Traiter la vendange : Avec douceur et cohérence

27 septembre 2011

Le traitement de la vendange d’Ugni blanc récoltée mécaniquement nécessite la plus grande attention car sa nature, à la fois liquide et semi-solide, la rend particulièrement sensible. Tous les éléments indésirables qui viennent l’enrichir ne pourront ensuite être éliminés, d’où l’importance que les viticulteurs doivent porter à la bonne utilisation des équipements de traitement de la vendange. La notion de structure qualitative des moûts avant leur mise en fermentation est un élément important au sein de l’itinéraire technique de la vinification des vins de distillation. Certains défauts majeurs présents dans les eaux-de-vie sont directement liés à un manque de maîtrise au niveau de la chaîne d’extraction des jus.

La parfaite maîtrise de la chaîne d’extraction des jus est une phase capitale du process de vinification des vins de distillation. La notion de structure qualitative des moûts avant leur mise en cuve (pour le déroulement ultérieur de la fermentation alcoolique) n’est pas toujours suffisamment prise en compte par les vinificateurs de la région. Le fait de posséder du matériel performant, en phase avec les attentes régionales et recommandé par les responsables des grandes maisons de Cognac, s’avère important ; mais savoir utiliser de façon judicieuse l’ensemble des équipements de la chaîne d’extraction des jus est souvent plus déterminant. L’appréciation de la qualité des moûts destinés à l’élaboration des vins de distillation semble liée à deux critères principaux : les teneurs en précurseurs de composés issus de la trituration de la vendange et l’équilibre de la concentration en bourbes des moûts.

Limiter l’extraction des bourbes et des précurseurs de composés issus de la trituration

Les travaux de recherches conduits par la Station viticole du BNIC ont mis en évidence une relation directe des conséquences des phénomènes de trituration sur la présence des précurseurs de composés comme l’hexénol, l’hexénal, l’hexanal, l’hexanol, le cis trois hexanol, le TDN… Au cours des différentes phases de libération des jus qui se produisent en présence d’oxygène (l’air ambiant), des réactions enzymatiques interviennent et engendrent la formation de précurseurs des composés de trituration, et plus la vendange est « malmenée » plus l’intensité des phénomènes devient important. Un excès d’hexénol, de TDN… dans les eaux-de-vie provoque l’extériorisation de notes de verdeur caractéristiques qui ne s’atténuent pas au cours du vieillissement. Au niveau des bourbes, leurs teneurs en excès dans les moûts favorisent ultérieurement la production d’alcools supérieurs au cours de la fermentation alcoolique. Ces composés engendrent de la lourdeur dans les eaux-de-vie et jouent un rôle masquant sur la structure aromatique. A l’inverse, des essais de débourbage au froid poussés (et sans soufre) qui avaient permis de mettre en fermentation des moûts limpides ont donné des eaux-de-vie manquant de typicité. Leur structure aromatique était nettement plus maigre que celle des lots provenant de moûts ayant une teneur normale et équilibrée en bourbes. Ces constats confirment à la fois que des moûts présentant un excès de clarification ou des teneurs en bourbes trop élevées ne correspondent pas aux attentes qualitatives de la filière Cognac. La notion de réussite de la phase d’extraction des jus intègre aussi des éléments indirects importants comme la durée du process global qui ne doit pas excéder 4 à 5 heures entre la récolte et la mise en cuve. En effet, des temps de latence plus importants sont propices à l’implantation des flores de levures et de bactéries indigènes dont les conséquences qualitatives négatives sont maintenant bien connues. La phase d’extraction des jus doit être conduite à la fois avec rapidité et douceur, ce qui n’est pas un challenge facile. Le profil de structure qualitative de référence des moûts destinés à l’élaboration des eaux-de-vie de Cognac repose sur les trois éléments principaux qui ont été évoqués précédemment : minimiser la production de bourbes, limiter l’extraction de précurseurs de composés issus de la trituration et réaliser l’extraction des jus dans des délais rapides.

