L’équipe de technicien de Vitivista Charentes considère que les aspects d’agro-nutrition de la vigne sont aussi importants que la maîtrise de la protection du vignoble. Un travail de fond a été réalisé depuis 10 ans pour aller plus loin dans la connaissance et l’étude des moyens permettant d’optimiser ces problématiques. Cela a débouché sur la mise en place d’une démarche d’Agro-Physio-Nutrition qui prend en compte l’expression végétative des souches, l’implantation des racines et la vie biologique des sols.
Les problématiques d’agronomies dans le vignoble de Cognac sont redevenues des sujets de préoccupation importants depuis maintenant une petite dizaine d’années en raison des exigences de productivité élevées. La structure des parcelles d’ugni blanc en Charentes est très spécifique de par, la densité de plantation globalement assez faible (2 000 à 2 500 ceps/ha) et la sensibilité forte aux maladies du bois. Chaque cep peut-être considéré comme un athlète de haut niveau qui doit produire régulièrement 6 à 8 kg de raisins. De tels niveaux de productivité ne peuvent être atteints sans une juste appréciation des besoins nutritionnels de la vigne et des potentialités des sols.
Les aspects d’agro-nutrition sont très dépendants du sol
La compensation des exportations d’éléments fertilisants liés à la production de réserves, de sarments, de feuilles et de raisins est indispensable mais pas suffisante pour maîtriser d’une façon pérenne l’équilibre de développement des souches. Les seuls apports de fumure d’entretien ne représentent pas un gage de parfaite alimentation des souches. Le sol est un univers complexe et fragile qui fonctionne grâce à un écosystème de vie biologique. La vie du sol permet de mettre à disposition des racines les nutriments dont elle a besoin. La présence de vers de terre est un indicateur de vitalité de la vie des sol. Ces « petites bêtes » ont des rôles multiples, de transformateurs de composés, des transporteurs, des ameublisseurs naturel de la structure des sols,…… Yoann Lefèbvre, le responsable de Vitivista Charentes a fait ce constat depuis longtemps et il a souhaité construire avec l’équipe technique qui l’entoure, une réflexion agronomique globale pour stimuler la vie des sols et permettre aux souches d’avoir un développement homogène.
Des démarches d’agronomie commencées depuis le début des années 2000 au sein du groupe
La filiale Charentaise du groupe Vitivista a aussi bénéficié des acquis développés au sein de l’entreprise depuis le début des années 2000 dans les secteurs de l’arboriculture et du maraîchage de la vallée de la Garonne et dans le vignoble de Cahors. Des travaux de recherche appliqués ont été engagés pour mieux comprendre la nutrition des fruits et du cépage Malbec réputé sensible à diverses carences en éléments fertilisants. Une démarche d’étude des problématiques de fertilisation du Malbec ( mise en place en s’entourant des compétences de l’agronome André Crespi) a été l’élément déclencheur de l’engagement du groupe dans cette voie. Y Lefèbvre, qui a toujours été sensible aux problématiques de respect des sols viticoles Charentais, a intégré en 2009 l’équipe Vitivista Charentes avec l’envie de développer les réflexions agronomiques. Dominique Bonnet des Ets David, son prédécesseur, avait déjà travaillé le sujet agronomie dans les années quatre-vingt-dix sur le secteur des sols de Doucins. Il avait observé que dans un certain nombre de parcelles, de fortes hétérogénéités de développement durant la phase clé préfloraison-fermeture de la grappe s’extériorisaient et engendraient des problèmes fécondation et de tenue des baies. La mise en place d’essais sous la tutelle d’Yvon Bugaret (chercheur à l’INRA de Bordeaux), pour comprendre les mécanismes d’assimilation des éléments fertilisants avait à l’époque mis en évidence certains déséquilibres et démontré l’intérêt d’approches de nutrition à base de crème d’algues sur la physiologie de l’ugni blanc. Ce capital de connaissances techniques qui avait été constitué, avait débouché sur des stratégies d’alimentation foliaire à base de crème d’algues de la Sct Goëmar qui ont donné satisfaction.
Les plus des initiatives de nutrition foliaires à base de crème d’algues
Ces acquis ont été en quelque sorte le « pied de cuve » du projet d’étude d’agronomie viticole qui a été mis en place par Vitivista Charentes à partir de 2009. A cette époque, Y Lefèbvre et D Bonnet constataient de fortes disparités de comportement et de productivité entre les vignobles. Les vignobles qui avaient été sous-alimentés pendant presque une décennie, semblaient beaucoup plus sensibles aux stress climatiques et peinaient à retrouver des niveaux de production justes normaux (même après des apports de fumures correctives importantes). À l’inverse, les propriétés ayant maintenu des plans de fumure au sol (même réduit) et des programmes de nutrition foliaires à base de crème d’algues semblaient nettement mieux « se porter ». Quels moyens pertinents était-il possible de mettre en œuvre pour comprendre les fortes différences d’état physiologiques entre des parcelles proches ?
