L’apparition d’une machine à entreplanter montée sur un tracteur interligne représente une innovation importante qui séduit et
interpelle beaucoup de viticulteurs. Cette machine peut-elle remplacer la main de l’homme pour effectuer une intervention complexe et importante ? Cette réflexion est à l’origine du test d’entreplantation qui a été mis en place à Sigogne par les techniciens des chambres d’agriculture de Charente et de Charente-Maritime et la revue « Le Paysan Vigneron ». La finalité de l’essai est de comparer les démarches d’entreplantation manuelle et mécanique sur un même site en essayant de créer des conditions les plus propices possible à la reprise des plants. D’ici un an, les premiers résultats en termes de temps de travaux et réussite agronomique seront communiqués.
Le remplacement des ceps morts dans les parcelles de vignes de moins de 25 ans est devenu une pratique beaucoup plus fréquente depuis 5 ans dans la région de Cognac. C’est un moyen efficace de compenser la mortalité des souches liée aux maladies du bois qui sont devenues un véritable fléau. Les statistiques de productions de plants de vigne de FranceAgriMer permettent de penser que plus de 700 000 à 1 000 000 de greffés-soudés sont entreplantés chaque année dans la région de Cognac. Les résultats de l’Observatoire maladie du bois en Charentes révèlent que certaines parcelles jamais entreplantées au bout de 15 à 20 ans peuvent avoir perdu 15 à 20 % de souches. Dans une vigne large à 2 500 ceps de densité au départ, la disparition de 400 souches a une incidence forte sur la productivité et la pérennité des vignes. Malgré ce constat, l’entreplantation est une intervention qui ne fait pas l’unanimité. Certains viticulteurs en sont des adeptes et d’autres la considèrent comme difficile à mettre en œuvre sur leur vignoble.
Créer des conditions propices au développement des plants
La plantation des greffés-soudés, une étape importante
Toutes les personnes qui réussissent des entreplantations y apportent en général beaucoup de soins tout au long de la saison. Il faut faire les choses dans les temps en tenant compte de la climatologie et de l’état des jeunes plants. La maîtrise de l’entreplantation nécessite du savoir- faire, beaucoup d’implication et du sens de l’organisation. L’arrachage des ceps morts s’effectue avec divers équipements qui rendent l’extraction des souches peu pénible et assez rapide. L’utilisation des minipelles avec des fers à U, de tarières avant ou ar-rière, de perforateurs à hélices, de machines rotatives d’extraction est devenue courante. Par contre, l’opération proprement dite de plantation était jusqu’à présent réalisée manuellement à la fourche. C’est un travail difficile et pénible à réaliser du fait de la présence du palissage. L’accès au trou de plantation en dessous les fils pour dégager la terre, le positionnement du greffé-soudé dans le sol, le tassement de la terre sur les racines (avec un outil ou un arrosage en cas de plantation) demandent une véritable technicité que tous les opérateurs n’ont pas.
Une machine à entreplanter qui suscite beaucoup d’intérêt
Actuellement, deux ou trois entreplan-teuses fonctionnent dans la région et donnent satisfaction dans la mesure où l’arrachage est effectué de manière effi-cace en préparant bien le sol. Jean-Luc et Joël Métayer, deux entrepreneurs de travaux viticoles implantés à Graves-Saint-Amant qui ont monté la machine sur un tracteur interligne, utilisent cet équipement depuis deux campagnes. Lors du dernier salon Vinitech, la machine à entreplanter a suscité l’intérêt auprès de beaucoup de viticulteurs. Le fait qu’un matériel soit en mesure de remplacer la main de l’homme pour réaliser un travail complexe et pénible séduit et interpelle. Les performances de l’équipement et le taux de reprises des plants mis en terre mécaniquement seront-ils compétitifs par rapport à un chantier manuel ? Cette innovation a été à l’origine de l’essai d’entreplantation manuel et mécanique qui a été mis en place par les équipes des chambres d’agriculture de Charente et de Charente-Maritime à Sigogne, dans une parcelle du vignoble de Marc Veillon.
