Same-Deutz-Faht achète la société Grégoire

27 septembre 2011

La société Grégoire tourne une nouvelle page de son histoire en devenant une filiale du groupe Same Deutz Fahr. L’événement annoncé tout début juillet a surpris car aucune rumeur de cession de l’entreprise charentaise n’avait filtré. L’activité en pleine croissance au cours des deux dernières années a incité les partenaires financiers norvégiens à profiter de « l’aubaine ». Le groupe italien a fait de Grégoire une filiale indépendante à laquelle il souhaite donner une pleine autonomie de fonctionnement. Patrick Verheecke, l’équipe de direction et l’ensemble du personnel de Châteaubernard ont été confortés dans leurs fonctions.

 

 

Dans l’univers du vignoble charentais, la réussite de la société Grégoire a marqué l’esprit de beaucoup de viticulteurs. Cette entreprise, née au milieu des vignes à Saint-Martial-sur-le-Né, est devenue en quatre décennies le leader mondial de la mécanisation des vendanges. Les MAV Grégoire vendangent des vignes dans le monde entier et l’usine de Châteaubernard cultive un savoir-faire indéniable dans ce domaine. La réussite de Grégoire est une belle histoire qui est le fruit de l’implication des fondateurs et par la suite de tout le personnel dans les métiers de la vigne. Un acheteur de MAV nous confiait récemment ce qu’il estimait être important chez le constructeur charentais : « Les techniciens, les commerciaux, les responsables de Grégoire ont depuis toujours une grande connaissance des métiers de la vigne qui facilite le dialogue. Cela leur permet de comprendre les préoccupations concrètes des vignerons et d’adapter plus rapidement le matériel à nos attentes ». La cession de la société Grégoire au groupe Same Deutz Fahr a surpris beaucoup d’observateurs car le constructeur de MAV « jaunes » traverse une bonne période. L’activité est en pleine croissance suite au renouvellement de la gamme de vendangeuses. Les professionnels du machinisme agricole s’attendaient à une évolution de la structure de capitaux du groupe Grégoire qui jusqu’à présent était détenu par des investisseurs financiers.

Trouver un partenaire qui connaisse les métiers de la vigne

Le groupe Same Deutz Fahr est un constructeur important très connu pour ses fabrications de tracteurs agricoles Same, Lamborghini et Deutz ; les matériels de fenaison Deutz Fahr ; les moissonneuses-batteuses Deutz Fahr et les téléscopiques Deutz Fahr. Par ailleurs, Deutz est un fabricant de moteurs important destinés aux usages agricoles et industriels. La transaction porte sur la cession totale du capital de la société Grégoire SAS qui devient une filiale indépendante du groupe Same Deutz Fahr. L’entreprise italienne est détenue par la famille Carroza et le président du groupe, Lodovico Bussolati, est venu fin juin à Cognac rencontrer les responsables de l’entreprise et des représentants du personnel. L’intérêt pour la mécanisation des vendanges de Same Deutz Fahr n’est pas nouveau puisqu’un accord commercial avait été passé il y a deux ans avec le constructeur allemand Ero pour diffuser les MAV aux couleurs vertes en France. L’acquisition de Grégoire s’inscrit dans une stratégie de croissance externe portant sur une extension de gamme d’équipements spécifiques au marché vigne (MAV, pulvérisateurs, rogneuses, prétailleuses, effeuilleuses…). Les informations communiquées par les dirigeants de la société italienne confortent le projet d’entreprise de la société Grégoire mis en place depuis 2007. Les choix de recherche et de développement technologique, l’ensemble du personnel et des fabrications, le management et la distribution commerciale restent sous la pleine tutelle de la filiale charentaise. Patrick Verheecke, le président directeur général, et tout l’encadrement sont confortés dans leurs fonctions et pour l’instant aucune évolution dans le réseau de distribution n’est souhaitée et envisagée. L’annonce du rachat de Grégoire a surpris les concessionnaires qui avouent ne pas avoir perçu le moindre signe avant-coureur d’une cession de l’entreprise. P. Verheecke a été l’artisan de cette négociation discrète engagée depuis pratiquement un an et ses propos attestent de la volonté de pérenniser le projet industriel actuel : « L’indépendance qu’a retrouvée la société Grégoire depuis 2007 s’est avérée essentielle vis-à-vis du redressement de l’activité. Le marché des équipements vigne est un marché de niche qui nécessite une grande capacité d’adaptation technologique et commerciale. Le projet d’entreprise actuel est porteur d’espoirs et les actionnaires norvégiens et l’équipe de direction souhaitaient trouver un repreneur qui connaisse les spécificités du marché vigne. L’approche cohérente qu’a eue le groupe Same Deutz Fahr à ce niveau a été déterminante dans la négociation finale. La volonté de laisser sa pleine autonomie de fonctionnement à la société Grégoire nous paraît être un élément majeur de réussite pour le développement à moyen terme. La rencontre du président du groupe SDF, Lodovico Bussolati, avec les représentants du personnel fin juin s’est déroulée dans un climat constructif. Les 170 emplois et toutes les activités de fabrication de l’usine de Châteaubernard ont été confortés. Grégoire est une marque qui a une très belle image. L’entreprise s’est construite à partir de racines viticoles fortes en Charentes et notre souhait est de continuer à cultiver cette culture concrète des métiers de la vigne. »