Il faut aussi s’intéresser au sol et aux racines
Y Lefèbvre considère que les sols viticoles ne sont pas des substrats alimentaires mais des milieux au sein desquels une vie biologique équilibrée doit faciliter l’assimilation des éléments fertilisants : « D’une manière générale quand on parcoure des parcelles de vigne, on s’intéresse toujours à la partie végétative et rarement au sol. Or, l’observation de la flore d’adventices présente en surface, de l’état de la couche de terre arable et des différentes strates du sol et du sous-sol (en présence d’un profil pédologique) s’avère capitale pour mieux comprendre la physiologie aérienne des souches. Les racines principales et le chevelu racinaire ont la mission capitale d’explorer le sol et le sous-sol pour en extraire les éléments nutritifs et l’eau nécessaire à la croissance de la végétation et à la production de raisins. Il ne suffit pas que les sols soient bien pourvus en éléments fertilisants pour que ceux-ci soient assimilés par la plante. C’est là qu’intervient la notion de vie biologique qui permet de dynamiser les échanges. Ces éléments ont été le fil conducteur de la démarche agronomique que nous avons mis en place depuis presque 10 ans ».
La mise en place d’expérimentations pour aller plus loin dans le conseil
À partir du début de l’année 2009, plusieurs démarches d’études simultanées ont été mises en place pour, mieux comprendre les mécanismes de l’assimilation des éléments fertilisants et de l’eau au cours du cycle végétatif, acquérir des connaissances sur le fonctionnement des principaux types de sols en Charentes et tester différentes approches de fumures au sol et foliaires. Le souhait des techniciens de Vitivista était de disposer de résultats d’expérimentations pour être en mesure ensuite d’apporter aux viticulteurs des conseils personnalisés. Un essai de différentes approches de fumures de fond (de type minéral et organo-minéral) a été implanté dans l’objectif de trouver les solution les plus adaptées pour « booster » le niveau de productivité après une décennie d’impasses. Le deuxième essai de longue durée a concerné différents produits à base de crème d’algues et leur positionnement au cours de la saison. Cette initiative s’inscrit dans le prolongement des premiers essais de Dominique Bonnet qui avait démontré l’intérêt de ce type de spécialités. Des partenariats ont été noués avec plusieurs fournisseurs sérieux ayant déjà acquis des références scientifiques avec des produits à base de filtrats d’algues. Une collaboration plus étroite a été engagée avec le Laboratoire Goëmar pour faire formuler des produits spécifiques aux attentes Charentaises.
Les analyses de flux de sève Nutrivista pour piloter la nutrition
Le groupe Vitivista a soutenu au milieu des années quatre-vingt-dix des travaux de recherche sur les mécanismes d’assimilation des éléments fertilisants dans les flux de sève en vigne et en arboriculture. Cela a débouché en 2010 sur mise en œuvre de la démarche Nutrivista qui permet de suivre les concentrations en éléments fertilisants principaux et secondaires (et des équilibres) dans les flux de sèves à quatre périodes clés du cycle végétatif, au stade bouton floraux séparés, à la floraison, à la fermeture de la grappe et à la floraison. Les résultats permettent d’avoir une compréhension fine des besoins et des blocages d’assimilation des éléments fertilisants en fonction de la nature des sols, des cépages et des objectifs de production. Cet outil d’aide à la décision est utilisé par les techniciens du groupe en Gironde, en Dordogne, dans le Lot et Garonne et à Cahors. En Charentes, la démarche Nutrivista a été développée à partir de 2011 sur les trois grands types de sols de la région, les terres de Champagnes calcaires, les Groies superficielles et calcaires et les limons argileux des Doucins. Les premières années, la compilation des analyses de flux de sèves a permis de constituer un référentiel propre à chaque type de sol qui est utilisé actuellement comme base d’interprétation des résultats.
