Le Syndicat s’interroge sur l’avenir de l’appellation

5 août 2009

Le SGV Cognac fêtera son dixième anniversaire l’an prochain. Durant cette période, il aura été de tous les combats, de tous les débats et de toutes les commissions de travail, posant les jalons de la grande mutation réglementaire qui touche les vignobles en général et celui du Cognac en particulier. Syndicat gestionnaire autant que prospectif, le SGV ne sort pas de son rôle quand il s’interroge, avec son nouveau président, sur l’avenir de l’appellation Cognac à l’aune des projets en cours, dont celui de la fameuse libéralisation des droits de plantation.

forget.jpgPour Christophe Forget, cette assemblée générale du 2 juin 2009 constituait un peu son baptême du feu. De secrétaire général, il occupe désormais la place de président, marchant sur la trace de ses aînés, Philippe Boujut et Jean-Bernard de Larquier. Christophe Forget a demandé la mansuétude de la salle mais son rapport moral ne laissait pas place à l’approximation. Bien écrit, il était tiré au cordeau. Y furent abordés le positionnement du syndicat dans le concert de la représentation professionnelle, l’approche prix, le dossier de l’affectation préalable ou encore les missions du syndicat. C’est avec l’appui d’un interlocuteur de choix – Pierre Aguilas, président de la CNAOC, la Confédération nationale des appellations d’origine – que Ch. Forget a abordé l’autre partie de la réunion, celle consacrée au sujet prospectif de l’avenir de l’appellation en cas de libéralisation des droits de plantation. Il a d’emblée posé le décor. « La superficie de l’aire d’appellation Cognac s’élève à 699 684 ha, celle du vignoble Cognac de 75 000 ha. Si les droits de plantation venaient à être libérés, je ne vous fais pas de dessins ! »

Sur la libéralisation des droits de plantation, la Commission européenne a fixé un échéancier : c’est au plus tard en 2018 que l’encadrement des droits de plantation devrait tomber. Viticulteur en Anjou, Pierre Aguilas connaît bien la région délimitée Cognac. Sans doute un hasard de la vie l’a-t-il fait naître en Charente mais, plus sûrement, il fut pendant très longtemps président de la commission d’enquête INAO qui s’est déplacée à maintes reprises dans le vignoble. « Cela s’est toujours très bien passé, témoigne le vigneron. J’en garde d’excellents souvenirs » Aujourd’hui président de la CNAOC, il juge « complètement ridicule » ce projet de démantèlement des droits de plantation. « Croyez-moi, sur ce dossier, la CNAO se bat énormément. » Pour lui, la profession n’a pas le choix : « Il nous faut gagner et définitivement » ; en clair tordre le cou une fois pour toutes à ce projet de libéralisation.

des alliés

Des alliés, la Confédération des vins et spiritueux en trouve dans le monde viticole espagnol, italien, portugais mais aussi auprès des producteurs français sous signes de qualité, telles que les appellations fromagères ou les produits sous labels. Ce coup de pouce d’autres secteurs de production, Pierre Aguilas l’apprécie à sa juste valeur. « Il est toujours très intéressant d’avoir une approche transversale des problèmes, surtout pour nous, produits viticoles, régulièrement mis à l’index par les lobbies anti-alcool. » Dans le rapport remis au Parlement européen, il est dit « qu’il ne saurait y avoir de filière de qualité sans instrument de maîtrise de la production ». Pour le vin, l’instrument de maîtrise de la production passe par un encadrement des plantations. Dans les mois qui viennent, la CNAOC va concentrer tous ses efforts à vaincre l’obstacle. Sans s’illusionner sur les forces en présence : « La Commission européenne est contre l’encadrement des droits de plantation. Nous sommes encore loin du but. » La CNAOC considère pourtant l’objectif comme innégociable. Le « capitaine » Pierre Aguilas parle stratégie quand il assène « il faut parler d’une seule et même voix face à la Commission, entre pays producteurs mais aussi entre organisations professionnelles ». « Je me bats, dit-il, pour tenter de rassembler tout le monde, AOC, vins de pays, caves coopératives, caves particulières, négociants, INAO, FranceAgriMer… Dans les négociations, une seule personne doit s’exprimer, accompagnée peut-être de deux ou trois autres “mais qui la bouclent”. A faire émerger nos divergences, nous perdons tout le temps. »

Revenant sur le terrain régional, Philippe Boujut, président du CRINAO (le comité régional INAO) s’est demandé si l’affectation parcellaire suffirait à protéger la région contre les trop probables méfaits d’une libéralisation des droits de plantation (accroissement incontrôlé de la surface de production, avec les problèmes que cela pose). Il a ébauché une réponse : « Dans le contexte actuel, l’affectation parcellaire représente une variable d’ajustement adapté à nos besoins. A partir d’un même cépage double fin, elle permet d’accéder aux jus de raisin, vins de table, vins de base, trois débouchés dont la région ne peut pas se passer. Mais demain, si la libéralisation des droits de plantations devenait effective, aurait-on intérêt à garder le régime de double fin ? Ou faudrait-il s’en séparer au profit d’un vignoble d’appellation dès le pied de vigne ? C’est une vraie question. » Que recouvrent les propos de Ph. Boujut ? La libéralisation des droits de plantation n’a-t-elle pas vocation à s’appliquer aussi bien aux vignobles sous IG (Indication géographique » qu’aux vignobles sans IG (ex vin de table). Certes. Mais il n’en reste pas moins que la délimitation parcellaire représentera toujours un rempart supplémentaire au « tout et n’importe quoi. » D’où le sens de la remarque de Philippe Boujut. Resterait à définir la forme de la délimitation : délimitation négative (délimitation reprenant l’existant), délimitation parcellaire stricto sensu ?

