SVBC : « Nous ne voterons plus de rendement en dessous du prix de revient »

30 novembre 2009

A l’issue de la récolte, le SVBC revient sur les comptes de la campagne. Pour afficher sa désapprobation. Selon lui, la viticulture Cognac est victime du système en place. Le syndicat en appelle à une refondation du mode de définition du rendement Cognac. Propos de François-Jérôme Prioton, président du SVBC et de Stéphane Roy, vice-président du syndicat avec Philippe Martineau.

« Le Paysan Vigneron » – Pourquoi avoir souhaité vous exprimer ?

SVBC – La période semble indiquée. Nous sommes à la fin d’une campagne et au début d’une autre. Nous voudrions d’abord remercier les pouvoirs publics, les diverses administrations, l’INAO, le BNIC, les organismes professionnels pour la façon dont ils ont géré l’épisode grêle. Le système a bien fonctionné, à la satisfaction de tous. Un premier bilan, réalisé après vendanges, donnait 50 000 hl vol. échangés de cette manière, soit, sans doute, la couverture totale ou partielle de pas loin de 1 000 ha. Chacun a cherché à mettre de l’huile dans les rouages. L’INAO s’était engagé à délivrer les autorisations dans un délai de 5 jours. En réalité, le délai fut plus proche des 5 heures. Là comme ailleurs, les services ont fait preuve de réactivité, de célérité, de disponibilité. Nous sommes suffisamment enclins à critiquer pour, quand les choses vont bien, savoir le dire aussi.

« L.P.V. » – Une fois énoncé ce satisfecit, qu’en est-il du reste ?

SVBC – Ne le cachons pas. Le rendement de 8,12 hl AP/ha ne nous convient pas du tout. Nous l’avons voté un peu « la mort dans l’âme », pour maintenir le dialogue mais sans adhérer au principe. Souvenez-vous du contexte. Fin mai 2009, l’assemblée plénière du BNIC valide une proposition de rendement provisoire à 8,12 hl AP/ha, rendement qui devra être abondé par le jeu de l’affectation préalable. Au-dessus du seuil de 4 000 ha, chaque tranche de 1 000 ha entraînera un bonus de 0,11 hl AP/ha, soit, pour une affectation de 8 000 ha, un rendement de 8,55 hl AP/ha. Mais le retard lié à l’homologation du cahier des charges Cognac par le ministère de l’Agriculture fera capoter le système. En septembre, viticulture et négoce représentés à l’ADG ont pris le parti de ratifier les 8,12 comme rendement définitif. Si notre syndicat s’est plié au vote unitaire, il y a mis une condition, que ce soit la dernière fois.

« L.P.V. »- Qu’entendez-vous par là ?

SVBC – L’an prochain, s’il n’y a pas d’approche constructive sur la façon de définir le rendement, nous ne le voterons pas. Dit autrement, nous ne voterons pas un rendement Cognac au-dessous du prix de revient. Ce discours, nous l’avons tenu et lu en séance de l’ADG et il a été versé au compte rendu de la réunion. C’est important que nos adhérents le sachent car ils pourraient penser qu’au bout du compte, syndicat X ou syndicat Y, c’est blanc bonnet, bonnet blanc. Or, au SVBC, nous n’avons pas été élus pour que nos ha Cognac perdent de l’argent.

« L.P.V. » – Comment cela ?

SVBC – La formule de calcul du rendement Cognac adoptée par l’interprofession en 2007 fonctionne très bien pour définir les besoins du négoce mais il y a un paramètre dont elle ne tient absolument pas compte : la capacité de production de nos vignes. En moyenne, le vignoble de Cognac est en mesure de produire 9,5 hl AP/ha. Il s’agit même d’une fourchette plutôt basse. Quoi qu’il en soit, que l’on produise 7, 8 ou 10 de pur ha, les coûts de production sont à peu près les mêmes, le point d’équilibre se situant autour de 9. L’an prochain, si l’on ne bouge pas et que la récolte s’avère à peu près similaire à celle-ci – qui s’assimile à une année moyenne – que se passera-t-il ? Les viticulteurs disposant d’un bon accès au Cognac devront jeter environ 40 % de leur récolte. Car dans l’hypothèse où ils auraient souscrit la totalité de la réserve climatique cette année, quel autre exutoire auraient-ils que de détruire leurs excédents. C’est un non-sens total !

« L.P.V. » – Vous oubliez la possibilité d’affecter aux autres débouchés.