150 parcelles de suivi des flux de sève « nourrissent » la réflexion d’Agro-Physio-Nutrition
Actuellement, le réseau Nutrivista en Charentes compte plus de 150 parcelles qui alimentent une banque de données régionale unique. Y Lefèbvre considère que l’outil Nutrivista possède désormais une antériorité suffisante pour appréhender les problématiques d’assimilation des éléments fertilisants avec pertinence : « L’apport du Nutritvista nous permet d’aller plus loin dans la compréhension des mécanismes d’assimilation des éléments fertilisants propres à chaque type de sols et aux conditions climatiques locales de chaque millésime. L’acquisition des données devient de plus en plus intéressante au fils des années. Le dosage au niveau des flux de sève s’apparente en quelque sorte à une analyse de sang dans l’univers de la santé humaine. Cela nous apporte des informations sur la capacité du sol à mettre à disposition des souches les éléments fertilisants principaux et secondaires. Indirectement, les résultats témoignent aussi du degré de bon et mauvais fonctionnement de la vie biologique du sol. Cet outil de décision vient conforter notre réflexion globale d’Agro-Physio-Nutrition impliquant trois éléments indissociables, la vie du sol, la vie des racines des souches et l’expression végétative. D’ailleurs, on attache trop d’importance à l’état de la végétation et pas assez aux racines et au sol ».
4 types de sols et 4 approches de nutrition
Le terroir du vignoble Charentais est constitué de quatre natures de sols très différentes dont les caractéristiques agronomiques doivent être bien appréhendées. D’une manière générale, le terroir du vignoble de Cognac est issu de formation géologique calcaire sauf dans quelques zones de territoire spécifiques.
Des Doucins profonds et propices à la vigueur
La première catégorie, les Doucins se caractérise par des teneurs en limons élevées associées à des sables fins ou de l’argile. Ces types de sols acides favorisent un développement végétatif abondant des vignes. Les Doucins sont sensibles au tassement et possèdent des teneurs en matière organiques moyennes à faibles. Les réserves hydriques sont bonnes et les parcelles souffrent rarement de la sécheresse. Ce sont des sols sensibles à la batance qui ne sont pas faciles à cultiver. Il convient de savoir les prendre au bon moment. L’implantation de l’enherbement naturel a pris de l’importance mais le choix de couverts végétaux plus adaptés à une fissuration en profondeur pourrait s’avérer intéressant.
Les argiles très particulières du Pays Bas
Les argiles du Pays Bas sont par excellences des sols difficiles à travailler durant toutes les saisons. En surface, les teneurs en argile peuvent atteindre 60 % et la roche mère est constituée soit d’argiles lourdes rouges ou vertes, soit de marnes, soit de gypse, soit de calcaire. Ces terres se ressuient mal et lentement, stockent l’eau en période humide, ont une mauvaise portance, sont peu propices à un enracinement profond. La réalisation des travaux mécaniques au printemps peut s’avérer très délicate. L’enherbement d’au moins une allée sur deux est fréquent dans le Pays bas. En été, les fortes teneurs en argiles provoquent des phénomènes de rétractation et de fente profonde qui s’intensifient lors des sécheresses estivales.
Des terres de Champagne généreuses et chlorosantes
Les terres de Champagnes sont des sols argilo-calcaires pouvant être parfois superficiels et aussi assez profonds. Elles sont implantées sur une roche mère tendre, friable, très calcaire de type crétacées (crayeux). Leurs teneurs en calcaire actif très élevées (de l’ordre à 50 à 60 %) les rendent très sensibles à la chlorose. Les taux de matière organique assez généreux leur confèrent une bonne fertilité et des réserves hydriques intéressantes. Une bonne capillarité entre les horizons profonds et superficiels favorise les remontées d’eau en période de sécheresse (phénomène d’éponge). Les vignes s’y développent bien et extériorisent de bonnes vigueurs. Ce sont des terres difficiles à travailler lors des printemps pluvieux et les interventions mécaniques en conditions humides amplifient les phénomènes de chlorose.
Des terres de groies fissurées avec des réserves hydriques limitées
Les terres de Groie sont des sols argilo-calcaires souvent superficiels, caillouteux et durs qui sont implantés sur une roche mère calcaire de type jurassique (de la banche). Le sous-sol naturellement fissuré facilite l’implantation des racines en profondeur. Malgré des teneurs en matière organique élevées (4 à 5 %), les terres de groies ont des réserves en eau limitées. Elles sont assez sensibles aux sécheresses estivales. La vigne dans ces sols n’extériorise pas une vigueur excessive et se développe correctement. Les teneurs en calcaire actif sont en général inférieures à ceux des terres de champagne tout en restant assez élevées. Il convient d’être vigilant au risque de chlorose et d’éviter des reprises de sols en conditions humides. La présence d’une couche de terre fine en surface les rend faciles à cultiver.
