Taille de formation et pérennité des plants

19 avril 2012

Le soin apporté à l’établissement et à la taille des jeunes plants de vignes semble avoir une incidence directe à la fois sur leur réceptivité aux maladies du bois et sur leur longévité. Des travaux de recherches ont mis en évidence l’importance du rôle des blessures liées aux plaies de taille dans la propagation de l’eutypiose, de l’esca et du BDA. Limiter le nombre de plaies de taille et porter une attention constante à la circulation de la sève durant les quinze premières années de la vie d’une souche contribuent à améliorer la pérennité des vignes.

 

 

Les dégâts occasionnés par les maladies du bois au cours des dernières années augmentent régulièrement au point d’en arriver à pénaliser le niveau de production de certaines parcelles. En parcourant la région délimitée, tous les observateurs avisés sont frappés par le taux élevé de pieds absents ou improductifs dans des parcelles jeunes et âgées. Les pertes de production sont beaucoup plus perceptibles dans les vignes à faible densité de plantations dont la proportion est largement majoritaire dans la région de Cognac. Bien qu’aucune étude fine n’ait été réalisée, un certain nombre de techniciens et de viticulteurs considèrent qu’aujourd’hui une parcelle d’ugni blanc sur trois est dans l’incapacité de produire chaque année plus de 10 hl d’AP/ha. Comment en est-on arrivé à une telle situation dans une région historiquement réputée pour son savoir-faire au niveau de la conduite du vignoble ? La baisse de productivité actuelle est la conséquence de la déprise économique de la période 1993-2005 durant laquelle « le capital » souches n’a pu être suffisamment entretenu.

Le standard vignes larges et hautes fragilisé par la déprise économique 1993-2005

Le standard de vignes larges, hautes palissées ou pas qui s’est naturellement imposé en trois décennies par souci de rentabilité économique ne montre-t-il pas ses limites ? Le fait d’avoir seulement 2 000 à 2 300 ceps productifs par hectare (et parfois moins) transforme chaque souche en « un athlète de haut niveau » quand il faut produire plus de 11 hl d’AP/ha. C’est possible dans la mesure où toutes les souches sont « en pleine forme ». Or, actuellement, personne ne peut nier que la proportion de ceps pleinement productifs diminue nettement dans toutes les parcelles de vignes, les jeunes et les plus âgées. Les vignes larges à faible densité ont démontré tout leur intérêt pendant la délicate période 1994-2004 où la survie de nombreuses propriétés était liée à leur capacité à réduire les coûts de production. Tailler, cultiver, traiter, vendanger 2 300 ceps/ha au lieu de 3 500 à 4 000 a permis de réduire fortement les charges (surtout la main-d’œuvre) dans une époque où le rendement Cognac se situait entre 6 et 7 hl d’AP/ha. Faute de débouchés valorisants, l’équilibre économique reposait uniquement sur une stratégie permanente de réduction des coûts de production. Ce n’est donc pas un hasard si les itinéraires culturaux raisonnés à l’économie se sont mis en place. Cela s’est concrétisé par une remise en cause de tous les postes de charges, les plus superflus comme les plus fondamentaux.

Moins de pieds à l’hectare permettait de conduire les vignes « à minima »

Les viticulteurs ont sciemment amputé la pérennité de leurs vignes pour faire face à la détérioration durable du contexte. Le vignoble a été conduit « à minima » en jouant sur tous les maillons clés, les apports de fumures et de chélates, l’allongement de la durée de vie des parcelles déjà fatiguées des années 60 et 70, l’arrêt du remplacement des manquants, des pratiques de taille de plus en plus rapides et mutilantes, un entretien des sols sommaire… Cela ne servait à rien d’investir au vignoble pour produire des hl qui ne pouvaient pas être vendus ou correctement valorisés. Les résultats comptables et financiers cautionnaient toutes ces méthodes de culture, même si ces stratégies commençaient à engendrer au bout de quelques années une baisse de productivité. Personne ne s’est soucié de ces baisses de rendement puisque les débouchés Cognac de nombreuses propriétés se situaient entre 4 et 6 hl d’AP/ha. Les vignes larges ont donc permis à beaucoup de propriétés de tenir pendant cette période de « vache maigre ». Relancer la productivité de beaucoup de parcelles est aujourd’hui devenu le sujet de préoccupation majeur de beaucoup de propriétés. Cela va nécessiter des moyens financiers et humains conséquents pendant la décennie à venir.

