C’est le 13 décembre 1985 que fut formé le conseil d’administration de la Sica avec neuf viticulteurs, tous présents à l’A.G. 2006, un représentant des distillateurs, M. Pinard et Jean-Marc Olivier, alors responsable des services techniques de Courvoisier. Trois présidents se sont succédé à la tête de la Sica : Marc Pignon, le président fondateur puis René Mouche en 1988 et enfin Jean-Marie Macoin depuis 1999. Jean-Marc Olivier, aujourd’hui directeur général de la maison de Cognac, a parlé de la naissance de la Sica comme d’un grand événement pour Courvoisier. « Pour la première fois, nous réunissions l’ensemble de nos livreurs vins, mille viticulteurs avec qui nous pouvions dialoguer en direct et mettre en place une politique contractuelle constante. » Une politique de contrats pluriannuels dont la maison Courvoisier se revendique d’être l’un des derniers bastions et qu’elle justifie d’au moins deux raisons, à la fois vis-à-vis de la viticulture – « on ne peut pas gérer à court terme un vignoble planté pour 30 ans » – et du partenaire négociant. « Animer le réseau de mille viticulteurs représente un travail énorme, qui ne peut se justifier que pour un engagement à long terme. Sans le climat de confiance qui a été le nôtre, tout ceci eut été impossible. Le bilan objectif que nous pouvons tirer est celui d’un avancement de la politique de qualité de votre entreprise. »
l’ensemble des livreurs audité
En 2005, tous les livreurs Courvoisier ont subi le fameux audit HACCP, une étape pour laquelle ils se préparaient – on les préparait – depuis plusieurs années déjà. L’acheteur leur a redit combien cet exercice était important pour lui, en signalant que la méthode d’analyse des risques et d’identification des points critiques et de contrôle était devenue obligatoire depuis le 1er janvier 2006. Il n’a pas omis non plus de remercier ses livreurs pour les efforts importants consentis et l’accueil qu’ils avaient réservé aux jeunes auditeurs. Les résultats ont été qualifiés de « très encourageants, même si rien n’est parfait, tout est perfectible et évolutif ». L’audit jugeait de six critères principaux : la mise en place de l’HACCP (l’engagement personnel vis-à-vis de la démarche), l’aperçu général sur les installations de chais et de stockage, la conformité des matériaux, la partie hygiène, la gestion des CCP ou contrôle des points critiques (critical control points) et la traçabilité. Chaque critère était analysé et noté sur trois niveaux – 1 = conformité – 0,5 = conformité partielle – 0 = non-conformité – avec, à l’usage, l’introduction de deux notes intermédiaires (0,25 et 0,75). Au final, ce système permettait de tirer une moyenne par critère et une moyenne générale pour chaque livreur, notation pouvant aller jusqu’à 100 %. En moyenne, plus de 76 % des 992 livreurs de vins Cognac de la Sica des Baronnies ont obtenu une note supérieure à 76 % de conformité. Pratiquement 37,5 % des apporteurs ont dépassé le seuil des 90 % et 90 d’entre eux ont fait « carton plein », en obtenant la note maximale de 100 %. Seulement 0,5 % des audités n’avaient rien fait avant le passage des auditeurs. Patrice Pinet, directeur des achats de Courvoisier, a indiqué que ces viticulteurs feraient en priorité l’objet de visites conduites dans un esprit pédagogique.
des points à approfondir
Deux points ont manifesté une dispersion importante, l’hygiène et le CCP. « Ces aspects mériteront d’être approfondies et réexpliqués » a-t-on reconnu dans l’équipe de Pierre Szersnovicz et Joël Lavergne. Mais la démarche HACCP ne s’arrêtera pas là. Est prévue l’introduction d’un système d’audit plus étalé dans le temps. En fait il fonctionnera sur trois ans, pour coller aux contrats triennaux. Durant cette période de trois années, chacun des apporteurs Courvoisier sera audité au moins une fois. Le directeur des achats ne l’a pas caché. Les efforts très soutenus frôlant la perfection – les notations HACCP entre 90 et 100 % – seront récompensés par des augmentations de contrats, si bien sûr la qualité des vins livrés corrobore ces résultats. Est-ce à dire que les autres livreurs en seront exclus ? P. Pinet a souhaité introduire des nuances « pour de très bons vins associés à des résultats HACCP pas au top ». Par contre, il a clairement dit que les résultats HACCP serviraient à pérenniser les contrats.
