Un cycle végétatif tardif et de bonnes conditions de floraison

25 juillet 2013

Le cycle végétatif 2013 alterne le bon et le moins bon depuis maintenant presque trois mois. D’une manière générale, les mois de mai et de juin ont été marqués par des niveaux de pluviométries importants et surtout une fraîcheur extrême. Le beau temps s’est fait attendre mais il est finalement arrivé au bon moment. La floraison de la vigne, bien que tardive, s’est bien déroulée et l’apparence de grappes semble, dans l’ensemble, bien supérieure à celle de 2012. Le retard constaté à la floraison est néanmoins un sujet de préoccupation qui laisse à penser que les vendanges seront plutôt tardives (à la mi-octobre). Souhaitons que le réchauffement climatique se fasse sentir dans la climatologie des trois prochains mois pour mûrir dans de bonnes conditions les raisins du millésime 2013.

 

 

p6a.jpgLa vigne connaît encore cette année un développement très particulier. Durant la première partie du cycle végétatif, les souches ont été confrontées à des conditions climatiques atypiques qui les ont « malmenées ». Le débourrement, malgré un retard d’environ 10 jours (par rapport à 2012), avait suscité beaucoup d’espoir. Le taux de débourrement a été bon et la pousse au cours des deux ou trois dernières semaines s’est déroulée de manière assez homogène. Contrairement à certains millésimes, la proportion de bourgeons sourds était moindre et à la mi-mai la charge d’inflorescences paraissait généreuse. La belle apparence laissait à penser à la plupart des observateurs que 2013 pouvait être enfin une année où le tempérament productif de l’ugni blanc allait pouvoir s’exprimer. Malheureusement, le climat entre la mi-mai et le 20 juin a été extrêmement pluvieux et froid a perturbé le cycle végétatif.

Un record « de faiblesse » des températures en mai et juin

Les niveaux de températures ont battu des records de « faiblesse », ce qui a eu des conséquences directes sur le développement de la vigne. La période 15 mai-15 juin est généralement propice à une croissance végétative rapide mais, en 2013, cela n’a pas été le cas. La pousse a été lente avec pendant cinq semaines des allongements hebdomadaires ne dépassant pas 5 à 10 cm. Durant toute cette période, l’état foliaire de la vigne semblait « fébrile » et le manque de chaleur chronique a réellement perturbé la physiologie. L’assimilation des éléments fertilisants principaux, des oligo-éléments (fer, manganèse, bore et magnésie) et de tous les autres nutriments a pâti de ce mauvais contexte climatique. A partir de début juin, certaines parcelles ont extériorisé des jaunissements foliaires couramment assimilés à de la chlorose. L’origine de ce problème pouvait être reliée à diverses causes : une chlorose véritable due à un blocage de l’assimilation du fer ou du manganèse, un effet porte-greffe, des phénomènes de lessivage des herbicides ou les conséquences de pratiques culturales inadaptées dans une période très pluvieuse. Le retard d’environ huit jours au débourrement, qui n’était pas préoccupant, s’est accentué à partir de la fin mai pour atteindre à la floraison presque trois semaines.

Des phénomènes de filage des inflorescences d’intensité variable

p6b.jpgLa persistance de niveaux des températures bien en dessous des valeurs moyennes a provoqué des phénomènes de filage des inflorescences dont l’intensité a été à la fois variable et difficile à cerner. Plusieurs techniciens de terrain ont observé que les effets charge de récolte en 2012 et entretien agronomique des parcelles ont souvent joué un rôle majeur sur la capacité des souches à « retenir » les inflorescences. D’une manière générale, les vignes dont l’alimentation a été pilotée depuis dix ans avec constance et sens de la pérennité semblent avoir été moins affectées. A l’inverse, les parcelles « en souffrance » depuis une décennie ont été beaucoup plus touchées. L’autre élément de sensibilité est lié à la forte productivité de certains îlots en 2012. Lors de la phase de maturation, une concurrence au niveau de l’assimilation des sucres et produits complexes a pu se créer entre les grappes et les bois. Le niveau des mises en réserves moins importantes à l’automne dernier a pu rendre les souches plus sensibles aux phénomènes de filage dans les 3 à 4 semaines suivant le débourrement. Des travaux de recherches récents ont mis en évidence que le niveau de mise en réserve avait une incidence directe sur le déroulement du début du cycle végétatif suivant jusqu’à la floraison. Le débat sur l’importance des phénomènes de filage en 2013 est alimenté par une diversité de témoignages à la fois optimistes et d’autres pessimistes, et il est assez difficile de se faire une idée juste de l’ampleur du phénomène à l’échelle de la région délimitée. On peut regretter qu’aucune manipulation de terrain ne permette de cerner l’incidence d’un climat frais sur la disparition des inflorescences.

