UCVA – Distillation des sous-produits de la viticulture

26 mai 2016

En tant qu’outils de dépollution de la viticulture,l’UCVA et les distilleries vinicolesen général font partie des entreprises aux avant-postes de la « bio-économie ». Unbarbarisme pour désigner les structuresqui, aujourd’hui et plus encore demain,permettront de réduire l’empreinte carbone.A la clé, incitations à la « transitionénergétique » mais surtout sanctions deplus en plus dissuasives pour ceux quine participeraient pas à la « croissance verte »

Diminuer la consommation en énergiesfossiles de 50 % à l’échelon 2050, de 20 %à l’échelon 2030… L’Europe, l’Etat placentla barre très haut. C’est qu’il y a le feu àla planète. Sous l’effet des gaz à effet deserre, le réchauffement climatique necesse de croître. Sur quels leviers agir ? Le17 août 2015, la France a adopté sa « loirelative à la transition énergétique pourune croissance verte ». Elle l’a assortied’une PPE (programmation pluriannuellede l’énergie). Objectif : mettre des actionsen place et surtout les piloter. Dans sonentreprise, l’Etat va à coup sûr être aidépar un aiguillon : la très forte taxationprévue sur les énergies fossiles (gaz naturel,charbon, fioul lourd). De zéro euro en2013, la taxe carbone est passée à 14,50 €la tonne d’équivalent CO2 en 2015, 22 € en2016. Il est prévu qu’elle atteigne 56 € en2020 et 100 € en 2030 !Et les distilleries viticoles dans tout ça ?Elles se retrouvent incluses dans différentspérimètres de la loi : au niveauagricole bien évidemment via la biomasseprovenant des exploitations viticoles, maisaussi au niveau de l’industrie et des transports.A ce sujet, Frédéric Pellenc, le directeurde la FNDCV (Fédération nationaledes distilleries coopératives vinicoles), aindiqué que le bioéthanol d’origine viniquefaisait bien partie des biocarburants exclusde la taxe carbone. « Cette contribution àla diminution des gaz à effet de serre vadevenir une condition d’accès à certainesaides, à certains marchés. » Mieux ! Lebioéthanol produit à partir de déchetsvinicoles (marcs et lies) se classe parmiles biocarburants dits de « générationavancée ». C’est même le seul en Franceaujourd’hui. Car, pour figurer dans cettenomenclature, deux conditions doivent êtreréunies : que la matière première utiliséen’ait pas de vocationalimentaire ;et qu’il n’existepas de risquede changementd’assolement.Contrairementaux betteraves etautres cannes àsucre, c’est le casdes marcs et lies,sous-produits de lavinification.Malgré tout, il afallu que la filièredes distilleries vinicoles bataille dur et mène un gros travailde lobbying pour obtenir cette classification.Aujourd’hui, c’est acquis. Ce qui a faitdire à Frédéric Pellenc : « Nos entreprisesse retrouvent au coeur de la bio-économie».

L’ED 95 homologué

Concrètement, comment cela se traduitil? Tous les jours, des voitures essenceroulent à l’E85, un carburant qui intègre65 à 85 % d’éthanol au carburant fossile.Surtout, depuis janvier 2016, l’ED 95 a étéhomologué en France comme carburant.Grande victoire pour les distilleries vinicolesqui attendaient ce moment depuislongtemps. L’ED 95 a la particularitéd’être, comme son sigle l’indique, un éthanoldiesel (ED) comprenant 95 % d’éthanol.Autre particularité : il est uniquementd’origine vinique, c’est-à-dire issu desmarcs et lies. Depuis cinq ans, il faisaitl’objet d’une expérimentation R&D soutenuepar Raisinor, la structure chargéede commercialiser l’alcool vinique sur lemarché de la carburation pour le comptedes distilleries vinicoles françaises (ou dumoins 90 % d’entre elles). Côté motorisation,c’est le suédois Scania qui était àla manoeuvre. Représenté en France parVolkswagen, il vient de mettre au point unmoteur de 400 cv fonctionnant à l’ED 95. Cemoteur permettra aux poids lourds d’utiliserle bioéthanol d’origine vinique. Jusqu’àmaintenant ne tournaient à l’ED 95 que desmoteurs de 270 cv, suffisants pour des busde ville mais un peu légers pour emmenerde gros gabarits. Et bien sûr, l’ED 95bénéficie du double comptage. Qu’est-ceque le double comptage ? C’est un abattementfiscal consenti aux biocarburantsde génération avancée. En France, il neprofite donc qu’au seul biocarburant d’originevinique ou, plus exactement, à ceuxqui l’achètent, les pétroliers. Un avantagecompétitif de poids pour la filière vinique,que les autres filières bioéthanol (betteravessucrières…) lui envient.

