S’Installer à 30 Ans

27 février 2009

On n’échappe pas à son destin ! Alors qu’il exerçait une profession d’ingénieur en informatique, Jean-Michel a été rattrapé par le goût de l’agriculture. Retour sur l’exploitation familiale à composante viticole. Il ne regrette pas d’avoir pris le virage même si sa situation lui paraît encore très – trop – fragile.

L’envie de revenir – « Après des études d’ingénieur en informatique, j’ai commencé à bosser en sachant qu’un jour je reviendrai sur l’exploitation. Le virus de l’agriculture m’avait déjà rattrapé. Une période entre deux boulots a servi de déclic. Je me suis dit : “il ne faut pas attendre trop longtemps.” Bientôt, j’allais être trop vieux, ce serait trop tard. Cette envie de retour, ça ne s’explique pas. Je n’avais pourtant subi aucune pression familiale. Mais je savais aussi que la succession n’était pas assurée et je ne souhaitais pas que ça tombe. Je voulais le faire, il n’y a rien à comprendre. »

L’aspect financier
– « La première chose que j’ai commencé à faire, c’est de regarder le bilan de l’exploitation. Il était à l’image de la viticulture d’il y a quatre ans. Cela m’a donné à réfléchir. Mais je me suis dit que nous étions certainement au creux de la vague, même si l’on ne peut pas dire que les choses se soient nettement améliorées depuis (interview réalisée en 2005). En agriculture, il ne faut pas regarder l’instant mais se projeter sur le long terme. En tant que J.A, nous nous engageons sur dix ans. »

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« Comme cadre, je faisais de bonnes journées aussi. »

Le changement de vie – « Vous savez, comme cadre, je faisais de bonnes journées aussi. A part l’aspect économique, le changement n’a pas été aussi radical qu’il n’y paraît. S’il y a eu un changement de rythme, c’est peut-être au niveau physique. Il faut être en forme pour être agriculteur. Au niveau relationnel, je rencontre des gens très divers. Par rapport à mon vécu d’avant, je n’ai pas ressenti de coupure. Le fait que je sois célibataire a certainement facilité les choses. Seul, j’ai pu prendre le virage plus aisément.»

Le projet
– « Je me suis retrouvé sur un projet d’installation classique. J’ai acheté quelques ha de vignes et me suis installé en société avec mon père. Dans mon cas, l’installation hors cadre familial n’était même pas envisageable (l’exploitation compte une trentaine d’ha de vigne – NDLR). La banque n’aurait pas suivi. Lors du montage du dossier, la double activité m’a été suggérée par l’organisme bancaire comme pouvant être une solution. Je n’ai pas donné suite et je ne le regrette pas. En terme d’emploi du temps, c’eut été ingérable. Un jour ou l’autre, la double activité sera peut-être une piste à retenir mais pendant trois ou quatre ans au moins, je veux me tester. A 30 ans, il ne faut pas trop traîner non plus. »

L’installation aidée
– « Pour bénéficier des aides, allais-je devoir repasser par un cycle Bac pro alors que le temps me manquait déjà ? Je ne me voyais guère reprendre des études. Heureusement, s’est présentée à moi la solution VAE pour Validation des Acquis d’Expérience. Cette formule, qui consiste à démontrer sa connaissance du milieu, correspondait bien à mes attentes. J’ai pu faire valider les étés passés à travailler avec mon père. Dans la foulée, j’ai suivi pas mal de formations l’hiver précédant mon installation. Et puis j’ai réalisé le fameux stage 6 mois qui, en ce qui me concerne, s’est traduit par 6 mois de perdus : 3 mois passés en Charente et 3 mois dans une ferme en Val de Loire. J’ai eu droit aux 6 mois complets, sans dérogation. Bilan de l’opération : zéro profit. Je ne veux pas extrapoler mais, dans mon cas, le stage 6 mois a joué à contre-emploi. Globalement, le système d’installation aidé est lourd. Il y a beaucoup de gens à voir, beaucoup de portes à pousser. Ce n’est pas simple, il faut s’y faire. Mais les aides, associées à mes réserves, m’ont permis de passer la première année. »

La mise à niveau technique
– « Mes grosses lacunes portaient sur les pratiques culturales. Je n’étais jamais rentré dans le détail. Il a fallu un temps d’adaptation. Pour le reste – vinification, distillation – ça va. C’est un package. Je ressens des petites piqûres d’adrénaline à gérer en parallèle différents chantiers . De temps en temps, je trouve même matière à mettre en pratique mes connaissances. Intellectuellement, on arrive à trouver des sujets qui permettent d’utiliser ses méninges. »

L’investissement professionnel, syndical et autres
– « En terme de disponibilité, j’ai peu de marges de manœuvre. Dans ces périodes d’installation, on a plutôt tendance à se replier sur son boulot. Aujourd’hui, il me paraît assez difficile de sortir de l’exploitation. Je sais qu’il est intéressant, important même de s’investir professionnellement mais je reviens au problème de base : le temps. J’en manque. En phase de démarrage, le temps est un luxe. Pour l’instant, l’objectif, c’est l’exploitation. »

L’agrandissement
– « Depuis mon arrivée, l’exploitation a un peu grossi. Je veux finir mon installation avant de penser à un éventuel nouvel agrandissement : tout mettre en place, me former, apprendre le métier, ce qui n’est pas encore tout à fait acquis. De toute manière, je ne conçois l’agrandissement que “sous condition économique”. En me posant la question : “est-ce que cela vaut le coup ou pas ?” L’agrandissement ne peut se réduire à une course à l’aveugle. Par contre, il est clair que les choses vont bouger d’ici 5-6 ans. »

Le bilan – « Je ne regrette rien. Mon métier me passionne. Aller dans les vignes, gérer l’exploitation, c’est un tout assez stimulant. Clairement, je ressens moins de contraintes que je pouvais en rencontrer dans mes anciens boulots. Commercialement parlant, je ne me plains pas. Je ne fais pas partie des plus mal lotis. Pourtant, l’exploitation reste très fragile. Elle a besoin d’être sécurisée. Le problème n’est pas simple. Plus je suis dedans, moins je trouve de solutions. Pour l’instant, on se débrouille mais cela ne pourra pas durer ainsi pendant dix ans. »

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