Quand La Pérennité Passe Par Le Salarié

16 mars 2009

transmission_opt.jpegC’est une belle histoire, attachante et vertueuse. Un chef d’exploitation apprécie le travail de son salarié. La retraite venue, il s’apprête à lui confier les clés de la maison, sous la houlette de ces enfants, gérants non exploitants. La continuité de l’entreprise est assurée.

 

 

 

 

« Le Paysan Vigneron » – Vous êtes en passe de finaliser votre projet.

Tout à fait. Nous venons de créer une SCEA (Société civile d’exploitation agricole) où mes fils seront gérants non exploitants, tous les deux exerçant une activité extérieure à l’agriculture. Pour assurer la pérennité de l’entreprise, nous avons choisi de nous appuyer en interne sur un salarié motivé, qui a fait ses preuves depuis quelques années chez nous. Après avoir reçu un complément de formation sur le terrain, suivi des stages, il est suffisamment compétent pour assumer seul les tâches de production. Je m’absente deux ou trois mois, je sais que le travail sera fait. Il est capable de tailler la vigne, superviser les travaux, traiter, vinifier. Bien sûr, il a des savoirs supplémentaires à acquérir, notamment en matière de vinification, distillation, vieillissement du Cognac, mais tout cela va se peaufiner dans les quatre-cinq ans qui viennent. Il aura une autonomie très importante dans le travail, beaucoup plus de responsabilités. Il s’absentera davantage, sera un peu moins présent dans les vignes. A terme, il sera sans doute amené à embaucher du personnel, même s’il n’établira pas lui-même les contrats de travail. Car l’objectif n’est pas de le laisser se débrouiller seul. Le gérant interviendra en appui et conservera les fonctions de gestion. Par exemple c’est lui qui établira les bulletins de paie.

« L.P.V. » – Le statut du salarié va évoluer ?

Il va passer d’un stade d’ouvrier viticole qualifié à un stade de cadre, avec, bien sûr, une augmentation de salaire à la clé. Mais tout ceci se fera progressivement. Le CERFrance Charente, qui nous accompagne dans cette démarche, parle d’un « plan d’adaptation », modulable dans le temps.

« L.P.V. » – Qu’a pensé le salarié de votre proposition ?

Après l’avoir sollicité, nous lui avons laissé un délai de réflexion. C’était une décision à prendre à deux, avec sa conjointe, dans la mesure où il allait devoir être bien plus présent sur l’exploitation. Il n’a pas manifesté d’hésitation même s’il nourrit certainement une petite appréhension. Il a un niveau d’étude moyen alors qu’aujourd’hui, la gestion d’une exploitation de bout en bout réclame un véritable bagage. Mais comme déjà dit, il y a des choses qu’il ne fera pas. C’est le gérant qui s’en chargera. Je pense qu’il a perçu cette proposition comme une sorte de reconnaissance de sa personne, de son travail. Difficile d’en dire plus. Ces choses-là sont délicates. Nous n’allions pas lui demander s’il était content !

« L.P.V. » – Vous auriez pu faire le choix de recourir à une ETA (entreprise de travaux agricoles) pour poursuivre l’exploitation.

Non, nous ne souhaitions pas emprunter cette piste. J’ai eu quelques expériences en matière de taille, de tirage de bois et j’ai assez vite constaté que cette forme de travail ne tirait pas la qualité vers le haut. Sans doute suis-je un peu délicat, un peu pointilleux mais la rentabilité exigée par ce genre d’entreprise est relativement incompatible avec la qualité des travaux, ne serait-ce que pour une raison toute simple : tout le monde ne va pas à la même vitesse. Pour suivre le rythme de l’équipe, un ouvrier peut être tenté de sacrifier un peu la qualité du travail. Dans un contexte de vignes vieillissantes, avec beaucoup de maladies du bois, l’objectif n’est pourtant pas de négliger le vignoble. Malgré l’embellie actuelle, son renouvellement massif me semble utopique. Dans ces conditions, ne reste qu’une alternative : y faire le plus attention possible.

« L.P.V. » – L’idée de vendre l’exploitation vous a-t-elle traversée
l’esprit ?

C’est une question très délicate. Je suis un terrien, enraciné dans la terre comme les pieds de vignes. L’hypothèse d’une vente aurait été très douloureuse pour moi. Peut-être mes enfants l’ont-ils pressenti et cet aspect a interféré sur leur décision.

« L.P.V. » – Est-ce une formule économiquement viable que de s’en remettre à des salariés pour assurer la pérennité de l’entreprise ?

Ce système ne peut fonctionner que dans la mesure où mes enfants ont des situations à l’extérieur et n’ont pas besoin du revenu de l’exploitation pour vivre. Ils ne tireront aucun argent de structure, si ce n’est des remboursements de frais kilométriques. Nous ne cherchons pas à faire de bénéfice mais que l’exploitation s’autofinance. Sur une structure moyenne comme la nôtre – 30 ha de vignes en Fins Bois – c’est la condition sine qua non. Nous sommes bien d’accord là-dessus.

« L.P.V. » – Assignerez-vous au salarié une obligation de résultat ?

D’une certaine manière oui, même si la notion de résultat n’englobera pas que des éléments quantitatifs de récolte mais aussi d’autres paramètres. Personne n’est à l’abri d’un coup de grêle ou de gel. Ce travail sur les critères de résultat va se mettre en place progressivement.

« L.P.V. » – Qu’est-ce qui vous a plu chez le salarié ?

Ses qualités de sérieux et de travail. Il s’agit de quelqu’un de très méthodique, méticuleux, qui écoute ce qu’on lui dit et exécute parfaitement les tâches. Il ne cherche pas à abroger les conseils. On voit tellement de gens dire « oui, je sais » et ne rien savoir. Quant à l’autonomie proprement dite, ça s’acquiert. La période d’adaptation est là pour ça.

« L.P.V. » – Etes-vous confiant dans la réussite de votre projet ?

Oui, on en prend le pari.

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