La réalisation des prospections de symptômes de Flavescence Dorée chaque fin d ‘été représente le fondement de la lutte contre cette « maladie incurable ». Aucun moyen ne permet actuellement de détruire l’agent responsable de ce fléau, le phytoplasme de la FD, une fois que celui-ci a pénétré dans les souches. Chaque cep infecté représente alors un véritable danger pour propager la maladie dans l’environnement proche. Un seul cep porteur du phytoplasme peut en contaminer 100 en seulement deux ans. Le non-repérage des souches contaminées laisse donc le champ libre aux cicadelles de la FD qui diffuse la maladie sans aucune contrainte. La recherche des symptômes est donc la pierre angulaire de tout le dispositif de lutte. Convaincre les viticulteurs de réaliser les prospections durant une, deux trois années est assez facile quand la maladie est présente. Par contre, rendre systématique cette intervention en toutes situations s’avère souvent plus compliqué.
Seulement 60 à 65 % du vignoble sont prospectés
Les efforts du groupe de travail FD et les moyens financiers plus conséquents qui ont été investis dans des stratégies de lutte beaucoup plus structurées, ont permis de créer une sensibilisation plus forte autour des prospections et d’obtenir des résultats depuis 4 à 5 ans. Les bilans des prospections ont débouché sur une meilleure appréciation de l’état sanitaire du vignoble. 63 % de la surface de la région a été prospectée en 2014, 68 % en 2015 et de 60 % en 2016. Ces résultats sont à la fois encourageants par rapport aux surfaces prospectées entre 2010 et 2012 qui dépassaient à peine 35 % mais encore insuffisants pour avoir un état des lieux complet du danger FD sur les 80 000 hectares. Cela signifie que certaines zones du vignoble sont bien prospectées et d’autres assez peu ce qui pose un sérieux problème. Les efforts de prospections depuis deux ans semblent plafonner et cette situation interpelle les techniciens. Les retours de fiches de prospection de 2016 ont confirméla stagnation de la motivation d’une partie des viticulteurs vis-à-vis des actions de recherche des symptômes. Pourquoi 35 à 40 % des surfaces de la région délimitée ne sont-ils pas prospectés alors que la maladie est présente pratiquement partout ? Pourquoi la mobilisation à la fin de l’été 2016 a-t-elle été moins forte alors que les vendanges n’ont pas commencé avant les derniers jours de septembre ?
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La sensibilisation autour du risque FD a tendance à s’estomper
La plupart des nouveaux foyers identifiés à l’automne 2016 ne concernaient que quelques souches ce qui signifiait que la maladie n’était pas implantée depuis longtemps. Cela conforte l’efficacité des dispositifs de lutte mis en places. La découverte d’un nouveau foyer crée toujours une sensibilisation forte au niveau des prospections. La mobilisation des énergies durant toute la période de lutte active est réelle pour « éliminer les souches contaminatrices ». Par contre, une fois que ces zones sont assainies, la sensibilisation a tendance à estomper progressivement. La maladie semble avoir disparu et le risque FD est ressenti par les viticulteurs comme très faible. La protection insecticide systématique contre le vecteur à l’échelle de la région est encore trop souvent perçue comme un maillon déterminant du dispositif de lutte. Or, ce n’est qu’un des éléments associé et complémentaire du dispositif de lutte global. Il arrive aussi que certains viticulteurs soucieux de limiter l’utilisation des intrants phytosanitaires vivent assez mal le calendrier rigide des traitements insecticides. Le constat général est qu’après une période de forte sensibilisation, il s’instaure un climat d’attentisme autour du risque FD. L’état sanitaire qui semble avoir été maîtrisé rend les messages de préconisation de lutte moins « audibles ». Comment peut-on lutte contre cette « érosion naturelle » de l’impact des messages techniques ? Quels moyens faudrait-il mettre en œuvre pour maintenir un niveau sensibilisation élevé autour des prospections de symptômes ?
La réalisation des prospections doit déboucher sur de nouvelles initaitives de lutte
Michel Girard et Jean-Christophe Gérardin, les deux techniciens des chambres d’agricultures de Charente Maritime et de Charente ont beaucoup réfléchi à ce problème : « La découverte d’un foyer de FD dans une commune est toujours assez traumatisante pour les viticulteurs. Maintenant, ces situations sont un peu mieux vécues car les dispositifs de lutte dans les zones contaminées ont démontré leur efficacité. La question qui revient systématiquement concerne les ceps contaminés : Pourquoi n’ont-ils pas été repérés plus tôt ? La réponse est toujours malheureusement très simple : en raison de l’insuffisance des prospections. Le caractère fastidieux du travail de recherche des symptômes représente-il un handicap majeur ? Nous ne le pensons pas. Des discussions avec certains viticulteurs dans les zones du PLO à risques modérés et élevés nous ont permis d’appréhender les raisons de l’effritement de la sensibilisation après 5, 6 ans d’efforts de prospection. Une fois qu’une zone est assainie, la réalisation des prospections confirme le bon état sanitaire du secteur mais n’apporte rien d’autre. Les viticulteurs souhaiteraient qu’il leur soit proposé des aménagements de la lutte insecticide contre le vecteur qui est gérée actuellement sur des bases systématiques peu compatibles avec les nouveaux enjeux de viticulture durable ».
