SGV Cognac : Dix ans déjà !

28 juin 2010

Anticipant de quelques jours sa date anniversaire – le 23 juin 2000 – le syndicat viticole a mis à profit son AG du 11 mai dernier pour fêter ses dix ans. Ni autocélébration ni satisfecit outrancier mais une approche pragmatique des actions passées et à venir, mâtinée d’une pointe d’humour. Deux comédiens ont livré un regard décalé et drôle sur les petits travers de la scène viticole charentaise.

sgv_cognac.jpgChristophe Forget, le jeune président du syndicat, faisait-il partie de la bande des « bad guys » (mauvais garçons) qui fomentèrent le « blocus de Cognac » en 1998 ? Pas sûr. Il a néanmoins évoqué cet épisode fondateur, qui précipita la naissance du SGV Cognac un an et demi plus tard, le 23 juin 2000. Exit les « querelles de clocher ». Dorénavant, la viticulture serait U-NIE. Le mythe unitaire n’a pas fait long feu. A peine deux ans plus tard, en 2002, un autre syndicat voyait le jour, le SVBC. C’est peut-être pour cela que Ch. Forget a parlé de « beaucoup de réussite mais également d’un peu de tristesse » dans la courte vie du syndicat. « Nous sommes fiers de nos origines et des idées novatrices que nous avons véhiculées. Il y avait de l’altruisme dans cette construction basée sur l’idée du collectif. Maintenant, il faut savoir rebondir et construire l’avenir dans l’intérêt de tous. » Le syndicat ne s’est pas étendu sur ses missions, qui sont pourtant nombreuses : représentation des intérêts viticoles auprès des différentes instances régionales et nationales, veille économique et juridique, information, accompagnements réglementaires des adhérents sur des dossiers spécifiques (aides aux investissements…). Avec Marlène Tisseire, directrice du syndicat, ce créneau d’activité a connu une montée en puissance. Le secrétaire général du syndicat, Xavier Desouche, a insisté sur la notion de services apportés aux adhérents. Depuis l’emblématique action gaz, lancée par Benoît Stenne et plusieurs administrateurs du SGV durant l’hiver 2004, le syndicat s’est engagé dans un travail de « facilitateur » : aide à la renégociation des contrats gaz individuels, achats groupés de fournitures à tarif préférentiel pour les adhérents. Ont été ainsi négociés l’an dernier 170 000 l de fioul agricole ou encore 3 km de tuyaux « transfert d’eau-de-vie » indemnes de phtalate. Remise globale obtenue sur les tuyaux : 6 000 €. Ce domaine est plutôt celui d’Emilie Chapalain.

Un peu au débotté, Christophe Forget a demandé à l’ensemble des administrateurs de monter sur l’estrade pour une photo de famille. Moment de franche convivialité. Ce ne fut pas le seul de la soirée. Quelques minutes plus tard, les 250 viticulteurs qui s’étaient déplacés salle de la Salamandre à Cognac ont eu la surprise d’assister à un intermède théâtral. Le thème ? La vie syndicale en terre charentaise. Les interprètes ? Un couple à la scène, Jean-Christophe Rauzy et Juliette Steimer, comédiens de leur état, qui se sont fait une spécialité du théâtre d’entreprise (voir encadré). Sébastien Dathané (CIEDV) les connaissait et a renseigné le SGV. Bon choix. Pas l’ombre d’une vulgarité, qui est parfois l’écueil de ce genre d’impromptu. Après avoir rencontré plusieurs compagnons de route du syndicat, Jean-Christophe Rauzy a écrit un scénario drôle, un brin corrosif, un brin dérangeant, tout ce qu’il faut pour réveiller les consciences sans heurter les sensibilités. M. et Mme se rendent à l’AG du syndicat. M. adhère au SGV, Mme au SVBC. « Autant ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. » Mme roule en 4×4, M. en utilitaire. « Je ne suis pas administrateur du SVBC. » M. emmène Mme et s’arrête « pour faire traverser la petite perdrix. » Sous la plume des humoristes, le SGV devient « le Syndicat de grande valeur ». De la réunion, le couple revient légèrement cabossé. Il a eu un accident de voiture. Et puis, il a trouvé les discours des présidents « un peu longs ». Les comédiens tisseront ainsi leur toile deux fois dix minutes, en début et en fin d’AG. Autodérision, second degré et vérité mêlés feront souffler un air frais sur le public.

