Deux temps forts à la réunion des vendanges 2012 de l’UGVC : le cri du cœur, d’un « vétéran » de la viticulture pour dénoncer les ravages de l’esca ; et le discours de Christophe Forget sur le partage de la valeur ajoutée.
« L’esca, a-t-il dit, c’est une déglingue sans précédent. Que fait-on ! La question brûle les lèvres de tout le monde mais rien ne se passe. Nous allons vers un vignoble complètement démoli ! Si des mesures urgentes ne sont pas prises, 30 % du vignoble sortiront de la compétition. Déjà, certains vont chercher des produits interdits en Espagne, en Belgique, en Roumanie. Moi je ne suis pas candidat ! » Applaudissement nourri de la salle.
Désarmés
L’esca fait partie de ces maladies du bois auxquelles l’abandon des traitements à l’arsénite de soude (Pyralion) a donné un coup de fouet. Et l’effet année s’y rajoute. En 2012, la Station viticole du BNIC estime que l’expression des symptômes a doublé par rapport à l’an dernier. Une véritable explosion. Elle toucherait directement 11,5 % des ceps Si on y ajoute les autres attaques – eutypiose, BDA… – on attendrait 20 % de pertes de récolte liées aux maladies du bois. Dans la campagne, faute de réponses aux questions, les rumeurs vont bon train. Dans le collimateur, la sélection clonale, certains porte-greffes…
« Les scientifiques pataugent »
Vincent Dumot, ingénieur chargé du vignoble à la Station, a indiqué que son service travaillait depuis plusieurs années sur le sujet mais, manifestement, rien de probant se dégage. « En matière d’esca, les scientifiques pataugent » a-t-il avoué. En tout cas, la piste d’un produit miracle qui éradiquerait la maladie lui paraît illusoire. « Il ne faut pas y croire. » La piste la plus sérieuse vers laquelle les chercheurs s’orientent concerne la cohabitation de la « communauté fongique » avec le pied de vigne. Ils cherchent à comprendre pourquoi tel pied de vigne va exprimer la maladie et tel autre pas, alors que pratiquement 80 % des pieds de vigne sont porteurs de nécroses et qu’un même cep abrite plusieurs dizaines de champignons ? Un jour, peut-être, ces recherches fondamentales sur la « résistance » aboutiront-elles. Pour l’instant, elles en sont à leurs prémices.
En ce qui concerne les porte-greffes, V. Dumot note la sensibilité un peu moindre du 333-EM mais, dit-il, « ce n’est pas la garantie de 0 esca. Il y a des parcelles où ce porte-greffe est très touché. » De manière empirique, on constate aussi que les tailles longues sont moins atteintes que les cordons, que la fertilisation augmente les symptômes de l’esca, « mais peut-être n’y a-t-il pas de lien direct » prend soin d’ajouter le technicien.
Sélections clonales
Jean-Claude Courpron, autre pilier de la viticulture charentaise, a exprimé ce que beaucoup pensent tout bas. « Nos vieilles vignes de 50-60 ans semblent plus résistantes que les plantations plus récentes. N’a-t-on pas fait de mauvaises sélections clonales ? » Réponse de V. Dumot : « Effectivement, tout le monde fait cette remarque. Les vignes de 20-25 ans paraissent plus touchées que celles de 40-50 ans. Mais difficile de faire le tri entre les facteurs. Le climat a changé, les modes de cultures ne sont plus les mêmes, l’aspect épidémique non plus. Tout a changé. Comment faire le tri ? »
Si la sélection clonale se retrouve sur la sellette, le technicien a quand même tenu à rappeler qu’elle avait permis d’obtenir des clones d’Ugni blanc indemnes de viroses. « Le vignoble est passé de 50 hl/ha à 100 hl/ha. Maintenant que ces clones plus productifs soient plus fragiles… »
Philippe Guélin, président de la commission technique du BNIC et vice-président du conseil de bassin, a pris la parole pour signaler que l’esca et le BDA étaient devenus une priorité dans le programme de recherche de l’INRA, à la demande de FranceAgriMer et des interprofessions. « Il y a le feu ! » a-t-il convenu.
