Le Syndicat général des vignerons Cognac fait de la défense des prix le thème fort de ces prochains mois. Jean-Bernard de Larquier, le nouveau président du syndicat, l’a dit et redit devant une assistance nombreuse, fidèle à la réunion des vendanges. La cinquième du nom a eu lieu le 14 septembre dernier salle de la Salamandre à Cognac.
Pas d’invité extérieur cette année mais, outre l’habituelle présentation des grands principes de l’organisation de campagne, un message fort, recentré sur les prix, comme si l’avancée des volumes ne devait pas faire oublier l’autre composante du revenu, le prix. J.-B. de Larquier, le nouveau président du SGV Cognac, en a fait la trame de son intervention. « On demande au service production que nous sommes de produire plus et mieux sans pour autant nous offrir la compensation minimale de la progression des charges. Si nous n’anticipons pas, que ce passera-t-il lorsque les ventes diminueront à nouveau ? Nous serons fermes sur le chapitre des prix. Alors que les capitaux finançant l’activité commerciale sont bien rémunérés, les capitaux finançant le vignoble sont aujourd’hui moins bien considérés. Il devient urgent que nous soyons perçus comme un véritable maillon de l’entreprise Cognac. » A l’appui de son discours, le syndicat a présenté les résultats de l’observatoire des prix mis en place par le SGV depuis 2003. François Méry et Benoît Stenne, respectivement secrétaire général et animateur du syndicat, se sont chargés de la présentation. F. Méry a rappelé les objectifs de l’observatoire : compléter les mercuriales du BNIC pour avoir la vision la plus étendue des prix, établir des fourchettes, décortiquer les pratiques contractuelles actuelles qui, dit-il, « sont de vraies nébuleuses ». A travers l’observatoire, l’adhérent du syndicat doit pouvoir trouver un outil d’information permettant à chacun de se situer. Au passage, le secrétaire général du syndicat a indiqué que le viticulteur avait l’obligation d’inscrire le prix de la marchandise sur le titre de mouvement au moment de l’expédition. « Or ce n’est pas fait à 100 %. » Chorus de J.-B. de Larquier : « N’acceptons plus de laisser partir de nos vignobles des marchandises sans que le prix soit renseigné sur le DCA. A ne pas le faire, vous pourriez perdre le bénéfice de suspension de TVA ! Qui plus est, ce geste est le premier qui aidera à la remontée des cours et il vous appartient. Si nous voulons une revalorisation décente de notre production, il nous faut être capable d’apporter la preuve qu’elle n’est pas au rendez-vous à ce jour. Il ne suffit pas de le dire. Il faut aussi le prouver et cela, nous ne pouvons pas le faire sans
vous. »
Fourchette haute, fourchette basse
Pour la Petite Champagne, sur la même période, la fourchette basse fut de 750 €/hl AP, la fourchette haute de 958 €/hl AP pour une mercuriale BN à 890 €. En Borderies, pas de fourchette haute mais une mercuriale à 910 € et une fourchette basse de 762 € consécutive à des ventes sur le second marché au cours du printemps. En Fins Bois et toujours en compte 2 (sur la base de 200 prix communiqués pour la période donnée, dont 80 % d’exploitables), fourchette basse et fourchette haute sont resserrées – 747 et 954 – alors que la mercuriale BN ne dépasse pas les 876 € l’hl/AP. Sur le cru Bons Bois, à 717 € l’hl de pur, la mercuriale BN reflète le prix plancher. L’observatoire n’a pas permis de trouver de prix plus bas que ceux de la mercuriale mais une fourchette haute se dégage à 763 € l’hl de pur. Au passage, on voit que ce prix BB se rapproche de celui des crus centraux, illustration sans doute de ce que tout le monde constate : la remontée rapide des prix du second marché. Commentaires de Benoît Stenne : « En Grande, Petite Champagnes, Borderies et Fins Bois les prix stagnent depuis trois ans voire diminuent dans la mesure où ils sont exprimés en euros courants et que l’inflation n’a pas été compensée. Bien entendu, ajoute-t-il, on peut toujours constater des “coups”, surtout en F.B. Une certaine tension se manifeste dans ce cru sur les comptes 2, encore alimentés