Une adhésion partielle au projet

4 janvier 2009

Les viticulteurs adhérents du SGV Cognac donnent leur aval à l’idée de segmentation des marchés. Un point positif pour le syndicat. Par contre, la proposition de porter à terme la QNV Cognac à 8 hl AP/ha ne fait pas l’unanimité. A priori, tout le monde n’est pas prêt à cautionner le raisonnement. Les A.G. d’appellation ont couru du lundi 13 au jeudi 23 mai.

Dans son passage en revue des travaux des commissions, Philippe Boujut, président du Syndicat général, s’est longuement attardé sur la commission « Évolution de la réglementation » et son projet de segmentation des marchés. A l’évidence, il s’agit du cœur de cible du syndicat, le projet sur lequel il a travaillé depuis deux ans. « Cette réflexion ne s’est pas faite en un jour. Mais nous sommes arrivés à la conclusion qu’il s’agissait de la seule et unique solution pour sortir de la crise où nous sommes plongés depuis 15-20 ans, car, en dehors de la période 89-92, la crise n’a jamais vraiment cessé. » Dans son exposé des motifs, Ph. Boujut repart du chiffre d’affaires de 32-35 000 F, considéré comme nécessaire pour dégager une rentabilité normale sur un ha de vigne Cognac. « Mettre tous les vins dans une même cuve » lui semble une catastrophe. Même si, tous les ans, l’équilibre est presque réalisé, les différents marchés s’interfèrent et les prix virent au rouge. « C’est comme si l’on mélangeait des fraises et des haricots. Une véritable aberration ! » « Il faut faire en sorte de produire les quantités nécessaires à chaque débouché et ainsi la rentabilité augmentera. » Concernant la double fin, les responsables syndicaux pronostiquent sa fin inéluctable dans les quelques années à venir. Leur grande crainte ? Si rien n’est fait, que le système actuel « implose », c’est-à-dire que l’on se retrouve très vite à 90 hl/ha plus 10 hl de non-vin, tous débouchés confondus, les aides en moins et sans, bien sûr, la possibilité de rendements différenciés. « Dans ces conditions, de quelle stratégie disposeraient les viticulteurs sinon d’essayer de tout vendre au Cognac ? Le marché se chargerait de faire le tri. Il s’agit de la pire des hypothèses à imaginer. » En réponse à ce danger potentiel, qu’ils estiment bien réel, les responsables syndicaux proposent la piste de la segmentation des marchés, avec quatre vignobles différents : AOC Cognac, AOC Pineau, Vin de pays/vin de table et productions viticoles. Reste à inscrire des rendements sur ces débouchés. Pour tout ce qui est hors Cognac, l’exercice n’est pas bien compliqué. Quand la réglementation ne dicte pas la réponse, c’est le marché qui donne la marche à suivre. Ainsi, le chiffre de 180 hl vol./ha semble assez incontournable pour vins de base mousseux et jus de raisin, que ce soit 180 hl sec ou 130 hl de vins de base mousseux et 50 hl de jus de raisin. La question du Cognac présente une toute autre difficulté. Première réponse, le syndicat propose un rendement volumique de 120 hl/ha pour régler les problèmes de qualité liés au degré. Un rendement annuel (la QNV) serait bien sûr fixé en AP et la différence entre les deux irait à la distillation à + de 95 % vol. pour éviter de faire du brandy sur les ha Cognac. Quid du niveau de la QNV ? C’est là que Philippe Boujut argumente sur la structure des ventes et le renversement de marché entre vieilles et jeunes qualités. Après la flambée des VSOP/XO dans les années 87-88, le marché est redevenu un marché de HHH, à 57,5 %. Impossible de ne pas tenir compte de cette donne. Malgré la fuite des grosses marges liées aux vieilles qualités, des négociants ont heureusement continué de croire au Cognac, en dégageant de la publicité. Mais la marge qu’ils prenaient à l’aval, ils doivent dorénavant la trouver en partie à l’amont. D’où le prix moyen de 4 000 F l’hl AP, considéré par les négociants comme la marge de manœuvre nécessaire pour pouvoir vendre du Cognac HHH. » L’autre argument avancé tient au décalage entre la capacité de production d’un ha Cognac et le niveau de QNV. « Sur 20 ans, la moyenne de production s’élève à 11,50 hl AP. Entre 6 et 11,5, il existe donc un différentiel de 5 hl AP. Les négociants ne comprennent pas la raison d’un tel blocage. » Conclusion des responsables du syndicat : « à terme, nous devons travailler sur une perspective de QNV de 8 hl AP pour obtenir un revenu/ha correct. Dans un contexte de marché de HHH, il paraît difficile de demander une augmentation des prix de 50 % (6 x 6 000 F = 36 000 F). Depuis deux ans, la discussion sur les prix n’a rien donné. »