Un dispositif de lutte novateur en 2017
Les remontées des viticulteurs à propos de la rigidité des calendriers de protection insecticide contre la cicadelle représentent un sujet important vis-à-vis de la pérennité du dispositif de lutte global. Au sein du PLO, il n’est pas envisageable de ne pas contrôler les vols de l’insecte assurant la propagation de la maladie. Le non-repérage de quelques ceps de contaminés représente un vivier de diffusion de la FD qu’il faut essayer d’anticiper. Par contre, les techniciens considèrent comme souhaitable de répondre aux attentes d’une lutte plus raisonnées et plus intelligentes contre la cicadelle de la FD. Le dispositif de lutte mis en œuvre pour la campagne 2 017 a entre-ouvert de nouvelles pistes de travail sur ce sujet. Une approche d’aménagement de la lutte insecticide a été implantée sur un plusieurs petits territoires. Elle est pilotée avec un encadrement technique sérieux pour ne pas fragiliser les fondations du dispositif de lutte global. Néanmoins, il ne faut pas mettre « la charrue avant les bœufs », le préalable indispensable à toute démarche d’aménagement de la lutte insecticide est la réalisation de prospections de symptômes systématiques.
Des prospections individuelles et collectives à réaliser entre le 20 août et le 20 septembre
D’ici la mi-août, l’ensemble des viticulteurs de la région délimitée vont recevoir un dossier d’information personnalisé sur la mise en œuvre des prospections 2 017. Il s’agit d’un kit de documentation contenant les fiches de prospection, les contacts avec les réseaux d’animateurs et de techniciens et un petit guide de mis en œuvre de cette intervention. La réalisations des prospections de symptômes de FD est obligatoire dans toutes les communes du bassin de production Charentes-Cognac. Cette année, un vaste programme d’actions de prospections collectives a été organisé dans les zones considérées à risque. Les 5 zones d’animations prioritaires qui représentent plus de 20 000 ha de vignes, vont faire l’objet d’une surveillance rapprochée. Dans chaque secteur, un animateur va organiser les prospections collectives en s’appuyant sur les mairies et les référents communaux. Déjà des réunions sont prévues dans de nombreuses communes. La carte et le tableau de contacts présentés ci-dessous montrent l’importance des moyens qui vont être déployés pour faire grimper le taux de prospection du vignoble Charentais à l’automne 2017. Les techniciens estiment que compte tenu de la précocité de l’année, il sera possible de commencer les recherches des symptômes à partir du 20 août et de les terminer entre le 15 à 20 septembre (avant le début des vendanges). Dans les parcelles gelées, les bonnes conditions climatiques de juin et juillet ont permis au cycle végétatif de rattraper son retard. Les prospections pourront donc être réaliser aussi dès la fin août.
Un programme pilote de gestion raisonnée de la lutte insecticide
Les résultats des prospections 2 016 ont débouché sur la réalisation de 307 prélèvements de végétation dont 142 se sont révélés positifs à la Flavescence Dorée. Ils sont répartis sur 50 communes avec seulement la découverte de trois nouveaux foyers. Aucune parcelle n’a été contaminée à plus de 20 % et 1 800 ceps isolés ont été arrachés au printemps dernier. Le périmètre de lutte obligatoire en 2017 n’a pas réellement beaucoup évolué sur le plan des surfaces. Les arrêtés préfectoraux ont entériné la liste des communes intégrées dans le PLO, celles qui sont contaminées et celles à avec un risque modéré (2 traitements insecticides) et élevés (trois traitements insecticides). La nouveauté du dispositif de lutte a été le développement d’un programme pilote d’aménagement de la lutte insecticide sur le vecteur sur 6 communes réparties dans trois zones l’une à Triac-Lautrait, l’autre à Ars et Merpins, et la troisième à Mortier, Saint-Maigrin et Saint-Germain de Vibrac. La volonté des responsables a été de tester cette initiative auprès d’un nombre de communes limité pour apprécier les moyens techniques et humains nécessaires à sa mise en œuvre et valider l’efficacité du dispositif en fin de saison.