On ne peut pas éliminer les composés néfastes à la qualité

La vinification des vins blancs secs est confrontée aux mêmes contraintes de qualité des moûts, mais la mise en œuvre d’un débourbage sérieux permet de corriger les conséquences des phénomènes de trituration et de libération excessives de bourbes. Au niveau de la filière eaux-de-vie de Cognac, le fait de ne pouvoir utiliser du soufre pour pratiquer une clarification corrective et éliminer les populations de levures indigènes rend la phase d’extraction des jus éminemment importante. L’introduction récente dans le process de vinification des vins de distillation des décantations rapides aussitôt le pressurage (1 h à 1 h 30 de stabulation statique sans soufre suivie d’un soutirage) a démontré son efficacité dans les situations où justement les moûts ne sont pas trop bourbeux. Cette pratique confère aux eaux-de-vie distillées avec et sans lies une finesse aromatique supplémentaire. Cela s’explique par l’élimination dans les fractions de moûts séparés (2 à 4 % du volume total) de composés ayant un rôle masquant sur la structure aromatique. L’intensité du phénomène de clarification d’une décantation rapide ne permet pas d’avoir un rôle correctif vis-à-vis des excès de bourbes et des précurseurs de composés de trituration. C’est pour toutes ces raisons que la notion de qualité des moûts à l’issue de la chaîne d’extraction des jus est si importante pour la qualité finale des eaux-de-vie. Une fois que « les composés à risques » sont extraits, on ne peut plus les éliminer. Dans l’univers des vins de distillation, la conduite des différentes phases de récolte, de transport, de transfert et de pressurage représente une étape qualitative majeure et la réussite de chacune de ces interventions est indissociable. Il faut avoir une approche cohérente à tous les niveaux pour maîtriser la qualité finale des moûts qui seront mis en fermentation.

Respecter au maximum l’état de la vendange

Le message de respect de l’intégrité de la vendange souvent mis en avant dans la région pour élaborer des eaux-de-vie aromatiques et élégantes a peut-être perdu de son audience au cours des dernières années avec la montée en puissance d’autres préoccupations qualitatives comme le levurage ou la gestion des apports d’azote. Or, un manque de maîtrise au niveau de la chaîne d’extraction des jus a de lourdes conséquences. Un décrochage des raisins brutal par la MAV, un pompage de la vendange trop agressif, des surpressions exercées sur la vendange dans des tuyauteries hautes et longues, un mode de chargement des pressoirs inadapté, un cycle de pressurage trop brutal engendrent à la fois une libération intense des précurseurs de composés herbacés et la présence de bourbes en quantités excessives. On a peut-être tendance à oublier que le raisin est un fruit fragile que l’on doit traiter avec douceur. Revenir à la vendange manuelle et un remplissage des pressoirs en raisins entiers n’est bien sûr plus à l’ordre du jour. Par contre, prêter attention à l’état de maturité des raisins au moment de la récolte, bien régler la machine à vendanger, caler le débit du chantier de récolte en fonction de la capacité de pressurage du chai… contribuent à maîtriser la qualité des moûts mis en cuve.

