La technologie des tunnels de pulvérisation ventilés intéresse beaucoup de viticulteurs car les essais de l’IFV ont démontré leurs performances en matière de qualité de pulvérisation. Malheureusement, le gabarit des tunnels et leur capacité de traitements limitée à deux rangs sont souvent perçus comme des handicaps pour les propriétés dont la surface dépasse 25 ha. L’initiative de Julien Faveau, qui a souhaité s’équiper d’un tunnel de pulvérisation Dagnaud Turbipano trois rangs monté sur un châssis polyvalent de MAV, représente une nouvelle alternative pour traiter 30 à 40 ha dans la journée.
Julien Faveau fait partie de cette génération de jeunes viticulteurs qui aborde la protection du vignoble en ayant la volonté de concilier les objectifs de recherche de productivité et les nouveaux enjeux de respect de l’environnement. La préoccupation de « traiter plus juste » s’est traduite dans les faits par un engagement dans diverses démarches qui ont contribué à optimiser la mise en œuvre des traitements. Un investissement technique et humain important dans une stratégie globale de lutte raisonnée a été réalisé sur cette propriété. La meilleure connaissance de la sensibilité du parcellaire au parasitisme, l’amélioration de la capacité d’intervention sur le vignoble et la recherche d’une pulvérisation plus efficace sur la végétation ont mobilisé l’énergie de ce jeune viticulteur.
L’élément déclencheur : la démarche de protection raisonnée Optimus
L’élément déclencheur de toute cette démarche a été le partenariat avec la société Fortet Dufaud pour mieux raisonner la protection du vignoble. Depuis une vingtaine d’années, la notion de raisonnement de la lutte a pris le pas sur les stratégies de traitements d’assurance (à cadence et date fixes). L’apport des compétences de la société Fortet Dufaud a permis de construire une démarche de lutte raisonnée spécifique au contexte de la propriété. Le vignoble de 33 ha est implanté sur deux types de sols différents, des terres profondes propices à la vigueur et des sols calcaires ayant des réserves hydriques plus moyennes. J. Faveau et son père ont adhéré à la démarche de lutte raisonnée Optimus car elle permettait de se former et d’améliorer leurs connaissances. Un partenariat étroit s’est créé avec les techniciens pour développer un itinéraire de production à la fois « moins gourmand » en intrants phytosanitaires, plus respectueux de l’environnement et en phase avec les objectifs de productions actuels. L’approche technique repose sur une parfaite connaissance des caractéristiques agronomiques du parcellaire (la localisation des zones plus ou moins vigoureuses, les apports de fumures, l’entretien des sols) et de la sensibilité au parasitisme des différents îlots de terroirs. Un véritable partenariat s’est instauré au fil des années entre J. Faveau et Mathieu Boubée, le technicien de la société Fortet Dufaud, pour réaliser un suivi de l’évolution de la phénologie, de la météorologie et du parasitisme. La méthode de suivi du contexte de pression parasitaire de la propriété débouche sur un diagnostic hebdomadaire du niveau de risque excoriose, nécrose bactérienne, mildiou, oïdium… dont l’intérêt n’est plus à démontrer. La réalisation de chaque traitement est l’aboutissement d’une analyse raisonnée de la situation qui est en phase avec les contraintes d’organisation des travaux de la propriété.
