Un modèle européen

22 mars 2009

Créée le 9 juillet 2008, la Sica Raisinor France « branche alcool » regroupe 60 distilleries vinicoles sur les 62 existantes en France. Son mode d’organisation intéresse d’autres pays viticoles. A terme, la Sica Raisinor pourrait acquérir une dimension européenne.

Comment exister face à des opérateurs européens de la biocarburation – les Deulep, Abengoa, Sekab – qui ont besoin de rentrer plusieurs millions d’hl dans leurs usines pour amortir leurs investissements ? Structurellement, la filière viticole est un lilliput dans le monde de la bio-carburation. En France, le potentiel d’alcool éthylique destiné à devenir de l’éthanol

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Jérôme Budua.

ne dépasse pas les 400 000 hl AP, soit 4 % du bio-éthanol européen. Dans ces conditions, on imagine assez bien la pression que peuvent exercer les opérateurs de la bio-carburation face à leurs fournisseurs. Confrontées à cet enjeu, les distilleries vinicoles françaises, privées comme coopératives, ont décidé de s’organiser. Le 9 juillet 2008, 60 distilleries sur les 62 existantes en France – les deux absentes faisant partie du groupe Deulep/Cristal Union – se sont regroupées au sein de la Sica SAS Raisinor France « branche alcool ». En fait, la Sica Raisinor existait déjà mais pour l’activité pépin. Son activité a été étendue au domaine de l’alcool et son régime juridique un peu modifié avec la notion de SAS – Système d’actions simplifiées – afin d’intégrer les nouveaux actionnaires. Mais le statut coopératif de la Sica demeure. Le 1er septembre dernier, Jérôme Budua intégrait le poste de directeur de la Sica Raisinor. Il se mit tout de suite au travail. Il faut dire qu’un vrai challenge s’offrait à lui. Ne disposant plus des entrepôts tampons – et gratuits – de Vinifhlor pour stocker les alcools, la Sica devait très vite se donner les moyens d’écouler la production d’alcool de ses adhérents. Un écoulement de la marchandise en flux tendu car certaines unités de distillation commençaient à produire. Au bout de trois semaines, la Sica réussit à contractualiser ses premières citernes avec l’opérateur espagnol Abengoa. S’ensuivit un nouvel accord avec l’opérateur suédois Sekab. Actuellement, une dizaine de camions citernes partent journellement des distilleries vinicoles françaises, 5 à 7 camions vers Abengoa et 5 vers le port de Rotterdam, où ils rejoignent un stockeur international travaillant pour le compte de l’opérateur suédois.

le juste prix

Mais il ne suffit pas de vendre, encore faut-il que la marchandise soit payée à son juste prix. Alors même que la Sica débutait ses premières investigations auprès des clients potentiels – les transformateurs de l’alcool en éthanol – elle a souhaité rencontrer la Commission européenne. Pour au moins deux raisons. La première raison consistait à acquérir des références de prix. Car jusqu’alors les seules références en la matière étaient détenues par la Commission de Bruxelles en tant qu’administrateur du marché européen des alcools viniques. La seconde raison visait à s’assurer que l’UE n’allait pas se livrer à une opération de dumping – en clair casser les prix de l’alcool vinique – pour se débarrasser au plus vite des stocks restant encore en sa possession. De leur visite à Bruxelles, les représentants de la Sica Raisinor France revinrent rassurés, avec l’impression d’avoir été compris des fonctionnaires européens. Aujourd’hui, le prix de l’alcool vinique livré aux opérateurs par les distilleries oscille, en Europe, entre 41,50 € l’hl AP et 43 €. La Sica n’en dira pas plus sur son « vrai » prix, préférant s’en tenir à une fourchette de marché. A ce niveau de prix, la Sica Raisinor rajoute 5 € par hl AP pour couvrir ses frais de logistique. Car, dès le départ, elle a préféré organiser elle-même le transport de la marchandise. C’est donc à ce tarif-là – prix négocié avec le client plus 5 € – que la Sica Raisinor vend ses alcools aux opérateurs de la biocabruration. Eux-mêmes commercialiseront l’alcool déshydraté aux compagnies pétrolières sur la base du cours mondial de l’éthanol. A titre indicatif, ce cours mondial ressort en ce moment à environ 500 € le m3 ou 50 € l’hl AP (cours mondial non officiel, donné par l’indice Platt’s).

Comment fonctionne la relation commerciale entre la Sica Raisinor France et ses distilleries actionnaires ? La Sica se comporte en tout point comme une coopérative. Durant la campagne, elle va verser à ses adhérents un prix fixe, légèrement en deça du prix de marché. En fin de campagne, une fois le bilan tiré, les résultats seront répartis aux actionnaires, en sachant que la vocation de la coopérative est de réaliser un résultat égal à zéro.

Dans d’autres pays viticoles européens comme l’Espagne ou le Portugal, les distilleries vinicoles n’ont pas forcément anticipé le nouveau contexte. Surtout elles n’ont pas pu ou su s’entendre pour davantage exister devant leurs acheteurs. Début décembre 2008, la Sica Raisinor France est allée à leur rencontre. Les premiers retours s’avèrent très positifs. Les distilleries ibériques s’avouent très séduites par l’action de Raisinor France et notamment par l’état d’esprit qui anime la structure, celle d’une coopérative. A tel point que, de part et d’autres des Pyrénées, les représentants des distilleries sont en train d’étudier si, finalement, Raisinor France ne pourrait pas devenir une entité européenne dans les mois qui viennent. Pour Jérôme Budua, cette dimension européenne paraît consubstantielle de l’activité amont de l’alcool. Les dirigeants de Raisinor France n’excluent pas de visiter leurs homologues italiens même si, en Italie, les distilleries correspondent souvent à de grosses unités, capables de négocier elles-mêmes leurs alcools.

Si les distilleries françaises et ibériques additionnaient leurs forces, elles représenteraient environ 8 % de l’alcool livré à la bio-carburation. Un volume certes encore modeste mais qui commencerait à peser dans la balance.

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