Des pertes de rendement et 120 000 hl d’AP perdus en 2011

p23.jpgLa diminution de la productivité des parcelles a été amplifiée par l’impact des dégâts des maladies du bois qui sont devenus beaucoup plus perceptibles depuis l’arrêt des traitements à l’arsénite de soude. Le dénombrement des pieds improductifs (morts, récemment entreplantés ou recépés) associé aux conséquences de l’expression des symptômes sur les souches ont permis à l’équipe de la Station Viticole du BNIC d’estimer la perte de récolte depuis 2002.

Les résultats de ces travaux confirment une augmentation régulière des pertes de rendement qui atteignent le niveau de 16,5 % en 2010. L’évolution des nuisances des maladies du bois n’a cessé de s’amplifier depuis 10 ans, d’où les inquiétudes pour la pérennité du vignoble. Le mode d’action de l’arsénite de soude ne faisait que bloquer temporairement l’activité des champignons. Le « mal » n’était en quelque sorte que contenu mais pas du tout éradiqué. Des pertes de rendement de l’ordre de 15 % représentent, sur le potentiel de production 2011, un volume de vin de 1 282 000 hl et 120 000 hl d’AP qui n’ont pas été produits et distillés. L’impact des maladies du bois sur la productivité du vignoble de Cognac est donc devenu préoccupant. Actuellement, aucun moyen de lutte curatif n’existe même si la relance récente des recherches représente un gage d’espoir pour l’avenir. Les chercheurs ne cachent pas que le dossier maladie du bois est complexe à aborder. Envisager la lutte en s’appuyant uniquement sur un traitement chimique, dont l’efficacité serait comparable à l’arsénite de soude, est improbable même à moyen terme.

Tailler en évitant es grosses blessures est un gage de pérennité pour les jeunes troncs

p24.jpgIl va donc falloir apprendre à vivre avec les maladies du bois et prendre soin des jeunes ceps de vigne que l’on replante. Dans notre région qui connaît une phase importante de replantation de vignes, l’obtention de jeunes ceps naturellement moins réceptifs aux maladies du bois est un challenge majeur. Christophe Valtaud, le responsable viticulture durable Martell Mumm Perrier-Jouët, est convaincu que la phase d’établissement des jeunes ceps joue un rôle déterminant vis-à-vis de leur réceptivité à l’eutypiose et à l’esca : « Les champignons responsables des maladies du bois pénètrent dans les souches par les blessures présentes sur les troncs et les bras de ceps. Or, en taillant les souches chaque hiver, tous les viticulteurs sont obligés de sectionner des bois, de faire des blessures qui multiplient les voies d’entrée pour l’esca et l’eutypiose. Les conséquences des blessures occasionnées sur les jeunes souches ont été globalement sous-estimées au cours des 20 dernières années, en raison à la fois de l’utilisation d’outils de coupe puissants (sécateurs électriques et pneumatiques) et d’une recherche de productivité maximum dans le travail de taille. La mise en œuvre de gestes de taille « protecteurs » pour former les ceps et ensuite respecter les réseaux d’alimentation de sève pendant les 10 à 15 premières années de la vie d’une souche est essentielle. »

Tailler en ayant le souci de limiter l’impact des grosses blessures

La vigne est une liane qui, lorsqu’elle n’est pas taillée, se développe en s’éloignant rapidement de la base des troncs. Elle peut pousser sur plusieurs dizaines de mètres de longueur. Des vignes abandonnées peuvent devenir de véritables arbustes. Naturellement, c’est toujours le développement des bourgeons les plus éloignés du tronc (le phénomène d’acrotonie) qui est favorisé et des bois de taille très longs pénalisent le débourrement des bourgeons de la base. La réalisation de la taille est donc une intervention indispensable pour favoriser deux types d’objectifs à court et moyen terme : la production de raisins de l’année suivante et la pérennité de la souche dans le temps. L’établissement des ceps de vigne dans chaque région viticole correspond à des pratiques de conduite généralement adaptées à chaque cépage et au type de production. Les trois enjeux majeurs de la taille sont d’arriver à concilier la production de raisins de l’année à venir, la taille des deux millésimes futurs et la pérennité à long terme des souches. Tailler est une intervention capitale qui ne s’apprend pas en quelques semaines. Tailler, c’est construire l’avenir d’une souche, d’une parcelle et celle d’une propriété. Cela nécessite de véritables connaissances sur le « végétal ». L’observation des conséquences d’une mauvaise taille est souvent le moyen le plus pédagogique de comprendre l’intérêt des bons gestes et de certains principes essentiels. Néanmoins, les enjeux économiques ont tendance à faire passer au second plan les aspects de technicité de la taille. La recherche d’une productivité accrue au moment de la taille incite souvent les équipes de tailleurs à ne pas prendre le temps de construire la pérennité des troncs dans les jeunes vignes. Le tronc d’une souche est en quelque sorte constitué d’un réseau de « tuyauteries » dont la fonctionnalité est capitale vis-à-vis de la circulation de la sève entre les racines et les parties aériennes. Les moyens de coupe puissants dont disposent les tailleurs aujourd’hui sont en mesure de provoquer parfois des blessures importantes, ce qui à la fois crée une voie d’entrée pour les champignons responsables de l’esca et de l’eutypiose et perturbe la circulation de la sève.