Les pertes de bouillie sur le sol et dans l’air, une préoccupation importante
Le parcellaire très dispersé du vignoble et une proportion forte de vignes à 2 m et 2,50 m d’écartement (95 %) compliquent la mise en œuvre des traitements compte tenu des temps de déplacement importants. Or, pour pousser plus loin les démarches de raisonnement de la lutte, le souhait de vouloir couvrir l’ensemble des surfaces dans la journée s’est imposé il y a quelques années. J. Faveau s’est équipé de deux pulvérisateurs pour protéger le vignoble dans une grande journée, un aéroconvection Berthoud de type voûte droite et un Tecnoma pneumatique 600 l face par face pour deux rangs. Cette organisation donnait satisfaction sur le plan de la maîtrise de la protection. Par contre les pertes de produits dans l’air et au sol avec ces appareils sont importantes. J. Faveau est plus sensible à cet élément car il utilise depuis des années en début de saison des panneaux récupérateurs de bouillie : « L’importance des pertes de quantité de bouillie au niveau du sol et dans l’air a toujours représenté pour moi un sujet de préoccupation. Lors des traitements de pleine saison, je ne suis pas sûr que 50 % de la bouillie préparée soit déposée sur la végétation. Mon expérience d’utilisateur de panneaux récupérateurs classiques en début de saison pour les trois ou quatre premières applications a progressivement renforcé mon intérêt autour de cette technique de pulvérisation. La seule contrainte avec cet équipement (un Pulpano Dagnaud 600 l porté) est liée au fait qu’il faut deux jours pour couvrir le vignoble. Lorsque nous avons changé notre MAV tractée, il y a deux ans, on a investi dans une automotrice G 107 en ayant dans un coin de notre esprit l’idée d’utiliser dans l’avenir l’automoteur pour réaliser des traitements. Pour moi, faire de la récupération de produit toute l’année présente beaucoup d’intérêt : un ciblage bien meilleur de la pulvérisation sur la végétation, l’absence de dérives liées au vent et des économies de produits significatives. Pourtant l’achat de deux tunnels ventilés neufs pour couvrir 35 ha dans la journée ne nous paraissait pas réaliste sur le plan économique. En réfléchissant à ce projet mon père et moi, on s’est dit que l’on pourrait peut-être utiliser le porteur de MAV équipé de trois cellules de récupération. Le fait de traiter trois rangs en un passage présentait l’avantage d’assurer la couverture de tout le vignoble dans une grande journée. Nous avons parlé de ce projet à la société Dagnaud qui a décidé de relever le défi. »
Des cellules de traitement suspendues ayant un positionnement vertical autonome
La société Dagnaud a répondu aux attentes de J. Faveau en lui montant un équipement Turbipano trois rangs (en installant une cuve de pulvérisation de 2 300 l déjà achetée par le viticulteur). Les porteurs de MAV possèdent des performances hydrauliques très suffisantes pour faire fonctionner les 6 turbines et toutes les annexes d’extension et de repliage des rampes. Les besoins de puissance assez réduits des Turbipano rendent possible l’utilisation sans aucune contrainte des porteurs de MAV de puissances moyennes de 100 à 110 ch. Le pré-équipement d’origine de la MAV G 107 en tant que porteur polyvalent a facilité l’adaptation de la cellule de pulvérisation trois rangs. Le module de pulvérisation a été construit sur deux poutrelles centrales qui le rendent facile à monter et à démonter (une demi-heure de travail). L’appareil Turbipano est constitué d’une première cellule de pulvérisation installée à l’arrière dans l’axe du porteur et de deux autres modules montés sur des bras latéraux. Le constructeur a installé une rampe disposant d’un système d’effacement vertical des cellules de pulvérisation pour faciliter les déplacements routiers et les manœuvres en bout de rang. Le matériel a été conçu pour s’adapter à des écartements de rangs de 1,80 m à 3 m dans des situations de coteaux avec de fort dévers. Chaque cellule Turbipano est « suspendue » à la rampe par un axe central, ce qui leur confère une parfaite autonomie de positionnement sur le rang. Les cellules de pulvérisation prennent naturellement une position verticale et la correction de dévers intervient au niveau de la rampe. En cas de choc avec le palissage dans le rang ou lors des manœuvres, une sécurité permet au panneau de s’effacer vers l’arrière et latéralement.