Une unité de déshydratation d’alcool

Parce que dans bio-économie, il y a économie,les distilleries vinicoles ne se sont pasarrêtées en si bon chemin. Depuis 2012, ellesse sont lancées dans un nouveau projet :créer une unité de déshydratation d’alcool.Car, pour utiliser l’éthanol comme un carburant,il faut pouvoir le monter à 99 %, alorsqu’il sort de la distillerie à 92-93 % d’alcool.D’où l’unité de déshydratation. Pour réaliserce programme industriel, les distilleries vinicoles,via Raisinor, se sont associées à 50-50avec le groupe pétrolier Dyneff*. Coût del’investissement : 8 millions d’euros. L’usine,qui comptait déjà des bacs de stockage, estinstallée près de Saint-Gaudens (Haute-Garonne). Elle devrait fonctionner à partir de2017. « Nous sommes en train de créer unefilière à part entière », a commenté JérômeBudua, le directeur de Raisinor France. Lastructure, partagée entre distillerie privée etcoopératives, est présidée par Hubert Burnereau,à la tête de l’UCVA.

(*) Dyneff : créé par des ingénieurs français, le groupepétrolier Dyneff a d’abord été racheté par unesociété roumaine puis par une société azerbaïdjanaise.Aujourd’hui, elle bat pavillon chinois, maisses dirigeants initiaux sont toujours aux commandesopérationnelles.

French Brandy, Brandy de France,Brandy français : en cours de définitionJ

usqu’à maintenant, il n’existait pas de définition officielle du « French Brandy ».Une procédure d’homologation est en cours à l’UE, avec dépôt d’un cahier descharges spécifique.Jean-Marc Crouzet, le directeur del’UFAB (Union française des alcools etbrandies), a décrit ce sur quoi s’articulaitla définition du « French Brandy »,dont le projet de cahier des charges aété déposé à l’UE par la Fédération desbrandies. En ce qui concerne la matièrepremière, le Brandy français devra comporterau moins 50 % de produit français.Ainsi faudra-t-il que la moitié des eauxde-vie de vin soit d’origine française, cequi n’était pas le cas auparavant. Pourla simple et bonne raison d’ailleurs qu’iln’existait pas à proprement parlé de définitiondu French Brandy. Au sujet du vieillissement,c’est encore plus simple. L’intégralité du vieillissement devra avoir lieu enFrance. Ainsi, un produit dont le vieillissement se déroulerait un tant soit peu à l’étrangerne pourrait prétendre à la dénomination « Brandy français ». Quant aux durées devieillissement pour les dénominations VSOP, XO, les discussions se poursuivent mais,clairement, elles seront bien supérieures à celles ayant cours aujourd’hui.Si la procédure d’homologation par la Commission européenne va durer deux ans, lesprofessionnels espèrent bien obtenir une première tendance fin 2016. « D’ores et déjà,nous pouvons nous préparer à mobiliser plus de moyens financiers, dans l’anticipationde volumes de stocks plus importants. »

