SVBC – Assemblée Générale : PAPE, prix et union

7 octobre 2011

Période charnière pour le SVBC, qui fait face à la fois au difficile dossier de la revalorisation des prix, s’apprête à faire « maison commune » avec le SGV, sans oublier d’accélérer sur le Pape (Production annuelle par exploitation), censé représenter « une alternative aux droits de plantation ». L’assemblée générale du syndicat s’est tenue début juillet.

p26.jpgEt tout cela en musique. Car, pour présenter son diaporama sur les trois dernières années de « mandature » (mandat de trois ans des administrateurs), le syndicat a innové. C’est en musique – et pas n’importe quelle musique, une atmosphère très seventies, avec des riffs à la Pink Floyd – que le SVBC a égrené les faits saillants de cette période : élections à l’ODG, réserve climatique, réserve de gestion… Aux satisfecits, est venue s’ajouter assez vite l’amertume de ne pas voir décoller les prix. C’est Stéphane Roy, vice-président du SVBC, qui s’est chargé d’exprimer la frustration du syndicat. Pour ce faire, il a trouvé des accents très… syndicaux. « Nous demandons une revalorisation substantielle des prix d’achat des eaux-de-vie. Il n’est plus acceptable de voir s’envoler les prix des matières premières, d’investir dans les mises aux normes sans le moindre retour en terme de prix d’achat. Nombreux sont les viticulteurs à nous exprimer leur mécontentement. Ils ont le sentiment de passer à côté de l’embellie. Il n’est pas tolérable que l’augmentation du revenu ne passe que par la seule augmentation du volume. Et si un jour ce volume venait à diminuer ! » Un peu plus tard dans la réunion, S. Roy a repris le flambeau : « Nous attendons septembre, période traditionnelle d’annonce des prix. Comme déjà dit, nous souhaitons une revalorisation substantielle des cours. Sinon le SVBC ne pourra plus faire grand-chose. »

« Des discussions pas aussi fluides »

François-Jérôme Prioton, président de la structure, s’est montré encore plus explicite : « Les discussions futures ne seront peut-être pas aussi fluides. Ce sera bien plus compliqué de trouver un accord. » Avertissement certes modéré mais avertissement tout de même, surtout venant d’un syndicat peu connu pour son appétence au bras de fer viticulture/négoce. S. Roy n’a pas nié cette sensibilité, bien au contraire : « A chaque fois qu’il y a eu duel production/négoce, tout le monde a été perdant. La viticulture a bradé ses stocks en 2002-2005 et le négoce a perdu des ventes en 2007-2008. »

Alors, en 2011, assisterait-on à un changement de cap du SVBC ? A une radicalisation du syndicat ? Point trop n’en faut. Concomitamment à leurs critiques sur les prix, F.-J. Prioton et S. Roy ont réaffirmé leur attachement à « l’orthodoxie » du SVBC, orthodoxie qui peut se résumer d’une phrase : « Par les volumes, accompagnons la croissance du Cognac. » Cette position, le président du SVBC l’a longuement développée, pour ne pas laisser place à l’ambiguïté. « Dans le monde des spiritueux, le Cognac ne représente qu’un petit 1 % en volume même si, en valeur, il pèse pour 7 %. Dans un marché qui se développe, il est impératif d’accompagner la croissance et même de l’anticiper, au risque, sinon, que le Cognac devienne invisible. Il y va de la compétitivité du produit. Oui, le Cognac est condamné à progresser ! Nous, viticulteurs, devons en être convaincus. Et ne nous laissons pas à nouveau séduire par les sirènes d’une baisse des volumes pour faire grimper les prix. Cela nous entraînerait dans de graves difficultés. »

Reste à résoudre la quadrature du cercle, celle des quantités élevées et des prix hauts. A ce chapitre, le SVBC est au pied du mur, comme tout le monde. Sa martingale ! L’intérêt bien compris du négoce, on pourrait presque rajouter « comme tout un chacun ». « Pour alimenter les vieilles qualités, nous allons devoir monter en stock. Cette montée en stock devra être financée » a énoncé Stéphane Roy. Le syndicat a dit son espoir – « et celui de nos collègues du SGV » – de parvenir à ce qui pourrait être qualifié de « gentleman agreement », « d’entente cordiale ». Mais ne dit-on pas « qu’en affaire, il n’y a pas d’amis ».