Pas facile de concilier productivité économique et objectifs de qualité

Le contexte de production du vignoble charentais ne simplifie pas le travail des vinificateurs et maîtriser la qualité des moûts n’est pas une tâche simple. La situation est rendue complexe par une série d’éléments liés aux contraintes d’organisation, aux réalités économiques, à la productivité généralement forte du vignoble et au cépage. Les propriétés viticoles en Charentes sont gérées avec un sens de la rigueur et de la sagesse économique qui concerne aussi les vinifications. En général, les exploitations de tailles moyennes de 40 à 50 ha fonctionnent avec trois emplois permanents et disposent de l’ensemble de la chaîne technologique, ce qui permet de gérer avec plus de régularité les flux de vendange. L’emploi d’une personne supplémentaire intervient souvent pour assurer les transports de vendange. Le responsable de la propriété reste généralement au chai pour piloter les vinifications et comme la durée de vendange n’excède pas deux petites semaines, le traitement de la vendange est effectué sans obligation de recherche d’une performance volumique quotidienne. Les exploitations de grandes surfaces ont souvent des problématiques différentes liées au fait qu’un site de vinification unique traite la production de plusieurs vignobles distants de plus de 10 km. L’exigence de débit quotidien du chai pose alors d’autres problèmes qui sont souvent résolus par un étalement de la durée de récolte et de traitement de la vendange sur 14 à 16 heures/ jour. Les propriétés plus petites (de 10 à 30 ha) ont souvent choisi d’utiliser en commun (avec des CUMA ou entre deux ou trois voisins) la machine à vendanger, les bennes de transport et les pressoirs. Economiquement, c’est une bonne formule mais ce type d’organisation engendre des conséquences en terme de quantité de vendange traitée quotidiennement. Les volumes rentrés dépassent souvent 500 hl/jour et maîtriser la qualité de la chaîne d’extraction sur de tels volumes nécessite une véritable technicité. Certaines propriétés qui ne souhaitent pas réaliser d’investissements à titre individuel ou collectif préfèrent faire appel à des prestataires réalisant la récolte, le transport, le pressurage et parfois les trois interventions. La réussite de ce type d’organisation réside sur un dialogue sérieux entre le viticulteur et le prestataire en matière d’objectif de débits de chantiers. La maîtrise de la qualité des moûts nécessite une certaine sagesse dans le traitement des flux de vendanges et savoir réduire de 10 à 15 % les volumes traités quotidiennement peut s’avérer très payant sur le plan qualitatif. Ce type d’approche engendre bien sûr des surcoûts de 50 à 80 euros HT/ha que tous les viticulteurs ne sont peut-être pas prêts à investir. C’est sûrement dommage !

13 à 17 tonnes/ha de raisins à traiter

La productivité plutôt forte des parcelles d’Ugni blanc est un élément à ne pas sous-estimer. Un rendement de 110 hl/ha induit qu’il faut être en mesure de traiter 14 tonnes de vendange, ce qui représente l’équivalent de la production de deux hectares de Sauvignon ou de Chardonnay. Dans des parcelles produisant 130 ou 140 hl/ha, c’est alors 16 à 17 tonnes de vendanges qu’il faut traiter et de tels niveaux de productivité ont été assez fréquents au cours des deux dernières années. Aujourd’hui, les MAV les plus performantes sont en mesure de récolter un hectare en une heure dans les vignes larges charentaises. Le traitement de tels volumes de raisins nécessite des moyens technologiques adaptés et également un sens de l’organisation avisé. La cadence de récolte ne doit en aucun cas être l’élément qui doit conditionner l’organisation de la chaîne d’extraction des jus. A l’inverse, c’est le maillon technologique le moins performant en débit qui doit servir à « caler » l’organisation du chantier de récolte. Le transport et le transfert de la vendange vers les pressoirs sont deux étapes qui ont considérablement évolué depuis 15 ans. Dans beaucoup de propriétés, les jus libres présents dans les bennes étaient séparés dès leur arrivée au chai pour pouvoir ensuite charger les pressoirs plus facilement. Cette pratique a été remise en cause car les jus libres souvent plus chargés en bourbes étaient mis en fermentation directement sans être forcément assemblés avec les moûts issus du pressurage. Cela conduisait à avoir des citernes de vins déséquilibrées qui présentaient certains défauts et tout particulièrement des teneurs en alcools supérieurs plus élevées. Actuellement, le fait de pomper l’ensemble de la récolte dans le pressoir est la solution conseillée pour obtenir des lots de moûts plus homogènes en qualité et pour tirer le maximum de profit de la capacité d’auto-filtration dans la masse de vendange. Les jus libres plus chargés en bourbes lorsqu’ils traversent la masse de vendange fraîche présentent dans les cages de pressoirs se filtrent et se clarifient partiellement. Actuellement, l’ensemble de la vendange quand elle arrive au chai est directement transféré dans les pressoirs et les moûts recueillis sont ensuite pompés dans les cuves de décantation ou de fermentation. Le fait que les cages de pressoirs collectent l’ensemble des jus libérés au cours des phases de récolte et de transfert (souvent réalisées par un pompage) est un élément à prendre en compte pour la conduite du chargement et le déroulement du cycle de pressurage.