Oui à l’affectation des surfaces

A l’affectation des surfaces, les viticulteurs disent oui. Mais les 8 de pur, même à terme, les laissent beaucoup plus dubitatifs. Deux questions reviennent, de manière insistante : qui les vendra, comment évolueront les prix ? « Les négociants concentreront leurs achats sur une partie de la viticulture. Ils choisiront leurs fournisseurs. » « N’est-ce pas ce qui se passe déjà aujourd’hui leur répond Ph. Boujut. Sauf qu’avec le système que nous proposons, nous ouvrons la possibilité de choix aux viticulteurs. Cette discussion que vous avez aujourd’hui, sachez que nous l’avons eu entre nous. » « C’est la fuite en avant, poursuivent néanmoins les viticulteurs. Il n’existera plus aucune garantie de prix, nous allons droit aux 16 000 F/ha ». « Quand les Arabes ont envie de monter les prix, ils ferment les robinets ! » « Dans une bouteille de HHH vendue 140 F, les 28 cl de Cognac sont rémunérés à hauteur de 20 000 F l’hl AP. Cela laisse aux négociants une marge suffisante pour nous donner un peu plus sur l’hl AP. » Beaucoup se disent favorables à un projet qui mêlerait affectation de surface et QNV d’exploitation, comme elle existe dans le plan d’adaptation. Sur la base d’une QNV d’exploitation de 6 hl AP/ha, les viticulteurs pourraient choisir d’affecter plus ou moins de surface au Cognac, en ayant ainsi la possibilité de monter la QNV Cognac sur les ha engagés et de dégager des surfaces à d’autres débouchés. Réponse de Philippe Boujut : « nous avons vu le peu d’enthousiasme des viticulteurs à souscrire au plan d’adaptation et à la QNV. Par ailleurs, dans le système libéral dans lequel nous vivons, on ne peut rien imposer à personne, tout doit se faire sur la base du volontariat et donc de l’incitation. » « La liberté, on en crève » lâche quelqu’un.

Comme processus d’encadrement, la piste INAO, un temps explorée, ne semble guère prometteuse. « Au plan juridique, tous les ha ont droit à l’appellation Cognac sur l’ensemble de la zone délimitée. C’est un inconvénient mais aussi un avantage. » Pour éviter que tous les viticulteurs engagent tous leurs ha au Cognac, le syndicat n’a d’autre choix que de parier sur l’incitation que pourraient représenter des rendements différenciés. Son espoir ? Que les viticulteurs ayant accès au Cognac détournent quelques ha à d’autres destinations. Il compte pour ce faire sur le bon sens des producteurs qui les amènerait à compter ; sur le besoin, aussi, de « trésorerie fraîche ». « N’oublions pas que dans une optique AOC, il n’y aurait rien dessus du rendement Cognac. Quelqu’un qui engagerait des ha Cognac sans débouché irait droit dans le mur. Si aujourd’hui, il ne se distille pas 450 000 hl AP, il y a bien une raison. » Pour Philippe Boujut, le schéma qu’il présente ne fonctionne que dans la perspective de 8 hl AP. « A 6 de pur, nous sommes dans un système qui ronronne. C’est vrai que l’on se fait plaisir en affectant plus d’ha au Cognac mais à 6 de pur, ce sont 70 ou 75 000 ha qui doivent être consacrés au Cognac. Les prix n’augmentent pas et les autres débouchés périclitent. » Quel bénéfice a-t-on tiré du maintien à 6 ? « Sans doute une remontée des prix sur le second marché, ce qui, en soi, n’est pas négligeable mais les prix du Cognac sur le premier marché n’ont pas bougé, en contradiction d’ailleurs avec toutes les lois économiques. » Yves Dubiny demande de ne pas confondre l’enjeu à terme des 8 hl AP avec la discussion à court terme de la QNV pour 2003. « Dans le système que nous proposons, les viticulteurs décident tous les ans du niveau de rendement, comme dans toutes les appellations. Ce système ne va pas sans une période transitoire, qui pourra être mise à profit pour tester le dispositif. La notion de durée est à intégrer. Je pense que beaucoup de problèmes restent à régler en Charentes et il n’existe pas de solution miracle. Mais notre rôle de responsables professionnels est d’essayer d’anticiper sur les événements. La pire des choses, me semble-t-il, serait de tomber dans la “monoculture” Cognac. Tentons de ne pas laisser partir les autres débouchés de la région. »

