La coopérative de Tutiac (Côtes de Bordeaux) s’investit depuis plusieurs années déjà dans une approche environnementale : plantations de haies, expérimentations de cépages résistants, outils de bio-contrôle, substitution d’engrais vertes à des engrais chimiques, écriture d’une charte du bien vivre ensemble…Président au niveau national de l’AGPV, l’Association générale de la production viticole, Stéphane Héraud a bien perçu l’attente sociétale sur ces sujets. Sans pour autant souhaiter une inflation des prescriptions légales.
Vous avez fait partie de ceux qui ont sollicité l’arbitrage de l’ex premier Ministre Manuel Valls sur la réécriture du nouvel arrêté phyto.
Tout à fait. Si le projet de texte avait été maintenu en l’état, c’était la condamnation à terme de la viticulture . De fait, comment concilier production viticole et zones de non traitement ? C’est d’autant plus vrai dans des régions à forte densité urbaine comme certaines parties du Bordelais, de la Champagne, de l’Alsace.
Vous êtes donc satisfait du résultat.
Oui, même s’il faut continuer à être vigilant ; vigilant vis-à-vis des textes à venir et vigilant à l’égard de l’attente sociétale. Il s’agit d’un sujet important, que nous devons intégrer, ne serait-ce que parce que les vignerons et leurs familles sont les premiers concernés.
Le Ministère de l’agriculture est-il à l’écoute des professionnels ?
Certes mais aujourd’hui la réglementation phyto s’envisage à un niveau interministériel, entre Agriculture, Santé, Environnement. Cela devient très compliqué d’aboutir à un texte équilibré. Et puis les sociétés phytosanitaires ont tendance à reporter la charge et les obligations sur les viticulteurs. L’idée ! Prévoir des conditions d’utilisation de plus en plus sévères. Je citerai le délai de rentrée dans la parcelle ou encore le port des équipements individuels de protection, les EPI. Dans leurs dossiers d’autorisation de mise sur le marché (AMM), les sociétés verraient bien les viticulteurs les porter jusqu’aux vendanges, c’est-à-dire tout le temps. Non seulement cela aurait un effet désastreux en termes d’affichage auprès des riverains et des touristes mais ce serait proprement inefficace. Même une étude de l’Anses, l’agence nationale de sécurité alimentaire chargée des dossiers d’homologation en convient. Et je ne parle pas de l’inconfort pour nos salariés et nous-mêmes.
Dans le domaine environnemental, la communication tient une place importante. Le discours de la profession, qui le porte aujourd’hui ?
Nous y travaillons. L’AGPV, par sa dimension transversale entre IG / VSIG, Caves coopératives / caves particulières, est certainement bien placée pour documenter le propos environnemental de la filière. D’un point de vue plus opérationnel, ce rôle pourrait revenir à Vin & Société.
Vous présidez la coopérative de Tutiac, dont le siège est à Marcillac, près de Blaye. Votre structure s’implique sur l’environnement.
Absolument. Il y a deux ans, notre GIEE (Groupement d’intérêt écologique et environnemental) fut parmi les premiers agréés par le ministère de l’agriculture. Le site de la coopérative abrite à titre expérimental un ha de cépages résistants, associés à des techniques de production plus respectueuses de l’environnement. L’objectif est d’en faire un test grandeur nature, de la plantation à la récolte. Un autre axe consiste à améliorer le dialogue avec nos voisins-riverains. Nous avons planté 4 à 5 kms de haies, financées par la coopérative. En substitution de produits de synthèse est proposée depuis deux ans l’utilisation de produits de bio contrôle. Même chose avec l’engrais vert qui remplace l’engrais chimique sur 300 ou 400 ha. C’est Jérôme Ossard, soutien technique aux adhérents, qui pilote ces chantiers. Par ailleurs, nous sommes en train d’écrire une charte du bien vivre ensemble qui sera en place, je pense, en 2017/2018 .
Que dit cette charte ?
Des choses très simples comme de prévenir par texto ou par mail les voisins quand nous allons traiter. Ou encore d’éviter de traiter à certains moments, tôt le matin, le dimanche après-midi… Des règles de savoir-vivre qui améliorent les relations et l’image. Nous avons la chance, sur notre territoire, de ne pas être sous la pression d’associations « va en guerre ». Conservons ce bon climat par des actions un peu innovantes .
La grande région fait de l’axe environnemental un enjeu important.
Effectivement, la Nouvelle Aquitaine s’intéresse de près à la recherche technique. Un appel à projet a été lancé sur du matériel de pulvérisation confinée de nouvelle génération. Alain Rousset, le président de Région, est quelqu’un qui croit beaucoup à l’innovation. Je pense que ce type de matériel va évoluer fortement dans les deux prochaines années. Dès 2018, nous devrions voir arriver des équipements beaucoup performants, tant du point de vue environnemental qu’économique. Car c’est la combinaison des deux – viablité technique, viabilité économique – qui permettra à ces appareils d’exister.
Les Vignerons de Tutiac en bref
450 producteurs
4 000 ha de vignes
200 à 210 000 hl vol de production
40 % de ventes en bouteilles, en France et à l’export
50 % de ventes en vrac au négoce Bordelais pour alimenter des marques comme Dourthe n° 1, Mouton Cadet…
70 millions d’€ de chiffre d’affaires
Objectif à 4 / 5 ans : 100 millions d’€ de chiffres d’affaires
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