Syndicat des Vins de Pays charentais, une maison à soi

29 août 2016

C’est le projet défendu par Thierry Jullion, le président du Syndicat des Vins de pays Charentais : avoir une maison à soi. Pour disposer d’une vitrine mais aussi pour ne plus être un « Tanguy ». Normal quand, comme le syndicat de l’IGP Charentais, on a passé le cap de la trentaine.

En début de réunion, Thierry Jullion promettait une assemblée générale « pas comme les autres ». « Il faut qu’on se bouge ! ». Et c’est vrai que le bouillant président, assisté de Jean-Jacques Biteau dans un rôle taillé à sa mesure – celui d’interviewer –  a mené son assemblée bon train. Il a balayé large, fort et vite même si, au vu des thèmes abordés, la rencontre a duré trois bonnes heures. Au centre de la problématique, les prix, « l’engagement citoyen autour de l’environnement » ainsi que cette fameuse maison pour la famille des Vins de pays charentais.

 

Avant cela, Jean-Jacques Häuselmann, le technicien du Syndicat, avait posé les éléments du décor, ces 77 000 hl vol d’IGP Charentais habilités en 2014 (les habilitations 2015 n’étaient pas closes au 12 avril, jour de l’AG). « Selon moi, a-t-il dit, ce volume représente un compromis intéressant entre quantités et qualité. » Certes, l’IGP charentais place davantage l’optimum de production à 100 000 hl vol mais, pour ce faire, il faudrait sans doute tendre vers les 2 000 ha. Aujourd’hui, la surface Vins de pays est plus proche de 1 500 ha. « Même si l’IGP se maintient sans trop de mal, il doit être plus présent. C’est pourquoi il nous faut engranger des surfaces supplémentaires. Nous y travaillons tous les ans, en demandant l’attribution d’autorisations de plantations nouvelles. Qui n’avance pas recul» a lancé Th. Jullion.

 

Prix de vente 

Une question lui tient particulièrement à cœur, qu’il a abordé un peu plus tard, celle des prix de vente catalogue, autrement dit des prix de vente consommateur. « Il s’agit d’une thématique extrêmement importante à mes yeux. » Depuis qu’il est devenu président de syndicat, il y a presque deux ans, le viticulteur de Saint Maigrin a rencontré une bonne partie des producteurs de Vins de pays de Charente et de Charente-Marime. Il s’y était engagé en début de mandat. Au cours de ses pérégrinations, il lui est arrivé de voir des prix extrêmement bas, des 3,5 €, 3,2 € voire des 3 € et même des 2,80 € dans les cas extrêmes. « Je suis désolé mais ce positionnement nuit à la catégorie. Si l’on produit de bons vins, il faut les vendre au bon prix. » Le passé, il le renvoie…au passé. « Arrêtons de parler de ce qui se faisait il y a trente ans. On s’en fout d’il y a trente ans ! Nous sommes en 2016. Nous n’allons pas indéfiniment nous tirer une balle dans le pied, sous prétexte que le vin de bouche est arrivé tard en Charentes. Cela me fait me lever de mon siège !»  Il a défendu une idée très simple : ajouter 20 cents par bouteille et par an. « C’est indolore pour le client et si vous vendez 20 000 bouteilles à l’année, vous engrangez 4 000 € (8 000 € pour 40 000 bouteilles). Cela ne peut qu’améliorer la trésorerie. » Il a encouragé les producteurs à ne pas craindre de vendre une bouteille d’IGP charentais 7 ou 8 €. « Je le fais, tout le monde peut le faire. Il suffit de créer une nouvelle cuvée, une nouvelle étiquette…C’est une marque de fierté pour le produit. Nos clients y sont sensibles. »

 