Une société née au milieu des vignes à Saint-Martial-sur-le-Né

La première phase de développement de la société Grégoire est liée à l’expansion du vignoble charentais au début des années 70 qui avait engendré des besoins de mécanisation importants. La nouvelle usine de Châteaubernard a été opérationnelle en 1971 et l’activité de fabrication a pu être abordée de manière beaucoup plus rationnelle. Un certain nombre de petites sociétés locales, Daumé-Kirogn, Sthik, Charrier, Brunet, Guilbeau, Grollier, Dagnaud, Chalvignac, Prulho… ont également développé des fabrications à cette époque. Edmond et James Grégoire ont eu comme qualité première d’être à l’écoute des attentes des viticulteurs de base pour concevoir des matériels fonctionnels et fiables, des décavaillonneurs, des charrues, des rogneuses, des palisseuses, des bennes… et cela est devenu le ciment d’une culture d’entreprise. Au début des années 80, personne n’aurait imaginé l’évolution spectaculaire de cette société familiale prospère qui souhaitait rester discrète. En devenant concessionnaire des MAV Vectur à la fin des années 70, l’entreprise a franchi un palier technologique et la mécanisation des vendanges est progressivement un centre d’intérêt prioritaire. Comme le constructeur bordelais ne croyait pas dans l’avenir des vendangeuses tractées, J. Grégoire a décidé de fabriquer ses propres machines pour répondre aux attentes du marché charentais. Les deux premiers modèles PM et GM sortis en 1980 avaient déjà une marque de fabrique maison avec la benne centrale à tiroir qui depuis est devenue une véritable spécificité.

1990, « le grand plongeon » dans la mécanisation des vendanges

L’aventure Grégoire dans les machines à vendanger ne faisait que commencer. Une petite demande de tractées s’est ensuite créée dans le Val de Loire et dans le Bordelais, et le constructeur-concessionnaire a commencé à faire parler de lui avec les modèles PMM et GMM. A la fin des années 80, la défaillance de Vectur a incité J. Grégoire à fabriquer ses automotrices. La société était prête pour se lancer dans la cour des grands constructeurs de MAV et la commercialisation des G90, G110, G130… s’est effectuée en France en s’appuyant en partie sur l’ancien réseau de concessionnaires Vectur. Le succès commercial n’a pas tardé et Grégoire, entre 1995 et 2000, est devenu un acteur majeur de la MAV, n° 1 en France. En 2000, J. Grégoire a décidé de mettre en vente la société et déjà le groupe Same avait fait partie des repreneurs potentiels. La transaction n’avait pas abouti et le groupe norvégien Kverneland, connu pour ses fabrications d’outils de travail du sol et de semis en agriculture, a pris le contrôle de Grégoire. Le nouveau management mis en place par ce groupe de dimension mondiale a souhaité intégrer l’activité Grégoire dans l’univers standardisé des fabrications agricoles et il y a eu choc des cultures. Le savoir-faire global pour développer des projets technologiques et commerciaux de charrues, de semoirs, de pulvérisateurs céréaliers… destinés à des cultures homogènes sur tous les continents ne peut pas s’adapter à celui d’une démarche d’équipements en vigne qui nécessite d’intégrer la spécificité de chaque vignoble. Bref, le mariage Kverneland-Grégoire ne se passait pas bien et le développement de la société cognaçaise en pâtissait. Des ventes en baissent, une gamme d’équipements vieillissante et des résultats financiers préoccupants. 