Sur l’exercice 2004-2005, les achats de vins Cognac immédiatement revendus à Courvoisier ont porté sur 65 % des contrats et ceux rentrés dans le stock en contrats de bonne fin sur 35 % des engagements. Le volume total d’achat de la récolte 2004 s’est élevé à 31 321 hl AP pour un montant de 22,6 millions d’€. Si les volumes d’achat ont globalement progressé de 6 %, la hausse ne s’est pas fait sentir partout. Elle a joué en Fins Bois et pour les achats en qualité Cognac. Ces achats ont été effectués pour partie sous contrat et pour partie en achat libre, consécutivement à l’incertitude qui pesait sur la société à l’époque où les intentions d’achat avaient été émises. Champagnes et Borderies n’ont pas connu d’augmentation, sauf à réaffecter des volumes libérés du fait d’arrêts de contrats. Une position révisable dans le temps dès lors que les ventes de VSOP Fine Champagne évolueraient significativement.
un coup de pouce
En ce qui concerne les prix, les crus de Fins Bois et Bons Bois ont bénéficié d’un coup de pouce de 10 € de l’hl AP au titre du rattrapage avec les crus de Champagnes et de Borderies. Stabilité tarifaire pour ces derniers. Par contre, ils émargent comme les autres aux primes qualité : 10 € de l’hl AP pour les vins notés à 14 et 5 € supplémentaires pour les vins dont le titre alcoométrique se situe entre 8,5 et 9,8 % vol. Cette prime est introduite cette année (voir commentaire des techniciens). En Bons Bois récolte 2005, le prix du vin assorti de toutes les primes atteint 558,5 € de l’hl AP, soit + 2, 7 % par rapport à la récolte précédente. En Fins Bois, primes qualité comprises, le prix s’élève à 615 € de l’hl AP. Sur la récolte 2005, 85 % des vins ont reçu une prime qualité.
Patrice Pinet a indiqué que la prise de position sur les volumes de la récolte 2006 interviendrait courant d’été prochain et que les quantités dépendraient bien évidemment des sorties. Après la récolte 2005, première année de l’engagement triennal, reste à courir les années 2006 et 2007.
Avant d’aborder la marche des affaires de la société Courvoisier – et Dieu sait s’il a matière – Jean-Marc Olivier a dit un mot du climat régional et notamment du projet d’affectation parcellaire. « Je n’ai jamais été un grand supporter de ce projet. J’ai le sentiment que beaucoup de personnes se posent des questions sur sa capacité à fonctionner et sur son intérêt. » N’hésitant pas à fouler un terrain plus polémique, il a exprimé sa vision des choses : « Nous avons appris récemment que, contrairement à ce qui se disait, ce changement ne pourrait être déconnecté de la réforme de l’OCM qui interviendra peut-être en 2008, plus sûrement en 2009 et peut-être plus tard. Ce n’est pas moi qui m’en plaindrais ! »
un groupe performant
Lors de la précédente A.G., le directeur général de Courvoisier s’était montré très discret sur la reprise de la société par le groupe américain Fortune Brands. Pour cause ! Les discussions venaient à peine d’être entamées entre les différents protagonistes (Allied-Domec, Pernod-Ricard, Fortune Brands). Plus de telles restrictions aujourd’hui. Courvoisier fait désormais partie intégrante du conglomérat américain. Basé à Chicago, l’activité de Fortune Brands se partage en trois pôles bien distincts : l’équipement de la maison (salles de bains, portes-fenêtres…), le sport (le golf notamment) et le secteur des vins et spiritueux avec Beam Global Spirits & Wine (ex Jim Beam, du nom du Bourbon du Kentucky à l’origine de la société). La bourse américaine considère Fortune Brands comme l’un des groupes les plus performants et rentables des Etats-Unis. Son chiffre d’affaires s’élève à 7,3 milliards de dollars et il emploie quelque 32 000 personnes de par le monde. Avant le rachat, la part des vins et spiritueux dans le groupe représentait 18 %. Jim Beam « ancienne formule » vendait 19 millions de caisses pour un chiffre d’affaires de 1,2 milliard de dollars. Réalisant 75 % de ses ventes sur son propre continent, son audience était essentiellement américaine. Changement de dimension avec l’intégration des Courvoisier, Sauza, Larios, Osborne et autres marques au porte folio. Du 7e rang mondial des groupes de spiritueux, le « Beam nouveau » a grimpé au 4e rang, derrière Diageo, Pernod-Ricard et Baccardi. Il commercialise globalement 37 millions de caisses pour un chiffre d’affaires de 2,5 milliards de dollars. Son implantation est devenue planétaire avec 54 % des ventes réalisées sur le marché américain et 46 % à l’international. Neuf de ses marques figurent désormais dans le top 100 des premières marques de spiritueux. Objectif clairement affiché de Beam : occuper un jour le troisième rang mondial des groupes de vins et spiritueux.