Dynamique environnnementale 

Implantation de haies champêtres à Saumur-Champigny, dans la région de Buzet, installation de nichoirs… Isabelle Peroche, responsable du service Promotion à l’IRQUA Poitou-Charentes (Institut régional de la qualité agro-alimentaire) a listé un certain nombre « d’initiatives  citoyennes » conduites dans les vignobles. Pour le Syndicat des vins de pays charentais, cela ne fait pas de doute : d’une manière ou d’une autre, il faudra s’inscrire dans cette dynamique environnementale. Une façon d’assurer l’avenir. « Aujourd’hui, on nous donne de l’argent pour le faire. N’attendons pas d’y être contraint » a relevé sans fard Thierry Jullion. Le président du syndicat verrait bien une formation HVE (Haute valeur environnementale) se mettre en place sous la bannière de l’IGP charentais. Dans la salle, Philippe Guérin, président du Syndicat des producteurs de Pineau est intervenu. « Beaucoup de travail a été fait ; beaucoup de travail reste à faire mais c’est unis que nous serons les plus forts. Et, de toute façon, notre image ne s’améliorera que si l’action collective touche l’ensemble de la région. C’est à la filière toute entière de construire les outils pour accompagner les viticulteurs.» On ne saurait être plus clair. Roland Vilneau, producteur à Verdille, entre Matha et Aigre, a témoigné de son cas concret – « Je ne suis pas bio mais Je ne suis pas fou. Sur mes 33 ha, je sème depuis deux ans des pois, un rang sur deux. C’est bon pour la terre, c’est bon pour les vers. Je veux conserver le désherbage le plus longtemps possible. Nous pouvons montrer aux consommateurs que nous ne sommes pas tout à fait bêtes et ils le comprennent. » Caroline Quéré-Jélineau a elle aussi insisté sur  l’importance de la communication. « Informer, c’est souvent une façon de déminer les plaintes. » Th. Jullion a profité de la remarque pour rebondir sur un sujet qui lui est cher – la prise de parole (voir encadré) – « Si nous n’y sommes pas préparés, nous sommes comme des couillons. »

 

Une maison des Vins de pays charentais 

Disposer d’une Maison à soi ! Pour le président de l’IGP charentais, l’idée parle d’elle même. « Croyez-vous que nous puissions faire l’économie d’une vitrine, quand la côte charentaise représente le deuxième pôle touristique français avec 30 millions de nuitées ?  Où le toursite va-t-il acheter son vin de pays charentais ? Au supermarché. Mais quel vin choisir ? » Non ! Thierry Jullion en est persuadé : l’IGP charentais a besoin d’un lieu emblématique. Une autre raison le pousse à agir, celle de ne plus vouloir se sentir un « Tanguy ». « Certes nous sommes hébergés par le BNIC mais au bout du bout du couloir. A l’aune des trente ans, il faut peut-être passer à autre chose. »

 

Le conseil d’administration du Syndicat a délégué à l’agence Jade communication le soin de mener l’enquête sur la faisabilité d’un tel projet. Retour d’étude attendu pour la fin d’année. «Au vu des chiffres, nous verrons si nous pouvons le faire ou pas. » Et bien sûr, rien n’est encore décidé sur le lieu – une ville côtière, Cognac ? – la situation, en zone périphérique, en centre-ville ? Le président du Syndicat a seulement une intuition solidement ancrée, celle de « rester entre nous ». « Que les vins de pays charentais partagent une vitrine collective avec les autres filières, cela ne me semble pas une bonne idée ». Dans la salle, de jeunes producteurs ont joué les dynamiteurs – « Les maisons syndicales, on en voit partout. Les wines trucks qui circulent tout l’été et vendent le verre 2 € transmettent une image beaucoup plus jeune. » Réponse de Thierry Jullion – « Nous avons étudié les Wines trucks. Entre l’équipement et le chauffeur qui travaille le week-end, c’est un budget de 100 000 €. » Et toc. Il n’est pas dit que l’IGP charentais se laissera prendre aussi facilement en délit de ringardise.

 

 

Communiquer c’est d’abord parler

 

Et si tout commençait par bien parler de ses produits ! Cette intuition, le syndicat des Vins de pays charentais tente de la concrétiser par des cours de « média training » ou, plus simplement, d’expression orale.

 

Les fous rires fusent dans la salle. Captés en vidéo, les viticulteurs se regardent et s’entendent hésiter, bafouiller et pour finir jeter l’éponge. Dur, dur de tenir un discours un peu consistant sur son produit. Oui, mon vin est bon, ben euh…Ce constat, tout le monde l’a fait : il est d’autant plus difficile de parler bien des choses que l’on connaît. Alors, pour lever l’obstacle, il faut s’entraîner. C’est ce que propose le syndicat des Vins de Pays. Heureuse initiave « afin que tous nos producteurs se sentent à l’aise et deviennent des ambassadeurs ».

Sur le terrain de la promotion des Vins de pays charentais, l’année 2015 s’est soldée par une montée en puissance de la présence de l’IGP Charentais dans la presse magazine nationale mais à couverture régionale (Le Point, Elle, L’express…) ainsi que dans le guide Sud-Ouest. En contrepartie, le Vin de pays a un peu levé le pied sur l’affichage dans les gares. Les lecteurs touchés sont estimés à un million. En marge de cette campagne, les « Instants charentais » se poursuivent avec huit ou dix rendez-vous durant la saison estivale. L’idée est d’occuper, le temps d’une soirée, l’espace d’un caviste. Le partage passe aussi par la participation à des événements festifs comme Blues Passion à Cognac, les Franco folies de La Rochelle, le Summer Sound de Rochefort. Aux Francos, ce sont par exemple 13 000 verres de Vins de pays charentais qui furent vendus l’an dernier au comptoir du bar.

