UGVC – Réunion des vendanges : « L’ESCA, une déglingue ! »

23 octobre 2012

Deux temps forts à la réunion des vendanges 2012 de l’UGVC : le cri du cœur, d’un « vétéran » de la viticulture pour dénoncer les ravages de l’esca ; et le discours de Christophe Forget sur le partage de la valeur ajoutée.

 

 

p11b.jpgDepuis combien de temps Michel Drouet participe-t-il à la vie professionnelle et syndicale de sa région ? Quarante, quarante-cinq ans… Viticulteur engagé, bouilleur de cru passionné, il a le militantisme Cognac et Pineau chevillé au corps. A cette réunion de l’UGVC du 12 septembre où les rangs de la Salamandre étaient combles, il s’est levé pour lancer une mise en garde contre les ravages de l’esca. Ses mots, sa rage, son énergie ont brisé, l’espace d’un moment, ce sentiment de sécurité un rien anesthésiant auquel il est si facile de céder.

« L’esca, a-t-il dit, c’est une déglingue sans précédent. Que fait-on ! La question brûle les lèvres de tout le monde mais rien ne se passe. Nous allons vers un vignoble complètement démoli ! Si des mesures urgentes ne sont pas prises, 30 % du vignoble sortiront de la compétition. Déjà, certains vont chercher des produits interdits en Espagne, en Belgique, en Roumanie. Moi je ne suis pas candidat ! » Applaudissement nourri de la salle.

Désarmés

L’esca fait partie de ces maladies du bois auxquelles l’abandon des traitements à l’arsénite de soude (Pyralion) a donné un coup de fouet. Et l’effet année s’y rajoute. En 2012, la Station viticole du BNIC estime que l’expression des symptômes a doublé par rapport à l’an dernier. Une véritable explosion. Elle toucherait directement 11,5 % des ceps Si on y ajoute les autres attaques – eutypiose, BDA… – on attendrait 20 % de pertes de récolte liées aux maladies du bois. Dans la campagne, faute de réponses aux questions, les rumeurs vont bon train. Dans le collimateur, la sélection clonale, certains porte-greffes…

« Les scientifiques pataugent »

p11a.jpgVincent Dumot, ingénieur chargé du vignoble à la Station, a indiqué que son service travaillait depuis plusieurs années sur le sujet mais, manifestement, rien de probant se dégage. « En matière d’esca, les scientifiques pataugent » a-t-il avoué. En tout cas, la piste d’un produit miracle qui éradiquerait la maladie lui paraît illusoire. « Il ne faut pas y croire. » La piste la plus sérieuse vers laquelle les chercheurs s’orientent concerne la cohabitation de la « communauté fongique » avec le pied de vigne. Ils cherchent à comprendre pourquoi tel pied de vigne va exprimer la maladie et tel autre pas, alors que pratiquement 80 % des pieds de vigne sont porteurs de nécroses et qu’un même cep abrite plusieurs dizaines de champignons ? Un jour, peut-être, ces recherches fondamentales sur la « résistance » aboutiront-elles. Pour l’instant, elles en sont à leurs prémices.

En ce qui concerne les porte-greffes, V. Dumot note la sensibilité un peu moindre du 333-EM mais, dit-il, « ce n’est pas la garantie de 0 esca. Il y a des parcelles où ce porte-greffe est très touché. » De manière empirique, on constate aussi que les tailles longues sont moins atteintes que les cordons, que la fertilisation augmente les symptômes de l’esca, « mais peut-être n’y a-t-il pas de lien direct » prend soin d’ajouter le technicien.

Sélections clonales

Jean-Claude Courpron, autre pilier de la viticulture charentaise, a exprimé ce que beaucoup pensent tout bas. « Nos vieilles vignes de 50-60 ans semblent plus résistantes que les plantations plus récentes. N’a-t-on pas fait de mauvaises sélections clonales ? » Réponse de V. Dumot : « Effectivement, tout le monde fait cette remarque. Les vignes de 20-25 ans paraissent plus touchées que celles de 40-50 ans. Mais difficile de faire le tri entre les facteurs. Le climat a changé, les modes de cultures ne sont plus les mêmes, l’aspect épidémique non plus. Tout a changé. Comment faire le tri ? »

Si la sélection clonale se retrouve sur la sellette, le technicien a quand même tenu à rappeler qu’elle avait permis d’obtenir des clones d’Ugni blanc indemnes de viroses. « Le vignoble est passé de 50 hl/ha à 100 hl/ha. Maintenant que ces clones plus productifs soient plus fragiles… »

Philippe Guélin, président de la commission technique du BNIC et vice-président du conseil de bassin, a pris la parole pour signaler que l’esca et le BDA étaient devenus une priorité dans le programme de recherche de l’INRA, à la demande de FranceAgriMer et des interprofessions. « Il y a le feu ! » a-t-il convenu.

