SEFCO, la gardienne du temple

24 octobre 2012

p41.jpgLa Sefco est de ces sociétés qui accomplissent des prodiges avec presque rien, si ce n’est beaucoup de passion et d’investissement personnel. Jacqueline Fortin décrit très – trop – succinctement le rôle de la
Sefco : « Notre but est de collecter et de présenter les “us et coutumes” d’autrefois et de conserver le patois. C’est pourquoi nous réalisons des glossaires, des lexiques. »

Chaque année, au mois de mars, la
Sefco organise un festival de théâtre. Se retrouvent à Saint-Jean-d’Angély – siège de la Sefco – les principales troupes de Charente, Charente-Maritime et Deux-Sèvres. Un temps fort pour les « théâtreux patoisants », un peu leur festival de Cannes ou leur Mostra de Venise.

En plus des colloques – le prochain en 2013 sur le thème de l’apprentissage et de la transmission – la Sefco organise des « matinées ». Matinées qui se révèlent être en fait des après-midi où l’œuvre d’un auteur patoisant est revisitée. La dernière en date s’est déroulée à Gondeville, près de Jarnac, le 15 septembre. La « matinée » a rendu hommage à l’œuvre d’Odette Comandon.

Parmi ses nombreuses contributions, la Sefco publie Le Subiet, journal en patois saintongeais. Elle anime aussi la Maison de Jeannette. C’est un peu le violon d’Ingres de Jacqueline et Pierre Fortin. Après avoir racheté cette petite maison, ils l’ont restaurée patiemment, avec l’aide d’artisans et de Maisons paysannes de France (association dont Jacqueline Fortin est présidente pour la Charente-Maritime). « Maison-école », la Maison de Jeannette (du nom de son ancienne propriétaire) promeut l’habitat traditionnel saintongeais. Elle abrite le siège de la Sefco.

www.sefco-subiet.eu

Poitevin saintongeais – Une langue qui laisse sans voix
Au milieu des années 2000, l’irruption d’une « novlangue », le « poitevin-saintongeais », a provoqué une levée de fourches au sein de la communauté saintongeaise. Les patoisants ont fait ce qu’il fallait pour bouter hors de leur territoire cette « mauvaise langue ». Mais ils ont senti le souffle du boulet. Ils ne sont pas prêts d’oublier.
« Un jour, j’ai dit qu’ils avaient inventé une langue morte. On m’a répondu que non, ils avaient inventé une « non-langue ». Car une langue morte, par définition, a déjà existé. » René Ribéreau (les Durathieurs de J’honzat) garde une dent – et plus que ça – contre le poitevin-saintongeais. Il n’est pas le seul. Même réaction chez Maryse Guédeau, du magazine Xaintonge et chez beaucoup d’autres, amateurs de la « boune langue » de Burgaud des Marets, Goulebenèze…
La « saga » du poitevin-saintongeais démarre au début des années 2000 quand des universitaires de la faculté de Poitiers, linguistes de leur état, cherchent à poser les bases d’une langue picto-charentaise qui, en fait, recouvrirait les frontières administratives de la région Poitou-Charentes (les quatre départements de Charente, Charente-Maritime, Vienne, Deux-Sèvres) plus la Vendée. Quelles motivations les animent ? S’agit-il de s’attirer les bonnes grâces de la Région et, accessoirement, de décrocher les subsides financiers de cette même Région et de l’Europe ? Ou, plus noblement, est-ce le feu sacré de l’étude ? Quoi qu’il en soit, ils s’attellent à la tâche, en tentant de justifier leur démarche par des traces anciennes du poitevin-saintongeais. Au début, les saintongeais ne s’alarment pas trop. Après tout, si l’exercice tient à une sorte de lecture comparée des dialectes régionaux, pourquoi pas ! «Mais ils ont dû être débordés par leur succès et sont tombés sous la coupe de militants occitans » décrypte un proche du dossier (du clan des Saintongeais « de souche »). Il faut dire que Liliane Jagueneau, maître de conférence à Poitiers, caution universitaire du mouvement, enseigne le poitevin-charentais et l’occitan (elle est aujourd’hui à la retraite). Eric Novak, actif prédicateur de la nouvelle langue, fut l’un de ses élèves. Michel Gauthier, autre pilier, est un hispanisant. Quant à Michel Valière, un temps ethnologue à la Région et à la Drac Poitou-Charentes, il défend à la fois la culture populaire poitevine et occitane (Limousin…). Vu d’Aunis et de Saintonge, on soupçonne ces activistes de la langue de vouloir « redécouper la France » à grands coups de sabre. Se situant sur une marche, le Saintongeais en ferait les frais. D’ailleurs, en poitevin-saintongeais, la Saintonge ne s’écrit plus Saintonghe mais Sàntunghàés. « Non fout point ! » s’insurgent les Charentais, piqués au vif que l’on trahisse ainsi leur langue.
La « contre-réforme » s’organise. Ce sera une guerre ouverte, émaillée « d’épisodes sanglants », comme le relatent, des années plus tard, les protagonistes de l’époque. C’est dire ! La fièvre finira pourtant par retomber. En 2007, la langue saintongeaise est reconnue langue de France.
Cependant, la menace est-elle totalement écartée ? Pas si sûr. Glossaires et autres dictionnaires de poitevin-saintongeais continuent de coloniser les rayons des librairies. Il suffit, pour s’en assurer, de taper « saintongeais » sur internet. Arrive très vite le terme poitevin-saintongeais, comme un synonyme, un substitut du saintongeais. Le trouble s’installe. Et ce n’est pas Geste éditions qui le dissipera. Cette société d’édition, bâtie dans les années 70 par les amis du poitevin-saintongeais, a pignon sur rue. Son projet ? Diffuser la culture « entre Loire et Gironde ».
Pourtant, un épisode va réveiller les consciences, fouetter la vigilance, un peu alanguie. En 2010, à la mort du barde santongeais le Grand Simounet’, Sud-Ouest titre « A çties Fàetes » (au revoir). Interloqué, le Charentais « de base » s’interroge : « Qu’étou qu’o lé ? » Quant aux patoisants, ils en avalent leurs ronds de chapeau. Le journaliste, consciencieux, a tout simplement été puisé à la source d’un dictionnaire poitevin-saintongeais. « Il aurait été mieux inspiré de dire à la revoyure » souffle un patoisant, sincèrement désolé du mauvais sort fait à son ami défunt. Entre colère et rire, une patoisante raille les cocasseries décalées du dictionnaire poitevin-saintongeais : « Imaginez qu’ils vont jusqu’à traduire hétérosexuel. Nous, on disait “aller à son espèce” ! » Affaire de langue, c’est aussi affaire de culture.

 

 

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