L’Ugni blanc, un cépage qui « décroche » mal

L’Ugni blanc se récolte moins facilement avec les vendangeuses que d’autres cépages comme le Colombard, le Sauvignon ou le Chardonnay. Les grappes lourdes et de grandes tailles portent généralement un nombre de baies important qui ont la particularité d’être « bien accrochées » aux rafles. La charge de grappes généralement abondante sur chaque souche amplifie aussi les différences de maturité, ce qui induit des besoins de fréquences très variables pour décrocher les fractions de grappes peu et bien mûres. Tous les constructeurs de MAV observent depuis longtemps que quelle que soit l’année, la récolte des Ugni blancs nécessite des niveaux de fréquences de secouage plus élevées que la majorité des autres cépages. Or, la mise en œuvre de niveaux de fréquences de secouage assez élevées n’est pas propice au respect de la vendange. Ce n’est pas un hasard si à l’issue de la récolte mécanique de Colombard, de Sauvignon, de Chardonnay, la fraction de jus libres présente dans les bacs des machines à vendanger est faible. Comme leurs grappes sont plus petites, moins nombreuses sur chaque souche et leurs baies plus homogènes en maturité, la proportion de baies entières récoltées est beaucoup plus importante. Les efforts réalisés par les constructeurs au niveau de la souplesse des têtes de récolte sur la végétation et en matière de finesse de réglages ont permis d’améliorer les choses, mais récolter 90 % de baies entières d’Ugni blanc reste encore mission impossible. Des essais de systèmes de tri embarqué de vendange avec deux constructeurs, Pellenc et New Holland, par la Sation Viticole du BNIC ont permis de quantifier précisément la proportion de baies éclatées pendant la seule phase de cueillette : « Elle se situe entre 22 et 25 %, ce qui est très important. » Certes, les baies éclatées n’ont pas libéré la totalité de leur jus mais leur nature s’avère très différente de celles qui sont entières. La vendange d’Ugni blanc qui est transférée dans les pressoirs possède donc une constitution très particulière : 25 % de baies éclatées, 75 % de baies entières et un volume de jus libres important. Conduire le remplissage et le cycle de pressurage d’une nature de vendange aussi disparate nécessite la plus grande attention car la phase d’extraction des jus doit atteindre et concilier trois objectifs différents : recueillir les jus libres filtrés dans la masse de vendange, extraire les fractions de jus au sein des baies partiellement éclatées et assurer le pressurage complet des baies entières. Dans la chaîne d’extraction des jus, les pressoirs sont devenus le maillon principal de collecte des jus, ce qui confère à leur utilisation une grande importance.

Un effet maturité des baies à ne pas sous-estimer

L’effet maturité de chaque millésime joue aussi un rôle important sur l’aptitude des baies à se décrocher. Certaines années, un décalage de 3 à 5 jours du début de la récolte permet d’améliorer de manière très significative le respect de l’intégrité des raisins. D’une manière générale, l’homogénéité de maturité des raisins sur les souches facilite considérablement la phase de récolte, car cela permet d’affiner les réglages sans forcément rechercher des niveaux de fréquences maximum. A l’inverse, quand des raisins de maturité hétérogène se côtoient sur les mêmes souches, leur décrochage nécessite plus d’efforts et le respect de la vendange s’en trouve inévitablement affecté. L’hétérogénéité de maturité des raisins au moment de la récolte est liée à plusieurs causes : une floraison étalée et difficile, la présence de deux générations de grappes sur les souches ou une phase de maturation perturbée par les conditions climatiques de l’été. En 2011, la forte sécheresse que subit le vignoble pourrait conduire à l’obtention de raisins ayant une maturité hétérogène car même si la floraison s’est globalement bien déroulée, deux générations de grappes sont présentes sur les souches. Les conséquences du déficit hydrique sont déjà très perceptibles dans certaines parcelles. Si l’absence de précipitations suffisantes se poursuit jusqu’à la fin août, le déroulement de la phase de maturation pourrait être fortement perturbé. Dans de telles conditions, les écarts de maturité entre les grappes risquent de s’amplifier et en plus les baies n’auront peut-être pas une aptitude à libérer leur jus facilement. Souhaitons que quelques séquences pluvieuses fin juillet et courant août homogénéisent les raisins.