Catherine Le Page, le nouveau directeur du BNIC, est arrivée en Charentes en mars dernier. Finistérienne d’origine, elle avoue avoir découvert le Cognac à l’occasion de sa prise de fonction. Pour parler du Cognac, elle a eu cette belle formule, reprise de la presse : « C’est un produit qui a des racines et des ailes ; attaché à son terroir, à son territoire mais aussi très largement exporté. » En matière viticole, Catherine Le Page a engrangé une précédente expérience, celle du rosé, lorsqu’elle était directeur chargé de l’agriculture au Conseil général du Var. Elle participa à l’homérique bataille du « Couper n’est pas rosé » où les producteurs traditionnels obtinrent de la Commission européenne qu’elle renonce à autoriser la fabrication de vin rosé en coupant du vin rouge avec du vin blanc.

statistiques cognac

Présent à l’assemblée générale du SGV, le président de l’interprofession, Bernard Guionnet, est intervenu pour effectuer un point très précis sur les statistiques Cognac. Et ce d’autant plus qu’elles sont bonnes. A l’époque, les chiffres du mois d’avril 2010 n’étaient pas encore sortis (à quelques jours près) mais on peut dire aujourd’hui qu’avril est le 6e mois positif et le 4e mois de très bon niveau, avec une progression à deux chiffres. A ce jour, les sorties de Cognac sont repassées en positif sur l’année mobile. « Le mois d’avril a mis fin à une baisse ininterrompue de plus de 26 mois. Il s’agit, je pense, d’une bonne nouvelle pour toutes les personnes qui sont ici. » Le redémarrage s’observe aussi bien en Extrême-Orient qu’en Amérique du Nord. L’Europe, elle, reste à la traîne et le président Guionnet n’a pu que regretter l’effritement continuel du marché français. « La part de marché de la France ne représente plus que 3,6 %. Cela se passe de commentaire. A vrai dire, c’est assez dramatique. » En valeur, les exportations pèsent pour 1,5 milliard d’€. A leur plus haut niveau, elles ont atteint jusqu’à 1,8 milliard d’€. « Il y a encore un peu de chemin à parcourir pour récupérer notre maximum. » Les qualités supérieures dépassent de peu le VS, ce qui signifie que les Cognacs d’entrée de gamme restent encore essentiels pour l’équilibre commercial du produit. Au 31 mars 2010, le stock Cognac représentait 3,560 millions d’hl AP. A cette même date, le taux de rotation du stock est repassé au-dessus de la barre des 7 années de ventes (7,10 années). B. Guionnet a noté qu’il s’agissait d’un stock assez déséquilibré, détenu beaucoup par le négoce, peu par la viticulture et qu’il brillait par une absence quasi totale de comptes 6, 7, 8 et 9. « Il se compose essentiellement de comptes 4 et 10. Cette répartition de stock pourra poser quelques problèmes dans les années futures. » Le président de l’interprofession s’est ensuite attaqué à deux points considérés par lui comme essentiels : la déclaration d’identification et la déclaration d’affectation (voir article pages 10-11-12 ). Il n’a pas procédé par ellipse mais a préféré « jeter un pavé dans la mare », pour créer un « électrochoc ». Essai réussi. Le lendemain, la presse quotidienne reprenait ses propos, ce qui a conduit l’interprofession à clarifier ses positions. C’était le but recherché.