SVBC – Excusez. Quelqu’un d’engagé fortement au Cognac n’ira pas dire à son acheteur : « Attendez, je vais affecter à autre chose qu’au Cognac. » Personne n’a les moyens de tenir un tel discours à son client, au risque de perdre l’accès au marché. Que constate-t-on nous avec le système actuel ? Ce sont toujours les gens qui ont un accès correct au Cognac qui doivent adapter leurs débouchés. Pourquoi toujours taper sur les mêmes quand ça va mal ! Certes la solidarité est nécessaire mais, en face, il faut trouver des contreparties. Adopter des mesures sans contreparties, cela s’appelle de la générosité. Nous n’avons rien contre mais il y a des limites à tout. A la fin, on ne peut pas donner ce que l’on n’a pas.

« L.P.V. » – En terme économique, l’affectation aux autres débouchés ne constitue peut-être pas une si mauvaise affaire.

SVBC – D’une certaine façon, vous avez raison. A 300 hl ha et sur la base du prix moyen constaté cette année pour ces débouchés – autour de 20 € l’hl vol. – les surfaces dédiées à la filière industrielle dégagent, potentiellement, un revenu de 6 000 € l’ha. Dans le même temps, un ha Cognac n’émargera qu’à 5 424 € l’ha, si l’on se réfère au prix du vin Fins Bois constaté par les mercuriales du BNIC, de 705 € (740 € l’an dernier). Vous comprendrez que cet écart nous interpelle. D’autant plus que, nous ne nous leurrons pas, c’est bien le Cognac, par ses excédents, qui assure la rentabilité des autres débouchés. A 200 hl vol./ha, la rentabilité des débouchés industriels ne se présenterait pas sous un jour aussi favorable. Il y a quelques mois, le président du Syndicat des producteurs de Pineau affirmait que le Pineau ne serait pas la banque de toutes les autres destinations de la région. Nous reprenons ces propos à notre compte. Le Cognac n’a pas vocation à soutenir l’activité économique de la filière vins et jus de raisin.

« L.P.V. » – Qu’en déduisez-vous ?

SVBC – Nous disons : « Arrêtons ce massacre ! La viticulture Cognac ne peut pas accepter de tels errements. » Nous pensons que la refondation du système doit passer par une nouvelle approche de la définition du rendement Cognac. C’est la couverture du prix de revient qui doit nous guider. Le groupe de travail « production » du BNIC – où participent le SGV, le SVBC, le SMC (Syndicat des maisons de Cognac) – a très officiellement validé au printemps un coût de revient de l’ha Cognac à hauteur de 6 340 € l’hl AP. Au vu du prix du vin Cognac cru Fins Bois tel que relevé par les mercuriales du BNIC, de 705 € l’hl AP rappelons-le, il faut produire environ 120 hl vol./ha ou encore 9,5 hl AP/ha pour espérer couvrir ce prix de revient. A nos collègues de l’interprofession nous disons : « Attention messieurs, vous avez cautionné ce coût de revient. Si vous votez un rendement inférieur à 9,5 hl AP/ha, vous acceptez l’idée que la viticulture travaille à perte. »

« L.P.V. » – Le revenu est toujours l’addition d’un volume et d’un prix.

SVBC – Le négoce peut compenser une inflation de 3-4 % l’an mais en aucune façon des baisses de volumes de 20 % comme il vient de se produire cette année, où le rendement Cognac est passé de 10,85 à 8,12. Nos calculs nous amènent à penser que c’est à partir de 9,5 hl AP/ha que la viticulture peut commencer à gagner de l’argent. Maintenant si un viticulteur, à titre individuel, veut produire 8,12, rien ne l’en empêche. En tout cas notre syndicat n’acceptera plus de voter un rendement en dessous du prix de revient.

« L.P.V. » – Les besoins du négoce ne sont pas extensibles à l’infini et la surface vin blanc Cognac est ce qu’elle est. Comment résoudre cette équation ?