par une distillation 2002 à 6 de pur mais ces achats restent limités. » Jean-Bernard de Larquier parle quant à lui de « courbe plate » pour l’ensemble des crus à l’exception des Bons Bois, les seuls à avoir progressé. « Mais ils partaient de tellement bas. Ils le méritent et la hausse est encore trop faible. » Le président du SGV Cognac a la ferme intention de maintenir l’observatoire des prix dans les mois qui viennent, avec une attention toute particulière portée au prix des vins Cognac et à celui des comptes 2 Fins Bois. « Même si les achats se réalisent de plus en plus en eaux-de-vie, le prix du vin conditionne celui des bonnes fins vendues en comptes 2 ou 3. C’est un chantier important auquel nous allons nous atteler. Quant au prix des comptes 2 F.B., c’est notre base de travail dans les discussions interprofessionnelles. »
Un différentiel important
Interpellé par la bande sur le niveau de QNV à 8,3, J.-B. de Larquier a justifié ce chiffre par le sens des responsabilités de la viticulture. « Pour la première fois nous avons accepté une définition plus mathématique de la QNV, afin de sécuriser notre production et équilibrer le marché. Une autre raison consiste à éviter une sous-production qui entraîne les dommages collatéraux que l’on sait : flambée des cours, baisse des ventes à la consommation par une augmentation exagérée des prix, prélèvements sociaux et fiscaux importants sur nos exploitations. Le calcul de la QNV a tenu compte des intentions d’achats de la filière vins de table qui, à 900 000 hl vol., nous semblait excessive. Etant responsable, nous n’avons pas voulu remettre en cause l’outil que nous avions précédemment approuvé mais nous avons cependant tiré la sonnette d’alarme avant de voter cette décision. La viticulture n’a pas tous les éléments en main mais son analyse se révèle souvent juste. Si les dérives vins de table s’avéraient trop importantes, nous serions amenés à proposer une révision du mode de calcul des besoins de la filière. Certes, une trop grosse distillation sera compensée l’année suivante mais entraînera néanmoins un déséquilibre immédiat des comptes d’âge. N’ayons pas peur d’avoir mal mais agissons pour ne pas avoir mal. » Pour revenir à la question directe du viticulteur « comment s’y prendre pour obtenir une augmentation des prix ? », J.-B. de Larquier et F. Méry ont indiqué que de nombreuses rencontres – onze au total – avaient eu lieu avec le négoce et que le message des prix lui avait été transmis. « Si cela ne suffit pas et si nous ne sommes pas entendus lors de cette campagne, nous adopterons d’autres mesures. » Un viticulteur, pourtant syndicaliste engagé au côté du SGV, en a « rajouté une couche » : « La nouvelle réglementation 2006-2007 ne pourra se mettre en place que si un accord est trouvé entre partenaires pour une évolution des prix (applaudissements de la salle). Dans le cas contraire, nous ne pourrons pas y aller. Les négociants eux-mêmes sont conscients de la nécessité d’augmenter les prix (bruit de fond dans l’auditoire). Le problème, c’est que tout le monde a peur de payer plus cher que l’autre. Si nous rentrons dans la nouvelle réglementation sans augmentation de prix, ce sera la faillite de la région viticole. »
Le point sur les dossiers
Prix de Revient d’Un Compte 2 Fins Bois : l’Approche Du Syndicat
Pour estimer le coût du stockage, le SGV est parti d’une eau-de-vie Fins Bois 00 estimé à 735 €. Pour le stockage, il s’est basé sur les frais ORECO, dans une optique de 15 % de fûts neufs, le reste en fûts roux. Pour une vente en compte 2, les frais de stockage proprement dit s’élèvent à 92 € l’hl de pur. Ce chiffre comprend les forfaits de manutentions entrée et sortie, le coût de manutention du dépotage, le coût du stockage, le coût de l’option 15 % de fûts neufs. Au prix de départ de 735 €/ hl AP s’ajoutent donc 92 € au titre des frais de stockage, 87 € de frais financiers (4 % par an sur 3 ans), 51 € d’évaporation (7 % sur 3 ans) ainsi que 75 € de marge de vieillissement à la viticulture (3,5 % par an). Au final, le prix total ressort à 1 040 € l’hl AP.