Le cheval de bataille des prix

22 mars 2009

svg_cognac.jpgLe Syndicat général des vignerons Cognac fait de la défense des prix le thème fort de ces prochains mois. Jean-Bernard de Larquier, le nouveau président du syndicat, l’a dit et redit devant une assistance nombreuse, fidèle à la réunion des vendanges. La cinquième du nom a eu lieu le 14 septembre dernier salle de la Salamandre à Cognac.

 

Pas d’invité extérieur cette année mais, outre l’habituelle présentation des grands principes de l’organisation de campagne, un message fort, recentré sur les prix, comme si l’avancée des volumes ne devait pas faire oublier l’autre composante du revenu, le prix. J.-B. de Larquier, le nouveau président du SGV Cognac, en a fait la trame de son intervention. « On demande au service production que nous sommes de produire plus et mieux sans pour autant nous offrir la compensation minimale de la progression des charges. Si nous n’anticipons pas, que ce passera-t-il lorsque les ventes diminueront à nouveau ? Nous serons fermes sur le chapitre des prix. Alors que les capitaux finançant l’activité commerciale sont bien rémunérés, les capitaux finançant le vignoble sont aujourd’hui moins bien considérés. Il devient urgent que nous soyons perçus comme un véritable maillon de l’entreprise Cognac. » A l’appui de son discours, le syndicat a présenté les résultats de l’observatoire des prix mis en place par le SGV depuis 2003. François Méry et Benoît Stenne, respectivement secrétaire général et animateur du syndicat, se sont chargés de la présentation. F. Méry a rappelé les objectifs de l’observatoire : compléter les mercuriales du BNIC pour avoir la vision la plus étendue des prix, établir des fourchettes, décortiquer les pratiques contractuelles actuelles qui, dit-il, « sont de vraies nébuleuses ». A travers l’observatoire, l’adhérent du syndicat doit pouvoir trouver un outil d’information permettant à chacun de se situer. Au passage, le secrétaire général du syndicat a indiqué que le viticulteur avait l’obligation d’inscrire le prix de la marchandise sur le titre de mouvement au moment de l’expédition. « Or ce n’est pas fait à 100 %. » Chorus de J.-B. de Larquier : « N’acceptons plus de laisser partir de nos vignobles des marchandises sans que le prix soit renseigné sur le DCA. A ne pas le faire, vous pourriez perdre le bénéfice de suspension de TVA ! Qui plus est, ce geste est le premier qui aidera à la remontée des cours et il vous appartient. Si nous voulons une revalorisation décente de notre production, il nous faut être capable d’apporter la preuve qu’elle n’est pas au rendez-vous à ce jour. Il ne suffit pas de le dire. Il faut aussi le prouver et cela, nous ne pouvons pas le faire sans
vous. »

benoit_stenne.jpgChargé d’animer l’observatoire des prix des vins Cognac et des eaux-de-vie (mais aussi l’observatoire du prix du gaz), Benoît Stenne a recueilli en deux ans et demi 700 à 800 prix, un échantillon jugé suffisamment représentatif pour livrer des informations pertinentes. Mieux ! Les viticulteurs prennent de plus en plus l’habitude d’adresser au syndicat leur propre historique de prix sur une plage de temps assez longue (5 ans par exemple), mettant ainsi en route une analyse personnelle autant que collective. A l’examen, l’observatoire des prix a permis de révéler… la fiabilité des mercuriales BN. « Les prix constatés par l’interprofession représentent une bonne moyenne mais manifeste aussi quelques faiblesses que nous essayons de compenser par notre observatoire », précise l’animateur du syndicat. Le recollement des prix permet notamment de « récupérer » les fourchettes hautes et les fourchettes basses qui n’apparaissent pas dans la mercuriale interprofessionnelle, gommées qu’elles sont par le phénomène de la moyenne. En Grande Champagne par exemple, sur la période du 31 mars 2004 au 31 mars 2005 et sur la base d’une trentaine de prix communiqués par les viticulteurs au syndicat, la fourchette basse de l’eau-de-vie de compte 2 se situait à 732 €/hl AP, la fourchette haute à 1 041 tandis que la mercuriale BN s’établissait à 1 011 €. A noter que les achats « Cognac » réputés nombreux en G.C., sont bien sûr éliminés de l‘échantillon.