Trois natures de jus contenues dans les baies que l’on retrouve lors du pressurage

p161.jpgAu cours de la maturation, les baies voient leur constitution se modifier profondément. En quelques semaines, elles passent d’un état végétal proche des feuilles à celui d’un fruit fragile constitué de zones distinctes. Que se passe-t-il lorsqu’au moment de la récolte ou du pressurage l’éclatement des baies se produit ? Les actions mécaniques provoquant la rupture des pellicules et l’éclatement des baies sont en relation directe avec leur constitution. Une baie se décompose en trois zones distinctes, elles-mêmes constituées de cellules plus ou moins fragiles. Le degré de fragilisation des cellules augmente à partir de la véraison pour atteindre son niveau maximum à la pleine maturation.
La zone intermédiaire couramment appelée la pulpe est constituée des cellules les plus fragiles qui libèrent leur jus en premier. Les jus libres présents dans les bacs des MAV proviennent principalement de la zone intermédiaire. Le fait que l’éclatement se produise précocement amplifie la libération d’éléments solides qui vont constituer les bourbes. Les cellules de la zone intermédiaire représentent sur le plan volumique la fraction la plus importante des jus contenus dans les baies. Les jus provenant de la zone intermédiaire sont riches en sucres et en acide tartrique. La zone centrale des baies située autour des pépins est constituée de cellules moyennement résistantes qui libèrent leurs jus déjà moins facilement. Au moment de la récolte mécanique, les baies partiellement éclatées libèrent peu de jus provenant de la zone proche des pépins et leur constitution est riche en acide malique et en potassium. Les cellules situées à proximité de la pellicule sont les plus résistantes et l’extraction des jus qu’elles renferment demande des efforts importants. Leur libération intervient en dernier au cours des phases de plus hautes pressions pendant le pressurage (entre 1 et 2 bars pour les pressoirs pneumatiques), ce qui a une incidence sur leur constitution. Ce sont des jus riches en potassium, en polyphénols et aussi en précurseurs d’arômes pour des cépages comme le Colombard, le Sauvignon et le Chardonnay. Au cours du déroulement d’un cycle de pressurage, la variation de la qualité des jus est corrélée à la capacité naturelle des cellules à résister à l’éclatement.
Les teneurs en acide tartrique et en sucres sont extraites tout au long du pressurage avec tout de même un niveau de concentration maximal durant les premières phases du cycle. Les teneurs en acide malique augmentent fortement pendant le cœur du cycle de pressurage et à l’inverse, celles des polyphénols et du potassium sont extraites plus fortement avec les derniers jus.

 

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Bien régler le secouage des vendangeuses

La première étape de la chaîne d’extraction des jus se situe au niveau de la récolte mécanique qui malheureusement avec un cépage comme l’Ugni blanc entraîne un éclatement de 20 à 25 % des baies. Les actions mécaniques au cours de l’action proprement dite de cueillette, de la chute des fractions de grappes sur les convoyeurs et parfois au cours du convoyage peuvent être partiellement minimisées en récoltant chaque parcelle à bonne maturité et en optimisant les réglages de la machine (le pincement, la fréquence de secouage…). Concilier le décrochage de la récolte et le respect de la qualité des raisins est un objectif qui n’est pas toujours facile à atteindre, surtout quand la maturité est hétérogène. Pour ne laisser aucune baie sur les rafles, il suffit d’augmenter les fréquences de secouage mais dans ces conditions, l’intensité des actions mécaniques sur la vendange et la présence de débris végétaux deviennent plus fortes. Bien régler la vendangeuse c’est trouver le juste compromis entre une récolte efficace, le respect de l’état de la vendange et la recherche d’une propreté maximum. Parfois, il vaut mieux laisser quelques baies peu mûres sur les rafles pour obtenir un maximum de baies entières et très peu de débris végétaux. Les débris végétaux principalement les feuilles, les pétioles mais aussi les rafles dilacérées restent au contact de jus libres, ce qui favorise les réactions enzymatiques propices à la formation des composés issus de la trituration. Un nettoyage efficace de la vendange avec les extracteurs de feuilles est un acte préventif très important même les années où les rendements sont plus maigres. Les essais de la Station Viticole du BNIC ont mis en évidence que la teneur en marqueur de la trituration dans les moûts est corrélée à celle que l’on retrouve dans les vins. Mettre en œuvre tous les moyens préventifs pour éviter leur formation au cours de la chaîne d’extraction est donc très important.