« Un contrat gagnant/gagnant »… Jean-Bernard de Larquier, ancien président du SGV, actuel chef de famille de la viticulture au BNIC, fait de ce concept l’alpha et l’oméga des relations viticulture-négoce. Il en a tiré tout un raisonnement discursif, du « paramètre confiance » aux « bons comptes font les bons amis même si l’on ne pourra jamais remettre les compteurs à zéro » en passant par « l’aspiration à une meilleure éthique professionnelle et à une certaine forme de reconnaissance ». Lucide, il comprend que dans une filière en perpétuel déséquilibre, « toute décision comporte une part de risque. » Une remarque qui renvoie bien évidemment aux discussions sur le rendement ainsi que sur la réserve de gestion. Entre la nécessité de faire confiance et la non moins grande nécessité de mesurer les risques, il a cité le philosophe Jankélévitch qui disait : « Pour commencer, il faut commencer et l’on n’apprend pas à commencer. Pour commencer, il faut simplement du courage. » Mais il n’est pas interdit de s’entourer de précautions. D’où des garde-fous comme les mercuriales, le coefficient de rotation du stock, le contrôle, mois par mois, des réalisations par rapport aux prévisions. « Individuellement, on ne s’en sortira pas grâce à la disparition des autres. Nous avons besoin de tout le monde, des viticulteurs à 100 % comme des polyculteurs, des viticulteurs de Grande Champagne comme ceux de Bons Bois. Nous subirons encore des échecs dans nos filières mais chaque échec représente un pas supplémentaire vers la réussite. »

le contrat « gagnant/gagnant »

Dans son intervention, Christophe Forget a repris à son compte le contrat « gagnant/gagnant » de J.-B. de Larquier, en revenant sur la dimension du revenu viticole. « Le revenu, c’est effectivement le produit d’un prix et d’un volume. Cette notion de revenu viticole est très importante pour le SGV, en sachant qu’il n’y a pas de Cognac sans exploitant. C’est ce que nous disons aux négociants à chaque fois que nous les rencontrons. » Le président du SGV n’a pas caché sa déception de ne pas avoir pu décrocher l’affectation de la récolte en deux temps, qui correspondait, dit-il, « à une demande très forte de la viticulture en faveur d’une affectation la plus proche possible de la réalité. » Il a également exprimé la position du SGV vis-à-vis de la réserve de gestion. « Nous n’étions pas favorables à une libération automatique en comptes 4 et 6, mais la décision interprofessionnelle n’a pas été celle-ci. »

Pour son dixième anniversaire, le SGV a laissé à Philippe Boujut, son premier président, le soin de conclure l’après-midi. Le viticulteur de Saint-Preuil, par ailleurs président du CRINAO, n’a pas abusé de sa position. Sa présentation fut des plus sobres. Mais bien sentie. En quelques mots simples, Ph. Boujut a lui aussi confirmé que le leitmotiv du syndicat avait toujours été la défense du revenu du viticulteur. Il a ensuite présenté rapidement le dossier de la libéralisation des droits de plantation et les ravages qu’il pourrait occasionner en Charentes si jamais la Commission européenne allait jusqu’au bout de ses intentions. « Imaginer que chaque viticulteur de notre région plante seulement 2 ha. Cela ferait 10 000 ha supplémentaires. L’économie viticole n’y résisterait pas. » Et puis, sans que l’on s’y attende, l’ancien président du SGV a fait un aparté sur la réserve de gestion. « Cette opinion n’engage que moi. Je ne mouille personne en disant cela. Je trouve aberrant que l’on donne une date de sortie à la réserve de gestion, en compte 4 et en compte 6. Le négoce saura que tant d’hl AP arriveront sur le marché. Après, ne comptez pas qu’il se précipite pour acheter des eaux-de-vie. Il faudrait que la réserve de gestion vienne pallier un manque, lorsque celui-ci se dévoile. Les réserves de gestion fonctionnent de cette manière partout ailleurs. » Applaudissements nourris de la salle. En introduction, Philippe Boujut avait rendu un hommage spontané à Benoît Stenne, premier directeur du syndicat. « C’est avec lui que nous avons créé le syndicat. Il nous a épaulés, dans une totale disponibilité. » Après avoir rappelé que le SGV était enfant de la crise – « souvenez-vous, en 1998 et 1999, nous avions très peu produit, 325 000 hl AP et 337 000 hl AP car le négoce n’achetait pas, il déstockait » – il a encouragé les viticulteurs à prendre leurs destinées en main, en se mobilisant syndicalement : « N’attendez pas que les autres fassent les choses à votre place. C’est votre syndicat qui le fera. » Dans la salle, un viticulteur a rappelé l’importance des élections à l’ADG. « Elles auront lieu en mai 2011. Le SGV s’est construit autour de l’idée d’unité. Divisée, la viticulture sera toujours affaiblie. »

