Un banc d’essai d’entreplantation manuelle et mécanique

26 mai 2015

L’apparition d’une machine à entreplanter montée sur un tracteur interligne représente une innovation importante qui séduit et
interpelle beaucoup de viticulteurs. Cette machine peut-elle remplacer la main de l’homme pour effectuer une intervention complexe et importante ? Cette réflexion est à l’origine du test d’entreplantation qui a été mis en place à Sigogne par les techniciens des chambres d’agriculture de Charente et de Charente-Maritime et la revue « Le Paysan Vigneron ». La finalité de l’essai est de comparer les démarches d’entreplantation manuelle et mécanique sur un même site en essayant de créer des conditions les plus propices possible à la reprise des plants. D’ici un an, les premiers résultats en termes de temps de travaux et réussite agronomique seront communiqués.

 

 

p14.jpgLe remplacement des ceps morts dans les parcelles de vignes de moins de 25 ans est devenu une pratique beaucoup plus fréquente depuis 5 ans dans la région de Cognac. C’est un moyen efficace de compenser la mortalité des souches liée aux maladies du bois qui sont devenues un véritable fléau. Les statistiques de productions de plants de vigne de FranceAgriMer permettent de penser que plus de 700 000 à 1 000 000 de greffés-soudés sont entreplantés chaque année dans la région de Cognac. Les résultats de l’Observatoire maladie du bois en Charentes révèlent que certaines parcelles jamais entreplantées au bout de 15 à 20 ans peuvent avoir perdu 15 à 20 % de souches. Dans une vigne large à 2 500 ceps de densité au départ, la disparition de 400 souches a une incidence forte sur la productivité et la pérennité des vignes. Malgré ce constat, l’entreplantation est une intervention qui ne fait pas l’unanimité. Certains viticulteurs en sont des adeptes et d’autres la considèrent comme difficile à mettre en œuvre sur leur vignoble.

Créer des conditions propices au développement des plants

p15.jpgPourquoi les avis sur le bien-fondé de cette pratique sont-ils aussi controversés ? Le principe de vouloir remplacer très régulièrement les ceps morts est forcément bon. Par contre, sa mise en œuvre au vignoble paraît complexe à réaliser dans certaines propriétés. En effet, créer des conditions propices à une bonne réussite des jeunes plants dans un environnement concurrentiel de souches bien implantées représente un véritable « challenge ». Un viticulteur adepte de l’entreplantation comparait la mise en terre d’un greffé-soudé dans une vigne en place à une succession d’interventions de « jardinage » devant être effectuées au bon moment pour favoriser le développement des racines et de la végétation. L’organisation globale de l’ensemble des travaux d’hiver et de printemps dans les propriétés laisse-t-elle le temps aux viticulteurs de « caler » les travaux nécessaires à la réussite d’un chantier d’entreplantation ? Quelles sont les bonnes pratiques pour réussir des entreplantations ? À quelle période et comment faut-il arracher les souches mortes ? Faut-il aérer les trous de plantation avant de replanter ? Quel est le moment idéal pour planter des greffés-soudés ? Faut-il planter des plants en racines courtes ou longues ? Une plantation précoce en décembre-janvier est-elle vraiment bénéfique ?…

La plantation des greffés-soudés, une étape importante

Toutes les personnes qui réussissent des entreplantations y apportent en général beaucoup de soins tout au long de la saison. Il faut faire les choses dans les temps en tenant compte de la climatologie et de l’état des jeunes plants. La maîtrise de l’entreplantation nécessite du savoir- faire, beaucoup d’implication et du sens de l’organisation. L’arrachage des ceps morts s’effectue avec divers équipements qui rendent l’extraction des souches peu pénible et assez rapide. L’utilisation des minipelles avec des fers à U, de tarières avant ou ar-rière, de perforateurs à hélices, de machines rotatives d’extraction est devenue courante. Par contre, l’opération proprement dite de plantation était jusqu’à présent réalisée manuellement à la fourche. C’est un travail difficile et pénible à réaliser du fait de la présence du palissage. L’accès au trou de plantation en dessous les fils pour dégager la terre, le positionnement du greffé-soudé dans le sol, le tassement de la terre sur les racines (avec un outil ou un arrosage en cas de plantation) demandent une véritable technicité que tous les opérateurs n’ont pas.