Attention aux conséquences de pompages de vendanges trop rapides

Le transfert de la vendange vers le pressoir s’effectue dans la grande majorité des propriétés par un pompage à partir des conquets ou des bennes. Des efforts considérables ont été réalisés au niveau de la conception des tuyauteries, des hauteurs de pompage réduites, un nombre de coudes minimum pour réduire les pressions à l’intérieur des canalisations. Le débit des pompes a considérablement augmenté, ce qui permet de transférer 60 hl de vendange en un petit quart d’heure. Cette recherche de performance en matière de débit de pompage permet de réduire le temps de chargement des pressoirs pneumatiques. Actuellement, de plus en plus de chais utilisent le remplissage axial et l’excès de rapidité de chargement peut avoir des conséquences que beaucoup de vinificateurs sous-estiment. Une vitesse de chargement très rapide d’une vendange semi-solide peut provoquer à l’intérieur des cages (ouvertes ou fermées) des phénomènes de surpressions importants (de 0,7 à 1 bar) pendant quelques instants, car l’air à l’intérieur des cages n’a pas le temps de s’échapper. Cette situation modifie profondément l’écoulement des jus libres et entraîne un phénomène d’égouttage dynamique qui ne laisse pas le temps au moût de s’autofiltrer suffisamment. Cela conduit à l’obtention de lots de moûts présentant des teneurs en bourbes nettement plus élevées. Un pompage de la vendange moins rapide dans les cages évite ce genre d’accident. Le remplissage par les trappes supérieures reste la meilleure solution quand les différences de niveaux des canalisations ne sont pas trop importantes.

Adapter le niveau de remplissage à la nature de la vendange

Le remplissage axial présente à la fois les avantages de libérer le personnel de chai de la tâche assez fastidieuse de répartition de la vendange, d’augmenter le taux de remplissage et l’inconvénient de ne pas permettre un contrôle visuel du niveau de remplissage. Un pressoir ne doit jamais être surchargé car dans ces conditions appréhender les niveaux de pressions les plus adaptés à la libération des jus devient très compliqué. Dans une cage surchargée au remplissage, les jus libres ne peuvent pas s’écouler naturellement et subissent un effet d’égouttage dynamique proportionnel au niveau de surcharge de la cage. Quel est le niveau de remplissage idéal d’un pressoir ? La question est bonne et la réponse n’est pas forcément très simple. La nature de la vendange est un élément important à prendre en compte car son état sanitaire, son degré de maturité et son intégrité vont fortement influencer la capacité à libérer les jus. Une vendange libérant facilement ses jus permet un niveau de chargement normal des cages alors qu’un léger sous chargement est conseillé pour une vendange plus délicate (par exemple très mûre et grasse). Dans le contexte de la vendange charentaise semi-solide, le niveau de remplissage des pressoirs par les trappes ne doit jamais dépasser 1,4 à 1,5 fois la capacité de sa cage. L’utilisation du remplissage axial permet d’assurer un égouttage plus poussé pendant la phase de chargement. La fréquence des rotations durant le remplissage est à piloter avec sagesse car leur mise en œuvre excessive favorise la libération des bourbes. Les rotations pendant le pompage de la vendange sont à proscrire car l’écoulement des jus libres est alors soumis à un effet de pression induit par l’action de pompage. Certains constructeurs proposent des rotations qui se limitent à des séquences des balancements jusqu’aux deux tiers du remplissage. Ce type d’intervention a pour objectif de répartir la vendange dans la cage et de casser les « poches » de jus libres. En fin de remplissage, faire quelques rotations complètes est souvent indispensable pour obtenir le niveau de remplissage souhaité. Dans la région, beaucoup de constructeurs estiment que le niveau de remplissage souhaitable des pressoirs chargés en axial ne devrait pas dépasser 1,8 à 2 fois la capacité de la cage.

