« Le Juste Prix »

13 mars 2009

 

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Christophe Forget, Jean-Bernard de Larquier et Jean-Michel Quiard, sous-préfet de Cognac.

A côté de l’outil de calcul des besoins Cognac, le président du SGV Cognac a demandé la mise en place d’un outil d’indexation des prix. Et très concrètement réclamé pour mars 2008 une évolution significative des cours, chiffrée.

 

 

 

La nouvelle tomba dans l’après-midi du 13 septembre : 10,62. Tel sera bien le chiffre de QNV Cognac applicable à la campagne 2007-2008. Après une courte mais intense montée en pression, où le ministère de l’Agriculture avait manifesté quelques velléités de remise en cause du chiffre « sorti du modèle », les choses sont finalement rentrées dans l’ordre. Et le SGV, comme à son habitude, a pu annoncer en avant-première, lors de sa réunion des vendanges du 13 septembre, le niveau de QNV Cognac. Beau joueur, le sous-préfet de Cognac a rendu hommage à la détermination régionale. « J’avais en effet cru ressentir une certaine effervescence sur le terrain. L’équipe a transformé l’essai. En validant le chiffre de 10,62 hl AP/ha, le ministre s’est rangé à vos propositions. Vous êtes meilleurs que l’équipe de France ! Maintenant reste à produire, ce qui ne sera peut-être pas le plus facile » (allusion à la faible récolte).

Après le point technique et les conseils de vinification délivrés par la Station viticole du BNIC, le secrétaire général du syndicat, Christophe Forget, a fait un rappel de la réglementation 2007-2008 avant de céder la parole à Jean-François Bertran de Balanda, délégué régional de Vini-flhor. Mais le SGV avait manifestement choisi de faire de la défense des prix le grand sujet de sa réunion. Marie-Laure Saint Martin et Sylvain Guillet, respectivement vice-présidents des Borderies et des Fins Bois, se sont chargés de présenter l’état des lieux. Leur intervention, basée sur la notion de « juste prix », n’a guère laissé de place à l’ambiguïté. Le prix d’achat des eaux-de-vie à la viticulture est beaucoup trop faible. Pour le démontrer, le syndicat est parti du prix des eaux-de-vie 00, tel que constaté dans les mercuriales du Bureau national au cours des cinq dernières campagnes. Pourquoi avoir choisi le compte 00 ? « Parce que c’est le seul élément qui nous permette aujourd’hui sur tous les crus des comparaisons dignes de ce nom. Pour trouver le prix du vin Cognac, il suffit de retrancher le prix de la distillation, d’environ 130 € l’hl AP. C‘est aussi le prix des 00 qui sert de base à la construction du prix des rassises. » En reprenant l’évolution de prix la plus haute enregistrée sur un exercice et en l’appliquant sur les cinq campagnes, le syndicat est arrivé à sa notion de « juste prix ». Ce juste prix, selon lui, devrait tourner autour de 1 000 € l’hl AP en 00, quels que soient les crus, à quelques nuances près. Réaliste, le syndicat précise toutefois « qu’il s’agit de l’objectif idéal, dans l’absolu ». Reste que les prix actuels lui paraissent notoirement insuffisants. Car si les cours ont connu un coup de pouce lors de la dernière campagne – de 6 à 7 % pour les Champagnes, Borderies et Fins Bois, à un peu plus de 15 % pour les Bons Bois – lissée sur cinq ans, l’augmentation moyenne ressort toujours en dessous de l’inflation : + 0,5 % sur cinq ans pour les Grandes Champagnes, + 2,28 % pour les Petites Champagnes, + 1,22 % pour les Borderies. Et même en Bons Bois, où l’augmentation moyenne s’exprime de manière plus nette, l’embellie est à relativiser. « Après avoir enlevé les 130 €/hl AP de frais de distillation, on arrive à un prix du vin de 500 € de l’hl AP. Où est la rentabilité ? » a interpellé Sylvain Guillet, qui a plaidé pour ce que l’on pourrait appeler un « Grenelle des prix ». « Les différents directeurs financiers des grands groupes ont accepté une augmentation de prix des eaux-de-vie dictée par les besoins du marché. Pourquoi n’accepteraient-ils pas de tenir compte de la demande des viticulteurs en faveur d’un gros rattrapage, rendu nécessaire par une dernière décennie très difficile ? Nos partenaires négociants nous annoncent des résultats financiers très intéressants mais une toute petite partie du gain revient à la viticulture. »

« la ligne de conduite du SGV »