Fourchette haute, fourchette basse

Pour la Petite Champagne, sur la même période, la fourchette basse fut de 750 €/hl AP, la fourchette haute de 958 €/hl AP pour une mercuriale BN à 890 €. En Borderies, pas de fourchette haute mais une mercuriale à 910 € et une fourchette basse de 762 € consécutive à des ventes sur le second marché au cours du printemps. En Fins Bois et toujours en compte 2 (sur la base de 200 prix communiqués pour la période donnée, dont 80 % d’exploitables), fourchette basse et fourchette haute sont resserrées – 747 et 954 – alors que la mercuriale BN ne dépasse pas les 876 € l’hl/AP. Sur le cru Bons Bois, à 717 € l’hl de pur, la mercuriale BN reflète le prix plancher. L’observatoire n’a pas permis de trouver de prix plus bas que ceux de la mercuriale mais une fourchette haute se dégage à 763 € l’hl de pur. Au passage, on voit que ce prix BB se rapproche de celui des crus centraux, illustration sans doute de ce que tout le monde constate : la remontée rapide des prix du second marché. Commentaires de Benoît Stenne : « En Grande, Petite Champagnes, Borderies et Fins Bois les prix stagnent depuis trois ans voire diminuent dans la mesure où ils sont exprimés en euros courants et que l’inflation n’a pas été compensée. Bien entendu, ajoute-t-il, on peut toujours constater des “coups”, surtout en F.B. Une certaine tension se manifeste dans ce cru sur les comptes 2, encore alimentés par une distillation 2002 à 6 de pur mais ces achats restent limités. » Jean-Bernard de Larquier parle quant à lui de « courbe plate » pour l’ensemble des crus à l’exception des Bons Bois, les seuls à avoir progressé. « Mais ils partaient de tellement bas. Ils le méritent et la hausse est encore trop faible. » Le président du SGV Cognac a la ferme intention de maintenir l’observatoire des prix dans les mois qui viennent, avec une attention toute particulière portée au prix des vins Cognac et à celui des comptes 2 Fins Bois. « Même si les achats se réalisent de plus en plus en eaux-de-vie, le prix du vin conditionne celui des bonnes fins vendues en comptes 2 ou 3. C’est un chantier important auquel nous allons nous atteler. Quant au prix des comptes 2 F.B., c’est notre base de travail dans les discussions interprofessionnelles. »

Un différentiel important

svg_obs_des_prix.jpgBenoît Stenne a présenté un récapitulatif de ces prix – Vins Cognac et Fins Bois compte 2 – sur trois campagnes (voir tableau). Puis l’animateur du syndicat a livré une étude sur le coût du stockage (chiffres en encadré). Conclusion : le prix de revient d’une eau-de-vie Fins Bois compte 2 logée à ORECO s’élève à 1 040 € l’hl AP alors que la mercuriale BN affiche un prix de 876 € l’hl AP. Réaction laconique dans la salle : « on le savait déjà » ! Un viticulteur a néanmoins pris le micro pour demander « comment faire pour obtenir une augmentation des prix » ? Et d’accompagner sa question du commentaire suivant : « Nous somme tous confrontés à des charges supplémentaires, HACCP, mises aux normes, sécurité, prix du gaz… Certains de nos négociants réalisent des marges faramineuses et tant mieux. Mais nous, au bout du compte, nous voyons notre revenu diminuer. Nous avons fait un effort sur les volumes. Ils doivent faire un effort sur les prix. »