La fonction très importante du pressoir dans la chaîne d’extraction des jus

L’organisation de la chaîne de traitement de la vendange dans la région de Cognac permet de collecter l’ensemble des jus à la sortie des pressoirs, ce qui confère à ce matériel une fonction très importante. Les pressoirs ont trois fonctions principales qui sont complètement associées : l’élimination des jus libres, la phase d’’extraction proprement dite et la filtration des jus dans la masse de vendange. Au cours des 15 dernières années, un parc important de pressoirs pneumatiques s’est développé dans la région en remplacement des pressoirs horizontaux. Cette nouvelle génération d’équipements fonctionnent de manière très différente au niveau du mode de remplissage et du déroulement du cycle. La technique de pressurage à basse pression des pressoirs pneumatiques doit toujours être adaptée aux spécificités qualitatives de chaque vignoble. Or, en Charentes, aucune réflexion n’a été développée sur la définition d’un cycle de pressurage spécifique au profil de qualité des vins de distillation. Une seule région viticole en France, le vignoble champenois, a conduit une réflexion fondamentale sur la définition d’un cycle de pressurage adapté à leurs objectifs de qualité. Un travail de fond a été mené par les services techniques du CICV (Comité interprofessionnel des vins de Champagne) dans le courant des années 90 (sur plusieurs millésimes) pour mieux connaître l’aptitude des différents cépages à libérer les jus, et cela a débouché sur la définition d’un cahier des charges très précis en matière de conception et de déroulement des cycles de pressurage. Compte tenu de l’impact de la structure qualitative des moûts sur la qualité finale des vins de distillation et des eaux-de-vie, on peut se demander si la mise en place d’une réflexion régionale sur ce sujet ne serait pas d’actualité.

Bien appréhender les niveaux de pression nécessaires à la libération des jus

Comment peut-on aborder dans de bonnes conditions la conduite du pressurage en Charentes avec des pressoirs pneumatiques ? Les réponses sont venues à la fois de l’observation de l’état de la vendange et du vécu du pressurage acquis avec les pressoirs à plateaux dans la région. Les différents constructeurs et les concessionnaires ont proposé des démarches conciliant les attentes de débit souvent élevées aux exigences de qualité des moûts (limiter l’extraction des bourbes et des composés issus de la trituration). Un pressoir pneumatique une fois qu’il est rempli se comporte comme un filtre qui est régulièrement décolmaté au cours de sa phase de travail. La vendange charentaise a la particularité d’avoir une nature à la fois liquide et semi-solide. La proportion de jus libres qu’elle renferme est importante et avant de les libérer, il convient de leur faire bénéficier au maximum de la capacité d’autofiltration dans la masse de la vendange. C’est le seul moyen de pouvoir retenir la fraction de bourbes en excès très gênante sur le plan qualitatif. Le mode de remplissage axial amplifie la libération des jus libres et des volumes conséquents s’écoulent pendant la phase de chargement. Néanmoins, la libération des dernières fractions de jus libres intervient pendant la phase de pressurage mais souvent les viticulteurs n’intègrent pas cet élément dans leurs réflexions sur la conduite des programmations. Le fondement de la conception d’un cycle de pressurage réside dans la bonne appréhension des niveaux de pression nécessaires à la libération des jus, sachant que la structure de la vendange charentaise est très hétérogène. Durant le pressurage, l’extraction des jus doit intervenir sur trois natures de support très différentes : les jus libres, les baies partiellement éclatées et les baies entières.