Retour à l’indépendance en 2007

En 2007, la société Grégoire a retrouvé sa pleine indépendance en créant une holding financière norvégienne introduite à la bourse. Des investisseurs financiers norvégiens ont pris le contrôle de la société Grégoire SAS et l’arrivée d’un nouveau staff de direction à Cognac, animé par Patrick Verheecke, a été le déclencheur de la dynamique de reconstruction. Le nouveau responsable a tout de suite construit un projet de développement à moyen terme fondé sur la culture historique de la marque : « sens de l’écoute des clients, réactivité et fabrication de matériels fiables et performants ». En une petite campagne, le personnel a retrouvé sa pleine implication et les liens de confiance des clients ont été resserrés. Dès 2008, Grégoire a renoué avec des bénéfices généreux et P. Verheecke a convaincu les actionnaires que l’avenir de la marque reposait sur un projet de développement technologique ambitieux. Entre 2008 et 2011, le budget recherche et développement a été de 2 millions d’euros/an. Cela s’est concrétisé par le renouvellement complet de la gamme de vendangeuses en 2009 et 2010. Grégoire est redevenu en deux campagnes un acteur « fringant » du marché de la MAV et la clientèle historique a retrouvé « le panache des machines jaunes ». En 2010 le chiffre d’affaires a atteint 40 millions d’€ et l’ambiance était au beau fixe pour aborder une campagne 2011 qui s’annonce prometteuse. 

Un redressement spectaculaire de l’activité lié à l’autonomie de fonctionnement

p30.jpgP. Verheecke dresse un bilan lucide du redressement de l’activité : « Dès mon arrivée, j’ai tout de suite compris que l’avenir de la marque reposait sur le capital de connaissances des hommes du sérail de l’entreprise. Il y avait un savoir-faire des métiers de la vigne qu’il fallait valoriser. Trois mois après mon arrivée, on avait invité tous nos clients charentais à visiter l’usine et là j’ai pris toute la mesure de l’enracinement viticole de Grégoire à Cognac. On attendait au maximum 150 personnes et, au final, plus de 500 viticulteurs sont venus nous rencontrer. Les viticulteurs de la région avaient besoin de renouer un dialogue avec la société et pour nous cette rencontre a été fondatrice. Cela a aidé tout le monde à se remobiliser et ça a marché. En 2008, l’activité a rebondi et en 2009, malgré la crise financière, on a réussi à équilibrer nos comptes. La forte progression du chiffre d’affaires en 2010 (+ 29 % et 40 M€) et une meilleure visibilité du marché représentent la concrétisation des efforts de développement que nous avons engagés. En 2010, la société a racheté l’ensemble du site industriel de Châteaubernard (bâtiment et foncier). Depuis pratiquement un an, les actionnaires avaient manifesté le souhait de valoriser leurs investissements. La recherche de nouveaux partenaires financiers a été engagée avec une grande discrétion et la volonté de ne pas déstabiliser le fonctionnement de l’entreprise. Plusieurs propositions de reprise ont été étudiées mais la priorité a été de trouver un partenaire qui propose un projet solide dans le moyen terme pour Grégoire. » 