L’UGVC et la flavescence
En 2012, l’UGVC a fait de la flavescence dorée une « cause régionale ». L’idée ! Mobiliser les 5 200 viticulteurs de la région pour qu’ils partent dans leurs vignes faire le repérage systématique des pieds touchés par la flavescence dorée. Objectif ! Que cette prospection massive balaie 70 à 80 % du vignoble des Charentes. Car l’on s’est aperçu que la cartographie de la maladie ne correspondait pas – plus – à l’étendue des dégâts. Avec l’appui de tous les acteurs – Fredon, Chambres d’agriculture, Station viticole du BNIC – le syndicat viticole a lancé une vaste campagne de sensibilisation. Parmi ses délégués, il a formé des « référents » (au nombre de 300) pour qu’ils initient à leur tour les viticulteurs à la détection de la fameuse « feuille enroulée », symptôme de la flavescence dorée. Il a embauché temporairement une technicienne de la Fredon afin de contrôler les pieds douteux. L’organisme technique de la Fredon centralise également les résultats. « Pour cette maladie de quarantaine, nous avons la solution (une réponse technique ndlr). Notre ambition est de contraindre la maladie au plus juste » a expliqué Annabelle Monnereau, responsable du groupe de travail « flavescence » à l’UGVC. Philippe Guélin, référent de la commission technique UGVC, a indiqué que si les viticulteurs constataient des symptômes au-delà des délais, ils pouvaient toujours envoyer leurs résultats. Cette année, l’expression des symptômes a été tardive.
Cette entreprise d’envergure, jamais lancée dans le vignoble, consiste à la fois à éliminer les souches contaminées (car si une cicadelle pique un pied atteint, elle va en contaminer d’autres) ; et à dresser une cartographie réelle de la maladie. Ne pas oublier qu’en plus des pertes de récolte, la replantation d’un ha de vigne coûte un peu plus de 17 000 €. « La flavescence dorée fait peser une épée de Damoclès sur nos têtes » a souligné A. Monnereau. « Dans la perspective Eco-phyto 2018, il est urgent de mettre en place un plan de lutte différent. » Même si rien n’est parfait, le syndicat est satisfait « d’avoir lancé une dynamique. A nous d’aller plus loin, vers une lutte généralisée aux deux Charentes. »
Après la partie technique animée par Gérald Ferrari et Vincent Dumot, de la Station Viticole du BNIC, a suivi la partie réglementaire et économique. Marlène Tisseire, directrice de l’UGVC, a dressé l’inventaire précis des règles de la nouvelle campagne 2012-2013 à travers un exposé comme toujours clair et concis.
Partage de la valeur ajoutée
Christophe Forget a clôturé la réunion par un discours très tourné vers les prix et le partage de la valeur ajoutée, un sujet qui s’affirme plus que jamais comme l’objectif n° 1 du syndicat. Il ne s’agit pas d’un objectif « fumeux » mais d’un véritable préalable « pour que la capacité à produire de la viticulture soit à l’unisson des besoins du négoce ». « Pour lutter contre “ce nouveau phylloxéra” que sont la flavescence dorée et les maladies du bois, la viticulture a besoin de prix rémunérateurs » a martelé le président de l’UGVC. « De même, le partage de la valeur ajoutée est indispensable pour que la viticulture joue son rôle de stockeur. »
Ch. Forget a dénoncé une situation où « à la veille des vendanges, aucun négociant n’avait dévoilé ses prix » (à noter que Rémy Martin venait juste de le faire – voir encadré). Le président du syndicat a réclamé au minimum 6,3 % d’augmentation des prix des eaux-de-vie 00, 5 % au titre du rattrapage* et 1,3 % au titre de l’inflation. A ses yeux, la faiblesse des marges reste un mal atavique. « Quelle entreprise accepterait aujourd’hui de travailler pour une marge aussi faible ? Certains diront que la viticulture se porte bien. Oui, certes, notre marge s’est améliorée mais surtout grâce aux volumes. Doit-on s’en satisfaire ? Pour moi, la réponse est sans ambiguïté : non. » Avec une autorité et une assurance qu’on ne lui a pas toujours connues, le président de la formation viticole a souhaité de bonnes vendanges aux viticulteurs. Aujourd’hui, il est clair que Christophe Forget habite sa fonction.
Bio express
Viticultrice à Saint-Ciers-Champagne, Annabelle Monnereau est installée depuis 2006. Après un BTS viti-œno, obtenu à Bordeaux-Blanquefort, elle a poursuivi son cursus par une licence de gestion à l’Enita de Bordeaux. Pendant 4 ans, elle a dirigé la cave de Montagan, près de Jarnac. Après son installation, elle a effectué un mandat comme présidente des JA 17. Elle a rejoint l’UGVC via le SVBC. Aujourd’hui, elle est vice-présidente du cru Petite Champagne.