Un drame cataclysmique

5 avril 2011

Des régions aussi fortement exportatrices que Cognac ou Bordeaux ne peuvent que se sentir profondément bouleversées par la catastrophe qui a frappé le Japon le 28 février dernier. Au fil des décennies, des relations se sont forgées, des amitiés sont nées, un vécu existe qui, souvent, dépasse le strict plan commercial. A Cognac, à une certaine époque, le marché japonais fut la destination phare, celle qui porta la prospérité de toute une région (un peu comme la Chine aujourd’hui). La période d’expansion démarre au début des années 80 et progresse à un rythme accéléré. En une seule année, de 1988 à 1989, les ventes de Cognac vers le Japon bondissent de 23 000 hl AP. Spectaculaire ! Le pic d’exportation est atteint en 1990 avec l’envoi de 79 841 hl AP. A 10 000 hl près, l’empire du soleil levant ravirait aux Etats-Unis leur rang de premier marché. Mais, à partir de 1989 se profile une très grave crise économique, que les spécialistes appelleront « l’éclatement de la bulle financière japonaise ». Les consommations sur frais professionnels, sans véritable socle d’habitudes ni de goûts, s’écroulent, entraînant un déclin inexorable des ventes. Aujourd’hui, le Japon ne se classe plus parmi les premiers marchés du Cognac, loin de là. Pour l’année 2010, les statistiques du BNIC indiquent un chiffre d’expédition très faible, à peine supérieur à 2 000 hl AP. Ce chiffre est-il à prendre « au pied de la lettre » ? Sans doute convient-il de lui ajouter des réexpéditions en provenance de Singapour ou Hong-Kong. Mais, une chose est sûre. Même corrigé, le marché japonais actuel est loin des 80 000 hl AP d’il y a vingt ans. Ceci dit, il demeure un marché de prestige auprès de consommateurs éduqués et rompus à la dégustation de vins et spiritueux de qualité.

Pour Bordeaux, la situation diffère assez sensiblement de celle de Cognac. En volume, le Japon se situe au 5e rang des exportations de vins de Bordeaux (141 000 hl vol.), derrière l’Allemagne, la Chine, la Belgique et le Royaume-Uni. En valeur, il s’agit du 7e marché
(95 millions d’€). Allan Sichel, président de la Fédération des grands vins de Bordeaux, rappelle « que le Japon est un très ancien client de la France pour les vins et spiritueux ». « Après ce drame cataclysmique, dit-il, notre volonté est d’accompagner nos clients par tous les moyens possibles et notamment l’octroi de certaines facilités commerciales. Des vies sont parties, 500 000 personnes sont sans toit mais le pays et ses 149,5 millions d’habitants est debout et veut vivre. Bordeaux dispose d’une forte visibilité au Japon. C’est important que nous maintenions nos efforts pour être aux côtés de nos clients. » Le représentant du négoce bordelais a salué le courage et l’exceptionnelle résilience des Japonais.

Au Japon, l’équipe Moët-Hennessy compte 150 collaborateurs, à 99 % locaux (Japonais). Parmi eux, 5 commerciaux étaient basés à Sendai, l’épicentre du séisme. « Tout le monde va bien » a indiqué Bernard Peillon, P-dg d’Hennessy, lors de la réunion de la sica Bagnolet. « Nous nous tenons informés quotidiennement de la situation. Nous avons recommandé à nos collaborateurs de travailler chez eux « en mode de précaution », afin d’éviter les déplacements. La filiale va mettre tout en œuvre pour contribuer financièrement à l’aide à la reconstruction. Le Japon est l’un des grands marchés historiques de la maison Hennessy mais aussi de Moët et Chandon – Veuve Cliquot. L’émotion est grande. »