Dans son intervention intitulée « La ligne de conduite du SGV », Jean-Bernard de Larquier est bien entendu revenu sur le chapitre des prix. En substance, son discours fut le suivant : « Messieurs les négociants, nous avons fait des efforts, à votre tour de nous renvoyer la balle. » Il a rappelé que la viticulture s’était comportée en partenaire loyal quand il s’était agi de mettre au point l’outil de calcul des besoins Cognac. « Nous avons œuvré fortement à vos côtés. » Maintenant que l’outil volumique existe, il demande l’instauration d’un outil d’indexation des prix sur la valorisation. L’idée est qu’en partant d’une base 100, soit calculé un coefficient d’évolution globale tenant compte d’un faisceau d’indices : des critères liés à la production (augmentation du coût des intrants…), des indices liés au négoce, d’autres liés au marché. Ce travail interprofessionnel pourrait servir d’outil d’aide à la décision en matière de prix, comme la formule existe déjà dans l’industrie. Pour le syndicat viticole, l’objectif est clair : que dans tous les crus, les prix soient supérieurs aux prix de revient. « Il est intolérable de constater que ces dernières années, dans la majorité des crus, l’augmentation moyenne s’est révélée inférieure à l’inflation. » Très concrètement, le président du SGV Cognac a fixé une « ligne rouge » au négoce. « Si, au 31 mars 2008, la moyenne de prix du compte 00 relevée dans la mercuriale BN n’a pas évolué d’au moins 5 % par rapport au 31 mars 2007, nous mettrons fin à la négociation régionale sur l’outil de calcul des besoins Cognac. » Dans l’esprit du président du SGV, ces 5 % de progression ne constituent pas un optimum mais « un minimum à partir duquel peut s’ouvrir la discussion ». « Nous ciblons bien, a-t-il précisé, le compte 00 et non les comptes 2, 3, 4 ou 10. »

« la composante prix »

Vice-président du SVBC, Stéphane Roy s’est levé pour réagir et d’abord posé une question : « Jean-Bernard, si tu ne constates pas une augmentation suffisante des prix en mars, est-ce que cela veut dire que tu n’accepteras plus la formule de calcul des besoins Cognac ? » Réponse de l’intéressé : « Très clairement, nous ne nous retirerons pas de l’interprofession mais nous ne cautionnerons plus la formule. Tu sais comme moi que la rémunération passe par le volume multiplié par le prix. Nous sommes des gens constructifs et responsables. C’est pour cela que nous ne pouvons pas oublier la composante prix. » Réplique de S. Roy : « Une diminution d’1 hl AP représente 10 % du chiffre d’affaires viticole. La différence aurait du mal à être compensée par le prix. » J.-B de Larquier : « Le Cognac est un produit cyclique. Toute notre action consiste à atténuer ces cycles. Pour dire les choses de manière imagée, il faut “que la bosse descende dans le creux.” Depuis quinze ans, la viticulture a accompli de gros efforts. Le négoce en a profité en dégageant des capitaux qui lui ont permis de redynamiser les marchés. Vis-à-vis de la politique d’approvisionnement, la viticulture a montré son sérieux. Il nous faut maintenant travailler à la revalorisation de la matière première. C’est de cette façon que nous pourrons faire valoir notre métier. » Un viticulteur dans la salle est intervenu pour exprimer son soutien inconditionnel au syndicat. « Nous sommes à 100 % derrière l’équipe du SGV. Sa politique est parfaite. C’est bien de poser un ultimatum au négoce. Mais par contre il faudra s’y tenir. Voilà cinq ans que l’on n’arrive pas à solutionner ce problème de prix. C’est proprement inacceptable. » Applaudissements dans les rangs.

« pour une construction durable »

Toujours avec le souci de préciser la « ligne de conduite » du syndicat, Jean-Bernard de Larquier a réaffirmé le soutien de sa formation au Schéma d’avenir viticole. « Nous sommes partisans d’une construction durable, au risque d’y perdre un peu dans l’immédiat. Aujourd’hui, tout va bien pour le Cognac mais demain ? L’affectation parcellaire représente une sécurité. Notre syndicat refuse la fatalité des cycles. » « Pourquoi se priver des jus de raisin au-dessus des ha Cognac ? » Le président du SGV s’est posé à lui-même cette question avant d’y répondre. « Nous disons oui aux jus de raisins, à condition que le viticulteur s’engage dans la filière de diversification et que soit retirée toute possibilité d’élaboration du brandy sur l’aire délimitée. » En soutenant cette thèse, le SGV est-il en train de rejoindre les vues du SVBC ? Ou pis encore. Contrevient-il au mot d’ordre ambiant : « Rien au-dessus des ha Cognac… pour ne pas courir le risque d’avoir du brandy ? » A l’issue de la réunion, J.-B. de Larquier a explicité ses propos. « Jusqu’à aujourd’hui, le SGV a été contre la possibilité de produire des jus de raisin au-dessus des ha Cognac. Mais vu le contexte ambiant, si l’on veut sauver la filière “autres produits vitivinicoles”, sans doute faut-il évoluer. Le principal obstacle aux jus de raisins au-dessus des ha Cognac réside dans la possibilité de faire des brandies sur ces mêmes ha. Si l’on interdisait la production de brandy dans l’aire délimitée, le problème serait réglé. Que la profession nous aide à obtenir cette disposition et nous disons oui aux jus de raisin au-dessus des ha Cognac, à condition que le vigneron s’engage à affecter à la troisième filière une partie de son vignoble. Dans quelle proportion ? 5, 10, 15 % ? En fait, ce serait une manière de renouer avec la vieille idée des 80/20. »

En conclusion de la réunion, le sous-préfet de Cognac, manifestant un certain sens du vocabulaire, a parlé « d’objectifs offensifs » tandis que Jean-Bernard de Larquier lançait un mot d’ordre à son syndicat : « soyons mobilisateurs ».

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