Traitement à l’eau chaude des plants

9 avril 2018

Le traitement à l’eau chaude des porte-greffes et greffons et plants de vigne est une pratique éprouvée pour éradiquer les phytoplasmes de flavescence dorée et du bois noir. Le syndicat des pépiniéristes viticoles de la région du Cognac et le conservatoire du vignoble charentais se sont récemment associés au sein d’un GIE pour investir dans un équipement collectif. La technique est très efficace mais elle requiert une grande rigueur de mise en œuvre pour conjuguer l’efficacité et un bon taux de reprise.

La première pierre de ce centre régional de traitement à l’eau chaude de la pépinière viticole de la région du Cognac a été posée le 15 décembre 2017 sur la commune de Cherves Richemont, à côté de l’ampélopôle. L’installation qui pourra traiter jusqu’à 4 millions de plants par an (20% de la production régionale) devrait être opérationnelle fin 2018.

L’investissement était devenu une nécessité conviennent les pépiniéristes. Le traitement à l’eau chaude leur permettra de délivrer des plants en quantité suffisante et « garantis sans Flavescence dorée ni bois noir » ce qui est un argument de taille tant pour le viticulteur que pour les fournisseurs de plants.

 

Sécuriser la qualité et les quantités

François Bodin, le président des pépiniéristes de Charentes rappelle, « Tout est mis en œuvre chez chacun d’entre nous pour appliquer à la lettre les prospections et les traitements obligatoires prévus par l’arrêté ministériel». Mais, en matière de flavescence dorée, la prophylaxie ne garantit jamais la protection parfaite des vignes mères. Pour préserver la salubrité des plants commercialisés, la réglementation prévoit un traitement obligatoire des bois à l’eau chaude si un foyer a été identifié à proximité de la parcelle de vigne mère. « Dans la dynamique actuelle d’agrandissement du vignoble, on ne peut pas se passer d’un seul greffon car un greffon manquant c’est un plant manquant pour la région  » explique le président. 

 

Cibler des situations à risque.

Il n’y a pas d’intérêt particulier à traiter l’ensemble du matériel végétal produit sur la région. En revanche, il existe aujourd’hui des situations à risque pour lesquelles les pépiniéristes manquaient de solutions. Pour illustrer la complexité de la situation, François Bodin liste trois cas particulier où le traitement s’avère obligatoire.

  • Lorsqu’un foyer est identifié dans un périmètre de moins de 500 m d’une vigne mère (greffons ou porte greffe). Les pépiniéristes se sont organisés pour assurer des prospections élargies à la périphérie de leurs parcelles. Cependant, ils n’ont malheureusement pas de moyens de vérifier la bonne réalisation des traitements insecticides obligatoires.

  • Pour les parcelles de vignes mères faisant l’objet d’une dérogation aux traitements insecticides obligatoires (viticulture biologique),

  • Pour les parcelles situées hors PLO (environ 20% du vignoble charentais), où les traitements insecticides ne sont pas obligatoires. « Demain, nous serons peut être amenés à tenir compte de ces pistes pour progresser en matière de viticulture durable » explique le président Bodin.

     

    Un projet fédérateur pour la profession

     

    Le centre régional de traitement à l’eau chaude du Cognac sera géré dans le cadre GIE (Groupement d’intérêt économique) qui regroupera d’une part le conservatoire du vignoble charentais et d’autre part 35 pépiniéristes (dont le centre de pré multiplication de la station viticole du BNIC) représentant 85% de la production régionale. L’association de ces entités est une belle opportunité de synergie. Le conservatoire assure un appui logistique et administratif précieux pour les pépiniéristes dont le syndicat n’a pas de moyens humains. Certains pépiniéristes auraient, sans nul doute, eu les moyens d’acheter leur propre installation mais le syndicat considère que le projet commun a bien plus de vertus. La première concerne le coût unitaire du traitement qui est considérablement réduit lorsqu’il est mutualisé. La seconde est beaucoup plus large :  « Nous sommes une petite profession avec des entreprises souvent concurrentes, ce projet fédère les pépiniéristes régionaux, et c’est une bonne chose. » explique le président des pépiniéristes.

 

 

Les 36 pépiniéristes adhérents au GIE

S.A.S. ARRIVE VIROLLET

GAEC BARRIER – MOINGS

EARL GERGAUD  – NERCILLAC

BROUSSIN Olivier – REPARSAC

SARL PEPINIERES BUREAU – NERCILLAC

STATION VITICOLE DU BNIC – COGNAC

CHOLLET Bertrand – BOUTIERS ST TROJAN

SCEA CLEMENT – AUJAC

EARL POLY-VITI – PERIGNAC

DEBEAU Maryse – BONNEUIL

EARL DELMON – NERCILLAC

DESERBIER Pascal – MONS

SARL DE LA GROIE – NERCILLAC

EARL DUPUIS – AUTHON EBEON

EARL PEPINIERES VITICOLES FORGERIT – REPARSAC

SARL FRADIN – AUJAC

SARL FUSEAU -NERCILLAC

GAUDIN Wilfried – AUJAC

GERVAIS Henri – GEMOZAC

SCEA GRANET – ST SULPICE DE COGNAC

EARL GUIGNARD – NERCILLAC

SCEA JALLET DIDIER – NERCILLAC

CONSERVATOIRE DU VIGNOBLE CHARENTAIS – CHERVES RICHEMONT

SARL BARIT LAURICHESSE  – VERRIERES

EARL LYS-CHARRIER – PERIGNAC

PAYES Eric – GREZAC

EARL PERAUD et fille – BREVILLE

SCEA PETIT-MOREAU – CHADENIERS

PIERRE Christophe  -REPARSAC

EARL RAFFOUX Janique & Philippe  – ANTILLE

SCEA ROUTURIER JEAN-PIERRE – SONNAC

PEPINIERE VITICOLE AUBOIN HENRI – NERCILLAC

GAEC TAPON – ST HILAIRE VILLEFRANCHE

EARL TROTIN BOISNARD – ST ANDRE DE LIDON

TURPAUD Mario  -BRIE / ARCHIAC

SCEA VINCENT-CHAMPEAU  – ARTHENAC

 

Investissement substantiel, fonctionnement abordable.

