Un américain francophile par la voie du vin

17 décembre 2019

Bill Chegwidden : Une certaine idée de la France par un importateur sur les marchés d’outre-Atlantique

 

Importateur de vins français aux États-Unis dans l’État du Connecticut (Bordeaux, Chassagne-Montrachet, Chablis, Pommard, Provence, Sancerre, ou encore Saint-Pourçain) via sa société Drinkable Arts Importers, Bill Chegwidden a bien voulu porter son regard sur l’actualité diplomatique et économique entre la France et les États-Unis. Rencontré à Paris lors de son transfert entre New-York et Le Mans, cet Américain francophile nous a livré son point de vue de dynamisme du Nouveau-Monde avec le raffinement français. Entretien en version française, qui est, ici, la version originale.

Quelles sont les particularités du marché américain par rapport au vin ?

 

Le vin français a toujours la côte, ce n’est pas un problème. Les Américains pensent que les adeptes du vin français sont snobs, donc il y a toujours cette idée d’un vin inabordable pour l’Américain moyen, ce qui est dommage – car il y a des vins tout à fait abordables. Ainsi, souvent, une espèce de « dumping » avec les vins français se met en place pour baisser les prix et montrer aux Américains qu’ils peuvent avoir un vin abordable. Par contre, certains consommateurs s’y connaissent très bien, adorent le vin français, et paieraient n’importe quel prix pour avoir une bouteille ; l’Américain non formé à la culture du vin fait plutôt son choix en fonction du marketing et se tourne souvent vers des vins de Californie, de l’Oregon. Le marketing est le roi. En ce moment, une partie des gens n’ont que Kendall Jackson à la bouche ou Josh Contrairement au Français moyen qui boit du vin depuis sa prime enfance (rires) et qui va chez son viticulteur chercher son vin rouge, son vin blanc, les Américains n’ont pas cela dans les veines, c’est donc le marketing qui fait tout. Les Américains avec peu de culture viticole, soit 80% de la population, se tournent davantage vers un vin du type « Oyster Bay », un Sauvignon de la Nouvelle-Zélande (ils ne savent pas que le Sauvignon est un cépage français). Quand je leur fait découvrir un Sauvignon de la Loire-Atlantique, où la famille le produit depuis 4 ou 5 générations, personne n’en veut parce que je n’ai pas le marketing derrière.

 

Quelles sont les tendances de consommation du marché américain ?

La Sancerre. Outre 50 nuances de Grey, les Sancerrois ont fait du marketing il y a pas mal de temps et, malgré cela, beaucoup de consommateurs américains ne savent pas que c’est du Sauvignon. Ils sont très « cépage », c’est ainsi qu’ils achètent leur vin. C’est une particularité. Les dames boivent du Sancerre, donc un magasin en aura 4 ou 5 à différents prix, et ce n’est pas toujours le moins cher qui gagne. Le Pinot noir se vend bien également, mais ils ne le retrouvent pas lors d’une dégustation de Pommard, car il n’a pas le goût du Pinot noir du pays. Il y a quelque chose à faire. Le Chardonnay, c’est terrible ! Ils aiment le Chardonnay ; ils utilisent le mot comme un adjectif, ou l’aiment avec le goût de beurre. Ils élaboraient le Chardonnay en y infusant des copeaux de chêne. Les femmes boivent du vin, les hommes sont beaucoup plus des buveurs de bière aux États-Unis, sauf lorsqu’on arrive dans les milieux raffinés. Ce n’est pas pareil en France, où tout le monde boit du vin.

 

Quel est votre point de vue dans les pressions économiques entre la France et les États-Unis, la taxe GAFA contre la taxe sur les vins ?

Donald Trump, que l’on n’aime ou pas, parle beaucoup, et met la pression sur Emmanuel Macron – et c’est la politique –, qui a fini par se ranger. Je ne crois pas qu’il y aura des taxes sur les vins (il faut savoir que Trump possède des vignes, un petit domaine dans la Virginie). Je pense que cela va se régler. Trump va arrêter de parler et Macron ne va pas avancer. Tout le monde va se retrouver. Je ne pense pas que ce soit grave. Si Macron insiste, Trump augmentera les taxes parce qu’il n’aime pas perdre, et la France, elle, sera perdante ; comme avec, par exemple, Chinon, dont 80% de la production est exportée. Mais pour le moment, je ne m’inquiète pas.

 

Quel point de vue posez-vous sur les différents traités internationaux qui furent ratifiés, discutés ou suspendus ces derniers mois ?

Je ne suis pas un anti-globaliste mais je ne suis pas pour. Ce n’est pas dans mon idée de la politique, des pays, de la culture. Il y a du vin du Chili ou d’Afrique du Sud qui sont bons, mais j’ai du mal à accepter qu’ils soient vendus en France. Dans un pays de vin, et même pour la viande, je m’oppose à ce genre de traités cela finit par mettre du pouvoir entre les mains d’autres personnes, et le petit viticulteur qui fait du vin sera perdant. Avec tous ces traités, il y aura des stratégies de grande ampleur et le viticulteur serait obligé de vendre son vin à un groupe.  

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