Libéralisation Des Droits De Plantation En 2018 : Le Grand Frisson

17 mars 2009

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« Un afflux de plantations casserait le marché. »

La réforme de l’OCM vin entrera en vigueur le 1er août 2008. Ce n’est que dix ans plus tard, en 2018, que le grand principe d’encadrement des plantations devrait tomber. Branle-bas de combat dans toute l’Europe viticole dès aujourd’hui. La nature AOC du vignoble constitue-t-elle une parade au risque majeur de dérégulation ?

 

 

 

 

Le secret espoir de tout un chacun ! Que le temps joue en faveur des partisans de l’encadrement des plantations. Que, dans les trois ou quatre prochaines années, la conjoncture démontre l’incurie d’une politique du « laisser-faire, laisser-aller ». « Sinon, les mesures de régulation des plantations disparaîtront et ce sera la jungle » entend-on dire sur le mode prophétique. « Il faut bien voir que tout le monde pourra planter, sans aucune restriction ! » La Commission a prévu un rapport d’évaluation sur le sujet en 2012-2013. Le Conseil des ministres de l’Agriculture des 27 devra alors dire si, oui ou non, il souhaite une libéralisation des droits de plantation. Si oui, l’affaire sera mal engagée. Mais sera-t-elle totalement ficelée ? La Commission européenne n’a prévu l’abandon effectif des droits de plantation qu’en 2015 voire en 2018 pour les Etats membres qui demanderont un moratoire de trois ans supplémentaires. Et entre-temps, ce que le Conseil des ministres a fait, il peut le défaire. La possibilité d’amender ses propres textes fait partie des prérogatives régaliennes de l’instance politique européenne. Mais en 2018, ce sera « le bout du bout » et il y a fort à parier que la position retenue alors sera ferme et définitive. On n’y reviendra plus.

des aoc comme bouclier ?

Le régime AOC des vignobles prémunit-il contre le risque de libéralisation des droits de plantation ? La réponse du ministère de l’Agriculture tombe, sans ambages : « Il n’y a aucune disposition particulière concernant les vignobles d’AOC. » Ce qui veut dire que l’abandon des droits de plantation s’appliquerait aussi bien aux régions vins de table qu’aux régions vins d’appellation, sans aucune mesure d’exception pour ces dernières. Lors des discussions préalables à la nouvelle OCM, la question s’était posée : fallait-il réfléchir à un régime particulier aux vignobles d’AOC ? Le ministère français de l’Agriculture n’y était pas favorable. Il campait sur la ligne beaucoup plus radicale du maintien obligatoire des droits de plantation partout, dans tous les vignobles. Pour au moins deux raisons : d’abords les marchés ne sont pas étanches entre vin de table et vin d’AOC ; ensuite les zones d’appellation elles-mêmes ne sont pas étanches. Dans une zone d’AOC, peuvent très bien cohabiter vins de table et vins d’appellation. La France défendait la position du « tout ou tout », la Commission celle du « tout et rien » et c’est le « rien » qui l’a emporté, partout.

le rempart de l’aire géographique

Pour revenir au vignoble d’AOC, s’il ne jouit pas de protections spéciales face au projet de suppression des droits de plantation, il conserve cependant les apanages de l’appellation : l’aire géographique et la délimitation parcellaire. La réforme se garde bien de toucher à l’une ou à l’autre. Pour produire du Champagne, un producteur devra toujours planter dans l’aire géographique Champagne et sur les parcelles délimitées, ce qui représente tout de même un rempart au « tout et n’importe quoi ». Mais ce qui est vrai en Champagne où 98 % du vignoble délimité est planté s’avère beaucoup moins dans d’autres vignobles. A Porto par exemple, seulement 20 à 25 % de l’aire délimitée supporte des vignes, ce qui relativise d’autant l’effet zonage. Sur des aires d’appellation partiellement ou très partiellement plantées, la délimitation géographique et/ou parcellaire ne représenterait qu’un frein très limité. L’espoir de ceux en charge du dossier : si libéralisation des droits de plantation il devait y avoir, que l’on n’assiste pas à une explosion des plantations mais que « raisonnablement », ne plantent que les opérateurs qui disposeraient vraiment d’un marché. Ceci dit, est évoquée la probabilité d’une période un peu « frictionnelle » où la progression de marchés des uns se subsisterait aux marchés potentiels des autres, créant une sorte de redistribution des cartes pas toujours confortable pour ceux qui n’auraient pas la main. Quelque part, c’est encore la période de rémission de dix ans avant le grand saut dans l’inconnu qui semble constituer le meilleur atout dans la poche des anti-libéralisation. De manière presque incantatoire, ils se rassurent en disant que « d’ici là, beaucoup de choses peuvent changer ».