Le Syndicat général chiffre à 3 000 ha le besoin d’arrachage. En complément des autres mesures, et notamment du CTE, il soumet l’idée d’une surprime d’arrachage, ouverte à tous sans condition, dégressive dans le temps et financée sur fonds strictement professionnels. La prime européenne de 56 000 F/ha se verrait compléter de 30 000 F la première année, pour une tranche de 1 000 ha, de 20 000 F la deuxième année et de 10 000 F la troisième année. La cotisation assise sur les hl AP vendus se monterait à 75 F l’hl AP. Volontairement, le seuil psychologique des 100 000 F n’est pas atteint, pour ne pas pénaliser ceux qui ont fait l’effort de s’engager dans le CTE.

Conscient que leur projet n’est pas la panacée, les responsables syndicaux ont cependant la certitude qu’il est le seul à permettre de construire un avenir durable et d’apporter une lisibilité qui jusqu’ici a fait défaut.

Commission « Economie viticole » – Présidée par Yves Auffray, elle est notamment chargée de réfléchir à la construction d’un nouveau partenariat commercial, pour intégrer la disparition quasi totale des contrats pluriannuels. « Les négociants n’y trouvent plus le même intérêt qu’il y a 20 ans. Il est certainement temps de conclure un travail de partenariat, satisfaisant les deux parties. Les viticulteurs ne peuvent définir seuls les termes du contrat, au risque de ne trouver personne en face d’eux pour le signer et si la politique contractuelle relève des seuls négociants, on s’apercevra très vite de sa disparition de fait, puisqu’elle n’engagera plus deux partenaires mais un seul. »

Commission « AOC Cognac » – Pour le syndicat, la définition des conditions de production de l’AOC Cognac ne relève pas d’une « lubie » mais d’une démarche cohérente dans l’optique d’une différenciation des surfaces selon les destinations. « Tout est lié ». La recherche d’une qualité « Cognac » pourrait passer, pourquoi pas, par l’instauration d’un degré maximum à ne pas dépasser. A côté des conditions de production, l’agrément constitue un autre volet de l’AOC. La spécificité du Cognac par rapport au vin amène à réfléchir à un organisme d’agrément qui intègre les bouilleurs de profession. La partie vieillissement, où se retrouve les négociants, n’a pas à être prise en compte puisque l’agrément doit jouer à la sortie de l’alambic.

Commission « Communication AOC Cognac » – Prenant en compte « le travail énorme accompli par les différentes associations de promotion du Cognac », le syndicat général souhaiterait que se dégage « un intérêt commun à travailler ensemble à l’intérieur de SGV Cognac ». Objectifs : que les vignerons soient fiers de leur appellation, communiquent sur le terroir, et pourquoi pas, qu’ils aillent jusqu’à la vente directe même si ce débouché ne doit représenter à terme qu’une petite part de leurs ventes. « En période de crise, les viticulteurs ont toujours cherché à se procurer de la trésorerie au jour le jour, qui par l’élevage, qui par d’autres cultures. Quand on est viticulteur, pourquoi ne pas privilégier son produit ? »

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