une organisation efficace
Devant des viticulteurs attentifs, Jean-Marc Olivier a décrit Beam Global Spirits & Wine comme une organisation efficace, sérieuse, travailleuse, avec une implication très forte de ses membres, tout à fait dans l’esprit américain. « C’est un plaisir de travailler avec eux. » Riche, la société dispose de moyens importants, qu’elle entend utiliser de manière appropriée pour attendre ses objectifs. « Par contre, une fois la décision prise et le plan stratégique arrêté, c’est l’armée qui se met en campagne » a illustré J.-M. Olivier. Le directeur général de Courvoisier est sûr d’une chose : « la volonté très affirmée de Beam de réussir avec Courvoisier ». Pour lui, la grande motivation de la reprise du portefeuille d’Allied Domec tenait avant tout à la marque de Cognac. « En tant que produit de luxe, Courvoisier a vocation à être utilisé comme la marque phare du groupe. » Reste qu’il faut donner du temps au temps. J.-M. Olivier voit 2006 comme une année de transition. « Le changement ne se décrète pas. Il faut que les mutations s’opèrent en terme d’organisation, de situations, de comportements, surtout qu’il s’agit de réaliser une vraie fusion et non la juxtaposition de deux savoir-faire. » Le groupe américain était plutôt spécialisé dans les produits de grande consommation. Avec Courvoisier, il s’attaque à la catégorie des spiritueux premium, qui renvoie à une autre manière de marketer les produits. Motif de satisfaction pour le directeur général de Courvoisier : 95 % des circuits de distribution de la marque étaient déjà en ordre de marche en avril dernier et il espère que tout sera finalisé durant l’été. Le fait d’avoir réglé très tôt la distribution sur les marchés américain et britannique a joué comme un filet de sécurité. « Avec ces deux marchés, nous verrouillons près de 70 % de notre activité. » Sur le territoire américain, Fortune Brands dispose d’une force de frappe conséquente, juste derrière celle de Diageo. J.-M. Olivier a indiqué que 400 vendeurs étaient en charge de l’ensemble des marques Beam. Le directeur de Courvoisier y tenait beaucoup ! Pierre Szernovicz a été nommé Brand ambassador de la marque de Cognac. Il forme les vendeurs et se charge des activités d’éducation sur l’ensemble des marchés. « Il est important que l’on puisse transmettre les valeurs de la catégorie Cognac, le savoir-faire et la passion pour notre produit. C’est le rôle de Pierre. »
Jean-Marc Olivier a signalé que la société Courvoisier avait clôturé son exercice fin 2005 sur une progression de ses volumes de 11,2 %, « soit une croissance supérieure à celle de la région ». Et sur l’exercice 2005-2006, la maison serait en avance sur son plan de marche. Le directeur note des progressions intéressantes aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne mais aussi en Chine, autre marché cible de la marque avec la Scandinavie, la Russie… En France, la société vient de nouer un accord de distribution avec Baron Philippe de Rothschild, société implantée aussi bien en CHR qu’en grande distribution.
Si chaque mutation comporte une part de risque, J.-M. Olivier envisage l’avenir avec confiance. Des relations étroites se tissent entre la société jarnacaise et le groupe Beam. Des équipes américaines ont été accueillies à Jarnac et les Charentais ont rencontré leurs homologues américains un peu partout dans le monde. A l’occasion d’une de ces rencontres, Jean-Marc Olivier a remis au président de Beam, Tom Flocco, une cravate Courvoisier. Lors de la conférence de presse chargée d’annoncer le nouveau nom du groupe, Tom Flocco arborait la cravate Courvoisier. Pour Jean-Marc Olivier, un signe qui ne trompe pas.
A l’occasion du 20e anniversaire de la Sica, chaque adhérent est reparti avec une bouteille de VSOP exclusif Courvoisier. Satisfaction dans les rangs.