Une démarche globale de pilotage agronomique fondée sur divers moyens d’études et d’observations
La connaissance et la vie du sol sont au cœur de la démarche d’Agro-Physio-Nutrition développée en Charentes par l’équipe Vitivista. Une démarche globale de travail a été mise en place pour comprendre la dynamique de fonctionnement des sols et apporter les réponses adaptées à chaque situation en s’appuyant sur une des résultats et des d’observations de terrain. En complément des résultats du réseau Nutrivista qui représente le fondement de base, d’autres observations sont proposées, des analyses de réserves sur les sarments en hiver, des mesures de biomasse de vers de terre, des observations de profils pédologiques et des suivis de régimes hydriques avec le modèle Vintel. Au fil des années, la démarche de suivi agronomique se formalise et s’enrichit des résultats concrets du réseau Nutrivista et d’un vécu de terrain de l’équipe.
Dynamiser la vie des sols pour avoir des vignes « en forme »
Y Lefèbvre est convaincu que l’alimentation cohérente de la vigne ne peut pas être maîtrisée sans avoir une bonne connaissance des potentialités du sol : « Notre objectif à moyen terme est de créer une dynamique de développement de la vigne en phase avec l’optimum de la vie biologique des sols. À mon sens, les apports systématique et conséquent de fumure au sol et foliaire et de chélates ne sont pas une réponse suffisante. Le rééquilibrage de la nutrition des souches doit être abordé en respectant les équilibres alimentaires et les spécificités de chaque type de sol. Chaque parcelle est implantée sur un sol spécifique dont il faut bien appréhender la nature et le fonctionnement. Notre priorité est de dynamiser le fonctionnement du sol pour en quelque sorte donner les moyens à la plante d’avoir de meilleures conditions de développement, d’acquérir plus résistance aux stress climatique et parasitaire et d’accroître sa pérennité. L’expérience que nous avons depuis plus de 10 ans sur les sols de doucins conforte notre stratégie. Les bienfaits d’une agronomie viticole bien gérée bonifient la vie des souches ».
L’importance des blocages d’assimilation engendre des déséquilibres
Le travail d’agronomie a révélé que les aspects de nutrition dans les différents types de sols Charentais, les Doucins, les terres de Pays Bas, les terres de Champagnes et les terres de Groies devaient être abordés de manière spécifique. Dans les Doucins, la forte dynamique de croissance physiologique peut engendrer des blocages d’assimilation d’éléments fertilisants généralement plus perceptibles à partir de la floraison. Dans les difficiles terres de Pays Bas, les teneurs élevées en argiles gênent considérablement l’assimilation dans les périodes d’excés d’eau et de stress hydrique. Les sols calcaires de Champagnes et des Groies qui représentent 80 % des terroirs de la région ont des problématiques de nutrition très particulières et complexes. La présence de ph élevé représente un handicap pour que les sols puissent mettre à disposition facilement des racines les éléments fertilisants. La problématique chlorose ferrique dans la région de Cognac est très importante mais d’autres déséquilibres s’avèrent tout aussi perturbants. Le déroulement de la photosynthèse, la croissance végétative, le processus de floraison et de fécondation, la résistance au stress hydriques, la réceptivité à certaines maladies (par exemple la relation des teneurs en Ca des baies avec le botrytis) peuvent s’en trouver profondément affectées.
Des mesures de flux de sève pour détecter précocement les problèmes d’assimilation
Les analyses Nutrivista réalisées aux quatre périodes, boutons floraux séparés, floraison, fermeture de la grappe et pleine véraison permettent de cerner précisément l’assimilation des éléments fertilisants principaux et secondaires et d’anticiper l’extériorisation de carences et blocage par des apports de solutions foliaires adaptées. La connaissance du contenu alimentaire de la sève durant tout le cycle végétatif apporte des informations pertinentes sur les besoins nutritionnels de la vigne dans les phases de forte demande alimentaire. Les résultats des analyses Nturivista quantifient précisément les concentrations en azote (formes et ammoniacale), en potasse, en magnésie, en phosphore, en bore, en fer, en manganèse, en cuivre, en zinc et en calcium. Cela permet aussi d’établir divers équilibres k/Mg, fer/Mn, Fer/Cu, NO3/NH4, NST/k, NST/Ca, N/P, Fer/Zn, Ca/B et d’appréhender les antagonismes entre les différents éléments. Ce sont des causes de situations de blocages d’assimilation qui engendrent des carences. Par exemple, l’apport de chélates de fer aux sols n’est pas toujours la réponse adaptée pour faire face à une chlorose quand les teneurs en manganèse sont trop faibles. Les difficultés de la dynamique d’assimilation de la magnésie au cours des étés sont généralement constatées trop tardivement à partir du moment ou les symptômes foliaires s’extériorisent. Lors d’années sèches, l’excès ou le déficit de concentration de certains éléments fertilisants secondaires sont des indicateurs du niveau d’activité physiologique des souches. Par exemple, un manque de bore au moment de la fermeture de la grappe est un indicateur d’une alimentation en eau insuffisante.