Protéger le réseau de « tuyauteries » des jeunes troncs

p25.jpgLa constitution des troncs des souches de vignes se comporte d’une manière assez proche de celle d’un arbre à croissance lente comme par exemple un chêne. Au fil des années, le diamètre des souches augmente en émettant des cernes de croissance. La structure du tronc se décompose en plusieurs zones concentriques dont chacune a une fonction bien précise. De façon imagée, on peut dire qu’elle est constituée « de différents réseaux de tuyauteries superposés » ayant des fonctions majeures. La partie centrale, la moelle, est constituée de cellules mortes. L’aubier qui entoure cette zone centrale est constitué des vaisseaux du xylème où circule la sève ascendante. Ce tissu permet l’alimentation en eau et en minéraux des racines vers tous les organes foliaires. Ensuite, une fine couche de cellules indifférenciées appelée le cambium assure à la fois la formation des tissus inférieurs (le xylème) et supérieurs (le phloème). Le phloème est en fait un réseau de vaisseaux conducteurs de la sève élaborée (la sève descendante). Il permet le transport des sucres fabriqués par la photosynthèse qui redescendent vers les raisins, le tronc et les racines pour y être stockés. L’écorce extérieure qui est constituée de cellules mortes provenant du phloème assure en quelque sorte la protection extérieure des vaisseaux d’alimentation de la sève ascendante et descendante (élaborée).

Des coupes trop rases abîment les vaisseaux de circulation de sève

La réalisation de grosses blessures suite à une coupe de sarments très rase (souvent jugée propre) au moment de l’établissement des pieds peut « abîmer » de façon irrémédiable les « tuyauteries » où circule la sève et créer des voies d’entrée privilégiées pour les maladies du bois. Quand la coupe d’un sécateur vient à rentrer dans le vieux bois, les vaisseaux conducteurs de la sève et le cambium sont altérés. Cela provoque la formation d’un cône de bois mort dont le dessèchement se développe dans le cœur du tronc. La présence de bois mort dans le cœur de jeunes souches (de 3 à 5 ans) gêne fortement la circulation de la sève à court et long terme. Des troncs de jeunes ceps présentant plusieurs cônes de dessèchement n’auront jamais une alimentation en sève pleinement fonctionnelle. La présence de bois mort les rend aussi plus réceptifs aux maladies du bois.

Les coupes trop rases sur les jeunes troncs (et les bras de ceps) ont des conséquences irréversibles. Quelques coups de sécateurs trop agressifs en deuxième, troisième et quatrième feuilles sont en mesure de réduire l’espérance de vie des souches de 5 à 10 ans.

Les réactions de cicatrisation des plaies ne constituent pas une barrière suffisante