Une machine à entreplanter qui suscite beaucoup d’intérêt

p161.jpgLa plantation des greffés-soudés ne peut être réalisée qu’avec du personnel qualifié qui a la pleine connaissance des conditions de réussite du développement des plants. C’est un travail manuel relativement pénible qui est souvent géré par demi-journées. Tout le monde ne s’improvise pas « bon planteur ». Le développement par la société NR Inov’concept d’une machine à entreplanter est une véritable innovation. Cet équipement réalise en une seule intervention la perforation du sol, la plantation du greffé-soudé, l’arrosage et le rebouchage partiel du trou de plantation (à 80 %).
Actuellement, deux ou trois entreplan-teuses fonctionnent dans la région et donnent satisfaction dans la mesure où l’arrachage est effectué de manière effi-cace en préparant bien le sol. Jean-Luc et Joël Métayer, deux entrepreneurs de travaux viticoles implantés à Graves-Saint-Amant qui ont monté la machine sur un tracteur interligne, utilisent cet équipement depuis deux campagnes. Lors du dernier salon Vinitech, la machine à entreplanter a suscité l’intérêt auprès de beaucoup de viticulteurs. Le fait qu’un matériel soit en mesure de remplacer la main de l’homme pour réaliser un travail complexe et pénible séduit et interpelle. Les performances de l’équipement et le taux de reprises des plants mis en terre mécaniquement seront-ils compétitifs par rapport à un chantier manuel ? Cette innovation a été à l’origine de l’essai d’entreplantation manuel et mécanique qui a été mis en place par les équipes des chambres d’agriculture de Charente et de Charente-Maritime à Sigogne, dans une parcelle du vignoble de Marc Veillon.

Une propriété où les chantiers d’entreplantation sont bien organisés

p162.jpgMarc Veillon pratique l’entreplantation régulièrement depuis cinq à six ans dans les vignes de la tranche d’âge de 15 à 25 ans pour compenser l’augmentation du taux de mortalité des souches. Dans cette exploitation de 70 ha ayant uniquement des vignes à 3 m d’écartement, l’entretien du « capital souches » des parcelles permet de préser-ver la productivité et d’allonger la longévité des vignes. Bruno Lanterne, le chef de culture, a mis en place une organisation rationnelle pour réaliser l’ensemble des interventions d’arrachage, de plantation et d’entretien des jeunes plants. Les pieds morts sont arrachés au début du mois de novembre avec une mini-pelle équipée d’un fer à U qui permet de bien extraire les vieilles souches et de travailler le sol en profondeur sans trop déplacer la terre du centre des trous. La période d’arrachage précoce permet à la terre de s’aérer et de s’ameublir pendant plusieurs semaines avant la plantation. Ensuite, la plantation des jeunes plants intervient en janvier-février pour éviter d’arroser et favoriser l’implantation des greffés-soudés. Les greffés-soudés (avec des racines coupées à 3 à 4 cm de long) sont mis en terre avec un outil simple, une petite fourchette métallique (tige métallique de 50 cm ayant à son extrémité deux ailettes) qui maintient le plant ou moment de l’enfoncement et se dégage ensuite facilement. Cet outil « maison » évite l’utilisation d’une fourche et réduit fortement le travail de rebouchage du trou. L’intervention de plantation mobilise deux personnes, le planteur et un deuxième opérateur qui enfonce le marquant en bois, pose la poche de désherbage et rebouche la surface du trou quand c’est nécessaire. La terre à la base du plant est tassée par plusieurs « coups de botte » qui chassent les éventuelles poches d’air utour des racines.