 

Les comptes

 

Le syndicat des Vins de pays charentais a clôturé sur un exercice positif, alors que les trois exercices précédents s’affichaient en léger déficit (- 5 000, – 18 000, – 2 000 €). Sans lien de cause à effet, Damien Fradon a succédé en tant que trésorier à Jean-Claude Courpron. Chargé des comptes du syndicat depuis des lustres, le viticulteur de Saint André de Lidon s’est acquitté de sa tâche avec une scrupuleuse rigueur doublée d’une gestion « de bon père de famille ». Les fonds propres  mis  en réserves depuis 35 ans permettent aujourd’hui à la structure de pouvoir se projeter.

Sur le dernier exercice, les subventions ont représenté environ 10 % des produits. Selon le point de vue – verre à moitié vide, à moitié plein – il s’agit d’une faiblesse ou d’une force. « A 90 % le fonctionnement de notre structure est sécurisé par nos adhérents » a  pour sa part commenté Thierry Jullion. L’an dernier, la cotisation des adhérents avait augmenté de moitié, passant de 15 € à 30 €. Cette année, le conseil d’administration a décidé de la laisser en l’état. Par contre, en ce qui concerne les cotisations appliquées aux hectolitres revendiqués, un coup de pouce est prévu sur l’année 2017 (récolte 2016). A partir de novembre 2016, la cotisation passera de 2,92 € l’hl vol à 2,98 € l’hl vol

 

 

 

 IGP Charentais : Chiffres en bref

 

 

 

Avec 28 000 hl vol et 36 % des quantités habilitées, le vin rosé se classe en tête des IGP charentais en 2014 (chiffres 2015 non encore disponibles). Suivent les vins blancs d’assemblages (33 % des volumes) et les vins rouges (31 %). En ce qui concerne les élaborateurs, la répartion se décline comme suit : 34 000 hl vol (40 %) pour la coopération, 26 000 hl vol pour les producteurs individuels et 17 000 hl vol pour les négociations vinificateurs, catégorie ayant le plus progressé ces dernières années. En termes de cépages, le Sauvignon domine la catégorie des vins blancs, le Merlot celle des vins rouges, devant les Cabernet Sauvignon et Cabernet Franc. Si, en 2013, le rendement de l’IGP charentais  avait plafonné à 49 hl vol ha, il a atteint 60,57 hl vol ha en 2015, un rendement plus compatible avec les exigences économiques.

 

     

Un couvert végétal

 

Depuis deux ans, Roland Vilneau pratique, un rang sur deux, le couvert végétal dans ses allées de vignes. Il sème des pois fourragers aussitôt après vendanges et les enfouit au printemps.

 

Un geste, un sourire…Roland Vilneau ose laisser parler son cœur, même quand il traite de son métier. Une démarche plus écologiste, un peu en dehors des sentiers des battus, n’était donc pas pour effrayer ce conventionnel non dogmatique. Cependant, sans Lucie Vivier, en apprentissage chez lui pour son BTS viticulture-oenologie à l’IREO de Richemont, peut-être n’aurait-il jamais franchi le pas. La jeune femme – qui va reprendre l’exploitation de son oncle à Ansnière sur Nouère – consacre son mémoire de fin d’étude à l’entretien des sols viticoles. Elle préconise à Roland Vilneau l’implantation de pois fourragers. Il accepte. C’est ainsi que depuis deux ans, sur les 33 ha de vignes de l’exploitation, un semis de pois est pratiqué tous les deux rangs, en alternance, juste après les vendanges. Le couvert végétal étouffe les mauvaises herbes et apporte de la matière organique, bonne pour la vie microbienne des sols et l’azote dans les moûts. Les pois sont broyés en avril et le viticulteur passe le décompacteur en mai. Sur l’exploitation, les sols sont cultivés, pour des raisons hydriques. Au départ, Roland Vilneau avait pensé utiliser de la vesce et de l’avoine brésilienne. Mais le coût était trop élevé. Les graines de pois, achetés à la coopérative, lui reviennent  200/ 300 € la tonne. L’an prochain, il compte améliorer la restitution avec un mélange de pois et de féveroles.

 

 

 

 

 

 

 

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