AG de l’UCVA

La coopérative de distillation UCVA a tenu son assemblée générale à Coutras le26 février 2016. Comme à l’habitude, les résultats sont bons.Les flux financiers de la coopérative s’alimententà trois sources, pour environ untiers chacune :• La vente d’alcool industriel sur le marchéde la carburation ainsi que la rétrocessiond’alcool de bouche (à partir des vins autresque charentais) à la filiale Brandy de la coopérative,l’UFAB.• La valorisation des coproduits (pulpes,pépins, tartrate).• Les subventions FranceAgriMer. A ce sujet,Hubert Burnereau a bien insisté : « Cessubventions sont indispensables à notreéquilibre. D’où l’importance de défendrele maintien de ces aides ». Commentairesdes commissaires aux comptes à la lecturedes rapports financiers : « Une gestion prudentedepuis des décennies a permis unestructure financière extrêmement solide etenviable par rapport à ce que l’on peut voirau national ou à l’international ».Sur l’exercice 2014-2015, le chiffre d’affairesde la coopérative s’est élevé à 6,7 millionsd’euros, auquel il faut ajouter les subventionsd’exploitation de FAM pour 4 millionsd’euros. L’exercice se solde par un excédentde 1,7 million d’euros. Le conseil d’administrationa décidé de verser aux adhérents uneindemnité de 10 € la tonne de marcs, pourcouvrir les frais d’approches en vue de lacollecte.Si la dernière campagne ne s’est pas traduitepar des investissements conséquents,il a fallu engager des frais de maintenanceet d’entretien « afin de maintenir l’usine à unbon niveau de fonctionnement ».Jean-Michel Létourneau, directeur del’UCVA, a souligné l’efficacité de la chaudièrebiomasse, opérationnelle depuis 2011.Avec le biogaz issu des méthaniseurs brûléà 100 %, elle assure la quasi-indépendanceénergétique de l’usine (fabrication de vapeurpour la distillerie, séchage du tartrate, despulpes…). Il a aussi indiqué que l’usine, entant qu’outil de dépollution, traitait l’équivalentd’une ville de 200 000 habitants.« Dans une distillerie comme la nôtre, troispriorités se dégagent :• L’économie d’énergie : c’est pourquoi noussommes à l’affût de tous nouveaux process.• La production d’alcool : avec nos deuxchaudières, nous n’avons pas droit àl’erreur.• Et l’environnement. »En ce qui concerne la collecte, aprèsune toute petite campagne 2013-2014(81 000 tonnes de marcs) et une campagne2014-2015 plus conforme à l’ordinaire(95 000 tonnes), la récolte 2015 signe levrai retour à la normale (100 000 tonnes demarcs de raisins). A 70 %, ce volume provientdes Charentes. A noter que le bassin charentaisn’a pas livré une goutte de lie. Des liestrop précieuses pour le Cognac !Hubert Burnereau a confirmé qu’une foisencore les résultats de l’exercice allaient àla réserve. « Certes, notre niveau de réserveest conséquent, mais l’UCVA a quelques projetsqui vont très certainement demanderde grosses mobilisations financières. » A cestade, il n’en a pas dit plus. Le suspens estintact.

Co-produits Produits à part entière 

Les rentrées financières de l’UCVA proviennent, pour un tiers, des co-produits. A cestade, on ne parle plus de « recettes de poche », mais de produits à part entière.

Tartrate

Une grande volatilité marque ce co-produit,tant au niveau des prix que desvolumes. En termes de richesse en tartrate,les années se suivent et ne se ressemblentpas. Pour une année 2015 normale(1 000 tonnes de tartrate recueilliespar l’UCVA sur les marcs), 2013 avait étécatastrophique. Quant aux prix, ils exprimentles mêmes fluctuations. En quatreans (2015-2011), les prix auront été diviséspar quatre.

Pépins de raisin

Contrairement au tartrate, le tonnagedes pépins de raisin – très dépendantdu tonnage des marcs – s’avère assezstable d’une campagne à l’autre (+ ou –10 000 tonnes pour l’UCVA). Même chosepour les prix, relativement constants surles dernières années, même s’ils ont doublésur la décennie écoulée (de 1 000 à2 000 € la tonne). Malgré tout, une légèreinflexion à la baisse s’est manifestéeen 2014-2015. La faute à une moindreconsommation d’huile de pépin de raisin ?Pas sûr. La raison est plutôt à rechercherdu côté d’une concurrence plus forte despays étrangers, y compris avec des huiles« coupées ». Comme il est difficile « dedonner un coup de pied dans la fourmilière», l’idée est venue à Raisinor France(chargée de commercialiser les pépinsde toutes les distilleries hexagonales) dedéposer un label. Les produits seraientcommercialisés dans des circuits un peusélectifs (Gamm vert, Point vert, Maison& Jardin…). Il faut dire que la filière pépinde raisin revient de loin. Dans les années95, elle fut sauvée in extremis par la prisede participation de Raisinor dans le capitalde GHM (Grande huilerie métropoli-taine) Mediaco. En 2015, Mediaco a étéracheté par une très importante sociétéjaponaise (48 milliards de chiffre d’affaires,110 000 personnes, présente dans65 pays). La filière pépin de raisin doit-elles’attendre à des changements ?

Pulpe pour aliment du bétail

Le prix de la pulpe suit le cours des céréales.Quand le cours des céréales baisse, le prixde la pulpe diminue. A l’UCVA, plus de lamoitié du tonnage de pulpes est utiliséecomme combustible pour le séchage etla distillation. A la tonne, le prix tangenteaujourd’hui les 80 €.

Compost

Avec ce co-produit, le but n’est pas de réaliserdu chiffre d’affaires mais de « débarrasserl’usine et de satisfaire les adhérents». On crédite le compost issu desmarcs « d’être deux fois plus riche quele fumier traditionnel ». Il n’y en a jamaisassez.

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