La bonne utilisation du filtre de vendange au cours du pressurage

L’organisation d’un cycle de pressurage s’articule autour de quatre fonctions indissociables : l’action de libération des jus par le déplacement de la membrane, l’action de filtration dans la masse de vendange, l’évacuation des jus et la régénération du filtre naturel constitué par le gâteau de vendange (par des émiettages). L’action de libération des jus est provoquée par le gonflement progressif de la membrane. Une surpression au contact des différentes fractions de la vendange se crée et provoque l’éclatement des cellules. Les jus libérés migrent dans la masse de vendange qui s’oppose à leurs déplacements et l’effet de filtration se produit. La structure de la masse de vendange dans le pressoir joue donc un rôle très important dans le processus d’extraction des jus. L’état et la structure du gâteau de vendange ont une influence directe sur les niveaux de pressions nécessaires à la libération des jus. Au cours des deux heures de pressurage, le filtre évolue et passe d’un état « ouvert » en présence de faibles pressions en début de cycle à un état « fermé » en fin de cycle nécessitant des pressions plus élevées. L’objectif d’un pressurage bien conduit réside dans une utilisation judicieuse des capacités du filtre qui se colmate plus ou moins rapidement. La pression augmente régulièrement pour compenser le colmatage progressif et favoriser la libération des jus. Au-delà un certain niveau de pression, l’efficacité sur l’écoulement des jus diminue et il devient nécessaire de reconstruire un filtre pleinement opérationnel en mélangeant la vendange par un émiettage (ou un rebêchage) avec des rotations de cages limitées. La gestion de la conduite des rebêchages (le nombre de tours de cages) est dépendante du niveau de pression du dernier palier de pression, du taux de remplissage de la cage et du taux d’assèchement recherché.

La qualité des jus se joue dans la phase de basses pressions

La construction des paliers de pressions se décompose en deux séquences principales et distinctes, l’une dite de basses pressions entre 0 et 1 bar et l’autre de hautes pressions, entre 1 et 2 bars. C’est au cours de la phase de basses pressions que 80 % des jus sont extraits. L’investissement technique dans la construction de la séquence de libération des jus à basses pressions est déterminant. Le dosage des teneurs en potassium tout au long d’un cycle de pressurage est un marqueur de la qualité des jus. Dans de nombreux essais, ce composé voit sa teneur nettement augmenter à partir de 0,8 bar ; un palier de pressions charnière. La recherche de niveaux de pressions minimum, d’une grande progressivité dans les montées en pression, d’une gestion fine des maintiens de pressions, d’un effet de filtration maximum et d’un nombre d’émiettages limité sont essentiels pour la qualité des jus. Il ne faut surtout pas bloquer les jus dans la cage en début de cycle mais au contraire leur laisser le temps de s’écouler. Certains constructeurs intègrent dans leurs programmations en tout début de cycle une phase d’égouttage statique (sans gonflement de la membrane) avec quelques balancements de cage pour laisser sortir les jus libres sans pression. Cette phase d’égouttage, qui peut durer 10 minutes, permet ensuite d’aborder la phase de pressurage à basse pression avec beaucoup plus de progressivité. Les constructeurs et les concessionnaires proposent plusieurs cycles de pressurage pré-programmés généralement adaptés à la vendange charentaise, mais les effets millésime sont parfois forts. Le cycle de pressurage qui donnait satisfaction en 2010 ne sera peut-être pas aussi performant en 2011 car la nature de la vendange influence fortement la capacité des baies à libérer leur jus. L’observation fine du déroulement des premiers cycles de pressurage est déterminante pour se rendre compte du coulage des jus et affiner la programmation. La conception des automates de programmation est aujourd’hui devenue plus conviviale et modifier quelques paramètres peut être effectuée facilement. L’allongement des durées de pressurage pour rechercher des assèchements plus forts est une pratique dépassée, compte tenu des faibles volumes de jus supplémentaires recueillis et des risques qualitatifs que cela engendre. Les systèmes de pilotage des cycles de pressurage plus automatisés tenant compte du débit des jus représentent des approches de travail intéressantes sur le plan qualitatif dans la mesure où les spécificités de la vendange charentaise sont prises en compte.

Bibliographie :
• Station Viticole du BNIC
• Laboratoire d’œnologie de la Chambre d’agriculture de la Charente
• Laboratoire d’œnologie Mornet
• Société Bucher Vaslin

 

 

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