Action prix : par la voie postale

1 mars 2009

La Rédaction

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Benoît Stenne et Jean-Bernard de Larquier.

Face à la légendaire difficulté de la viticulture à aborder le sujet du prix avec ses acheteurs, le syndicat a eu une idée : proposer aux viticulteurs d’envoyer une lettre type à leurs négociants, lettre qui ne leur sera pas remise mais qui témoignera de l’intérêt porté par le secteur de la production aux prix. Depuis, le facteur se demande pourquoi il arrive tant de courrier au 25 rue de Cagouillet.

« Messieurs les responsables viticoles, vous venez nous parler prix mais nos fournisseurs ne nous en parlent jamais ! » C’est un peu pour lutter contre cette réponse en forme d’esquive que le Syndicat général des vignerons a lancé son action prix par voie postale. Le facteur prix au sens littéral du terme. L’idée ? Apporter la preuve matérielle que les prix intéressent au plus haut point la viticulture tout en n’exposant pas les opérateurs. Lancée à la mi-mai, la démarche a reçu un bon accueil du terrain. Quinze jours plus tard, le syndicat avait déjà reçu environ 1 600 lettres soit, à raison d’environ deux destinataires négociants par envoi, entre 800 et 1 000 viticulteurs à avoir répondu à l’appel. Et l’action se poursuivait. Dans quelques semaines, quand Jean-Bernard de Larquier, président du SGV et ses collègues rencontreront les négociants au sujet des prix, ils pourront se prévaloir du soutien de la viticulture, preuves à l’appui. « La pire des choses pour un syndicat consisterait à relayer une demande qui n’est pas celle de ses mandants. Cet outil nous permet de vérifier qu’une attente très forte existe en matière de prix. » J.-B. de Larquier rappelle d’ailleurs que ce fut un peu le pacte de naissance du SGV Cognac. « Le syndicat se créait pour défendre de manière unitaire le revenu de tous les viticulteurs. »

Au départ pourtant, il s’attelle à une cure d’amaigrissement de la production, pour qu’une revalorisation des prix ait un jour des chances d’exister. C’est l’épisode des sept campagnes rivées à 6 de pur – « un très gros effort fourni par la viticulture » – suivies d’une remontée progressive des quantités à 7 – 7,6 – 8,3 hl AP/ha. « Plaider la hausse n’a pas toujours été simple pour les représentants syndicaux que nous sommes, indique J.-B. de Larquier, mais il y allait de notre sens des responsabilités. Si nous devions nous battre très fort pour la valorisation de notre produit, il nous fallait en même temps alimenter le marché. Car nous savons qu’un revenu passe à la fois par les quantités et les prix. »

Pour autant, pas question de baisser la garde sur les prix. Et les arguments ne manquent pas. Jean-Bernard de Larquier les décline les uns après les autres. « Bien sûr que la viticulture vit mieux grâce à la progression des achats du négoce. Mais le compte n’y est pas. Alors que la viticulture a vendu 8 % de volume en plus, son chiffre d’affaires n’a progressé que de 4 %. C’est bien le signe d’un déphasage. Dans le même temps, le chiffre d’affaires du commerce a augmenté de 9 %. Ce décalage devient insupportable. » Une autre conviction anime le syndicaliste : « En ce moment la progression des ventes de Cognac est bonne et tant mieux mais elle ne sera pas éternelle. A oublier les prix pour ne considérer que les volumes, nous pourrions encourir les reproches de nos successeurs. Surtout que les exploitations ne disposent plus de la souplesse d’adaptation d’antan. A 10 ha, on peut faire le dos rond, à 25 ou 40 c’est plus difficile. »

revalorisation des prix

Côté viticulture, à quel niveau souhaitable fixe-t-on la revalorisation des prix ? Au-dessus de l’inflation c’est sûr et entre une et deux fois l’inflation « pour compenser la perte annuelle de pouvoir d’achat et commencer à rattraper une partie du retard accumulé ». « En diminuant ses coûts de production, la viticulture a fait son travail, souligne J.-B. de Larquier. Elle a aidé le négoce à libérer des capitaux qui ont servi à développer le commerce. Au négoce de jouer le jeu à son tour, en se donnant les moyens d’avoir une viticulture de haute qualité à ses côtés. » Les augmentations initiées cette campagne n’y ont-elles pas suffi ? A l’évidence non. « Une partie du négoce n’a pas augmenté ses prix, une autre les a augmentés mais moins que l’inflation et quand l’augmentation dépassait l’inflation, elle ne concernait qu’un seul cru. D’où une moyenne qui se situe très loin de là où on l’attendait. » « Ceci étant, le syndicaliste ne demande pas que “les arbres grimpent au ciel“. « Face à l’augmentation des prix, nous défendons une attitude volontairement responsable et raisonnable. Car nous savons trop bien que les ventes chutent en cas de trop fortes hausses. Nous travaillons pour un revenu durable et non pour un coup spéculatif, nécessairement éphémère. Nous-mêmes sommes issus d’une génération qui a connu trois bonnes années et le reste du temps, une période de vaches maigres. »

Mais revenu durable ne rime pas nécessairement avec prix bas. Le président du SGV met en garde le négoce contre une politique trop restrictive à cet égard. « Pourquoi nos enfants ne souhaitent pas rester sur les exploitations ? Non qu’ils ne soient pas attachés au foncier. Ils nous demandent de ne pas nous en séparer. Mais ils ne restent pas pour une question de revenu. Voilà le fond du problème. Quand la viticulture ne sera plus là pour exploiter les vignes et qu’il faudra rémunérer des investisseurs pour le faire, il en coûtera beaucoup plus cher au négoce. Je crois qu’il commence à en prendre conscience. »

un écart avec les prévisions

Au 31 mars, la campagne de distillation s’est terminée sur le chiffre de 590 000 hl AP, soit un écart de 45 000 hl AP par rapport aux prévisions. Dans la problématique de la fixation de la prochaine QNV, quel écho ce chiffre peut-il avoir ? «Cette sur-distillation de 45 000 hl AP ne nous ferait pas peur si les prix avaient suivi durant la dernière campagne. Si par exemple, tout le monde avait augmenté ses prix de 2,6 %. Mais tel ne fut pas le cas. Dans un pareil contexte, que pourrait-il se passer si la QNV était fixée à un niveau élevé ? Le viticulteur, par manque de trésorerie, pourrait être tenté de mettre sur le marché des quantités qui ont vocation à répondre aux besoins dans 8-10 ou 15 ans. » Concernant le chiffre de QNV souhaitable, J.-B. de Larquier s’est refusé à répondre directement à la question. Par contre il a indiqué qu’il n’était pas dans les intentions du syndicat « ni de freiner ni d’accélérer la progression de la QNV mais de produire de ce dont le marché a besoin. Le rôle de la viticulture n’est pas d’assécher le marché mais d’y répondre dans une limite raisonnable, avec une prise de risque concertée des deux familles ».

Une chose est sûre ! Le syndicat n’a pas pour projet de remettre en cause le mode de détermination du niveau de QNV. « L’améliorer oui mais pas le changer en profondeur car c’est un outil qui sera à notre service demain. Si nous en avions disposé aux débuts des années 90, nous n’aurions peut-être pas été conduits à distiller 800 000 hl AP deux années de suite. »

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