SVBC : « Une croissance partagée »

7 juin 2011

La Rédaction

Le syndicat qui fait sienne la formule de « régulation partagée » plaide aussi pour un « partage de la croissance ». Parmi ses adhérents, il dit enregistrer « un certain mécontentement sur les prix. Les viticulteurs veulent profiter de l’embellie ». Au revenu viticole, il reconnaît deux leviers : les volumes et les prix. Interview de François-Jérôme Prioton et de Stéphane Roy, réalisée le 9 mai, quinze jours avant l’assemblée plénière du BNIC censée aborder la question du rendement Cognac.

 

 

roy.jpg« Le Paysan Vigneron » – Pourquoi vous exprimer maintenant ?

SVBC – Avant d’amorcer une nouvelle campagne, faire un point d’étape nous semblait important. La réserve de gestion, que le SVBC a proposée et soutenue, a bien fonctionné. En apportant un peu plus de souplesse, elle fut parfaitement dans son rôle. Les sorties Cognac sont bonnes. Au 30 mars, elles affichaient une croissance de + 15 %. Le négoce, l’an dernier à pareille époque, s’était positionné sur une hausse de + 5 %. Les prévisions furent donc largement dépassées. C’est une bonne nouvelle et ce d’autant plus que l’évolution se fait plus nettement sentir sur les qualités supérieures, XO et assimilées. Pour la région et les viticulteurs, il y a sans doute là l’opportunité de relancer une politique de stockage d’ampleur, qui permettrait de revenir aux fondamentaux de notre métier et de capter une plus-value qui nous échappe en partie. Mais pour ce faire, nous avons besoin d’une revalorisation des prix. Aujourd’hui, la viticulture est à un carrefour.

« L.P.V. » – Qu’entendez-vous par là ?

SVBC – Pendant un certain temps, l’augmentation du revenu viticole s’est faite par l’augmentation du rendement. Cette phase était sans doute nécessaire, ne serait-ce qu’au titre de rattrapage. On ne pouvait pas brûler les étapes. Mais maintenant, il faut penser au prix. Il y a deux leviers au revenu viticole : le volume et le prix. Le message qui nous revient des viticulteurs, c’est qu’il existe un certain mécontentement sur le prix. Les viticulteurs trouvent qu’ils ne profitent pas suffisamment de l’embellie. Ils ont le sentiment de passer un peu à côté. Globalement, le revenu viticole ne permet pas de couvrir les prix de revient. Et qu’en sera-t-il demain, face aux échéances qui s’annoncent : mises aux normes, exigences réglementaires… En 2010, le coût de revient a été satisfait grâce à la réserve de gestion mais cette dernière n’est pas vendue.

« L.P.V. » – Que proposez-vous ?

SVBC – Nous souhaitons qu’advienne une prise de conscience collective. Que négoce et viticulture, ensemble, envisagent leurs intérêts communs. Il faut que le négoce ait conscience que, pour avoir des produits et les vendre, il a besoin d’une viticulture qui tienne sur ses deux pieds. Comme nous défendons, au SVBC, une régulation partagée ainsi qu’une vision partagée entre négoce et viticulture, nous plaidons aussi pour une croissance partagée. Cette croissance partagée doit passer également par les prix.

« L.P.V. » – Un rapport de force préside à toute négociation. Aujourd’hui, dans le cadre interprofessionnel, sur quel levier la viticulture peut-elle peser pour obtenir ce qu’elle souhaite ?

SVBC – Au SVBC, nous ne croyons pas aux vertus du bras de fer, de l’opposition frontale viticulture/négoce. A ce petit jeu, nous sommes sûrs d’ être tous perdants. Nous avons bradé notre stock entre 2002 et 2006 et le négoce a perdu de l’argent en 2007-2008, par une augmentation des prix non maîtrisée. Et quand le négoce perd de l’argent, à terme la viticulture en perd aussi. Chacun doit prendre conscience qu’il a besoin de l’autre.

« L.P.V. » – A combien chiffreriez-vous l’augmentation de prix ?

SVBC – Très clairement, nous ne pouvons pas nous contenter de l’inflation. Nous ne pouvons plus nous en contenter. C’est le message fort que nous voulons faire passer. Le négoce, lui, affiche sa prudence. Il a peur de se tromper dans ses prévisions. Nous savons bien qu’il y aura de nouvelles crises, de nouvelles tensions. C’est même certain. Depuis 250 ans, l’histoire du Cognac ne fut tissée que de hauts et de bas. Ceci dit, en 2008, la crise fut énorme et le Cognac l’a surmontée. Il a passé l’orage grâce à une gestion saine de la situation. Il n’a pas sur-réagi. Aujourd’hui, la progression des qualités vieilles ouvre tout de même des perspectives.