p26b.jpgQuand une blessure se produit suite à une coupe de sécateur agressif, la plante réagit en essayant d’obturer les vaisseaux sectionnés grâce à un processus de cicatrisation. Elle cherche à confiner les blessures en développant des réactions de défense sous la forme de barrières de protection successives. On pourrait penser que la nature fait bien les choses en s’auto-protégeant ! Or, l’efficacité des protections mises en œuvre par la vigne est variable selon la nature des tissus. Au niveau du xylème (les tissus contenant les vaisseaux conducteurs de la sève brute), des gommes et des thylles se forment pour colmater les vaisseaux sectionnés. Ces composés stoppent les écoulements de sève et empêchent l’entrée de micro-organismes indésirables. Ces réactions de défense s’enclenchent quelques heures après la réalisation des coupes mais, malheureusement, les champignons responsables des MB ont la capacité de dégrader les composés protecteurs. Des barrières d’une autre nature se mettent en place lors du processus de cicatrisation du cambium. La production d’un composé proche du liège (la subérine) s’avère très efficace puisque les champignons pathogènes n’ont pas la possibilité de le dégrader. Au niveau de l’aubier, il se met en place des barrières de protection qui ne sont pas suffisantes. Or, par chance ces tissus ne présentent pas l’appétence suffisante pour attirer les champignons qui préfèrent le contenu alimentaire du xylème.

Les grosses plaies font des cônes de bois mort profonds

p26.jpgTous ces éléments ont des conséquences directes sur les pratiques de taille. Araser une plaie au moment de l’établissement d’un jeune tronc engendre donc une réaction de défense de la plante qui visuellement est apparente. Les tailleurs ont la capacité d’observer le déroulement du phénomène de cicatrisation sur les ceps de vignes. Il se matérialise par la formation d’une boule de bois mort appelé cône de dessèchement dont l’importance est liée à deux éléments : le diamètre de la plaie de taille et le diamètre des vaisseaux sectionnés. La pénétration du cône de bois mort à l’intérieur des jeunes troncs est directement proportionnelle au diamètre de la plaie. Plus celui-ci est important plus le cône s’installe profondément dans la souche. Deux, trois centimètres de diamètre de coupe engendrent un cône de bois mort qui correspond malheureusement à la moitié du diamètre du tronc d’un plant en troisième feuille. Le diamètre des vaisseaux sectionnés a aussi une incidence sur la taille des cônes de dessèchement. Les vignes vigoureuses avec des sarments de grosses tailles sont constituées de vaisseaux ayant un diamètre généreux dont la cicatrisation nécessite plus d’efforts, ce qui se matérialise par des cônes de bois mort plus gros et implantés plus profondément. La conduite de l’itinéraire agronomique d’une plantation doit tenir compte de ce risque lié à la vigueur excessive qui « ouvrent » littéralement des portes d’entrée aux maladies du bois. L’apport de fumure abondante parfois nécessaire peut être fractionné en deux apports, l’un au moment de la plantation et l’autre après l’établissement des pieds en quatre ou cinquième feuille. Si, malgré tout, on est confronté à une plantation en deuxième feuille très vigoureuse, il est envisageable de pratiquer un établissement en vert. La section des gros sarments courant juin favorise la sortie d’entre-cœurs en dessous le niveau du fil porteur et ces rameaux assureront la formation des deux bras des futurs ceps l’hiver suivant. Cette pratique de l’établissement des jeunes ceps en vert est encore peu développée dans la région car beaucoup de viticulteurs considèrent qu’elle mobilise beaucoup de temps.

Laisser une longueur  suffisante aux cônes de dépérissement

p27.jpgLimiter la formation des cônes de bois mort profonds au cours des 3, 4, 5 premières années de la vie d’une parcelle est vraiment un moyen efficace d’accroître le capital de longévité des souches. L’arasement systématique des plaies de taille est un geste à haut risque. Plus la blessure est importante, plus il faut augmenter la longueur de bois à laisser (au moins d’une longueur correspondant au diamètre de la coupe). La formation d’un cône de dessèchement extérieur suffisamment long est donc souhaitable pour éviter une altération des tissus en profondeur. C’est aussi le moyen de permettre à la vigne de mettre en place des barrières de défense plus efficaces pour ralentir la progression des maladies du bois. Une fois que les onglets de bois seront parfaitement desséchés (au bout de 1 à 3 ans), ils pourront être rabattus sans que cela n’engendre de conséquences négatives.

p27b.jpgSur des ceps de vigne de plus d’une dizaine d’années, la coupe de gourmands sur les troncs représente un cas particulier. Si la couronne de bourgeons située à la base de ce sarment est conservée, cela risque d’entraîner le débourrement de plusieurs yeux qu’il faudra ensuite enlever lors de l’épamprage. Il faut donc les tailler assez ras mais sans creuser dans le vieux bois pour conserver l’empattement qui facilite la cicatrisation et limite la formation d’un cône de dessèchement important.