Une nutrition bien pilotée stimule la mise à fruit
La démarche Nutrivista est un outil de décision qui permet de corriger les déficits alimentaires et d’anticiper les conséquences de certains déséquilibres. Le fait d’avoir constitué depuis 5 ans un référentiel de données propres aux quatre types de sol de la région de Cognac permet d’avoir une analyse de plus en plus pertinente pour identifier les problèmes d’assimilation bien avant que les plantes en extériorisent les conséquences. Des apports correctifs par voie foliaire de magnésie, de manganèse, de fer, de bore, …. peuvent être préconisés pour justement éviter ou limiter considérablement les perturbations physiologiques. La période clé d’assimilation des éléments fertilisants se situe entre le stade trois feuilles étalées et la fermeture de la grappe. Du débourrement au stade de pré-floraison, les souches s’alimentent en puisant dans leurs réserves et par voie foliaire. Ensuite, les racines absorbent les éléments fertilisants présents dans le sol pour assurer les besoins nutritionnels de la vigne. La séquence d’alimentation entre le débourrement et la floraison est capitale pour le développement du potentiel d’inflorescences et l’optimisation des conditions de floraison. Y Lefèbvre constate que la maîtrise des besoins nutritionnels durant la première partie du cycle végétatif joue un rôle important sur la régularité de productivité : « Au sein du réseau Nutrivista, les retours d’expériences nous confortent. Les vignes bien alimentées durant la première partie du cycle végétatif produisent de façon à la fois plus importante et plus régulière. Les rendements moyens augmentent grâce à tous ces efforts de pilotage de la nutrition. Le débourrement et la floraison s’avèrent plus homogènes. On constate au fil des années, une nette diminution des irrégularités des mises à fruit. Les analyses de sarments en hiver révèlent une augmentation des niveaux des réserves et visuellement l’aoûtement et la qualité des bois semblent bien meilleurs. C’est aussi dans ces parcelles que la présence de turricules en fin d’hiver est systématiquement importante ».
Regarder de près le fonctionnement du sol
L’expression végétative des souches donne une indication de la vitalité générale des parcelles qui englobe aussi le fonctionnement des sols. La notion de fonctionnement des sols est rarement un sujet préoccupation prioritaire quand la vie foliaire des souches est bonne. Pourtant une relation forte existe entre l’état et la vie du sol et le développement végétatif. Y Lefèbvre résume parfaitement avec des propos simples et plein de bon sens : « Dans les vignes, le haut traduit le dessous et réciproquement, le dessous traduit le haut. Regarder comment un sol fonctionne est un acte technique fondamental pour comprendre le développement des souches. Il est fréquent de constater que c’est en général quand une vigne commence à donner des signes de faiblesse que l’on commence à s’interroger sur le dessous ». L’équipe de Vitivista a mis en place une démarche d’appréciation de la vie biologique du sol et du sous-sol qui se décline en différentes interventions. À l’automne et au printemps, le fait de parcourir les parcelles pour observer la densité de turricules en surface et donner des « coups de fourches » au niveau de la couche de terre arable pour chercher des vers de terre représente un acte essentiel. Ce la permet de se rendre compte de la présence des vers de terre, de la vitesse de dégradation des sarments broyés et de l’importance des phénomènes de tassements en surface.
La présence des vers de terre est un indicateur fiable de la vie biologique des sol
Les lombrics sont de véritables « digesteurs » de terre dont les rôles sont nombreux et essentiels au bon fonctionnement des sols. Ce sont des indicateurs de la vie biologique des sol.s Les vers de terre se nourrissent de la matière organique prédécomposée présente en surface qui est transformée et incorporée aux différentes couches de sol. Leur aptitude à forer des galeries dans les sols interfère de manière très positive sur la structure, la porosité des sols et aussi sur la mise à disposition des éléments fertilisants sous des formes assimilables à proximité des racines. Leur présence en plus ou moins grand nombre est un indicateur de fertilité et de bon fonctionnement des sols. Y Lefèbvre considère que la mise en œuvre de pratiques d’entretien des sols raisonnées doit avoir comme objectif de dynamiser la vie biologique des sols en favorisant la présence d’un écosystème riche : « La notion de qualité agronomique d’un sol ne se limite aux seules données de pH, de teneurs en argile, en matière organique, en éléments fertilisants disponibles, … . Le fait de mettre en œuvre des itinéraires culturaux permettant de dynamiser la vie biologique des sols est tout aussi important et même déterminant dans les sols viticoles à dominance calcaire de la région de Cognac. Stimuler l’activité biologique confère à un sol la capacité de rendre les éléments plus disponibles et à améliorer les conditions d’assimilation de la nutrition quand les conditions climatiques deviennent difficiles. L’appréciation du potentiel de vers de terre présents dans la couche de terre arable à l’automne et au printemps représente un critère fiable de l’intensité de la vie biologique. Faire régulièrement un état des lieux de leur présence dans les parcelles est indispensable pour ensuite construire une stratégie de valorisation du potentiel agronomique cohérente ».
