« Tout paysan debout domine noble à genoux »

21 février 2024

Une patience qui avait inévitablement ses limites


Et non, il ne fallait pas prendre l’action des panneaux retournés à la légère. #OnMarcheSurLaTête. Si c’était avec humour et bienveillance que les agriculteurs avaient partagé, en novembre dernier – une énième fois et alors toujours vainement – leur mécontentement, février et l’absence de réponse satisfaisante des instances auront fait passer un cap à la gronde.

Si l’action de novembre était signée JA et FNSEA, tous les syndicats agricoles sont aujourd’hui sur le pont pour défendre leur(s) vision(s) de l’agriculture. Charges administratives, normes de sécurité, contraintes environnementales, fluctuation des prix, conditions météo imprévisibles, concurrence du/des marché(s), accès et disponibilité des terres, exigences en matière de certification et de conformité, coûts élevés des intrants, accès au crédit et aux financements, pression de rentabilité et de durabilité, stop ou encore ? Transmission des exploitations et renouvellement des générations, demande fluctuante des consommateurs, contraintes liées à la main-d’oeuvre, pression sociale et sociétale, pression professionnelle, pression financière, pression environnementale, pression politique, pression physique et mentale (et oui, aussi), mais aussi et surtout un revenu souvent bien insuffisant, soit un, deux, trois, dix motifs raisonnables de manifester pour revendiquer sa place dans le processus politique et de faire du hors-champ avec son tracteur. Tous sauront reconnaître que d’autres corporations auraient une patience bien plus limitée…


Baptême du feu pour le tout jeune gouvernement Attal


Si la maison agriculture brûle depuis longtemps, craignant d’être sacrifiée, à petit feu, comme l’industrie française en son temps, les alertes auront, elles aussi, été nombreuses et répétées, sur les enjeux, injonctions et incohérences auxquels les agriculteurs ont – plus ou moins et chacun à son échelle – à faire face. Pourtant, c’est la gronde de début février qui aura mis le feu aux poudres, constituant pour le premier pompier de France, Gabriel Attal, un baptême du feu olympique. Depuis lors, tout le Gouvernement est sur le pont, avec désormais deux ministres de l’Agriculture (une première), mais aussi un ministre de l’Economie travaillant d’arrache- pied (de vigne aussi) pour restaurer la fierté agricole française. Sur le devant de la scène, il faudra toutefois noter le relatif silence du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires… 60 arrêtés préfectoraux levés, 1 200 normes trop contraignantes signalées par les syndicats agricoles ces dernières semaines, la bataille du chiffre est lancée. Pourtant et pour l’heure, pas de zéro en plus de prévu sur le compte des agri. La principale revendication, unanimement partagée par les syndicats agricoles, étant pourtant, rappelons-le, de bénéficier d’un revenu décent.

L’écologie, avant-dernière de la classe


Est-ce là le message que le Gouvernement souhaite laisser passer aujourd’hui ? Alors que, « depuis le début du quinquennat, en France comme sur la scène internationale, la cause écologique est l’une des priorités du Président de la République », ce dernier l’ayant qualifiée de « combat du siècle », que peut-on penser de la place laissée à l’écologie au sein de ce tout nouveau Gouvernement ? Rangée à l’avant-dernier rang du protocole, désormais absente des radars, peut-être se fait-elle discrète, inquiète du sort qui pourrait lui être fait ces jours-ci, si elle est injustement sacrifiée sur la voie de la facilité et de l’immédiateté où la levée de la contrainte est préférée à un juste et véritable accompagnement de sa mise en oeuvre. L’autre voie, plus longue, plus coûteuse, celle de la durabilité qui ne se sacrifie pas, nécessite un accompagnement structurel fort, s’inscrivant dans la durée. Certes, il s’agit de naviguer dans des eaux délicates, mais est-il un autre véritable remède à la restauration de la fierté agricole tant revendiquée ? Et comment ne pas décourager les colibris qui s’engagent, innovent, accompagnent et se battent au quotidien pour être à la hauteur de l’enjeu, chacun apportant sa goutte d’eau pour éteindre l’incendie (encore un).

L’Union européenne et les accords de libre-échange, grands coupables de la crise ?


N’est-il pas tentant, voire aisé, de pointer du doigt l’Union européenne et les accords de libre-échange comme grands coupables de la crise structurelle, tout à la fois économique, sociétale et politique, traversée par les exploitants agricoles et aujourd’hui mise sur la place publique dans l’Hexagone et dans ses contrées voisines ? Largement mise au banc des accusés, la distorsion de concurrence subie par ces derniers est une réalité, dont il sera pourtant hélas bien difficile de se défaire, les intérêts en présence dépassant bien largement ceux de la seule agriculture, rapportés à l’intégralité de la balance commerciale européenne. En effet et côté chiffres, la zone euro enregistrait, en octobre 2023, un excédent de 11,1 milliards d’euros dans ses échanges de biens avec le reste du monde, contre un déficit de 28,7 milliards d’euros en octobre 2022. Côté textes, cette politique commerciale est régie par les traités et relève de la compétence de l’Union. Elle s’efforce de contribuer « au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres » (article 206 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne). La libéralisation du commerce mondial est alors l’un de ses objectifs, comme aime le rappeler la Commission européenne. Entre libéralisme et souveraineté, encore aujourd’hui (le débat n’étant pas nouveau), notre coeur balance…

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