Les « leviers d’ajustement » du SVBC

5 août 2009

La proposition de rendement Cognac de 8,12 hl AP/ha, même réévaluée en fonction des résultats de l’affectation, ne suscite pas l’enthousiasme du syndicat. « Il ne couvre pas le prix de revient ! » Le SVBC évoque d’autres « leviers d’ajustement » pour défendre le revenu. Il revient sur l’idée « politiquement incorrecte » de l’arrachage temporaire « pour produire le volume total sur moins de surface. » Et propose un rendement Cognac fixé « à l’avance » pour une durée de trois ou cinq ans, avec une partie commercialisable et une partie « mise en réserve ». Objectif : faciliter le stockage par les bouilleurs de cru pour « dégager de la plus-value en exerçant notre métier. »

roy.jpg« Le Paysan Vigneron » – Pourquoi avoir souhaité vous exprimer en ce courant d’été alors que la région se trouve un peu « au milieu du gué » ? Des décisions ont été prises mais elles ne se concrétiseront que plus tard.

SVBC – Justement, cette période de transition nous semble propice à une série de mises au point, l’occasion aussi de nous expliquer sur les positions du SVBC. Le premier thème que nous souhaitons aborder concerne la proposition de rendement à 8,12 hl AP/ha. Ce rendement, c’est clair, ne permet pas de couvrir les prix de revient. Le groupe de travail « coûts de production » animé à l’interprofession par Olivier Louvet situe ces prix de revient à 6 780 €/ha pour une exploitation viticole de 15 ha en fermage et à 6 320 €/ha pour une exploitation de 40 ha (étude complète de 32-33 pages, disponible sur le site du BNIC). Avec une hypothèse de prix d’achat de 740 € l’hl AP (prix constaté par le Bureau national du Cognac lors de la dernière campagne pour les vins Cognac Fins Bois), le rendement d’équilibre s’établit à 9,16 hl AP/ha pour l’exploitation de 15 ha et à 8,54 hl AP/ha pour l’exploitation de 40 ha. Le chiffre de 8,12 risque donc de générer une perte de 712 € par ha pour les exploitations de 15 ha et de 300 € pour celles de 40 ha. La première question que nous posons : pourquoi le BNIC, le SGV, le négoce n’ont-ils pas tenu compte de ce travail énorme mené conjointement par le négoce et la viticulture ? Deuxième question : une interprofession peut-elle obliger des gens à travailler à perte ?

« L.P.V. » – Peut-être pour ne pas « charger la barque » du Cognac dans une période difficile où le taux de rotation du stock atteint de nouveau sept années de ventes.

SVBC – Certes mais croyez-vous qu’un rendement bas soit la bonne réponse au problème. D’ailleurs, notre syndicat n’avait voté ce rendement qu’à la condition de pouvoir le réévaluer en fonction des résultats de l’affectation. Chaque tranche supplémentaire de 1 000 ha au-dessus 4 000 ha d’affectation devait dégager un bonus de 0,11 hl AP/ha. Malheureusement, ce dispositif risque d’être remis en cause par la non-application de l’affectation préalable cette année (déclaration de récolte valant affectation comme l’an dernier, pour cause de sortie tardive des textes et d’impossibilité de tenir les délais – NDLR). Ceci dit, nous ne nourrissons pas d’espoir excessif dans la réussite de l’affectation. Et nous disons que c’est la dernière fois que le SVBC votera un rendement en dessous du prix de revient.

« L.P.V. » – L’affectation ne vous semble donc pas un système apte à défendre le revenu du viticulteur ?

SVBC – Ne nous faites pas passer pour les pourfendeurs de l’affectation ! Nous n’avons jamais dit qu’il ne fallait pas affecter à autre chose que le Cognac. Nous avons considéré au contraire que le principe ayant été acté, il fallait y aller franchement et voir, de manière pragmatique, s’il marchait ou s’il ne marchait pas, sans partir battu d’avance. D’où notre proposition de « bonifier » le rendement Cognac au prorata de l’affectation effective. Par contre, croire ou laisser dire que « chaque viticulteur doit affecter la même chose » est complètement illusoire, voire totalement démagogique. Dans l’idéal peut-être mais nullement dans la réalité. Ne racontons pas d’histoire à la viticulture ! Dans l’avenir, l’affectation sera forcément variable d’une exploitation à l’autre, compte tenu des débouchés de chacun. Un viticulteur qui dispose d’un débouché Cognac pour 90 % de son vignoble affectera 90 % de ses vignes au Cognac. Il faut bien admettre que l’on n’empêchera jamais les acheteurs d’aller acheter là où ils voudront acheter. Et comment pourrait-il en être autrement quand le viticulteur doit répondre aux exigences de son négociant. Tout cela pour dire que l’affectation, séduisante sur le papier, n’est pas forcément valide dans les faits. Ainsi, dans la perspective d’une affectation l’année N-1 (prévu dans le cahier des charges à partir de la récolte 2011), il paraît nécessaire de revoir quelque peu la copie. D’autres leviers d’ajustement existent pour défendre le revenu ha.

« L.P.V. » – Lesquels ?