Former les jeunes plants en taillant le moins possible en hiver

p28.jpgLors de la formation d’une souche, le tailleur doit se projeter dans l’avenir pour à la fois limiter la présence du bois mort dans le tronc et les deux bras de cep et créer des conditions propices à la circulation de la sève. Durant les quatre premières années de la vie d’un cep, le fait de limiter le nombre de plaies de taille contribue à établir les souches de façon plus équilibrée. Est-il possible de réduire le nombre de plaies de taille en hiver durant la phase de formation d’une souche ? Les techniciens pensent que c’est possible en privilégiant les interventions en vert : l’ébourgeonnage. Lors de la première pousse d’un greffé-soudé, le fait de ne laisser en mai-juin qu’une seule branche permet ensuite, au moment de la taille, de ne faire aucune plaie sur la base du plant. Si la vigueur est normale, le sarment sera taillé à deux yeux. Par contre, si le plant a fait une pousse très vigoureuse (de plus de 0,50 m), laisser 3 à 4 bourgeons peut s’avérer intéressant pour obtenir en deuxième année un sarment de diamètre moyen, plus facile à conduire pour établir le futur tronc. L’ébourgeonnage sérieux de la base du plant au cours de la deuxième feuille permet de garder, en général, deux pousses bien placées. La taille d’hiver en deuxième année privilégie la sélection du sarment le plus droit disposant de bourgeons bien positionnés en dessous le fil porteur. Lors de cette taille, laisser un onglet de dessèchement (d’au moins un à deux centimètres) même sur un bois d’un an est une sage précaution. L’éborgnage en hiver des bourgeons de la partie verticale du futur tronc est à éviter. Cette intervention sera effectuée en vert dans les semaines suivant le débourrement, pour ne laisser que deux ou trois pousses bien orientées qui vont constituer les bras du futur cep. Dans les situations de fortes vigueurs, la formation des deux bras peut être envisagée en vert en deuxième feuille en s’appuyant sur les repousses d’entre-cœurs du futur tronc. A l’issue du développement végétatif de troisième feuille, la structure du futur cep est établie et le tailleur doit adapter la longueur de taille à la vigueur, sachant que la priorité est de favoriser le débourrement des yeux de la base de chaque bras. Dès la taille de troisième année, il faut déjà essayer d’imaginer comment la pousse permettra de construire la circulation de la sève.

La taille Guyot Poussard avec son courson en dessous de la latte toujours prisée

La mise en œuvre de la taille durant les quinze premières années de la vie d’une souche est en mesure d’amplifier ou de minimiser le développement des maladies du bois. La taille à partir de la quatrième année construit la vie du cep pendant les décennies qui suivent. Le choix d’une méthode de taille qui limite les grosses blessures reste fondamental. Les notions ayant trait à la circulation de la sève et au respect des courants de sève sont fondamentales pour la pérennité des souches avec la montée en puissance des maladies du bois. Si la méthode de taille Guyot Poussard connaît actuellement un regain d’intérêt dans tous les vignobles français, ce n’est pas un hasard. Les techniciens viticoles des Charentes, de Bourgogne, du Val de Loire, du Bordelais, du Midi, du Sud- Ouest justifient son intérêt en considérant que c’est un moyen préventif de limiter à la fois la production de bois mort et les voies d’entrée pour les champignons responsables de l’eutypiose, de l’esca et du BDA.

Le principe de la taille Guyot Poussard repose sur le positionnement du courson qui doit toujours se trouver en dessous de la latte. Lors de la taille chaque hiver, l’élimination des lattes engendre des plaies de taille qui se retrouvent toutes sur le dessus du cep. Ainsi, la circulation de la sève entre la base de la souche et les parties aériennes s’effectue plus facilement sans qu’aucun cône de bois mort ne vienne la perturber.

Le premier bourgeon du courson doit toujours être situé en dessous

p29.jpgLa bonne situation du courson (toujours en dessous sa latte) et le positionnement du premier bourgeon sur le courson représentent deux éléments clés pour maîtriser dans le temps cette taille. Il faut que le premier bourgeon soit toujours situé en dessous pour que le flux de sève soit continu. S’il est situé au-dessus le courson, le flux de sève sera à terme freiné car l’hiver suivant la coupe du bois pour retrouver un courson viendra casser le courant de sève.