SVBC – Nous avons toujours dit qu’il fallait tenir compte des besoins du négoce. Pour cette campagne, ils ont été estimés à 567 000 hl AP. Divisés par 9,5 hl AP/ha, cela donne une surface Cognac d’environ 60 000 ha. Que fait-on des 15 000 autres ha ? Effectivement, la question se pose. Au SVBC, nous considérons qu’il convient d’abord de reconstituer le stock Cognac et ensuite d’adapter la superficie du vignoble en fonction de la conjoncture, au terme d’une stratégie individuelle. Chacun sera libre de faire ce qu’il veut. Une chose est sûre ! On ne peut plus se permettre de reproduire inlassablement les mêmes erreurs. Quand les choses ne vont pas très bien, en Charentes que se passe-t-il ? Le réflexe est d’abaisser les rendements, ce qui n’offre pas la possibilité de constituer des réserves. Ensuite, lorsque le marché se tend, les prix flambent et affolent le marché. D’où des achats erratiques à la hausse et de nouveau la rechute. C’est toute l’histoire de ces dernières années. En 2004, nous avons jeté la récolte au champ, ce qui, entre parenthèses, a pas mal traumatisé la viticulture. Bis repetita ou presque en 2005. Puis, alors que le marché commençait à devenir demandeur, nous fûmes confrontés à des récoltes 2007 et 2008 très déficitaires. Malheureusement les chais étaient vides, les viticulteurs ayant souvent été contraints de brader leurs stocks à vil prix quelques années plus tôt. Panique générale. Le même négoce qui pratique aujourd’hui des prix bas achetait très cher hier. Ce cycle infernal, il faut le briser. Dans cet objectif, nous proposons d’utiliser la réserve de gestion du marché pour, qu’additionnée au rendement annuel, le volume de production ha atteigne les 9,5 de pur ha. Par ailleurs, il faut que ce rendement soit connu à l’avance. Il pourrait être fixé par exemple pour cinq ans. Grâce à cette visibilité, le viticulteur serait en mesure de constituer un stock tampon qui lui servirait de garantie. Ainsi utiliserait-il plus sereinement la panoplie d’outils à sa disposition : adapter la taille de son vignoble, affecter aux autres débouchés…

«L.P.V. » – Vous avez sans doute pensé aux gens qui n’accepteront jamais d’arracher un seul pied de vigne, même s’ils ne jouissent pas d’un très bon accès au Cognac.

SVBC – Comme déjà dit, chacun sera libre. Les 9,5 hl AP/ha s’appliqueront à tout le monde. Après, si certains acceptent de fonctionner à 7 de pur ha, ce sera leur choix. Celui qui n’adaptera pas son vignoble se retrouvera en prise directe avec le marché. Quand il y aura une grosse demande, il vendra la totalité de sa récolte au Cognac et quand la demande sera faible, il devra se contenter de l’existant.

« L.P.V. » – Avec ce système, si beaucoup s’amusent à produire au maximum des possibilités et constituent des stocks, les prix se casseront la figure ?

SVBC – Pour constituer un stock, trois acteurs doivent être réunis autour de la table : le viticulteur qui veut bien s’engager dans la démarche, le négoce qui dit « oui, votre marchandise m’intéresse » et le banquier qui prend le risque d’avancer l’argent. Aujourd’hui, ne nous berçons pas d’illusions. Tous autant que nous sommes, nous n’avons pas les moyens de produire trois fois plus que nos ventes.

« L.P.V. » – Il n’empêche, produire plus que les besoins, c’est prendre le risque de casser l’équilibre de l’offre et de la demande.

SVBC – Arrêtons avec ce travers régional qui consiste à tout interpréter à l’aune des volumes. Dans l’histoire proche, quand est-ce que les cours tombent le plus bas ? Durant les périodes où la production était la plus faible. Maintenant, ne nous faites pas dire que rendement haut rime forcément avec prix haut. Mais le plus important n’est-il pas de bénéficier d’un rendement haut sur un vignoble adapté. Sans pousser le bouchon trop loin, d’un côté, on loue sans vergogne la libération des rendements pour les « autres débouchés » et, de l’autre côté, on fait tout le contraire pour le Cognac. Au SVBC, nous pensons que le diktat des bas volumes a assez duré ! A plusieurs niveaux, il produit des effets néfastes.

« L.P.V. » – De quelle sorte ?

SVBC – S’est-on un jour demandé pourquoi le négoce détenait 70 % du stock Cognac, la viticulture 30 % et encore essentiellement sur des comptes jeunes, 0, 1 et 2 ? Au cours de nos rencontres, nous avons posé la question au négoce. Il nous a répondu que la viticulture, en voulant toujours coller « pile poil » aux besoins du négoce, induisait ce type de comportement. Face à la raréfaction organisée du produit, les maisons n’ont d’autre choix, pour sécuriser leur approvisionnement et l’acquérir au meilleur prix, que de s’assurer la maîtrise de la marchandise à la source, en comptes jeunes. Ce qui, quelque part, tue le métier de bouilleur de cru – porteur de stock. En tant que syndicat défendant la viticulture Cognac, nous ne pouvons pas laisser pourrir la situation plus longtemps. Au sein de la FVPC (Fédération des viticulteurs producteurs de Cognac) comme au sein du BNIC, nous attendons une démarche constructive sur la définition du rendement, ainsi que des propositions fermes avant la fin de l’année, début de l’autre. Un groupe de travail restreint consacré à la gestion de la production viticole a été créé, qui s’est réuni pour la première fois le 26 octobre dernier. Si nous n’obtenons pas les assurances souhaitées, nous prendrons nos responsabilités, nous assumerons notre rôle d’élus. Nous n’accepterons pas un rendement Cognac au-dessous du prix de revient.

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