« L.P.V. » – Et si, en lieu et place d’une revalorisation des prix, la tendance se poursuivait de faire progresser les volumes ? Que pensez-vous des 11 de pur ha ?

SVBC – Les 11 de pur ha, c’est très bien mais tout le monde ne les atteindra pas. Un tel va les dépasser sur son exploitation mais ce sera l’exception qui confirme la règle. Le vignoble a considérablement souffert ces dernières années. La progression des prix doit servir, entre autres, à rajeunir le vignoble. Après une période d’augmentation des volumes, nous pensons que le temps est maintenant venu d’obtenir quelque chose sur les prix. Pour cela, nous faisons confiance au dialogue constructif qui a su s’instaurer au BNIC depuis trois ans.

« L.P.V. » – Sur le dossier de la libéralisation des droits de plantation, où en êtes-vous ?

SVBC – Quand nous avons commencé à travailler sur le PAPE (Potentiel annuel de production par exploitation), nous l’avons fait dans une perspective de suppression pure et simple des droits de plantation. C’est sur cette hypothèse que l’interprofession nous avait demandé de réfléchir. Pour maintenir, malgré tout, l’encadrement du potentiel de production, il fallait trouver des solutions innovantes. Nous avons proposé de déconnecter la production de la surface, en n’affectant plus des hectares mais des droits à produire. Cette piste nous semblait intéressante. Non seulement elle permettait de s’exonérer des droits de plantation (ce qui était bien la « feuille de route » de départ) mais elle offrait aussi une plus grande souplesse économique, à la manière de l’ex QNV d’exploitation. Puis la réflexion a évolué, notamment sous l’influence de nos collègues du SGV. Aujourd’hui, nous sommes davantage sur l’idée d’un droit à produire qui resterait ancré au sol. En cas de cession ou de transmission, il ne pourrait pas se désolidariser du sol. Cela ne nous choque pas, bien au contraire, d’autant que la souplesse économique attachée aux droits à produire est préservée. Dans le débat national et communautaire sur les droits de plantation, notre but n’est pas de chambouler les choses mais de faire entendre la voix de la région de Cognac. Car notre région a une vraie spécificité défendre, en terme de surface disponible, de caractéristique de son vignoble, de plus-value attachée aux plantations. C’est ce qui nous a motivés à prendre les devants, lors de la réunion de la « Mise au courant ». Maintenant, c’est à l’interprofession de se saisir du projet et de le porter. Nous faisons confiance à Catherine Le Page. Après tout, c’est elle la spécialiste du lobbying. Naturellement, rien ne se fera sans les autres régions viticoles, françaises et européennes.

« L.P.V. » – Pouvez-vous nous dire un mot des élections professionnelles à l’ODG et d’une éventuelle refondation du syndicalisme viticole charentais ?

SVBC – Les élections à l’ODG Cognac sont reportées après les vendanges. Dans ce contexte, des discussions sont en cours avec nos collègues du SGV. Nous examinons ce qui est faisable ou pas, souhaitable ou non. Nous verrons ce que cela donnera. Pour l’instant, il est trop tôt pour en parler.

« L.P.V. » – La presse, il y a quelque temps, s’est fait l’écho de tensions au sein de votre syndicat. Qu’en est-il ?

F.-J. Prioton – Pour votre gouverne, je suis toujours président du SVBC. Dans un contexte pré-électoral, il est normal que des tensions se manifestent même si elles sont loin d’être aussi importantes que ce qui a pu être dit. Je regrette ces tentatives de déstabilisation comme je déplore ce qui a pu être écrit à l’occasion de l’AG de la Sica de Bagnolet. Fort heureusement, cela n’entame pas notre combat au quotidien pour la défense de la viticulture charentaise.

Les propos qui ont fait polémique
« Des viticulteurs qui pensent Cognac »
François-Jérôme Prioton s’insurge contre l’interprétation qui a pu être faite des propos de James Bannier à l’AG de la Sica de Bagnolet. A l’époque, ces propos avaient été présentés comme un appel implicite à voter SVBC. Une présentation « oblique » selon F.-X. Prioton. « Nous espérons bien que la défense du Cognac n’est pas le fait du seul SVBC. » Reprise des propos qui ont fait polémique.
James Bannier, président de la Sica de Bagnolet – « La déplorable image donnée au cours de l’épisode fiscal de la taxation du Pineau ne doit plus se reproduire. Il est indispensable que les représentants de la viticulture qui siègent au Bureau national du Cognac soient des viticulteurs qui pensent Cognac et défendent le Cognac. Cette année, vous avez à élire vos représentants à l’ADG Cognac. Je vous le dis solennellement. Ne vous trompez pas dans le choix que vous ferez. Ce ne serait pas pertinent et même irresponsable de confier la défense de vos intérêts à des femmes et des hommes qui ne seraient pas totalement engagés dans la seule défense du Cognac. »

 

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