Interpellé par la bande sur le niveau de QNV à 8,3, J.-B. de Larquier a justifié ce chiffre par le sens des responsabilités de la viticulture. « Pour la première fois nous avons accepté une définition plus mathématique de la QNV, afin de sécuriser notre production et équilibrer le marché. Une autre raison consiste à éviter une sous-production qui entraîne les dommages collatéraux que l’on sait : flambée des cours, baisse des ventes à la consommation par une augmentation exagérée des prix, prélèvements sociaux et fiscaux importants sur nos exploitations. Le calcul de la QNV a tenu compte des intentions d’achats de la filière vins de table qui, à 900 000 hl vol., nous semblait excessive. Etant responsable, nous n’avons pas voulu remettre en cause l’outil que nous avions précédemment approuvé mais nous avons cependant tiré la sonnette d’alarme avant de voter cette décision. La viticulture n’a pas tous les éléments en main mais son analyse se révèle souvent juste. Si les dérives vins de table s’avéraient trop importantes, nous serions amenés à proposer une révision du mode de calcul des besoins de la filière. Certes, une trop grosse distillation sera compensée l’année suivante mais entraînera néanmoins un déséquilibre immédiat des comptes d’âge. N’ayons pas peur d’avoir mal mais agissons pour ne pas avoir mal. » Pour revenir à la question directe du viticulteur « comment s’y prendre pour obtenir une augmentation des prix ? », J.-B. de Larquier et F. Méry ont indiqué que de nombreuses rencontres – onze au total – avaient eu lieu avec le négoce et que le message des prix lui avait été transmis. « Si cela ne suffit pas et si nous ne sommes pas entendus lors de cette campagne, nous adopterons d’autres mesures. » Un viticulteur, pourtant syndicaliste engagé au côté du SGV, en a « rajouté une couche » : « La nouvelle réglementation 2006-2007 ne pourra se mettre en place que si un accord est trouvé entre partenaires pour une évolution des prix (applaudissements de la salle). Dans le cas contraire, nous ne pourrons pas y aller. Les négociants eux-mêmes sont conscients de la nécessité d’augmenter les prix (bruit de fond dans l’auditoire). Le problème, c’est que tout le monde a peur de payer plus cher que l’autre. Si nous rentrons dans la nouvelle réglementation sans augmentation de prix, ce sera la faillite de la région viticole. »

Le point sur les dossiers

si_nous_ne_sommes_pas_etendus.jpgAlors que les représentants de la Station Viticole et du BNIC – Gérald Ferrari, Vincent Dumot et Janine Bretagne – ont délivré comme à leur habitude les principaux éléments concernant la récolte et de la réglementation de campagne, Philippe Boujut, président du CRINAO, a fait le point sur l’avancement des dossiers. « L’abandon de la QNV est lié à la nouvelle OCM. Maintenant, faut-il attendre la réforme de l’OCM pour franchir le pas ? C’est une question qui peut se poser ? » Sur le principe d’affectation parcellaire, le président-fondateur du SGV a indiqué que sa légalité juridique était inscrite « noir sur blanc » dans la loi sur les territoires ruraux de février 2005. Au chapitre des hauts rendements, autre élément du puzzle et bien que la crise des AOC puisse faire craindre un « tour de vis », Ph. Boujut a confirmé l’accord de principe du conseil spécialisé Vins de pays de l’ONIVINS. De même, le 8 septembre dernier, le Comité national INAO a voté à l’unanimité pour le nouveau système qui se met en place à Cognac. Des points restent cependant à régler. Le président du CRINAO a signalé à cet égard le sort des excédents au-dessus du rendement Cognac, « rendement de 8,3 aujourd’hui… de 9 de pur/ha peut-être demain » (brouhaha dans la salle), la finalisation de l’agrément ou encore la définition du Syndicat de défense qui s’avérerait plus proche d’un organisme de gestion, conformément à ce qui se dessine dans la future loi d’orientation agricole. « Nous avançons sur tous ces sujets lentement mais sûrement. » Invitée à clôturer la réunion du SGV, Mme le sous-préfet de Cognac a présenté ce rendez-vous comme « l’événement de la rentrée viticole ». Elle a salué l’enthousiasme et la pertinence des propos du nouveau président, en indiquant que l’arrêté de campagne était « dans les tuyaux ». Ce qui était vrai puisqu’il est sorti quelques jours plus tard. Nouvelle de dernière minute : Rosy Farges, sous-préfet de Cognac, quitte sa circonscription ; elle est nommée à Limoges en qualité de secrécaire général pour les Affaires régionales du Limousin.

 

Prix de Revient d’Un Compte 2 Fins Bois : l’Approche Du Syndicat

Pour estimer le coût du stockage, le SGV est parti d’une eau-de-vie Fins Bois 00 estimé à 735 €. Pour le stockage, il s’est basé sur les frais ORECO, dans une optique de 15 % de fûts neufs, le reste en fûts roux. Pour une vente en compte 2, les frais de stockage proprement dit s’élèvent à 92 € l’hl de pur. Ce chiffre comprend les forfaits de manutentions entrée et sortie, le coût de manutention du dépotage, le coût du stockage, le coût de l’option 15 % de fûts neufs. Au prix de départ de 735 €/ hl AP s’ajoutent donc 92 € au titre des frais de stockage, 87 € de frais financiers (4 % par an sur 3 ans), 51 € d’évaporation (7 % sur 3 ans) ainsi que 75 € de marge de vieillissement à la viticulture (3,5 % par an). Au final, le prix total ressort à 1 040 € l’hl AP.

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