Après s’être insurgé contre les menaces planant sur la consommation du vin – « La France est le seul pays à concevoir une telle lutte contre le vin » – le président de la CNAOC a assuré que, dans la bataille des droits plantation, il défendrait le Cognac comme les vins d’Anjou. Ce n’est pas un mince engagement de la part d’un défenseur du terroir aussi déterminé que Pierre Aguilas.

 Extraits de l’intervention de Christophe Forget, président du SGV Cognac

« Le SGV Cognac tire sa vitalité du renouvellement de ses hommes autour d’une équipe dynamique. Mais la nouveauté n’exclut pas la continuité dans le travail entrepris depuis la création du syndicat par les différents conseils d’administration. Qu’il me soit permis de remercier les deux présidents qui ont mené le syndicat à cette reconnaissance : Philippe Boujut et Jean-Bernard de Larquier.

… La représentativité du Syndicat sur l’ensemble du territoire de l’appellation, son fonctionnement démocratique, sa défense de la pluralité de la viticulture, son esprit d’unité, aux antipodes des contingences individuelles ont fondé, je l’avoue, la réalité de mon engagement. C’est toute la motivation qui m’anime. En cela, le syndicat est vraiment une organisation à part.

… Construire, c’est proposer ; ce qui n’exclut pas de s’opposer quand c’est justifié par l’intérêt général. Construire, ce n’est pas non plus perdre son âme, loin de là. La construction passe par une viticulture unie ou qui, en tout cas, ne parle que d’une seule voix à l’interprofession. S’il y a 5 300 viticulteurs différents, il y a tout de même un intérêt général à défendre, qui doit supplanter les visions catégorielles les plus égoïstes.

… Le Cognac est un formidable vecteur de luxe. C’est à nous de savoir faire revenir en région la valeur ajoutée qu’il dégage.

… Concernant la fixation du rendement provisoire du Cognac, si la rationalité a bien été le maître mot de la règle de calcul, un élément important n’a, cependant, toujours pas été intégré : le coefficient de rotation des stocks. Convaincu que « les arbres ne montent pas au ciel », le SGV Cognac a proposé l’intégration de ce coefficient. C’est un élément tangible qui oblige à se poser des questions dés lors que le coefficient dérape au-delà d’un certain niveau.

… Comment stocker lorsque l’intégralité du rendement est nécessaire pour faire tourner la boutique ? C’est une question que devront se poser nos clients s’ils veulent l’approvisionnement pour la reprise ! Ce sont des problématiques que nous évoquons lors des rencontres avec les différentes maisons de négoce. Pour nous, la construction du prix doit être régulière et s’indexer sur les éléments tangibles (nécessité de renouveler l’outil de production autant que les générations, gérer les nouvelles contraintes économiques et réglementaires, supporter le portage du stock et le coût de la main-d’œuvre).

… La viticulture n’a plus la capacité à courber le dos en laissant passer l’orage ! Elle ne peut plus se permettre d’avancer par soubresaut.

… Devant l’avalanche de réformes engagées par les pouvoirs publics et qui s’imposent à nous, je pense que les professionnels et les services de la région n’ont pas démérité, bien au contraire. Dans cette course contre la montre, nous avons été toujours à l’heure des échéances qui nous ont été fixées. C’est un fait, à mettre à notre crédit ! Mais qu’en sera-t-il si l’on continue à nous traiter de la sorte ! »

analyse des prix

A partir de l’Observatoire des prix animé par le syndicat, Christophe Forget a présenté une analyse des prix sur 20 ans (1989-2008) « avec une année 1989 relativement bonne, assez proche de 2008 ». L’étude a retenu quatre postes de dépenses – taille, attachage, coût phyto et coût de désherbage. Suivant les hausses du prix de la main-d’œuvre, le coût de la taille pour 1 000 pieds a augmenté de + 31 % sur la période, celui de l’attachage (toujours pour mille pieds) de + 33 %, les coûts phyto et désherbage diminuant quant à eux respectivement de – 0,10 % et – 16 %, sans doute sous l’effet des diminutions de doses et du prix des matières premières génériques. Si on globalise, le coût horaire du travail a augmenté en vingt ans de 41,63 % (base 100 en 1989, indice 141,63 en 2008) tandis que le prix moyen des eaux-de-vie Fins Bois 00 baissait de 17 % en francs constants. « En 1989, un hl AP Fins Bois 00 permettait de rémunérer 116 heures de travail. En 2008, ce même hl AP n’en couvre plus que 67 heures. Un chiffre relativement évocateur. »

En assurant travailler dans un esprit constructif – « ce fut toujours la marque de fabrique du SGV – le président du syndicat fait de la défense des prix un axe essentiel. « La valorisation du métier de viticulteur passe par la défense du revenu viticole, qui est la résultante de l’équilibre fragile prix/volume. C’est le sens de notre Observatoire des prix, qui permet de savoir en temps réel ce qui se passe dans la région. » Christophe Forget a cité les conclusions d’Eurogroup, le cabinet conseil mandaté par l’interprofession voilà presque deux ans pour aider le Cognac dans ses choix stratégiques. « Les experts ont recommandé de ne pas suréagir en cas de crise. Des ajustements sont sans doute nécessaires en période difficile mais des inflexions trop brutales coûtent souvent très cher. Si le négoce veut que la viticulture puisse continuer à mettre des eaux-de-vie en stock, il devra certainement veiller à sa politique de prix. »

 

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