Le développement du mildiou bloqué par les températures froides

p7.jpgLe niveau des pluviométries en mai et en juin a été deux fois supérieur aux données moyennes sur dix ans. Les précipitations cumulées de mai et de juin ont dépassé 200 mm dans l’aire de production Cognac. Evénement rarissime, la Charente, un petit fleuve au tempérament tranquille, est sortie de son lit vers le 20 juin suite aux fortes pluies des jours précédents (60 mm en deux jours). La séquence pluvieuse des derniers mois était consécutive à un hiver très arrosé qui a permis la reconstitution des nappes phréatiques. Les réserves hydriques des sols début avril étaient bonnes et la fréquence des pluies jusqu’à la fin juin a permis de les entretenir largement même dans les sols très superficiels. L’importance et la fréquence des précipitations en mai et juin n’ont pourtant pas profité au développement du mildiou qui, contrairement aux attentes, n’a pas été virulent. Patrice Rétaud, l’animateur du BSV Charentes, explique que la faible agressivité de la maladie est en grande partie liée aux niveaux de températures très bas. Dès la mi-mai, la végétation était potentiellement réceptive à la maladie mais les températures basses ont parfois fait avorter les premières contaminations et pour celles qui ont réussi, les durées d’incubation ont été longues (de l’ordre de 15 à 20 j). Ensuite, au moment de la sortie des premières tâches, les niveaux de températures très bas ont considérablement limité les sporulations et la montée en puissance des cycles épidémiques s’en est trouvée pénalisée.

Un climat pas idéal durant la floraison des cépages précoces

La floraison des chardonnay a commencé vers le 10 juin et celle des merlot, des colombard, des cabernet franc et des sauvignon a été décalée d’une semaine. La fraîcheur et les pluies entre les 10 et 20 juin n’ont pas été propices à de bonnes conditions de fécondation et les risques de coulure ont été accentués. Les effets nature des sols, conduite de la vigne, pratiques culturales et micro-climat se sont avérés déterminants vis-à-vis de la tenue et des pertes de baies sur les grappes. Le merlot, naturellement sensible à la coulure, a été plus affecté mais avec tout de même de fortes disparités. Dans certains terroirs, les grappes ont bien résisté alors qu’ailleurs elles se raréfiées. Au niveau des sauvignon, des colombard et des cabernet, la situation semble moins préoccupante et à priori le potentiel de production s’annonce correct. Par contre, le retard de floraison de plus de deux semaines constitue une source d’inquiétude vis-à-vis de la phase de maturation qui s’annonce plus tardive. Souhaitons que l’évolution climatique de plus en plus décriée nous apporte 5 à 6 semaines de très beau temps en septembre-octobre pour concentrer la qualité dans les grappes.

La floraison tardive et rapide des ugni blancs suite au retour du beau temps

Les premières fleurs d’ugni blanc ont été repérées vers le 20 juin dans les situations les plus précoces mais, en moyenne, dans la région la floraison a débuté autour du 25 juin et s’est terminée vers les 8-9 juillet. L’ensoleillement généreux et les fortes chaleurs du 3 au 8 juillet ont littéralement « boosté » le processus de fécondation. Vincent Dumot, l’ingénieur de la Station Viticole du BNIC qui a en charge depuis de nombreuses années le suivi du cycle végétatif de l’ugni blanc sur un réseau de 52 parcelles de maturation, situe les dates moyenne de début floraison au 3 juin et de fin floraison au 16 juin au cours de la dernière décennie. Indéniablement, le millésime 2013 accuse un net retard de développement jusqu’à la floraison. Pour retrouver une époque de floraison aussi tardive, il faut remonter à la décennie 80, ce qui atteste de l’évolution climatique. Les relevés des suivis végétatifs de la Station Viticole du BINIC avaient situé la fin de la floraison entre le 3 et 10 juillet lors des années 1979, 1983, 1985 et 1987. Les bonnes conditions de la floraison 2013 semblent validées par la belle apparence des grappes à l’approche du 14 juillet.