AJC Mieux
Une scène émulation
Utiliser le théâtre pour titiller les acteurs économiques, les faire réagir, les obliger à se projeter autrement. C’est ce regard distancié que propose AJC Mieux, une structure culturelle indépendante, immergée depuis 25 ans dans le monde des entreprises.
Jean-Christophe Rauzy, le créateur d’AJC Mieux – AJC est l’acronyme du prénom de sa compagne et du sien – a une formation de comédien. De la génération de Didier Bourdon, Catherine Frot, François Morel, il a fait avec eux l’école de la rue Blanche, le centre d’art dramatique parisien. Au début des années 80, il se retrouve à la tête d’une structure culturelle d’une grande ville de province, dont il est assez vite remercié, au gré d’un changement d’équipe municipale. Sommé de se recycler, il pousse la porte d’une chambre de commerce et découvre… le monde de l’entreprise. Révélation ! L’homme de spectacle et de communication y perçoit tout un terreau fertile – et peu exploré – pour l’action culturelle. Depuis 1985, il s’est fait formateur, consultant indépendant, en même temps que scénariste et comédien. Les tréteaux classiques, il les a troqués pour un autre genre de théâtre, le théâtre d’entreprise. De quoi retourne-t-il ? A la demande de ses clients, Jean-Christophe Rauzy s’immerge dans la vie des sociétés et écrit des scenarii. Loi du genre oblige : à chaque fois, il s’agit de faire passer un « message ». Mais de manière la plus ludique possible et souvent pimentée d’une dose d’impertinence. Prendre le parti d’en rire, c’est déjà accepter un changement de posture. J.-Ch. Rauzy joue souvent ses pièces – « je ne peux pas m’empêcher » – mais, selon les besoins, s’entoure aussi d’une bande de comédiens, dont Juliette Steimer et une dizaine d’autres. Ses secteurs de prédilection ? Il n’en a pas vraiment. Il travaille tous azimuts, ici pour une banque régionale, là pour un groupe de cliniques, une biscuiterie, un groupement d’entrepreneurs des TP, un producteur de café, une marque automobile…Il s’agira, selon les cas, de célébrer l’anniversaire de la société, de sensibiliser le personnel à une démarche qualité, de défendre les petits entrepreneurs contre les Goliath du secteur, d’apaiser les rivalités entre médecins appelés à exercer ensemble en essayant, au passage, de remettre le « patient » au centre du débat… J.-Ch. Rauzy dit apprécier travailler avec des organismes « qui ont du sens et une âme », qualités qu’il n’a pas manqué de trouver auprès du SGV. « Ils donnent envie de travailler pour eux. » Comme d’autres font du théâtre-action, Jean-Christophe Rauzy cultive depuis 25 ans le théâtre-formation. Pas étonnant que son entreprise soit basée à Rennes, dans cette Bretagne terre d’accueil de l’éducation par l’exemple.

 

 

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