Il ne faut pas hésiter parfois à laisser un courson plus long en éborgnant le premier bourgeon situé dessus. Au fil des années, ce principe de taille permet de réaliser les principales plaies de taille toujours sur le dessus du cep et de laisser le dessous sans blessure. Si, lors du développement du courson, la deuxième branche est trop faible pour être utilisée en latte, deux solutions peuvent être envisagées. Ne laisser qu’un courson en utilisant la première branche ou conserver uniquement une latte plus courte sans courson en prenant le soin d’avoir un premier œil situé en dessous. Le fait d’arquer le sarment favorise le développement des bourgeons situés dans la partie ascendante de la latte. En Charentes, où il peut arriver que la charge de bourgeons sur les lattes soit importante, la taille en arcure sur le principe Poussard (avec deux coursons situés en dessous) a démontré son intérêt depuis longtemps. Un mauvais développement de la première branche du courson ou sa destruction accidentelle (par le vent ou lors du palissage) ne doit pas remettre en cause l’objectif de la taille Poussard.

p30.jpgEn général, il est préférable d’utiliser la première branche située en dessous la latte pour retrouver un courson, ce qui permettra l’année suivante de respecter le courant de sève. Si le courson est pris sur la deuxième branche du courson, le flux de sève serait alors définitivement cassé en passant du dessous vers le dessus du bras. L’une des critiques parfois évoquées à l’encontre de la taille Guyot Poussard est l’allongement des bras qu’elle peut engendrer dans le temps. Lorsque les bras sont trop longs ou que la végétation d’un côté de la souche devient chétive, cela signifie que les trajets de sève sont altérés. Cette situation est souvent la conséquence d’erreurs de taille. Le renouvellement d’un bras doit s’anticiper depuis un à deux ans à partir d’un gourmand positionné du bon côté et à la base du bras. Ce sarment doit être rabattu à 2 bourgeons en ayant le premier œil en dessous. L’année précédant le rabattage, une latte plus courte doit être laissée sur le bras à renouveler pour favoriser la pousse du courson et être en mesure de reconstruire un bras solide et fonctionnel.

L’égourmandage est complémentaire à la taille

La taille en hiver des jeunes plants et aussi des ceps adultes est toujours plus compliquée quand l’ébourgeonnage n’a pas été réalisé de manière sérieuse. L’intervention en vert d’ébourgeonnage est en fait un travail complémentaire à la taille dont beaucoup de viticulteurs sous-estiment l’importance. Dans notre région où le cépage ugni blanc émet beaucoup moins de repousses que du colombard, du merlot, du sauvignon, l’égourmandage n’est pas toujours intégré systématiquement dans le calendrier des travaux. L’égourmandage s’effectue, en général, courant mai dans l’objectif d’éliminer les repousses inutiles et gênantes sur les troncs et les bras, d’équilibrer la charge d’inflorescences (des jeunes vignes ou de cépages qualitatifs comme le colombard, le merlot…) de préserver l’équilibre de vigueur et de préparer la taille. La suppression d’une jeune pousse ne cause pas ou peu de dégâts quand elle est réalisée tôt. A l’inverse, plus la saison s’avance, plus les branches durcissent et plus leur arrachement provoque des blessures sur la souche. L’idéal est d’intervenir quand les pousses mesurent entre 15 et 25 cm. Dans les plantations de première, deuxième et troisième feuilles, l’élimination des branches indésirables est toujours préférable à de multiples coupes de sécateurs en hiver. Dans les vignes de plus de 15 ans, la présence de certains sarments peut s’avérer précieuse pour la taille de l’année suivante. Leur situation sur un côté de ceps ou à la base d’un bras peut permettre de rajeunir un côté de souche déjà un peu chétif. La présence d’une repousse sur le tronc peut aussi laisser envisager de recéper une tête de souche haute dont la taille devient difficile. La réussite de l’ébourgeonnage est souvent conditionnée à une période d’intervention courte, surtout si la pousse des vignes est active. L’égourmandage est une intervention qui nécessite des compétences pour être en mesure de conserver les pousses intéressantes pour la pérennité des souches. Les personnes les plus qualifiées pour réaliser ce travail sont les tailleurs qui ont tout de suite le coup d’œil pour garder la repousse qui fera un beau courson…

Bibliographie :
– Station Viticole du BNIC.
– Communication sur les conduites de la vigne de Christophe Valtaud, responsable viticulture durable Martell Mumm Perrier-Jouët.
– Guide pratique de la taille Guyot réalisé par la SICAVAC.

 

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