L’UGVC et la flavescence

En 2012, l’UGVC a fait de la flavescence dorée une « cause régionale ». L’idée ! Mobiliser les 5 200 viticulteurs de la région pour qu’ils partent dans leurs vignes faire le repérage systématique des pieds touchés par la flavescence dorée. Objectif ! Que cette prospection massive balaie 70 à 80 % du vignoble des Charentes. Car l’on s’est aperçu que la cartographie de la maladie ne correspondait pas – plus – à l’étendue des dégâts. Avec l’appui de tous les acteurs – Fredon, Chambres d’agriculture, Station viticole du BNIC – le syndicat viticole a lancé une vaste campagne de sensibilisation. Parmi ses délégués, il a formé des « référents » (au nombre de 300) pour qu’ils initient à leur tour les viticulteurs à la détection de la fameuse « feuille enroulée », symptôme de la flavescence dorée. Il a embauché temporairement une technicienne de la Fredon afin de contrôler les pieds douteux. L’organisme technique de la Fredon centralise également les résultats. « Pour cette maladie de quarantaine, nous avons la solution (une réponse technique ndlr). Notre ambition est de contraindre la maladie au plus juste » a expliqué Annabelle Monnereau, responsable du groupe de travail « flavescence » à l’UGVC. Philippe Guélin, référent de la commission technique UGVC, a indiqué que si les viticulteurs constataient des symptômes au-delà des délais, ils pouvaient toujours envoyer leurs résultats. Cette année, l’expression des symptômes a été tardive.

Cette entreprise d’envergure, jamais lancée dans le vignoble, consiste à la fois à éliminer les souches contaminées (car si une cicadelle pique un pied atteint, elle va en contaminer d’autres) ; et à dresser une cartographie réelle de la maladie. Ne pas oublier qu’en plus des pertes de récolte, la replantation d’un ha de vigne coûte un peu plus de 17 000 €. « La flavescence dorée fait peser une épée de Damoclès sur nos têtes » a souligné A. Monnereau. « Dans la perspective Eco-phyto 2018, il est urgent de mettre en place un plan de lutte différent. » Même si rien n’est parfait, le syndicat est satisfait « d’avoir lancé une dynamique. A nous d’aller plus loin, vers une lutte généralisée aux deux Charentes. »

Après la partie technique animée par Gérald Ferrari et Vincent Dumot, de la Station Viticole du BNIC, a suivi la partie réglementaire et économique. Marlène Tisseire, directrice de l’UGVC, a dressé l’inventaire précis des règles de la nouvelle campagne 2012-2013 à travers un exposé comme toujours clair et concis.

Partage de la valeur ajoutée

Christophe Forget a clôturé la réunion par un discours très tourné vers les prix et le partage de la valeur ajoutée, un sujet qui s’affirme plus que jamais comme l’objectif n° 1 du syndicat. Il ne s’agit pas d’un objectif « fumeux » mais d’un véritable préalable « pour que la capacité à produire de la viticulture soit à l’unisson des besoins du négoce ». « Pour lutter contre “ce nouveau phylloxéra” que sont la flavescence dorée et les maladies du bois, la viticulture a besoin de prix rémunérateurs » a martelé le président de l’UGVC. « De même, le partage de la valeur ajoutée est indispensable pour que la viticulture joue son rôle de stockeur. »

Ch. Forget a dénoncé une situation où « à la veille des vendanges, aucun négociant n’avait dévoilé ses prix » (à noter que Rémy Martin venait juste de le faire – voir encadré). Le président du syndicat a réclamé au minimum 6,3 % d’augmentation des prix des eaux-de-vie 00, 5 % au titre du rattrapage* et 1,3 % au titre de l’inflation. A ses yeux, la faiblesse des marges reste un mal atavique. « Quelle entreprise accepterait aujourd’hui de travailler pour une marge aussi faible ? Certains diront que la viticulture se porte bien. Oui, certes, notre marge s’est améliorée mais surtout grâce aux volumes. Doit-on s’en satisfaire ? Pour moi, la réponse est sans ambiguïté : non. » Avec une autorité et une assurance qu’on ne lui a pas toujours connues, le président de la formation viticole a souhaité de bonnes vendanges aux viticulteurs. Aujourd’hui, il est clair que Christophe Forget habite sa fonction.

Bio express
Viticultrice à Saint-Ciers-Champagne, Annabelle Monnereau est installée depuis 2006. Après un BTS viti-œno, obtenu à Bordeaux-Blanquefort, elle a poursuivi son cursus par une licence de gestion à l’Enita de Bordeaux. Pendant 4 ans, elle a dirigé la cave de Montagan, près de Jarnac. Après son installation, elle a effectué un mandat comme présidente des JA 17. Elle a rejoint l’UGVC via le SVBC. Aujourd’hui, elle est vice-présidente du cru Petite Champagne.

 

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