Trois grandes espèces
Les agronomes ont identifié trois grandes espèces selon des critères morphologiques et physiologiques, les épigés (5 % de la population), les endogés (20 à 40 % de la population) et les ancéniques (entre 40 et 60 % de la population). Les lombrics ont une aptitude naturelle à s’adapter aux conditions climatiques. Quand celles-ci deviennent trop froides en hiver ou trop sèches en été, ils descendent en profondeur pour se protéger et entrent en léthargie.
Graphique 2 ( voir fichier joint.
Des impacts multiples sur les sols
Le corps des vers de terre cylindrique est un tube digestif complet avec une bouche, puis différents anneaux et à son extrémité, un anus. Ils se déplacent en contractant et en allongeant de façon successives leurs muscles. Un mélange de terre et de matière organique prédécomposée représente leur nourriture qu’ils absorbent, broient, digèrent, transforment et rejettent à la surface du sol (sous forme de turricules) ou dans les galeries de tunnels. Des données bibliographiques indiquent que la totalité de la couche de terre arable des sols passe dans le tube digestif des vers de terre en une dizaine d’années. Leur travail a de multiples impacts sur le sol à des niveaux physiques (des ameublisseurs), chimiques (transformateurs de la nature chimique de divers éléments minéraux et organiques) et biologiques. Leurs actions concourent à une amélioration des potentialités agronomiques et de la stabilité des sols.
Les matières organiques, leur nourriture favorite
La litière végétale déposée et les matières organiques en voie de décomposition à la surface des sols constituent leur nourriture favorite qu’ils digèrent et incorporent progressivement dans les couches plus profondes de terre. Ils interviennent de manière très bénéfique sur le processus de dégradation de la matière organique. Les déjections des vers de terres (les turricules) sont beaucoup plus riches en éléments minéraux et leur forme est aussi plus facilement assimilable par les plantes. Par exemple, le phosphore naturellement très peu mobile, le devient une fois qu’il a été digéré par les lombrics. Les déjections de vers de terre facilitent la mise en place d’un système de microcompostage propice au développement des bactéries et des autres de la décomposition de la matière organique. Ce sont donc les moteurs du recyclage de la matière organique, de la vie du sol et de la fertilité.
Des outils de préparation et d’entretien des sols exceptionnels
Les lombrics sont des individus foreurs qui creusent des réseaux de galeries très importants dans le sol. Ce sont en fait de véritables canalisations connectées entre-elle et parfaitement entretenues. Elles sont destinées à faciliter les déplacements et la recherche de nourriture. Après la disparition des vers de terres, les galeries demeurent longtemps si aucune agression physique ne vient les détruire. Chaque grandes familles de lombrics creusent ses propres galeries dans les différentes couches de sols. Les épigés péprarent les lits de semences en surface sur les premiers centimètres. Les endogés travaillent horizontalement et sont en partie responsable de la décomposition des racines mortes. Les ancéniques travaillent verticalement et remontent en surface pour entretenir leurs galeries ouvertes. Le travail des lombrics se répartit sur des réseaux interconnectés qui confèrent à la fois au sol, une bonne porosité, une architecture fonctionnelle et une bonne portance. Ce sont des « outils » de préparation et d’entretien des sols exceptionnels qui respectent et améliorent la structure. Ils sont également capables de perforer des horizons relativement compacts comme des semelles de labours et des bandes de roulement.
Des réseaux de galeries appréciées par les racines
Les différentes espèces de vers de terre participent progressivement à l’augmentation de la couche de terre arable et créent des passages préférentiels pour les racines des plantes qui sont en mesure de mieux coloniser et plus rapidement toute l’épaisseur du sol. Les racines des plantes apprécient les galeries de canalisations qui sont tapissées de déjections riches en éléments fertilisants. L’action combinée des lombrics et des plantes concourt à augmenter la verticalité et la porosité des sols ce qui engendre de meilleures capacités de stockage et de valorisation des réserves hydriques et nutritives.
De bons indicateurs de la qualité des sols
Les vers de terre jouent un rôle dans le maintien de la biodiversité des sols. Leurs seuls véritables ennemis sont les taupes et la mise en œuvre de pratiques de mécanisation inconsidérées. Ils sont très sensibles aux vibrations qu’ils fuient en remontant en général à la surface. La présence d’une biomasse importante de lombrics dans un sol représente un réservoir de d’alimentation pour un écosystème de surface riche et diversifié. Ils sont reconnus comme étant de bons indicateurs de la qualité des sols.
