la fermeture de la grappe.

Le mildiou déjà implanté dans les Merlot et Sauvignon en Gironde

Le mildiou a aussi fait son apparition vers les 8-10 mai dans diverses zones du Bordelais, principalement dans les vignes bien développées et pas protégées lors de l’épisode pluvieux du 30 avril au 2 mai. Le stade de développement relativement avancé du Merlot et du Sauvignon a accentué la réceptivité de ces deux cépages à la maladie. Des attaques sérieuses sur feuilles sont observées dans les zones traditionnellement sensibles. À l’inverse, les viticulteurs qui avaient protégé précocement leurs vignobles ont actuellement un état sanitaire parfait. La situation globale dans le Libournais et le Blayais-Bourgeais n’est pour l’instant pas véritablement préoccupante malgré quelques foyers sérieux. La climatologie sèche et ensoleillée du 12 au 19 mai a limité les repiquages, mais la croissance végétative reste toujours forte. Le climat de la deuxième quinzaine de mai va être déterminant. Si la période sèche continue, l’intensité de l’épidémie baissera. À l’inverse, l’arrivée de nouvelles pluies renforcera la dynamique de développement du champignon à l’approche de la floraison.

Un mildiou prêt à prospérer en Charentes si la fin mai est pluvieuse

En Charentes, la situation n’est pas fondamentalement différente. Les premières tâches de mildiou avaient été repérées dès la fin avril sur deux parcelles de Merlot et de Sauvignon en bord de Gironde. La précocité de ces attaques est à relier à un événement contaminant qui est intervenu les 17 et 18 avril. Les parcelles d’Ugni blanc les plus précoces n’étaient pas réceptives (les premières feuilles apparu autour du 22 avril) au mildiou à cette époque. L’étalement du débourrement constaté cette année permet de différen-
cier deux zones de sensibilité au mildiou en ce début de saison. Les vignobles précoces et plus avancés situés au sud d’une ligne Barbezieux, Cognac et Saintes étaient potentiellement réceptifs au mildiou lors de l’épisode pluvieux du 30 avril au 3 mai, alors que ceux situés au nord ne l’étaient pas. Peu de viticulteurs avaient commencé leur protection avant cette période pluvieuse où les précipitations ont été abondantes (70 à 100 mm en trois jours). Des contaminations se sont produites dans les secteurs où la végétation était avancée et réceptive. Les sorties de tâches observées (souvent sur des gourmands) dans divers secteurs à partir du 12 mai ont validé cet événement contaminant. Hormis quelques foyers virulents, la présence de symptômes reste pour l’instant assez limitée dans la plupart des propriétés. Depuis le début mai, la protection est rentrée dans une phase active et les couvertures préventives ont permis d’éviter de nouvelles contaminations. Néanmoins, la climatologie de la deuxième quinzaine de mai va s’avérer déterminante pour « calmer ou attiser » le mildiou.

Bibliographie :

– Anne-Lyse Martin, technicienne viticole de la Chambre d’agriculture de la Charente.

– Magdalena Girard et Laeticia Caillaud, de la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime.

– Patrice Rétaud, animateur technique du BSV Charentes.

– Agnès Darton, de la Fredon de Cognac.

– Antoine Verpy, du Gdon du Libournais.

– Loïc Ducourtioux, de l’ADAR de Haute-Gironde.

 

 

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