Un climat d’inquiétude à l’assemblée générale de l’UVPC

27 décembre 2008

assemblee_sica.jpgL’assemblée générale de la Sica UVPC, la coopérative associée de la société Martell, s’est déroulée dans un climat d’inquiétude qui était perceptible sur les visages de nombreux viticulteurs. En effet, après la forte réduction des achats au printemps dernier et la reprise de Martell par le groupe Pernod-Ricard, cette réunion était le premier point de rencontre entre les nouveaux dirigeants de la maison de négoce et ses fournisseurs. L’intervention de Lionel Breton, le directeur général de Martell & Co, a été pragmatique et elle traduit la volonté du groupe français de développer le Cognac Martell en ayant une approche d’industriel. La marque, dont la renommée est excellente dans le monde, est effectivement la deuxième priorité de développement du groupe.

lionel_breton.jpgBernard Laurichesse, le président de la Sica, a ouvert les débats en se livrant a une analyse des principaux événements qui ont marqué l’année 2001 sur le plan technique et économique au niveau de la région délimitée. Le cycle végétatif 2001 a été marqué par un débourrement précoce et un gel de printemps à la fin avril qui a touché des surfaces et des zones habituellement qualifiées de peu sensibles. Par la suite, le beau temps des mois de mai, juin et de juillet a permis à la vigne d’avoir un développement végétatif homogène avec une charge de récolte qui s’annonçait moyenne. Le mois de septembre frais et sec a un peu pénalisé les conditions de maturation et heureusement une belle période en octobre a joué un rôle de rattrapage qui a permis de rentrer en chais des raisins mûrs et en parfait état sanitaire. Les vignes gelées ont parfaitement tiré profit de cette arrière-saison favorable, ce qui a amélioré leur niveau de production. La production régionale de vins de distillation s’établit à un peu plus de 8,5 millions d’hl pour un degré proche de 9,6 % vol. et un rendement moyen de presque 115 hl/ha. B. Laurichesse s’est aussi profondément inquiété de la dégradation du contexte économique au niveau des exploitations viticoles. La signature très tardive de l’arrêté de campagne, la baisse du rendement agronomique, un marché des vins de table difficile, une diminution du prix des vins de distillation et des eaux-de-vie contribuent à faire « vieillir » l’outil de production, et très peu de jeunes s’installent sur les exploitations et s’intéressent au métier.

L’affectation de production des hectares est à l’ordre du jour

Le président de la Sica UVPC considère que 55 000 à 60 000 ha sont suffisants pour assurer les besoins commerciaux de la filière Cognac et le système de production à double fin lui semble aussi de moins en moins adapté à l’environnement économique de la région. Il a clairement exprimé le souhait de le quitter au profit d’un système d’affectation de la production de chaque hectare et de volume à différents types de débouchés. La possibilité de pouvoir obtenir une prime d’arrachage de 15 245 E (100 000 F/ha) au travers des CTE ne semble pas correspondre aux attentes des viticulteurs en fin de carrière qui n’ont pas de succession et B. Laurichesse a émis l’idée d’un financement de cette prime directement par la profession. Les autres point d’actualité semblent également être la formalisation des aspects de sécurité alimentaire au travers de la mise en œuvre de démarches de traçabilité et HACCP. Le groupe de travail sur ce sujet au sein du BNIC a d’ailleurs accompli une réflexion intéressante qui a débouché récemment sur la publication de guides pratiques. Le dossier concernant le projet d’agrément des eaux-de-vie semble recueillir actuellement un certain consensus auprès des deux familles de la Viticulture et du Négoce. La mise en œuvre de cette démarche s’articulerait autour de deux étapes, l’établissement d’une déclaration de production et la réalisation de contrôles de conformité par sondages pendant la campagne de distillation.

Une année commerciale très moyenne pour le Cognac et de interrogations apès l’entrée de Martell dans le groupe Pernod-Ricard

Sur le plan commercial, l’année 2001 n’aura pas été un grand « millésime » pour le Cognac puisque les ventes ont régressé de 3,1 %. Cette diminution concerne toutes les qualités mais heureusement pas tous les marchés. Les expéditions ont encore régressé de manière significative en Asie et tout particulièrement au Japon (- 15 %) et en France, mais les Etats-Unis continuent de rester un marché porteur. Les efforts de communications collectives déployés sur le marché national n’ont pas permis d’enrayer la baisse des ventes pour la deuxième année consécutive, mais bon nombre d’observateurs pensent qu’à terme ce travail de fond sur la connaissance du Cognac va porter ses fruits. Les attentats du 11 septembre dernier semblent avoir eu peu d’incidence sur les expéditions. Au niveau de la Sica UVPC, l’année 2001 a été marquée par une baisse des livraisons de 47 % que le président a qualifiée « de très significative et grave pour les entreprises viticoles ». Les 194 adhérents de la coopérative ont mis en stock, en 2001, 6 337 hl d’AP. B. Laurichesse a terminé son intervention en abordant l’entrée de la société Martell dans le groupe Pernod-Ricard et ses propos interrogatifs traduisaient les attentes de beaucoup de viticulteurs dans la salle : « L’entrée de Martell dans le groupe Pernod-Ricard suscite à la fois de gros espoirs et aussi de nombreuses interrogations. Quel va être sur le plan commercial la volonté du groupe vis-à-vis du développement de la marque ? Comment les nouveaux dirigeants de Martell & Co envisagent-ils de gérer les approvisionnement en vins et en eaux-de-vie ? Les engagements contractuels en terme de volume et de prix seront-ils gérés sur les mêmes bases que par le passé ? »