Un site d’essais comparant l’entreplantation manuelle et mécanique

p17.jpgL’expérimentation a été mise en place à Sigogne dans une parcelle de vignes larges (3 m sur 1,20 m) d’ugni blanc de 3 ha âgée de 18 ans. La finalité de l’essai est de comparer les démarches d’entreplantation manuelle et mécanique sur un même site en essayant de créer des conditions les plus propices possible à la reprise des plants. Les techniciens des chambres d’agriculture, Matthieu Sabouret, Jean-Christophe Gérardin, Laetitia Caillaud et Lionel Dumas Lattaque, ont souhaité porter un regard global sur la mise en œuvre d’un chantier d’entreplantation en prenant en compte les aspects économiques et agronomiques. Les observations sur le site ont commencé au mois de novembre dernier et vont se poursuivre durant le cycle végétatif 2015 et l’hiver prochain. Une cartographie des ceps morts et absents a révélé que le taux de manquants était proche de 20 % dans cette parcelle qui n’avait jamais été entreplantée. Des relevés de temps de travaux des différentes interventions liées à la mise en œuvre du chantier d’entreplantation (marquage des ceps, arrachage, plantation, entretien des plants en saison) ont commencé et vont se poursuivre. L’état de développement des plants dans chaque modalité de l’essai va faire l’objet d’un suivi dès le débourrement et ensuite jusqu’à la chute des feuilles pour caractériser la croissance végétative et le degré de réussite de l’implantation des jeunes plants.

Deux périodes de plantation, au cœur de l’hiver et en début de printemps

Dans le cadre de l’essai, les techniciens ont souhaité intégrer deux périodes de plantations, l’une précoce au cœur de l’hiver et l’autre au printemps qui correspond à la pratique la plus courante dans la région. Leur souhait est d’essayer d’apprécier l’incidence de la date de plantation sur le taux de reprise et le développement des plants à l’issue du premier cycle végétatif. Les plantations précoces au cœur de l’hiver favorisent un bon tassement des racines grâce aux pluies hivernales et aussi un démarrage plus précoce des plants au printemps. La plantation de greffés-soudés fin mars et début avril (à une période normale encore pas trop tardive) ne rend pas nécessaire un arrosage dans la mesure où les pluviométries d’avril et de mai sont suffisantes. La nature des sols de la parcelle d’essai, des terres de groies pas trop profondes, facilite les interventions durant l’hiver. L’arrachage des souches avec la mini-pelle a eu lieu pour l’ensemble des modalités tout début décembre en prenant le soin de bien explorer le trou de plantation avec le fer à U.

Deux organisations de chantier de plantation testées dans les mêmes conditions

p18.jpgLa première plantation dite précoce est intervenue le 22 décembre 2014 avec les deux modalités manuelle et mécanique. Le chantier manuel mobilise deux personnes, le planteur qui met en terre les greffés-soudés avec une fourchette et un deu-
xième opérateur effectuant la pose du marquant, du manchon de protection (poche de désherbage classique) et la finition du rebouchage des trous. L’organisation de l’équipe de plantation manuelle transporte avec une brouette dans les rangs les plants, les marquants et les manchons de désherbage. Cela permet d’entreplanter 2 rangs à chaque passage en utilisant des greffés-soudés ayant des racines coupées à 3-4 cm (qui ne sont pas arrosés). Le chantier d’entreplantation mécanique fonctionne avec deux personnes, le chauffeur du tracteur réalisant la plantation et un deuxième opérateur assurant la pose du manchon de désherbage et la finition du rebouchage des trous. La machine est installée entre-roues du côté gauche du tracteur afin de permettre au chauffeur depuis son siège d’alimenter le module de plantation en plants et en marquants. Une citerne de 400 l montée sur le trois points permet d’arroser le plant au moment de la plantation en modulant les volumes d’eau apportés (de 1 à 5 l). La machine permet d’entreplanter des greffés-soudés avec leurs racines entières dans un seul rang par passage en réalisant un arrosage systématique. La deuxième plantation est intervenue en tout début de printemps, le 20 mars 2015.

Les résultats de la première année d’essai seront présentés au public au printemps 2016

Lors des deux interventions de plantations, de nombreuses observations ont été réa-lisées par les techniciens. Les temps de travaux des deux équipes manuelle et machine ont été relevés. La qualité de plantation en termes de profondeur, d’alignement, de tassement a été évaluée par les techniciens avec différentes mesures (hauteur d’enfoncement du plant, résistance à l’arrachement sous la pression de la main, observation de l’alignement…) et un jury de trois viticulteurs qui a parcouru les diffé-rentes modalités. Au cours du cycle végétatif 2015, J.-C. Gérardin, L. Caillaud et L. Dumas Lattaque passeront dans la parcelle effectuer des observations sur la croissance végétative à plusieurs stades (débourrement, fin juin et septembre). L’hiver prochain, des pesées de bois de taille seront réalisées et la croissance racinaire sera évaluée en arrachant quelques plants dans chaque modalité. Le poids des racines recueillies au bout d’un an sera comparé à celui d’avant la plantation. Le suivi du développement des plants sera poursuivi jusqu’à la quatrième feuille pour évaluer l’implantation des entreplants dans un milieu concurrentiel. Les techniciens souhaitent organiser, au printemps 2016, une manifestation publique sur le site de Sigogne où sera présenté l’ensemble des résultats de cet essai entreplantation ma-nuelle et mécanique.