Des débits de 120 à 160 l/ha en pleine végétation
Chaque cellule de pulvérisation est équipée à la base du panneau d’une turbine intégrant une buse centrifuge. Le ventilateur assure une diffusion de l’air du bas vers le haut du palissage. La vitesse de rotation des ventilateurs réglable (par variation du débit hydraulique des moteurs) atteint en pleine saison 4 000 tr/mn, un régime de fonctionnement qui assure un bon retournement des feuilles. Trois autres buses intégrées sur la hauteur du panneau dirigent le flux de pulvérisation sur la végétation. L’ouverture et la fermeture de chacune des buses permettent de s’adapter à la croissance de la vigne au cours du cycle végétatif. Le constructeur estime qu’en pleine saison la réalisation des traitements de couverture totale avec quatre buses par face de rang peut être réalisée à des volumes variant de 120 à 160 l/ha (hors récupération). Le pulvérisateur automoteur de J. Faveau a été équipé d’une cuve d’occasion de 2 300 l qui confère au matériel une bonne autonomie. Deux pompes assurent le fonctionnement du réseau de bouillie : une dédiée à la pulvérisation et au brassage, et la seconde pour la récupération. L’ensemble des commandes du pulvérisateur et de la rampe est regroupé sur un joystick installé dans la cabine, ce qui facilite l’utilisation du matériel lors des manœuvres en bout de rang. Le coût du pulvérisateur de J. Faveau se situe autour de 35 000 € ht sans l’achat de la cuve de 2 300 l. Le constructeur estime que ce même équipement avec une cuve de 2 500 l n’excéderait pas 40 000 € ht.
Un investissement autofinancé par les économies de produits
L’appareil, livré vers le 20 juillet, a permis à J. Faveau de réaliser deux traitements de fin de saison. Le souhait de ce viticulteur était de travailler en pleine saison à un débit/ha de 160 l (hors récupération). L’autonomie du pulvérisateur en intégrant un niveau de récupération de bouillie de 15 % en pleine saison est de 16,5 ha. Le jeune viticulteur, qui avoue ne pas être un expert de la conduite des MAV, a pris en main assez facilement l’équipement : « Durant les vendanges, ce n’est pas moi qui conduis la MAV et mon expérience de chauffeur d’automoteur assez limitée me faisait appréhender la prise en main du pulvérisateur. Or au bout de quelques heures de conduite, je suis arrivé à maîtriser l’utilisation du pulvérisateur. Dans les situations plus délicates avec des tournières un peu courtes ou des coteaux à forts dévers, l’appareil s’est bien comporté. Le niveau de récupération lors du dernier de traitement en fin de saison se situait autour de 15 % et aucune dérive n’était apparente. C’est un gros avantage en terme de qualité de traitement, de nuisances vis-à-vis de l’environnement et pour le voisinage proche de certaines parcelles. Je pense que la qualité du ciblage du traitement sur la végétation va me permettre l’année prochaine de réduire les doses de produits. Sur le plan économique, l’investissement de l’ordre de 35 000 € ht dans le Turbipano 3 rangs sur la MAV qui est équivalent à celui d’un pneumatique 6 faces traîné de 1 500 l, va pratiquement s’autofinancer avec les économies de produits. L’expérience d’autres utilisateurs de Turbipano laisse à penser que sur l’ensemble d’une campagne, les économies de bouillie sont en moyenne de 30 %. »
Les points clés du pulvérisateur de Julien Faveau
• Utilisation du châssis polyvalent d’une MAV G 107.
• Montage d’un pulvérisateur Dagnaud Turbipano 3 rangs.
• Cuve de 2 300 l.
• Débit hectare de 160 l en pleine saison (hors récupération).
• Récupération de bouillie de 15 % en pleine saison.
• Autonomie du pulvérisateur de 2 300 l avec la récupération : 16,5 ha.
• Vignoble à traiter : 35 ha de vigne dont 60 % de vignes à 2 m et 2,50 m avec de nombreuses parcelles.
• Couverture du vignoble en 12 à 13 heures de travail (déplacements routiers et les deux remplissages compris).
• Investissement dans le pulvérisateur : 35 000 € ht (sans la cuve de 2 300 l).
• Les principaux intérêts : un meilleur ciblage de la pulvérisation, plus de dérive et des économies de produits de l’ordre de 30 % sur la campagne.