La systématisation des réserves de gestion introduit un changement de fond : tous les viticulteurs deviennent des stockeurs potentiels, si tant est qu’ils adhèrent à la stratégie du portage de stock. Dans ces conditions, quel devenir pour le statut du livreur de vin ? Le sujet a été abordé par Philippe Joly à l’AG de la Sica des Baronnies.
Philippe Joly préside la Sica des Baronnies depuis 4 ans. Il a succédé à Jean-Marie Macoin. Membre du conseil d’administration de l’UGVC, il est le référent du collège « Bouilleurs de cru à façon » à côté des trois autres collèges : Livreurs de vin, Bouilleurs de cru à domicile et Vendeurs directs.
Peut-on encore être livreur de vin en 2012 ?
Bien sûr, tout dépend de sa stratégie individuelle. Y a-t-il reprise, y a-t-il agrandissement, y a-t-il trésorerie ? Des viticulteurs peuvent faire le choix de ne pas « s’embêter » avec la distillation ou le stockage et ce choix est légitime. Je dirais que les options sont triples : vous êtes livreur de vin « pur » (sans stockage) et vous désirez le rester ; vous êtes livreur de vin mais vous êtes sensible à « l’air du temps » qui va au portage du stock et à la mise en réserve. Vous faites distiller à façon et, de ce fait, vous devenez bouilleur de cru à façon ; enfin, dernière alternative, vous glissez tranquillement mais sûrement vers un statut de bouilleur de cru à domicile.
Quel est le meilleur statut selon vous ?
Il n’y a pas de jugement de valeur à porter. Je sais qu’en dessous de 8 hl AP/ha, un livreur de vin a beaucoup de mal à trouver sa rentabilité. Les coûts s’amortiront d’autant plus facilement que le rendement évoluera à la hausse. A 9,5 ou 10 hl AP/ha, ce sera plus simple qu’à 8. Ensuite, si le livreur de vin veut stocker, en libre ou en réserves, il devra faire distiller, payer le stockage collectif (s’il ne stocke pas à domicile). L’ensemble de ces prestations génère des coûts. Faut-il monter une distillerie, un chai de stockage ? Tout se calcule, au regard du gain attendu et des dépenses consenties. Clairement, la surface de l’exploitation est un facteur clivant, une variable importante.
Les réserves de gestion ont-elles introduit une nouvelle donne ?
A coup sûr. Ce qui semble souhaitable, c’est que ces réserves de gestion soient, autant que possible, lissées dans le temps. L’idée n’est pas d’acheter 20 barriques une année et 3 une autre. Nous viticulteurs, nous disons qu’il est préférable d’avoir une réserve de gestion d’1 hl AP/ha sur 4 ou 5 ans plutôt que de passer de 0,5 à 1,5 d’une campagne à l’autre.
Quels accompagnements financiers mettre en place ?
Les banques ont été sollicitées mais tant qu’il n’y a pas d’engagement écrit, elles sont réticentes à financer les réserves. Que les banques ne nous accompagnent pas sur ce projet peut nous desservir à terme, surtout les bouilleurs de cru à façon. Il faut bien considérer que nous partons de zéro. Il faut acheter de la futaille, rénover des bâtiments, se former aussi. Travailler les eaux-de-vie ne s’improvise pas, pas plus que de faire un inventaire.
En ce qui concerne le prix du vin ?
Le prix du vin Cognac est encore insuffisant. Il ne permet pas aux livreurs de vin de dégager la trésorerie suffisante qui les aidera à financer les réserves. Une nouvelle augmentation de 5 %, cette année encore, serait de bon augure. Le négoce a besoin d’une viticulture forte, à la fois pour assurer le rendement et pour porter le stock.
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