Une propriété où les chantiers d’entreplantation sont bien organisés
Un site d’essais comparant l’entreplantation manuelle et mécanique
Deux périodes de plantation, au cœur de l’hiver et en début de printemps
Dans le cadre de l’essai, les techniciens ont souhaité intégrer deux périodes de plantations, l’une précoce au cœur de l’hiver et l’autre au printemps qui correspond à la pratique la plus courante dans la région. Leur souhait est d’essayer d’apprécier l’incidence de la date de plantation sur le taux de reprise et le développement des plants à l’issue du premier cycle végétatif. Les plantations précoces au cœur de l’hiver favorisent un bon tassement des racines grâce aux pluies hivernales et aussi un démarrage plus précoce des plants au printemps. La plantation de greffés-soudés fin mars et début avril (à une période normale encore pas trop tardive) ne rend pas nécessaire un arrosage dans la mesure où les pluviométries d’avril et de mai sont suffisantes. La nature des sols de la parcelle d’essai, des terres de groies pas trop profondes, facilite les interventions durant l’hiver. L’arrachage des souches avec la mini-pelle a eu lieu pour l’ensemble des modalités tout début décembre en prenant le soin de bien explorer le trou de plantation avec le fer à U.
Deux organisations de chantier de plantation testées dans les mêmes conditions
xième opérateur effectuant la pose du marquant, du manchon de protection (poche de désherbage classique) et la finition du rebouchage des trous. L’organisation de l’équipe de plantation manuelle transporte avec une brouette dans les rangs les plants, les marquants et les manchons de désherbage. Cela permet d’entreplanter 2 rangs à chaque passage en utilisant des greffés-soudés ayant des racines coupées à 3-4 cm (qui ne sont pas arrosés). Le chantier d’entreplantation mécanique fonctionne avec deux personnes, le chauffeur du tracteur réalisant la plantation et un deuxième opérateur assurant la pose du manchon de désherbage et la finition du rebouchage des trous. La machine est installée entre-roues du côté gauche du tracteur afin de permettre au chauffeur depuis son siège d’alimenter le module de plantation en plants et en marquants. Une citerne de 400 l montée sur le trois points permet d’arroser le plant au moment de la plantation en modulant les volumes d’eau apportés (de 1 à 5 l). La machine permet d’entreplanter des greffés-soudés avec leurs racines entières dans un seul rang par passage en réalisant un arrosage systématique. La deuxième plantation est intervenue en tout début de printemps, le 20 mars 2015.
Les résultats de la première année d’essai seront présentés au public au printemps 2016
Lors des deux interventions de plantations, de nombreuses observations ont été réa-lisées par les techniciens. Les temps de travaux des deux équipes manuelle et machine ont été relevés. La qualité de plantation en termes de profondeur, d’alignement, de tassement a été évaluée par les techniciens avec différentes mesures (hauteur d’enfoncement du plant, résistance à l’arrachement sous la pression de la main, observation de l’alignement…) et un jury de trois viticulteurs qui a parcouru les diffé-rentes modalités. Au cours du cycle végétatif 2015, J.-C. Gérardin, L. Caillaud et L. Dumas Lattaque passeront dans la parcelle effectuer des observations sur la croissance végétative à plusieurs stades (débourrement, fin juin et septembre). L’hiver prochain, des pesées de bois de taille seront réalisées et la croissance racinaire sera évaluée en arrachant quelques plants dans chaque modalité. Le poids des racines recueillies au bout d’un an sera comparé à celui d’avant la plantation. Le suivi du développement des plants sera poursuivi jusqu’à la quatrième feuille pour évaluer l’implantation des entreplants dans un milieu concurrentiel. Les techniciens souhaitent organiser, au printemps 2016, une manifestation publique sur le site de Sigogne où sera présenté l’ensemble des résultats de cet essai entreplantation ma-nuelle et mécanique.