Les eaux-de-vie 2001 manquent un peu de caractère

Patrick Raguenaud, le maître de chai de la société Martell, s’est ensuite livré à une analyse des caractéristiques qualitatives des productions d’eaux-de-vie en 2001. Sur le plan analytique, l’année n’a pas été marqué par de problèmes majeurs et les seuls problèmes de qualité ont concerné des teneurs plus élevées en alcool supérieurs (qui sur le plan gustatif donnent une certaine lourdeur aux échantillons). P. Raguenaud s’est tout de même déclaré un peu déçu par la qualité des eaux-de-vie qui sont globalement correctes mais sans grand caractère. Ce manque de typicité est peut-être lié aux conditions de maturation particulières de cette année, avec une fin de maturité très rapide au mois d’octobre et des niveaux de température élevés qui ont gêné l’implantation des levures sélectionnées (et favorisé la production d’alcools supérieurs). L’obtention de raisins ayant un titre alcoométrique potentiel plus élevé à la récolte est devenue plus fréquente depuis que les rendements/hectare sont plafonnés, et P. Raguenaud se demande si les vins de fort degré sont adaptés à la production d’eaux-de-vie nouvelles aromatiques. D’ailleurs, les Domaines Martell vont réaliser aux prochaines vendanges des essais sur ces aspects de maturité des raisins. Le maître de chai a terminé son intervention en abordant le sujet de l’agrément des eaux-de-vie nouvelles et il a affirmé que la société Martell adhérait aux réflexions en cours. Le projet recueille un large consensus en raison de la simplicité des méthodes qui sont envisagées, notamment au niveau des contrôles de conformité.

Martell, la deuxième priorité de développement du groupe après le Whisky

L’intervention de Lionel Breton, le directeur général de Martell & Co, a permis d’apporter un certain nombre de réponses sur les stratégies de développement que le groupe Pernod-Ricard entend mettre en œuvre au niveau de son nouveau pôle d’activité Cognac. Le directeur général a tenu un discours d’entrepreneur pragmatique qui a eu le mérite d’être réaliste, direct et de bien préciser les choses sur le plan commercial : « Le Cognac est la deuxième priorité du groupe en terme de développement après le Whisky. On n’est pas venu ici pour voir décroître les volumes mais pour les remonter. Néanmoins, l’univers commercial du Cognac est dur et il y a des gens qui, dans cette région, ont mieux réussi que Martell au cours des dernières années. Nous allons aller de l’avant avec Martell, Renault et Bisquit. La priorité sera Martell qui est une marque mondiale dont la réputation est excellente. Bisquit et Renault ont des implantations plus régionales, la première en France et la seconde en Scandinavie. Une grosse pression va être mise derrière la marque Martell, mais ce redressement ne va pas se faire en deux jours. » La suite de l’exposé a été consacrée à une présentation des développements commerciaux des produits leaders du groupe au cours des dernières années.

Un comportement d’industriel qui inquiète les viticulteurs

L’effet de gamme constitue un atout indéniable pour attaquer les grands marché d’exportation et le Cognac Martell devrait pleinement bénéficier de cet effet de synergie en Asie mais également aux Etats-Unis. Parmi les douze marques les plus importantes du groupe Pernod-Ricard, les ventes de Whisky représentent 13 millions de caisses, les alcools blancs 10,5 millions de caisses, les anisés 9 millions de caisses, le Rhum 3 millions de caisses, les amers 2,5 millions de caisses, le Cognac 2 millions de caisses et le vin 17 millions de caisses (dont 5 millions de caisses de vins australiens sous la marque Jacob Creek). A la fin de son intervention, L. Breton a clairement précisé que le développement des activités du groupe Pernod-Ricard reposait sur un comportement d’industriel qui fait partie de la culture d’entreprise et la gestion de Martell s’intégrerait dans cette même logique : « L’univers des vins et des spiritueux est difficile, nous ne pouvons progresser que si nous avons un comportement d’industriel. Cette gestion d’industriel s’applique bien sûr au niveau de la gestion des stocks. Nous aurons une position d’achat baissière dans l’année qui vient sur le plan des volumes mais, par contre, les niveaux de prix de 2001 seront reconduits. » Ces propos n’ont pas réellement rassuré l’assemblée de viticulteurs et les questions posées à l’issue des débats traduisaient l’inquiétude qui réside autour de la notion de gestion industrielle des approvisionnements.

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