Pour la première fois depuis longtemps, les sociétaires de la Sica Cognac recevaient chez eux leur partenaire Marnier-Lapostolle. En effet, le Château de Bourg, restauré, est désormais dévolu à la réception des hôtes de marque et clients de la société. C’est pourquoi la Sica avait loué une salle de la distillerie Pinard à Lartige, près de Jarnac. C’est dans une atmosphère d’étuve, seyant bien à la métaphore marine, que la réunion s’est déroulée, avant l’autre « temps fort » de la soirée, constitué par le dîner de clôture rassemblant tous les ans les adhérents de la Sica, moment convivial par excellence. Les sociétaires y sont très attachés.
Un interlocuteur humain et attentif
Le président de la Sica, Jean-Bernard de Larquier, a rendu d’emblée hommage à Jean-Marie Beulque-Schaub, directeur du site de Bourg pendant 14 ans et qui a quitté l’entreprise fin mars après avoir fait valoir ses droits à la retraite. Par la voix de J.-B. de Larquier, les livreurs ont exprimé leur satisfaction d’avoir eu, en la personne de J.-M. Beulque, un interlocuteur humain et attentif à leurs problèmes. Présent à la réunion de la Sica pour la quatrième fois, Claude de Jouvencel, directeur général adjoint de Marnier-Lapostolle, a parlé quant à lui « d’un collègue et ami totalement dans l’esprit de la Maison ». « Je l’ai côtoyé pendant sept ans et j’ai pu apprécier ses qualités. J’ai essayé de reculer son départ mais Jean-Marie souhaitait avoir un peu plus de temps libre. Je souhaite qu’il profite pleinement de sa nouvelle vie. » L’émotion était perceptible chez Jean-Marie Beulque, qui ne s’est pas attardé sur la présentation des chiffres, préférant exprimer tout le plaisir qu’il avait trouvé dans les relations avec les viticulteurs et sa fierté à travailler pour cette « magnifique liqueur ». « C’est ma décision, oui, de quitter cette entreprise mais il n’y aura pas de jour où je ne penserai à la satisfaction que vous m’avez apportée : le sentiment d’avoir peut-être été utile à la région de Cognac, une région qui est devenue “ma” région, même si elle ne l’était pas de par mes origines. » Claude de Jouvencel comme J.-B. de Larquier ont souhaité la bienvenue à Patrick Raguenaud, appelé à reprendre le flambeau « dans la fidélité aux traditions ». « Son parcours est différent de celui de J.-M. Beulque mais, par ses qualités, son expérience et sa personnalité, Patrick Raguenaud saura relever le challenge. »
Sur l’exercice clos au 31 août 2003, la Sica Cognac a réalisé un chiffre d’affaires de 3,7 millions d’€. Les quantités achetées à la Sica par la société Marnier-Lapostolle sur la période 2002-2003 auront porté sur 4 727 hl AP, des quantités stables par rapport à l’exercice précédent, sachant qu’une augmentation significative des achats (11 %) était intervenue en 2001-2002. Ces volumes se sont répartis de la manière suivante : 3 254 hl AP en compte 00, 821 hl AP en compte 0 et 652 hl AP en compte 1. J.-M. Beulque a souligné le glissement opéré du compte 0 vers le compte 00 lors de la campagne 2001-2002. « Cette politique prenait en compte les difficultés de trésorerie des viticulteurs qui ne permettaient pas la constitution de réserves. Dans les années futures, nous aurons davantage besoin de compte 1, de compte 2 voire de compte 3. »
Dans son rapport moral, le président de Larquier s’est livré à un « décorticage » détaillé des composantes du stock, seule manière, selon lui, d’apprécier les véritables besoins de remplacement. Il a appelé à la sagesse, à la prudence et à la conviction. « Il est urgent de se hâter doucement mais de se hâter tout de même. Il semble sans doute plus judicieux d’évoluer par paliers. » Fort des 33 ans d’existence de la coopérative, il a souligné les vertus de l’engagement contractuel, « seule manière d’avoir une vue véritable sur les besoins ».
S’exprimant à son tour, Patrick Raguenaud, le nouveau responsable de l’unité de production de Bourg, s’est engagé à être un relais efficace entre la société et ses apporteurs. Questionné par beaucoup de livreurs sur les méthodes de distillation les mieux adaptées aux besoins de Marnier-Lapostolle, il a précisé qu’il ne préconisait pas de méthodes particulières mais recherchait au contraire une diversité d’approvisionnements. La qualité recherchée par Marnier-Lapostolle, il la résume ainsi : « des eaux-de-vie d’une grande richesse et d’une forte complexité aromatique ». « Nous ne demandons pas des produits standards. » Pour les eaux-de-vie rassises, il a rappelé que, « quelque part », l’adjonction d’un certain pourcentage de fûts neufs dans le stock était incontournable. Par ailleurs, il a indiqué que la société réfléchissait à la mise en place de la démarche HACCP. « La réglementation nous y oblige et nos clients nous questionnent également. »
Un tour d’horizon des marchés
Parlant marché, Claude de Jouvencel a présenté les résultats de la maison avant de se livrer à un tour d’horizon des différentes zones. « La “grosse péniche” Marnier avance lentement » a-t-il dit. C’est ainsi que partant d’une base 100 en 2001, les ventes ont atteint 104 en 2003. Compte tenu des difficultés inhérentes à 2003, cette performance satisfait C. de Jouvencel. Même chose pour le chiffre d’affaires qui, s’il s’inscrit en légère baisse par rapport à 2002, aurait pourtant augmenté de 12,7 %, à parité constante €/dollar. Pour évoquer les prix et établir un comparatif, le directeur général adjoint a pris comme base 100 une bouteille de Grand-Marnier cordon rouge vendu 32 € sur les marchés mondiaux. Partant de cette base 100, une bouteille de liqueur Baileys se situe à l’indice 56, une bouteille de Cointreau à l’indice 72, une bouteille de Whisky Johnny Walker à l’indice 98, un VSOP Hennessy ou Rémy Martin à l’indice 115. « Des VSOP plus chers que la liqueur Grand-Marnier, elle-même plus chère qu’un Cognac V.S. » C. de Jouvencel a signalé la progression très forte des cuvées supérieures (Louis Alexandre, Centenaire, Cent cinquantenaire) mais portant sur des volumes faibles. Le prix de ces cuvées va crescendo de 60 € à 100 € pour atteindre 180 €. Avec 47,91 % des achats, les Etats-Unis restent le premier marché de la liqueur Grand-Marnier. Comme pour beaucoup de négociants en spiritueux, ce fut la destination clé de l’année 2003. Si la croissance de l’économie y est robuste, une question récurrente se pose : « pour combien de temps ? » Outre le fait que l’année 2004 soit une année de pré-élection, C. de Jouvencel relève un marasme dans l’industrie lourde américaine (secteur automobile et autres). Optimiste pour le court terme, il ne se prononce pas sur le long terme. Si l’expression « taux de croissance négatif » existait, il l’appliquerait à l’Europe. La marque y réalise néanmoins 36,2 % de ses ventes, une performance stable, avec des chiffres « assez plats ». Rien de tel en Chine où les expéditions de la liqueur au Cognac et aux écorces d’orange connaissent « un taux de croissance à deux chiffres ». Pour autant, sur des bases volumétriques faibles, cela ne représente pas beaucoup de caisses au final. Le décollage du marché chinois, le directeur général adjoint y croit mais pas pour sa génération. « Je ne le verrais pas. » Sur l’année 2004, Claude de Jouvencel a indiqué que la société tablait sur une croissance de ses volumes de l’ordre de 3 %.
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