Principales caractéristiques de l’entreplanteuse NR Inov-Concept
l Une cellule d’entreplantation consti-tuée d’un tube rotatif creux (de 180 mm) équipé à son extrémité de deux mâchoires mobiles (un trépan) et sur le côté de deux ailettes mobiles d’ameublissement.
l Un matériel qui se monte entre les roues d’un tracteur interligne dans les vignes palissées.
l L’entreplanteuse réalise de façon simultanée la perforation du sol, la plantation du greffé-soudé, la pose du tuteur, un arrosage et le rebouchage du trou de plantation à 80 %.
l Le chauffeur alimente la machine en greffés-soudés et en tuteurs depuis le poste de conduite.
l La présence d’ergots sur les mâchoires du trépan évite les phénomènes de lissage des trous de plantation au moment de la perforation.
l Les deux ailettes sur la périphérie du tube rotatif se déplient de la remontée de la machine. Cela ramène la terre vers le centre du trou et ameublit le sol.
l Le temps moyen pour réaliser toutes les interventions nécessaires à la mise en terre d’un plant est d’environ 40 secondes (source constructeur).
l Une bonne utilisation de l’entreplan-teuse nécessite préalablement la réa-lisation au moment de l’arrachage d’un bon ameublissement de la terre sur 30 à 40 cm de profondeur. Le travail des mini-pelles avec des fers à U pour l’arrachage est très bien à l’utilisation ultérieure de l’entreplanteuse.
l Un niveau d’arrosage réglable de façon simple et importante (de 0,5 l à 5 l par plant).
l Une demande hydraulique pour assu-rer le fonctionnement variable selon l’état de dureté et de compactage du sol. Après un ameublissement de la terre avec une mini-pelle, l’opération de perforation nécessite 25 à 30 l/mn de débit d’huile. Dans des sols très compactés, la demande de puissance hydraulique peut monter jusqu’à 50 l/mn.
l Prix de vente de la cellule d’entre-plantation seule non montée sur un tracteur : 14 800 € HT.
l Constructeur : NR Inov’concept, 630 La Draille-des-Cailloux, 84450 Jonquerettes. Contact : Nicolas Rogier – Tél. 06 34 71 16 34 – E-mail : nr-inov-concept@orange.fr – Site : www.nr-inov-concept.fr
Les points clés du test d’entreplantation manuel et mécanique
l Un site d’essai à Sigogne dans le vignoble de Marc Veillon.
l Un essai mis en place par les techniciens des chambres d’agriculture de Charente et de Charente-Maritime et la revue « Le Paysan Vigneron ».
Une parcelle d’essai représentative de la région de Cognac :
– Une vigne d’ugni blanc de 18 ans de 3 ha jamais entreplantée avec un taux de manquants proche de 20 %.
– Une vigne large à 3 m sur 1,20.
– Des sols de groie assez superficiels.
l Finalité du test : comparer les méthodes d’entreplantation manuelle et mécanique sur les plans économiques et agrono-miques.
l Une exploitation où le chantier d’entre-plantation manuel est organisée d’une façon rationnelle.
l Deux périodes de plantations : une première au cœur de l’hiver effectuée le 22 décembre 2014 et une deuxième au début du prin-temps réalisée le 20 mars 2014.
l Un protocole d’observations et de mesures rigoureux :
– Relevés des temps de travaux précis pour l’ensemble des interventions (marquage, arrachage, plantations…).
– Suivi phénologique pendant le cycle végétatif.
– Appréciation du développement végétatif et du taux de reprise.
– Appréciation de la qualité de l’enra cinement des plants durant l’hiver 2015-2016.
– Un suivi du développement des plants durant un cycle végétatif complet avant de présenter des résultats qui se poursuivra ensuite jusqu’à la 4e année des plants.
l Rendez-vous en février ou mars 2016 pour une présentation au public d’une première synthèse de l’essai.