Habemus Papam (nous avons un pape)

Avec les prix dont le sujet, depuis quelques mois, est monté d’un cran au SVBC, le Pape est la grande affaire du syndicat. Un intérêt qui ne remonte pas à hier. En 2000, le SVBC – ou du moins quelques-uns de ses membres les plus actifs – étaient déjà les défenseurs du quota d’exploitation, mis en œuvre par le Plan Guionnet. A quelques nuances près, le Pape (Production annuelle par exploitation) reprend le même schéma. Il s’agit de convertir l’ensemble des droits de plantation présents sur l’exploitation (vignes en production, vignes en non-production, vignes avec IG, vignes sans IG) en droits à produire. Libre ensuite au producteur d’exercer ce « quota » sur les surfaces qu’il entend. « Ce système redonnerait l’occasion au viticulteur de se comporter en vrai chef d’entreprise. Il permettrait d’améliorer la compétitivité et de récupérer tout l’effort lié à sa prise de risque (entendre : produire sur moins d’ha). »

Pour Stéphane Roy, ce système s’articule parfaitement avec les outils mis en place par l’interprofession et notamment la réserve climatique. « Il est bien clair qu’en diminuant le potentiel de production, le risque de ne pas produire son “quota” est plus grand. La réserve climatique apporte une réponse correcte au problème. »

A côté d’une réserve de gestion qui contribue à « lisser » la production d’eau-de-vie en lui évitant de faire le « yo-yo », le Pape est, pour le SVBC, le « chaînon manquant », « une véritable opportunité pour la région », en plus d’être « une alternative à la libéralisation des droits de plantation » (voir l’intervention du directeur du BNIC en encadré).

Lors de son assemblée générale, qui s’est tenue à Cognac le 12 juillet, le SVBC ne pouvait passer sous silence la grande nouvelle, celle du rapprochement avec le SGV. Les deux Raphaël, Raphaël Brisson et Raphaël Martinaud, furent chargés de présenter le projet, eux qui incarnent la nouvelle génération. Ils font partie du groupe de travail qui réfléchit depuis plus de six mois maintenant à l’émergence d’une nouvelle structure syndicale (le groupe de travail se compose de huit membres, quatre de chaque côté). « Il est très important de fédérer l’ensemble de la viticulture » ont indiqué les deux hommes. Pour quoi faire ? « Pour que la viticulture parle d’une seule voix. » Où ? A l’intérieur de la région mais aussi et surtout à l’extérieur. « Il sera bien plus facile à la région de Cognac de se faire entendre au ministère de l’Agriculture ou à Bruxelles si elle a la totalité de la viticulture derrière elle. »

Si tout se passe comme prévu, on s’acheminerait vers une dissolution des deux syndicats ainsi que de la fédération. Une nouvelle structure verrait ensuite le jour, structure unique composée à 50/50 du SGV et du SVBC, l’idée étant que tout soit en place avant les élections au BNIC en novembre.

R. Brisson et R. Martinaud ont décrit une structure pyramidale dont l’objectif serait de présenter une « cartographie des deux départements » avec des délégués élus par crus. De manière opérationnelle, la structure se calquerait sur le BN (mêmes commissions, mêmes groupes de travail…), afin de faciliter les échanges et les allers-retours. Un pool de services serait proposé à la viticulture, « sans concurrence ni redondance avec les autres acteurs, Chambres d’agriculture, BNIC… »

« Nous aurions aimé être consultés »

Alors que l’affaire du rapprochement syndical peut paraître « ficelée », des réactions dans la salle ont instillé un soupçon de doute. « Avant de mener à terme ce travail, nous aurions bien aimé que les adhérents soient consultés » interpella un viticulteur. « Si la majorité est contre, pourquoi dissoudre les formations syndicales ? Après tout, la fédération (FVPC) remplissait ce rôle de mise en commun. Il est surprenant de parler d’union alors qu’une fédération existe. »

François-Jérôme Prioton a pris la parole. « Il n’y aura pas dissolution des syndicats sans accord préalable des adhérents, au SGV comme au SVBC. La consultation de nos membres nous dira si nous devons continuer dans cette voie ou évoluer vers un autre projet, une autre manière de considérer les choses. Par contre, pour que vous vous déterminiez, il fallait bien être en capacité de vous présenter une trame. » Et de poursuivre : « Aujourd’hui, c’est vrai, la fédération fonctionne bien mais nos syndicats, à eux deux, ne rassemblent peut-être qu’un quart ou un tiers de la viticulture charentaise. Dans ces conditions, quand vous parlez, vous parlez au nom de qui ? Nous vous proposons d’aller beaucoup plus loin, de porter un projet beaucoup plus ambitieux. » Christophe Véral, président de la FVPC (Fédération des viticulteurs producteurs de Cognac), a pris le relais. « Avec le fonctionnement en fédération, le problème, ce sont les allers-retours incessants entre syndicats et fédération. Une simple décision réclame à chaque fois cinq-six réunions. Il ne faut pas oublier non plus que les négociants, eux, ont réussi à s’unir. Si l’on ne veut pas perdre la face, nous sommes obligés nous aussi de construire. » Signe pourtant que le projet « ne passe pas comme une lettre à la poste », Guillaume Roy, frère de Stéphane Roy, s’est interrogé sur la pertinence d’un tel rapprochement. « Depuis que le SVBC existe, des avancées très importantes ont eu lieu : réserve climatique, réserve de gestion, projet du Pape. Selon moi, c’est à mettre directement au crédit d’un débat d’idées, d’une confrontation d’opinions, d’une émulation entre syndicats. Ma crainte c’est que, s’il y a union, le débat soit un peu étouffé. » F.-J. Prioton et C. Véral se sont voulus rassurants. « Ce projet est le point de départ d’une représentation par crus, par groupes de professionnels, garante d’un débat d’idées. Ce n’est pas une simple “tambouille syndicale”. Nous voulons vraiment inventer une structure qui ait les moyens de ses ambitions. Nous comprenons que l’on puisse être nostalgique de l’existant. Mais si l’on veut se doter d’une visibilité à Paris comme à Bruxelles, ce sera à ce prix. »