Un potentiel volumique de départ supérieur à celui de 2012

Dans beaucoup de parcelles les grappes sont bien charpentées avec des ailes généreuses dont le développement est à relier au retour du beau temps à partir du 20 juin. Les comptages d’inflorescences effectués par la Station Viticole fin mai ont quantifié le potentiel de grappes dans la moyenne des dix dernières années. A titre de comparaison, en 2012 la charge moyenne de grappes était inférieure d’environ 16 %. La prise en compte de cette donnée et des bonnes conditions de floraison peuvent laisser à penser que le potentiel volumique du millésime 2013 serait plus généreux que celui de 2012. Néanmoins, le jaunissement récent d’îlots de vignes dans des situations de sols très calcaires (en Grande Champagne, en Petite Champagne et dans les Fins Bois principalement) peut encore occasionner un tri de baies important et accentuer les phénomènes de millerandage. L’autre composant du rendement est le poids des grappes qui est généralement proportionnel au nombre de baies et à leur taille au moment de la récolte. Des grappes « éclaircies » par un tri de baies plus conséquent pénalisent ultérieurement l’augmentation du poids des grappes durant la phase de maturation.

Le retard constaté à la floraison peut-il être en partie rattrapé ?

La croissance de la vigne est soumise aux mêmes principes que ceux des autres plantes : la somme des températures influence directement la croissance des tissus végétaux. Dans le cas d’une plante pérenne comme la vigne, la quantité de chaleur cumulée au fil du cycle végétatif permet d’atteindre des stades phénologiques repères comme le débourrement, la séparation des boutons floraux, la floraison, la fermeture de la grappe, la véraison et le début des vendanges avec plus ou moins de précocité. En 2013, le net déficit des sommes de températures en mai et juin a occasionné un retard de la floraison de 15 à 20 jours, ce qui peut paraître très important. Cela signifie-t-il pour autant que les vendanges interviendront de manière très tardive et que les objectifs d’une maturation équilibrée seront difficiles à atteindre ? En ce début de mois de juillet, répondre à cette question est un exercice à haut risque. Le retard constaté à la floraison peut-il être en partie compensé dans les trois mois à venir ? Au cours des 20 dernières années, l’évolution climatique a été réelle et certaines années la donnée historique d’intervalle de 100 jours entre la fin de la floraison et la récolte a été raccourcie.

Le climat de l’été va être déterminant

Le déroulement de la deuxième partie des cycles végétatifs de deux années à floraisons tardives, 1983 et 1987, atteste de l’importance du climat estival sur la vitesse et le potentiel de maturation. En 1983, malgré une fin de floraison le 5 juillet, le bel été avait accéléré l’avancement de la véraison et de la maturation et les vendanges avaient commencé le 7 octobre (récolte de 122 hl/ha à 8,9 % de TAV). A l’inverse, en 1987, avec une date de fin floraison pratiquement identique, le déficit d’ensoleillement de l’été avait retardé le début des vendanges au 12 octobre sans que la maturité idéale des raisins soit atteinte (récolte de 123 hl/ha à 7,5 % de TAV). En 2013, le réchauffement climatique va-t-il jouer un effet bénéfique sur la deuxième partie du cycle végétatif ? Les conditions climatiques actuelles très ensoleillées et chaudes (entre le 3 et le 20 juillet) plaident en faveur d’une accélération du développement des jeunes grappes. Cependant, il faudra d’autres belles semaines entrecoupées d’averses bien placées pour espérer obtenir des vins dont la teneur en alcool soit supérieure à 9 % vol.

 

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