 

Le projet collectif a bien des vertus, tant sur le plan économique qu’environnemental. Le projet a été bien accueilli par les financeurs ce qui a permis d’obtenir un niveau de subvention très confortable, de l’ordre de 75%. Le financement à la charge du conservatoire (40 000 €) des pépiniéristes (2000€ par adhérent pour une durée de 10 ans) s’avère être on ne peut plus modérée par rapport au montant d’un projet individuel. « Au travers de cette cotisation, chacun de nous investi dans une sorte de « structure assurance » en cas de contamination accidentelle dans nos parcelles ou à proximité ». L’apport initial (adhésions et subventions) couvre la totalité de l’investissement. Le coût unitaire du traitement qui restera à la charge de chaque pépiniériste devrait être considérablement réduit par rapport à un prestataire de service traditionnel (60€ par bain de 12 000 plants au lieu de 150 à 200€), ce qui représente une économie substantielle pour le pépiniériste et donc, à terme, pour l’acheteur de plants.

 

Des traitements à la demande.

Il n’est pas prévu que les traitements soient généralisés pour des raisons évidentes de coûts et parce que ces derniers ne sont potentiellement pas sans conséquences sur le taux de reprise à la plantation. « Si nous utilisons peu cette unité, ce sera bon signe, explique Sébastien Julliard, le directeur du conservatoire du vignoble charentais. Ce sera la preuve que l’état sanitaire des vignes mères est irréprochable ». Pour la pérennité de l’outil, il était donc important que l’amortissement de l’installation ne soit pas  dépendante d’un volume d’activité minimum.

 

Les conséquences sur le taux de reprise

Pour éliminer le phytoplasme de la flavescence dorée et de la maladie de Pierce, le couple durée / température optimal est de 45 minutes à 50°C. En dessous, l’éradication n’est pas garantie. Au-dessus, les risques de mortalité des plants peuvent apparaître. Il convient, pour limiter ces éventuels désagréments à la reprise, de veiller strictement au respect des préconisations à la mise en œuvre, en particulier dans les situations ou le niveau d’aoûtement du matériel végétal est insuffisant, et pour les  porte-greffe tels que le Fercal et le 41B qui semblent plus fragiles au choc thermique.

Lorsque les conditions sont optimales (matériel de qualité, maitrise de température, délais d’acclimatation avant et après traitement, plantation précoce et dans de bonnes conditions en pépinière), les taux de perte sont négligeables. Dans le cas contraire, ils peuvent être importants en particulier si plusieurs facteurs se cumulent.

 

L’avis de l’expert

 

Pascal Bloy, Directeur du pôle national matériel végétal à l’IFV au Grau du Roi.

Le traitement à l’eau chaude est une solution simple, sans chimie qui est efficace à 100% sur les phytoplasmes de la flavescence dorée et du bois noir. C’est une chance ! Il est aussi efficace sur d’autres maladies telles que la nécrose bactérienne, le phylloxera, et surtout la maladie de Pierce, qui ne concerne pas nos vignobles pour l’instant mais qui s’en rapproche dangereusement. Il faut toutefois être conscient que cette solution n’est que curative. Elle n’apportera aucune protection vis à vis des contaminations ultérieures. Le traitement présente, c’est vrai, un risque d’augmentation de la mortalité. Lorsque les conditions optimales sont réunies nous considérons que le taux de perte moyen à la reprise peut être augmenté de 2 à 3%  après un traitement. Il est des situations particulières où je ne recommanderais pas le traitement à l’eau chaude. C’est en particulier le cas des plants qui ont été ou qui seront conservés d’une année sur l’autre en frigos. Ce qu’il faut retenir sur le risque de mortalité, c’est qu’il va amplifier des problèmes latents tels que le manque d’aoûtement ou un niveau de réserves insuffisant. Certaines variétés comme le Fercal présentent également davantage de risques. Il est souhaitable que les viticulteurs soient mis au courant si un traitement a été réalisé car les plants ont besoin d’un cycle végétatif abouti l’année de la plantation au risque de voir apparaître des pertes l’année suivante faute de réserves suffisantes. Les plantations tardives ou réalisées dans des conditions difficiles accentuent les risques de mauvaises reprises. C’est donc une pratique qui impose un haut niveau d’exigence sur la qualité de la matière première, la mise en œuvre du traitement, la conservation des bois et plants et la plantation.

Pour garantir une efficacité totale du traitement, les 21 centres de France sont soumis à des audits annuels d’organismes certificateurs pour la maîtrise des paramètres des bains et de France-Agrimer. Le couple température/durée qui est la clef de voute de la réussite du traitement ne doit souffrir d’aucune approximation, c’est la raison pour laquelle les paramètres de chaque traitement sont enregistrés et systématiquement archivés.

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