Un essai pilote dans 6 communes et sur 1800 ha
L‘action conduite sur 1 800 ha de vignes (800 ha en Charente et 800 ha en Charente Maritime) repose sur l’implantation d’un encadrement technique de surveillance des larves au printemps et des vols d’adultes pendant tout l’été. La finalité est de tester à grande échelle, un dispositif de gestion de la protection insecticide raisonné à partir d’observations de terrain pour évaluer l’opportunité de réaliser les traitements. Les communes retenues pour ce projet pilote avaient fait l’objet d’un taux de prospections (collectives et individuelles) de plus 75 % au cours des deux dernières années. M. Girard et J Ch Gérard in ont géré la mise en place du dispositif de suivis des populations de larves et d’adultes. Le territoire des communes a été maillé en micro-zones de 20 ha à l’intérieur des quelles, ont été réalisés les suivis d’éclosion de larves et les piégeages de cicadelles adultes (1 piège jaune pour 20 ha). Chaque semaine, Mélissa Gecchele de chambre d’agriculture de la Charente et Ludovic Violeau de la Chambre d’agriculture de Charente Maritime, les deux animateurs de terrains, sont passés dans l’ensemble des îlots pour chercher les larves et relever les captures d’insectes entre le début juin et le 25 août. Les résultats des suivis de comptages de larves et d’adultes ont servi à mieux positionner le traitement T1 et à raisonner le besoin ou pas de réaliser les traitements T2 et T3. C’est à partir de la présence de 3 larves et de 3 adultes par site que les traitements sont déclenchés.
Une réduction de la couverture insecticide de 66 % dans 5 communes sur 6
Les résultats de cet essai de lutte raisonnée de la protection insecticide semblent pour l’instant assez encourageants mais les techniciens souhaitent attendre la fin de la saison avant d’en tirer des conclusions définitives. Les observations des éclosions de larves ont permis d’adapter d’une quinzaine de jours la date d’application du traitement T1 selon les communes. Ensuite, l’absence de vol d’adultes durant tout le mois de juin a confirmé l’efficacité du T1 et surtout a permis de ne pas réaliser le T2. Les observations de piégeages d’adultes durant tout le mois de juillet ont révélé la présence de seulement 3 insectes adultes sur une seule des 6 communes. Les observations vont se poursuivre jusqu’à la fin août mais au vu de ces résultats, les techniciens estiment qu’il sera nécessaire de déclencher le T3 que dans une seule commune. Le premier bilan de cette stratégie de raisonnement de la lutte insecticide s’avère donc positif. Il aura permis de réduire la couverture insecticide de 66 % dans 5 communes sur 6. M Girard et j-Ch Gérardin ont aussi essayé d’évaluer le coût de la logistique du réseau d’observation qui a été mise en place. Leur souhait était également de proposer une initiative réaliste sur le plan économique pour qu’elle puisse se développer. Le suivi de 800 ha de vigne nécessite en moyenne deux jours de travail par semaine (pour passer dans tous les îlots de 20 ha et traiter les résultats) du début du mois de juin à la fin août soit un coût d’environ 20 € ht/ha. Un tel niveau de charge correspond à peu près au coût d’un seul traitement insecticide.
Un premier essai de pièges connectés testés cet été Charentes
D’autres études sont en cours pour tester l’utilisation de pièges à insectes connectés ce qui permettrait d’alléger la charge de travail liée aux observations de terrain. Lætitia Sicaud, l’animatrice Flavescence Dorée du BNIC a mis en place une expérimentation pour tester le piège connecté e-GLEEK de la société Advansee en comparaison avec le système de piégeage traditionnel. L’appareil fonctionne en photographiant les insectes capturés sur une feuille gluante (jaune pour les cicadelles de la FD) et transmet les vues par un réseau radio de longue portée à un serveur de reconnaissance visuel qui identifie les espèces capturées. Il est aussi possible de relier la connexion à un poste d’accès informatique personnel via des mails ou des SMS. Le matériel testé en Charentes réalise 5 vues par jour et ne nécessite pas de connexion électrique. Une batterie lui assure son autonomie énergétique pendant 12 mois. Les pièges connectés sont déjà utilisés dans d’autres domaines et le fabricant annonce qu’ils sont opérationnels. L’équipe de techniciens Charentais réfléchi aussi au développement d’une application sur smartphone qui permettrait de déclarer la présence de symptôme directement dans les parcelles au, moment des prospections
La réalisation de propsections efficaces est un préalable incontournable
La prochaine étape sera d’envisager comment la mise en œuvre des moyens techniques et humains nécessaire à un raisonement de la protection insecticide peut-être gérée à l’échelle de surfaces plus importantes ? C’est un dossier sur lequel le groupe de travail régional FD va « plancher » au cours de l’hiver prochain. Ce serait une évolution importante et attendue par la plupart des viticulteurs de la région. Le développement de toutes ces initiatives atteste des progrès qui sont en cours pour faire évoluer l’organisation des dispositifs de lutte. Néanmoins, toutes ces initiatives innovantes ne pourront trouver un champ d’application que si l’état sanitaire du vignoble est connu et maîtrisée. La réalisation de prospections efficaces et généralisées ans quelques semaines est donc le préalable incontournable avant de pouvoir envisager en 2018 d’accéder à des pratiques de maîtrises de la couverture insecticide plus «douces».
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