La réalisation de profils de sols pour comprendre « le dessous »
La réalisation de profils pédologiques des sols sur 1,50 m de profondeur est un moyen incontournable pour conforter les premières observations au niveau de la couche de terre arable. Ces pratiques ne sont pas encore trop développées alors qu’elles apportent des éléments essentiels pour comprendre le fonctionnement des sols. Contrairement à certaines idées reçues, la réalisation de profils est aussi importante dans les vignes en place que dans les terrains avant de réaliser une plantation. Cela permet de comprendre comment la nature des différentes strates de sol est distribuée, d’observer l’implantation des racines dans les vignes en places et de constater les conséquences de pratiques d’entretien des sols inadaptées. L’observation des phénomènes de tassement, la présence ou l’absence de vers de terre, l’état et l’implantation du système du système racinaire, les conséquences ou pas de l’implantation de couverts végétaux sont très perceptibles sur toutes les couches de sols jusqu’à 1,50 m. L’équipe Vitivista a suivi de nombreuses formations pour être en mesure d’interpréter les profils de sols. Des liens étroits ont été tissés avec M Frédéric Thomas, un agronome reconnu qui a suivi un cursus d’études d’agronomie en France et aux États Unis. La particularité de ce technicien est qu’il est aussi agriculteur ce qui lui confère un état d’esprit permanent de synthèse entre les données théoriques et les réalités pratiques. Au fil des années, F Thomas est devenu un expert reconnu de la valorisation des potentialités agronomiques et de la vie biologiques des sols. Il a acquis une expérience en grandes cultures que Y Lefèbvre et ses collègues du groupe Vitivista utilisent en vigne et en arboriculture.
Des profils de sols commentés par Frédéric Thomas
Dans le courant du mois de mars F Thomas est venu dans le vignoble de Cognac à la demande de l’équipe Vitivista pour parler agronomie à un petit groupe de viticulteurs soucieux de faire évoluer leurs méthodes de cultures. La discussion s’est déroulée toute la matinée sur le terrain ou l’expert a commenté quatre profils de sols situés sur des terres de champagne et de groie. L’observation, de plus ou moins grande présence de vers de terre, de la répartition verticale des différents horizons de terres, de l’implantation de l’enracinement, de l’état de la structure des sols, de l’incidence des couverts végétaux naturel a été l’objet de discussions riches qui ont permis de comprendre les différences de comportement des vignes. Dans une parcelle de terre de groie, le niveau de compaction important et la rareté des vers de terre dans les horizons de moyenne et forte profondeurs ont permis de comprendre pourquoi cette vigne était sensible au stress hydrique en été. À l’inverse, le profil d’une autre parcelle de groie qui extériorisait un équilibre, une bonne porosité entre les horizons de surface et profond était en phase avec la bonne vitalité des souches. Dans un îlot de jeunes vignes implantées sur des terres de champagne de nature généreuse, le profil a révélé la présence d’une zone de tassement à 40 cm de profondeur qui empêchait les racines de descendre et allait pénaliser l’implantation des souches à court terme.
La mise en place d’essais de couverts végétaux
Les discussions entre l’agronome, les techniciens de Vitivista et les viticulteurs se sont poursuivies l’après-midi en salle. L’objet de ces échanges a été les moyens de valoriser la vie biologique des sols en viticulture. Le spécialiste des TCS a partagé son expérience sur l’intérêt des semis de couverts végétaux à l’automne pour favoriser le développement d’un écosystème plus riche et diversifié dans le sol, l’amélioration de la structure, de la porosité et à plus moyen terme de la fertilité. Les viticulteurs ont posé de nombreuses questions sur les contraintes liées à la nature des sols calcaire ayant parfois des réserves hydriques faibles à moyennes, l’obligation de détruire les couverts avant le débourrement vis-à-vis des risques de gel, les critères de choix des espèces d’herbes à la rustiques et propices l’amélioration de la structure, le coût des couverts végétaux, …. . À l’issue de cette réunion, Y Lefèbvre et ses collègues ont décidé de mettre en place dès l’automne prochain plusieurs plateformes d’essais de couverts végétaux (en comparaison avec des enherbements naturels) pour observer le comportement des parcelles dans le temps.