Actualisation avec François-Jérôme Prioton et Stéphane Roy
L’AG du syndicat remontant à début juillet, une actualisation des propos tenus lors de cette réunion s’imposait, d’autant que le début d’automne est annonciateur d’échéances importantes.
Prix – Deux mois après l’AG, les deux représentants syndicaux signalent « que le message des prix est bien passé auprès du négoce. Maintenant, nous formons l’espoir qu’il ait été entendu ». Ce qui signifie qu’au 20 septembre, les grandes maisons n’avaient toujours pas communiqué leurs prix à la viticulture, à une exception notable près, Rémy Martin (prix d’achat des eaux-de-vie 00 à Alliance Fine Champagne) – Voir éditorial.
Pape – Le syndicat confirme qu’il fait du Pape (production annuelle par exploitation) un point fort et même majeur de sa politique. « C’était la condition sine qua non pour qu’un rapprochement s’opère » précise-t-il même. « Pour nous, le Pape constitue la pierre angulaire du projet viticole (plate-forme de l’Union – ndlr). Il faudra porter ce projet auprès du BNIC qui, lui-même, devra le défendre au niveau national, comme ce fut fait pour la réserve de gestion. »
Union des deux syndicats viticoles – Stéphane Roy note des avis divergents : « Des gens contents, des gens pas contents. » « Moi, dit-il, je jugerai sur pièce. Je ne suis pas quelqu’un qui cultive l’optimisme béat. »

 

Droits de plantation – BNIC : Intervention de Catherine Le Page à l’AG du SVBC

Entre pragmatisme et sens politique, Catherine Le Page exprime une position « pro-active » sur les droits de plantation. Avec l’envie avouée et assumée du BNIC d’être « force de proposition » sur le dossier.

Catherine Le Page – « J’ai constaté une mobilisation de tous les acteurs interprofessionnels cognaçais contre une libéralisation totale des droits de plantation. Ceci dit, aujourd’hui, il faut être conscient des réalités. Le rapport Dess, récemment voté par le Parlement européen, a certes clairement pris position contre la libéralisation des droits de plantation. Mais la pièce maîtresse reste quand même la Commission européenne. C’est elle qui détient le droit d’initiative en matière de proposition de textes européens ou de révisions de ces derniers. Et le contexte général est à la dérégulation ou, du moins, au minimum de régulation. Le système de concurrence demeure bien le système qui prévaut aujourd’hui en Europe. C’est ce que nous a rappelé avec force Hermanus Wersteijlen, le haut fonctionnaire européen* présent à Cognac en juillet. En l’état actuel, la Commission n’a pas l’intention de revenir sur le texte de 2008. Surtout qu’il s’agit d’un texte de compromis dont la rediscussion n’est pas à l’ordre du jour.

Avec le Pape, fruit de la réflexion viticole, nous avons essayé de mettre en place un certain nombre de choses. Aujourd’hui émerge un premier document qui tient la route. Il doit être maintenant testé auprès d’autres régions. Car il n’est pas question, pour les Charentes, de s’organiser seule, en dehors des autres régions. Il faut adosser tout cela à une réglementation nationale, européenne. Il faut que nous continuions à affiner ce projet, en le testant auprès d’autres régions françaises et européennes. Je pense notamment à certaines régions espagnoles. Demandons-nous comment mieux communiquer pour faire passer certains messages. Réfléchissons aux actions de lobbying à conduire au plan national et européen. Le Pape constitue certainement un élément de réponse à la régulation de la production. Maintenant, comment pouvons-nous le valoriser ? Lors du déplacement à Cognac de M. Wers-
teijlen, nous fûmes en capacité de lui montrer une filière très organisée, dotée d’une vraie stratégie, avec une véritable organisation de la production. J’ose espérer que dans les prochaines semaines (intervention datée du 12 juillet – NDLR), nous aurons la possibilité de lui faire part de notre projet et que nous recevrons une écoute attentive de sa part. »

Pour le SVBC, promoteur du Pape, « il est primordial que le futur système s’applique à tous les vins (avec ou sans IG) et qu’il ne puisse être dématérialisé complètement entre production et vignoble. Dit autrement, « il doit y avoir un lien fort entre vignes et droits à produire. » A la recherche d’un fondement juridique pour le Pape, le SVBC dit vouloir « profiter d’une remise à plat des droits de plantation pour essayer d’obtenir un système qui permette d’encadrer le Pape. »

 

 

 

 

 

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