Témoignage de Marcel Koudougou : Bangr-nooma, le savoir est bon

20 novembre 2013

Président de Bangr-Nooma, l’association des jeunes de la communauté villageoise de Boala, au Burkina Faso, Marcel Koudougou fait partie de ces jeunes africains instruits, qui ont choisi de rester au village, où ils participent à la vie collective. L’objet de l’association ? L’alphabétisation des femmes et des jeunes, la protection des sols, la lutte contre la pauvreté et l’immigration…

 

 

p36.jpgA regarder l’objet de l’association Bangr-Nooma – si ambitieux, si universel – on se dit qu’il dépasse de cent coudées les faibles forces d’une communauté villageoise de 4 000 âmes, réparties sur 16 villages de la province du Namentenga, aux portes de la zone sahélienne du Burkina Faso. Et pourtant oui, ça fonctionne et Marcel Koudougou en est l’un des maillons.

A Boala, Marcel fait partie de la famille des forgerons, l’une des six familles du village. Il y a la famille du chef des fétiches – qui a la haute main sur le marché – la famille du chef de village… et puis la famille des forgerons. Les forgerons jouissent d’un statut particulier dans la société traditionnelle africaine.

Dans son atelier, le forgeron manie le fer et le feu. Doué d’un pouvoir quasi sacré, presque mythique, il sert bien souvent d’intercesseur, de pacificateur.

A Boala, l’histoire raconte que, dans les temps anciens, les forgerons arrivèrent d’un autre village. Épuisés, les vieux s’arrêtèrent à 7 km du village, incapables d’avancer. Les jeunes se saisirent alors des forges, des instruments lourds et fondèrent le quartier des forgerons de Boala. Leur quartier compte aujourd’hui 70 ateliers de forge. A partir de matériaux de récupération (vieux vélos…), les forgerons fabriquent couteaux, « coupe-coupe », daba (courte bêche africaine, dotée d’un pouvoir symbolique), qu’ils vendent à Kaya, la grande ville de la région, à 50 km de pistes du village. Ayant appris à souder, Marcel Koudougou a ouvert au village un atelier « moderne » de forge. A l’aide d’un vieux moteur électrique et de quelques matériels dont il a parfois bien du mal à se procurer les « consommables » (disques de meuleuse par exemple), il fabrique, répare tout un tas d’objets de la vie courante : cadres de porte, chaises en fer, pédaliers de vélo… Dans son atelier défile à peu près tout le village. Marcel est aussi le fils du pasteur de la communauté villageoise qui, outre le temple, compte également une mosquée (en sachant que le culte animiste irrigue toute la société, sans distinction de religion). L’écrit, la lecture font partie du vécu du jeune homme. Ce n’est donc pas un hasard si, en 2008, Marcel est l’un des fondateurs de l’association Bangr-Nooma, le Savoir est bon. Ce type d’association existe déjà dans d’autres provinces. C’est sans difficulté que le haut-commissaire (l’équivalent du préfet) de la province du Namentenga – qui regroupe 8 communes dont Boala – accorde en janvier 2008 le récépissé de reconnaissance de l’association.

Lutter contre le départ des jeunes

p36b.jpgA sa création, 168 personnes adhèrent à la structure. Tous les jeunes du village ou, plus exactement, tous les jeunes qui restent. Car, déjà à cette époque, un fort courant d’immigration existe vers la Côte-d’Ivoire et ses plantations de cacao. L’absence d’argent, le manque « de quoi faire au village » poussent les jeunes à partir. Ils reviennent pour un temps puis s’exilent à nouveau. « Quand vous voyez une maison couverte en tôle, pas besoin de demander, c’est la Côte-d’Ivoire » signalent, un brin désabusés, les villageois.

Une des missions de Bangr-Nooma va consister à essayer de « caler » un certain nombre de jeunes au village. Comment ? En leur proposant, avec le soutien d’ONG, des activités complémentaires à l’agriculture traditionnelle. Marcel Koudougou en cite deux : l’embouche bovine et le maraîchage. L’embouche bovine consiste à acheter des bœufs sur le marché, les confier à l’engraissement à des jeunes. Ces derniers les revendent au bout de quatre mois, avec un double profit : ils réalisent une plus-value et récupèrent le fumier (une des conditions d’admission est de réaliser une fosse fumière). Chaque année, dix jeunes profitent de l’opération. Ils reçoivent chacun 5 bœufs à engraisser. Le maraîchage, en lien avec le barrage, a aussi ses adeptes. « C’est quelque chose qui plaît bien » note Marcel K.

L’alphabétisation

L’analphabétisation, un problème récurrent dans les pays pauvres. Selon l’Unesco, la moitié des parents en Afrique ne seraient pas en mesure d’aider leurs enfants à faire leurs devoirs. C’est pourquoi, à côté de la lutte contre l’immigration, l’alphabétisation reste la grande affaire de Bangr-Nooma. Pour ce type d’action, l’association bénéficie, comme ses homologues des autres provinces, du soutien du Fonaef, un fonds de l’Etat burkinabé destiné à accélérer « l’alphabétisation et l’éducation non formelle ». D’autres contributeurs interviennent, telle cette association liée à Francetélécom qui donne annuellement 3 000 €. La cotisation d’adhésion annuelle versée par les jeunes de Bangr-Nooma, de 2 500 FCFA (environ 3,5 €), participe au budget.

Marcel Koudougou en est convaincu : « L’analphabétisation, ce n’est pas une fatalité. » « Au départ, dit-il, la plupart des femmes disaient “ce n’est plus la peine, ce n’est pas pour moi”, puis elles ont appris à lire et à écrire. Depuis 2008, le nombre de demandes ne cesse d’augmenter. Personne n’a envie de rester analphabète. »

Des cours dispensés « sous paillotes »

Si les cours d’alphabétisation concernent une large population – « les jeunes, les enfants et les femmes » – ils répondent à un cadre précis. L’alphabétisation initiale (A.I) dure 60 jours d’affilée (sauf le dimanche), au rythme de six heures par jour. « Au bout de cette période, la personne sait lire, écrire et compter en mooré (une des langues du pays – NDLR) » indique le président de Bangr-Nooma. Pour conforter les savoirs, une formation complémentaire de base (FCB) est proposée l’année suivante, sur un format de 50 jours. La plupart du temps, les cours sont dispensés « sous paillotes », mais il arrive que l’église ou la mosquée prêtent leurs toits. C’est surtout vrai en période de récolte, quand les cours ont lieu le soir.

Un centre d’alphabétisation comprend 30 apprenants et un animateur, rémunéré par les fonds de suivi de la Direction provinciale. Un superviseur assure le contrôle de plusieurs centres. Depuis 2008, la communauté villageoise de Boala a réussi à ouvrir dix centres d’alphabétisation chaque année, soit 300 personnes formées, à peu près à égalité entre femmes et jeunes. L’association a formulé une demande : mettre en place un centre d’alphabétisation accélérée, avec la construction d’un bâtiment en dur.

Enfin, à chaque hivernage (en août, au moment de la saison des pluies), l’association mène une campagne de reboisement. L’an dernier, 1 200 arbres furent plantés, avec le soutien de SOS Sahel.

Action qui n’a rien à voir mais qui participe quand même au développement : le village possède un campement de voyageurs, créé voilà une dizaine d’années par Pierre Martin-Gousset, à l’origine de l’agence de voyage solidair e TDS (Tourisme & Développement Solidaires en communautés villageoises). Boala adhère à l’Union nationale des villages d’accueil du Burkina Faso.

 

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