Mieux connaître les vers de terre
Les vers de terre et les lombrics sont « des infatigables travailleurs de l’ombre » qui bonifient le potentiel agronomique des sols. Ils représentent le groupe de biomasse présent dans le sol le plus important (environ 70 %) et en France une centaine d’espèces cohabitent. Les différentes espèces vivent dans des environnements écologiques de sols différents mais sont complémentaires. Ils possèdent des rôles et des impacts fonctionnels différents tout en ayant besoin de travailler ensemble.
Frédéric Thomas, un Agronome « Paysan »
Frédéric Thomas est un expert en agronomie qui passe beaucoup de temps dans les champs à observer l’état de surface et les couches profondes de sol. Après avoir suivi un cursus d’études agricoles supérieures, il est devenu enseignant et a noué des contacts avec d’autres passionnés de la conservation et de la valorisation des sols en France et à l’étranger. Le technicien expert a conservé un enracinement « Paysan » fort grâce à son vécu personnel de céréalier sur la propriété familiale de Sologne. C’est là qu’il a conduit ses premiers essais de TCS en grandes parcelles et testé de nombreux couverts végétaux. La valorisation de la vie biologique des sols est devenue l’axe majeur de sa réflexion technique qu’il ne cesse d’enrichir au fil des années.
Un expert des TCS
Sa volonté permanente de connecter théorie et pratique lui a ouvert un univers d’expertise large et en phase avec les enjeux actuels d’agriculture durable. Il conjugue l’agronomie en privilégiant la révélation des potentialités des sols avant de penser à utiliser des intrants. Faire vivre le sol est sa préoccupation première. F Thomas est à l’origine du développement en France des TCS (techniques de cultures simplifiées) en grandes cultures dont l’objectif est de stimuler la vie biologique des sols en remettant en cause les itinéraires culturaux classiques (Déchaumages d’été, labours, préparation de lies de semence avec divers passages d’outils), en développant l’implantation des couverts végétaux bénéfiques et en réalisant le minimum d’interventions mécaniques pour mettre en culture les parcelles. Les TCS qui font l’objet d’études depuis 20 ans, donnent de bons résultats quand les principes fondamentaux agronomiques sont respectés. C’est un sujet sensible qui divise encore beaucoup d’agriculteurs.
Dynamiser l’écosystème du sol
Le fond de cette méthode de culture repose sur la régénération des potentialités agronomiques des sols et l’augmentation de leur fertilité. F Thomas essaie d’atteindre ces deux objectifs en misant sur une la dynamisation de l’écosystème naturel des sols. Il estime que les populations de vers de terre représentent un vivier naturel de ressources qu’il faut entretenir et valoriser en mettant œuvre des itinéraires culturaux adaptés. Les approches qu’il propose ont pour but de bonifier le réservoir de matière organique des sols, de rendre les éléments fertilisants présents plus assimilables, d’améliorer la structure, la porosité et la verticalité des horizons de sol superficiels et profonds et d’optimiser la nutrition des plantes.
Un référentiel des besoins nutritionnels de l’ugni blanc unique
Une organisation a été mise en place au sein de l’équipe Vitivista Charentes pour gérer le développement de la démarche Nutrivista. Un pool d’agronomie viticole a été créé pour tirer le meilleur profit des résultats des analyses de flux de sève. Une ingénieur conseil, Julie Caparros a en charge toute l’animation du réseau de 150 parcelles. Sa mission est de gérer les prélèvements, de centraliser tous les résultats et de les interpréter en tenant compte du contexte agro-pédologique. Au fil des années, une banque de données agro-nutritionnelles tenant compte des spécificités des quatre grands types de sols de la région de Cognac a été constituée. J Caparros dispose d’un référentiel de données régionales sur la fertilisation unique qui est issu de l’ensemble des prélèvements des 150 parcelles : « Les résultats de chaque prélèvement que nous avons compilé depuis 6 ans, viennent en quelque sorte nourrir en permanence notre démarche de suivi des besoins nutritionnels de l’ugni blanc. Plus les années passent, plus l’outil devient efficient. À l’issue de chaque prélèvement, nous sommes en mesure d’apprécier le contexte global des conditions d’assimilation durant la période. Cet acquis qui représente le fondement de notre réseau, est indispensable pour interpréter finement la situation de chaque de chaque propriété et apporter des conseils de correction pertinents ». Les prélèvements sont effectués en trois jours par quatre techniciens préleveurs formés et intégrés à l’entreprise. Ce travail permet d’aller de plus en plus loin dans l’analyse et la compréhension des besoins nutritionnels de l’ugni blanc et dans le développement des moyens de correction les plus adaptés. L’équipe Vitivista Charentes a noué des partenariats avec des fournisseurs pour faire élaborer des produits commerciaux de fertilisation foliaires et au sol spécifiques aux besoins des différents terroirs de la région de Cognac.
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