Une nouvelle aire commence avec Same Deutz Fahr

La société Grégoire a retrouvé son dynamisme en quelques années grâce à une véritable reprise en main de son destin. La recapitalisation du management général au niveau de l’usine de Châteaubernard s’avère essentielle pour aborder un marché viticole fait d’une multitude de niches commerciales liées aux réalités de chaque région viticole en France et dans le monde. Grégoire est devenu le spécialiste des équipements vignes de haute technicité en proposant une gamme de matériels « cousu main ». Cela a fait sa grande réussite au cours de la décennie 90 et lors des trois dernières années. A l’inverse, la période de management trop standardisée du groupe Kverneland n’a pas laissé de bons souvenirs. La récente cession de la société Grégoire au groupe de machinisme Same Deutz Fahr est liée à une volonté des investisseurs financiers norvégiens de profiter de la bonne période de Grégoire. Après des résultats financiers en 2010 généreux et de belles perspectives pour 2011, la conjoncture s’avérait porteuse pour vendre l’entreprise qu’ils avaient remise « à flots » en 2007. Lors des négociations, P. Verheecke a eu la volonté de rechercher des acquéreurs qui prennent en compte les spécificités du marché vigne et la nécessité pour Grégoire d’être géré avec un projet industriel à moyen terme : « La société Grégoire aurait pu continuer sa vie seule si les actionnaires n’avaient pas souhaité réaliser leur investissement. A partir de ce moment-là, nous avons cherché un acquéreur qui comprenne les spécificités de notre métier. Same Deutz Fahr connaît fort bien la vigne car, en Italie, les ventes de tracteurs vignerons et fruitiers Same sont importantes. Un dialogue constructif s’est instauré avec les dirigeants de cette grande société. Les discussions avec un actionnaire professionnel déjà très concerné par le marché vigne sont beaucoup plus faciles. Sur le plan commercial, l’objectif est de poursuivre nos relations avec tous les partenaires distributeurs qui sont efficients sur leur zone d’activité. A l’export, des synergies de développement sur le plan commercial sont envisageables. L’apport du groupe SDF sera important au niveau des achats de fournitures et composants que nous pourrons aborder d’une tout autre manière. Pour l’anecdote, il y a longtemps que Grégoire équipe ses MAV de moteurs Deutz. »

 Le point sur les chiffres : Le net redressement de la société Grégoire
A l’issue de l’exercice 2007, le chiffre d’affaires de la société avait chuté à 30 millions d’€ et l’entreprise avait dû envisager une réduction de ses effectifs. Dès 2008, le redémarrage de l’activité avait été net et de nouveaux projets technologiques ont été développés. La mise au point du nouveau système de tri embarqué Cleantech en septembre 2008 a été le premier événement important du renouveau de Grégoire. Ensuite, en 2009, les premiers nouveaux modèles de vendangeuses G6 et G7 ont été mis au point et commercialisés. Lors de l’exercice 2010, le renouvellement complet de la gamme de MAV a permis à l’entreprise de prendre des parts de marché significatives en France et à l’exportation. Grégoire est redevenu le n° 1 de la machine à vendanger en 2010. A l’issue de cet exercice, le chiffre d’affaires s’est fortement développé pour atteindre 40 millions d’€ et 30 emplois nouveaux ont été créés à l’usine de Châteaubernard.

 

Les stages de conduite Grégoire affichent complet
Les 29 et 30 juin derniers, 170 clients sont venus participer pendant deux jours au stage de conduite organisé par la société Grégoire à l’usine de Châteaubernard. Le constructeur invite chaque année les nouveaux propriétaires de MAV à se familiariser à la conduite et à l’entretien des nouveaux modèles. Les utilisateurs sont pris en charge par une équipe de techniciens qui les aident à prendre en main les MAV et les sensibilisent à l’entretien en cours de vendange et ensuite l’hivernage du matériel. C’est une occasion unique pour les viticulteurs d’avoir un dialogue direct avec les responsables du bureau d’étude et de la fabrication. Jean-Christophe Baron ne cache pas qu’au fil des années, les formations de conduite sont devenues un rendez-vous important à la fois pour les utilisateurs et les techniciens Grégoire. Au volant des machines ou en ouvrant un capot, les échanges sont en général concrets et très enrichissants. Les nouvelles machines sont dotées d’une technologie nouvelle avec laquelle il faut se familiariser. Après deux jours de formation individualisée, les viticulteurs repartent avec une base de connaissances qui leur facilitera considérablement la prise en main des machines dans quelques semaines. Le stage est aussi entrecoupé de moments de convivialité lors des repas pris en commun et des visites de découverte du vignoble de Cognac.

 

 

 

 

 

A lire aussi

L’appel à l’aide de l’US Cognac Rugby

L’appel à l’aide de l’US Cognac Rugby

C'est un constat qui a fait le tour des médias, sportifs ou non: l'US Cognac va très mal. Malgré les efforts de Jean-Charles Vicard pour tenter de redresser la barre, le club se retrouve dans une difficile situation financière.  La direction a de fait décidé d'envoyer...

error: Ce contenu est protégé