SVBC – Le premier que nous allons citer n’est pas « politiquement correct ». Il s’agit – le mot est jeté – de l’arrachage ou, en tout cas, de l’arrachage temporaire. C’est la vieille idée, déjà explorée par le Plan d’adaptation de 1998, de produire le volume total sur moins d’ha. C’est possible car le négoce n’achète pas des ha mais des hl. Et c’est nécessaire car il faudra bien admettre un jour que la région crève d’avoir trop d’ha pouvant aller potentiellement au Cognac. Le Cognac réclame 65 000 ha et l’aire délimitée en compte 75 000 ha. Voilà trente ans que l’on fait plaisir à tout le monde en pratiquant l’immobilisme et trente ans que la viticulture ne gagne pas sa vie. Qu’est-il proposé en contrepartie ? Faire baisser le volume ha pour « tenir les prix ». D’où l’avatar des 6 de pur des années 2000. Mais outre que ce mécanisme de restriction des volumes butte sur bien des écueils, il ne fonctionne pas lorsque la situation se dégrade. Qui fixe les prix sinon le négoce ! Et avez-vous vu un commerçant augmenter ses prix quand ses marchés sont en chute ? Soyons un peu réalistes. C’est pour cela que nous disons que le prix d’achat des eaux-de-vie ne saurait constituer l’unique levier d’ajustement pour défendre le revenu d’un ha de vigne. Cessons de prendre la viticulture en otage avec ces arguments de prix. Par contre cette même viticulture doit arrêter de se défausser de ses responsabilités. Nous devons adapter notre potentiel de production aux besoins.

« L.P.V. » – Peut-être mais vous n’ignorez pas que les besoins du Cognac sont par essence fluctuants. Avant que la crise survienne, la région délimitée Cognac était à deux doigts de replanter.

SVBC – Le propre de l’arrachage temporaire, c’est justement de ne pas être figé dans le temps ; d’offrir de la souplesse. Quand les choses vont mal on peut arracher et quand elles s’améliorent, replanter. Inutile de dire que tout cela devrait se raisonner sur la base du volontariat, en fonction de la vision de chacun, de ses besoins comme de ses débouchés. Vous disposez d’un accès au Cognac de 9 de pur ha mais vous souhaitez faire des économies de coûts en produisant sur moins d’ha. Libre à vous de produire 10 ou 11 de pur sur les ha restants. Tout attendre du négoce en croisant les doigts pour qu’il augmente ses prix tient de la pure démagogie. C’est à la viticulture de s’organiser pour ne pas mettre trop d’ha en face des sorties. Et aussi pour permettre aux viticulteurs de reprendre la parole sur le stock.

« L.P.V. » – Qu’entendez-vous par là ?

SVBC – Que constate-t-on aujourd’hui ? Les bouilleurs de cru détiennent un tiers du stock et les négociants les deux tiers. Ainsi une grosse part de la plus-value nous échappe. Au SVBC, nous pensons que la parité devrait s’exercer là comme ailleurs ; que le stock se répartisse à 50/50 entre viticulture et négoce. Or nous en sommes loin. Aujourd’hui, les chais des propriétés abritent seulement 7 % des comptes 4. Et si les comptes 10 y sont un peu plus représentés, c’est parce qu’ils appartiennent à des bouilleurs de cru inactifs. Ces chiffres sont alarmants. Aujourd’hui, le métier de bouilleur de cru est dévalué. On lui a enlevé – ou nous nous sommes privés – de toute capacité de stocker. Il faut redonner à la viticulture la possibilité de garder son stock.

« L.P.V. » – Comment ?

SVBC – Nous plaidons pour une réserve de mise en marché, qui viendrait s’ajouter au rendement annuel directement commercialisable. Les bouilleurs de cru s’engageraient à conserver cette réserve un certain temps. Pour la viticulture, le stock a toujours représenté un amortisseur de crise. Cela fait deux cents ans que la région fonctionne de cette manière. Imaginez que l’on s’oriente vers trois années de vaches maigres. Si vous perdez 300 € de l’ha, à un moment donné, certaines décisions s’imposeront : soit vous dilapiderez votre capital, soit vous irez emprunter à la banque. Dans ce cas-là, le stock servira de garantie. A priori, le bouilleur de cru détenteur de stock jouit d’une meilleure position auprès de sa banque que celui qui n’en détient pas. On ne dit pas que le modèle économique des vendeurs de vin Cognac ou des livreurs d’eaux-de-vie 00 est un mauvais modèle. Mais, à ce moment-là, il faut accepter d’être en prise directe avec les aléas du marché. Au SVBC nous disons : « Arrêtons de nous plaindre ; dégageons de la plus-value avec notre métier de bouilleur de cru. »

« L.P.V. » – Rendement annuel plus réserve de mise en marché… tout le monde va affecter au Cognac !

SVBC – Les gens se « caleront » très vite. La première année, il y aura peut-être beaucoup d’affectation, la seconde campagne un peu moins. La mise en stock repose sur un triptyque, viticulteur, acheteur et partenaire financier. La banque prêtera-t-elle s’il n’y a pas ce marché en face ?

« L.P.V. » – Fixer un rendement commercialisable, une réserve de mise en marché, une date possible de libération de cette réserve suppose de puissants arbitrages.

SVBC – C’est un système qui se gère. L’interprofession a les capacités de le faire. Par ailleurs, afin de limiter les phénomènes de yo-yo, nous défendons l’idée de fixer un rendement Cognac sur trois ou cinq ans. Alors que l’on s’apprête à demander aux viticulteurs de s’engager sur deux campagnes, il nous semble important qu’ils puissent le faire en toute connaissance de cause. Si l’on veut éviter que le viticulteur joue à la roulette russe, il faut lui donner les moyens de connaître le rendement Cognac sur trois ou cinq ans, afin qu’il adapte de façon durable la taille de son exploitation. Grâce à ces différents leviers d’ajustement, nous voudrions mettre un terme à la pensée unique de la sous-production chronique, qui contamine cette région dès lors que le marché se rétracte. Après l’erreur collective des 6 de pur, trouvons un juste milieu – peut-être entre 8,5 et 9 – pour nous permettre de produire au-dessus du prix de revient. Et ne nous dites pas que nous défendons surtout les grosses exploitations. C’est faux. Nous soutenons tous les viticulteurs. Il n’y a pas d’exploitations qui aient plus le droit de vivre que d’autres

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