La maison Camus a elle aussi des salariés sur place, sans doute en moins grands nombre que les majors du Cognac, mais, en l’occurrence, le quantitatif n’est pas le critère le plus pertinent. « Pour nous, deux choses comptent, la marque et les hommes et les femmes qui composent l’entreprise » relève Jean-Marc Girardeau, secrétaire général de la maison Camus. La société se tient prête à évacuer, à leur demande, les salariés et leurs familles vers un autre bureau en Asie ou carrément en France. « Nos collaborateurs ont besoin de savoir qu’ils font partie d’un groupe. C’est une idée très forte au Japon. » Le drame du Japon risque-t-il de déclencher une onde de choc dans la zone Asie et notamment en Chine ? « Je ne pense pas que la Chine soit impactée ou alors de façon très indirecte » estime J.-M. Girardeau. « D’autant plus, dit-il, que par un phénomène naturel lié à la saison, les vents soufflent vers le Pacifique. » La maison Camus avait programmé un voyage de ses dirigeants à Shanghai. Le déplacement est maintenu. « Nous souhaitons montrer à nos clients que nous restons calmes et sereins. » A l’époque du Sras, les expéditions en Chine avaient beaucoup diminué.

Si un groupe de spiritueux est touché par les événements du Japon, c’est bien le groupe japonais Suntory, dont la maison Louis Royer de Jarnac est l’une des filiales. Jérôme Royer, régulièrement informé par mail, a indiqué que le groupe était sans nouvelle d’un certain nombre de familles situées dans la région dévastée. La société a mis à disposition de la population sinistrée un million de bouteilles d’eau minérale. Par ailleurs, elle s’apprête à verser 300 millions de yens (2,6 millions d’€) sous forme de dons. Le site de production de Suntory, situé au centre du Japon, dans une ligne Kobé-Osaka-Tokyo, n’a pas subi de dégâts si ce n’est l’arrêt de l’électricité. La société s’emploie à rétablir l’activité. La filiale charentaise pourrait participer à une action de solidarité via la Croix-Rouge internationale.

déficit de plants

Vous avez dit pénurie de plants de vigne ! Dans la campagne charentaise, des viticulteurs s’alarment de ne pas trouver tout à fait les plants qu’ils veulent. Vérification faite, il semblerait en effet que manquent à l’appel 5 à 10 % de plants pour couvrir les besoins. Tout en reconnaissant que le marché est tendu, les pépiniéristes ne veulent pas noircir le tableau « Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour satisfaire les viticulteurs. » Ils ont demandé à certains de leurs clients de décaler une partie de leurs plantations, à d’autres de repousser d’un an l’entreplantation prévue pour coller au cahier des charges Cognac (taux maximal de pieds morts ou manquants à compter de la récolte 2014). Comment s’explique ce déficit de plant ? Bien plus qu’un défaut d’anticipation, Didier Jallet, président du Syndicat des pépiniéristes de la région de Cognac, évoque des raisons climatiques. « Personnellement, j’ai greffé 35 % d’Ugni blanc en plus. Mais ce supplément a été “mangé” par la perte de reprise. » Au printemps 2010, au moment de la mise en terre, des gelées assorties d’un vent de nord fragilisent les soudures des plants en asséchant les tissus. Ce qui ne se voyait pas vraiment en pépinière saute aux yeux au moment du triage. Beaucoup de soudures lâchent. Le taux de reprise, au lieu d’être de 55 %, n’est que de 35/38 %. D’où la tension actuelle sur le marché des plants. Reste la solution du plant en pot, sachant qu’elle ne fait pas forcément partie des habitudes charentaises (terres plus froides qu’en Gironde, sensibilité au mildiou jusqu’à fin septembre…). Sinon, au niveau du prix, les plants en pots ne coûtent pas plus cher que les plants classiques (entre 1,30 et 1,35 € le plant) voire un peu moins cher. « Si des viticulteurs sont intéressés, ils doivent nous le dire tout de suite, afin que nous nous mettions d’accord sur la mise en œuvre des greffes. » En terme de bonnes pratiques, les pépiniéristes recommandent à leurs clients de commander leurs plants suffisamment tôt, l’idéal étant de s’y prendre 18 mois à l’avance : fin 2011 pour des plantations en 2013.

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