Principales caractéristiques de l’entreplanteuse NR Inov-Concept
l Une cellule d’entreplantation consti-tuée d’un tube rotatif creux (de 180 mm) équipé à son extrémité de deux mâchoires mobiles (un trépan) et sur le côté de deux ailettes mobiles d’ameublissement.
l Un matériel qui se monte entre les roues d’un tracteur interligne dans les vignes palissées.
l L’entreplanteuse réalise de façon simultanée la perforation du sol, la plantation du greffé-soudé, la pose du tuteur, un arrosage et le rebouchage du trou de plantation à 80 %.
l Le chauffeur alimente la machine en greffés-soudés et en tuteurs depuis le poste de conduite.
l La présence d’ergots sur les mâchoires du trépan évite les phénomènes de lissage des trous de plantation au moment de la perforation.
l Les deux ailettes sur la périphérie du tube rotatif se déplient de la remontée de la machine. Cela ramène la terre vers le centre du trou et ameublit le sol.
l Le temps moyen pour réaliser toutes les interventions nécessaires à la mise en terre d’un plant est d’environ 40 secondes (source constructeur).
l Une bonne utilisation de l’entreplan-teuse nécessite préalablement la réa-lisation au moment de l’arrachage d’un bon ameublissement de la terre sur 30 à 40 cm de profondeur. Le travail des mini-pelles avec des fers à U pour l’arrachage est très bien à l’utilisation ultérieure de l’entreplanteuse.
l Un niveau d’arrosage réglable de façon simple et importante (de 0,5 l à 5 l par plant).
l Une demande hydraulique pour assu-rer le fonctionnement variable selon l’état de dureté et de compactage du sol. Après un ameublissement de la terre avec une mini-pelle, l’opération de perforation nécessite 25 à 30 l/mn de débit d’huile. Dans des sols très compactés, la demande de puissance hydraulique peut monter jusqu’à 50 l/mn.
l Prix de vente de la cellule d’entre-plantation seule non montée sur un tracteur : 14 800 € HT.
l Constructeur : NR Inov’concept, 630 La Draille-des-Cailloux, 84450 Jonquerettes. Contact : Nicolas Rogier – Tél. 06 34 71 16 34 – E-mail :
nr-inov-concept@orange.fr – Site : www.nr-inov-concept.fr

Les points clés du test d’entreplantation manuel et mécanique
l Un site d’essai à Sigogne dans le vignoble de Marc Veillon.
l Un essai mis en place par les techniciens des chambres d’agriculture de Charente et de Charente-Maritime et la revue « Le Paysan Vigneron ».
 Une parcelle d’essai représentative de la région de Cognac :
– Une vigne d’ugni blanc de 18 ans de 3 ha jamais entreplantée avec un taux de manquants proche de 20 %.
– Une vigne large à 3 m sur 1,20.
– Des sols de groie assez superficiels.
l Finalité du test : comparer les méthodes d’entreplantation manuelle et mécanique sur les plans économiques et agrono-miques.
l Une exploitation où le chantier d’entre-plantation manuel est organisée d’une façon rationnelle.
l Deux périodes de plantations : une première au cœur de l’hiver effectuée le 22 décembre 2014 et une deuxième au début du prin-temps réalisée le 20 mars 2014.
l Un protocole d’observations et de mesures rigoureux :
– Relevés des temps de travaux précis pour l’ensemble des interventions (marquage, arrachage, plantations…).
– Suivi phénologique pendant le cycle végétatif.
– Appréciation du développement végétatif et du taux de reprise.
– Appréciation de la qualité de l’enra cinement des plants durant l’hiver 2015-2016.
– Un suivi du développement des plants durant un cycle végétatif complet avant de présenter des résultats qui se poursuivra ensuite jusqu’à la 4e année des plants.
l Rendez-vous en février ou mars 2016 pour une présentation au public d’une première synthèse de l’essai.

 

 

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