le débat à cognac

La région de Cognac est-elle hermétique au débat sur les droits de plantation ? Que nenni. Elle se sent même concernée au plus haut point. Pas une réunion ou presque où cette question ne soit abordée. Des syndicalistes viticoles ont additionné les surfaces cultivables des deux départements charentais, constituant la zone géographique du Cognac. Ils ont abouti au chiffre astronomique de 690 000 ha potentiellement aptes à produire du Cognac. « Ne serait-ce que la plantation de 20 à 30 000 ha de vignes supplémentaires, cela signifierait le retour à la case départ » pronostiquent-ils, en ajoutant, peu rassurant : « Ne nous berçons pas d’illusion. Il se trouvera toujours des gens pour jouer au petit jeu du libéralisme à tous crins. C’est notre fonds de commerce qui passerait à la trappe. Un afflux de plantations casserait le marché. Nos hectares ne vaudraient plus rien et nos stocks pareillement. Nous allons devoir mener une bataille rangée pour sauver notre activité et nous avons l’obligation de nous montrer efficaces. Sinon, nous courrons à la catastrophe. L’année 2013, c’est demain ! » Pour ces syndicalistes, la seule alternative consiste à ce que le vignoble devienne vignoble d’AOC. Mais en disant cela, ont-ils vraiment intégré tous les paramètres de la question ? Car, comme on la vu, face aux droits de replantation, le régime d’appellation ne vaut rien en lui-même mais seulement par les deux instruments que sont la zone géographique et la délimitation parcellaire. Cognac possède bien une aire géographique délimitée. Il n’est pas possible de produire du Cognac au-delà de la frontière des deux départements charentais et de quelques appendices. Par contre, la délimitation parcellaire ne s’applique pas au vignoble cognaçais. Or, outre le fait que la délimitation parcellaire peut être considérée comme consubstantielle de la qualité de vignoble AOC, il s’agit aussi de l’outil le plus efficace pour s’interposer aux plantations anarchiques. Dans ces conditions, la région de Cognac devrait-elle s’engager dans une procédure de délimitation parcellaire ? La délimitation parcellaire pourrait-elle par exemple se calquer sur les plantations existantes ? L’interrogation sur la délimitation parcellaire n’est pas nouvelle en Charentes et à chaque fois les protagonistes d’une « solution INAO » s’y sont cassés les dents. Si la question était posée aujourd’hui ou demain, quelle serait la réponse ? Les paris sont ouverts.

une « igp allégée »

A côté de la stricte orthodoxie « inaoesque » est évoquée aussi la piste d’une « IGP allégée ». Que faut-il entendre par ce terme ? Rejoindrait-elle la grille de lecture de ceux qui pensent que le vignoble de Cognac est déjà, de fait, un vignoble AOP/IGP. « Si le vignoble de Cognac est aujourd’hui catalogué dans la catégorie des vignobles vins de table, il est vignoble AOP/IGP de par son cahier des charges qui impose cépages, densité, écartement. Le régime vin de table du vignoble charentais, c’est du baratin ! » s’exclament-ils. « Nous sommes d’ores et déjà vignoble d’appellation. » Quant à la délimitation parcellaire, « rempart à l’abandon des droits de plantation », ils estiment que ce point mérite d’être amplement relativisé. « Cela ne marche que lorsque qu’il y a quasi adéquation entre surfaces plantées et délimitation parcellaire, comme en Champagne. Ailleurs, inutile de s’imposer des contraintes artificielles quand seules les contraintes objectives font avancer. Il vaut mieux compter sur le bon sens paysan. Les gens ne plantent pas quand le marché n’y est pas. » En bons Charentais, ils pensent que l’essentiel est de conserver de la souplesse. « Avec le négoce que nous avons, la pire des choses serait de s’enfermer dans un contingentement de surfaces trop étroit. Notre négoce est tout entier tendu vers la production de vieilles eaux-de-vie. A la moindre crainte d’approvisionnement des qualités vieilles, il appuie sur le frein des qualités jeunes. C’est pour cela qu’il faut restreindre sans restreindre définitivement. Le négoce doit toujours penser qu’il “en a sous le pied” pour accélérer quand il le faut. »

Dans ce nouveau contexte, quel rôle pourrait jouer l’affectation parcellaire ? Constituerait-elle la martingale gagnante, celle qui encadre sans bloquer ? Peut-être, à condition de trouver les moyens juridiques de l’appliquer efficacement. Et là, ce n’est pas gagné. Un casse-tête dont le ministère de l’Agriculture n’arrive pas vraiment à s’extraire (voir encadré ci-contre).

 Affectation parcellaireLa quadrature du cercle

A priori, la nouvelle OCM introduit des changements difficilement compatibles avec la mécanique de l’affectation parcellaire. Les juristes du ministère de l’Agriculture planchent depuis presque deux ans à la résolution du problème, semble-t-il en vain jusqu’à présent. A deux mois du top départ de la nouvelle OCM, réussiront-ils à trouver une réponse adaptée ?

L’affectation parcellaire ne serait-elle pas soluble dans la nouvelle OCM ? On pourrait le croire tant la solution tarde à venir. Pour comprendre « là où le bât blesse », voyons comment fonctionnait l’affectation parcellaire jusqu’à aujourd’hui. Dans une région comme le Minervois par exemple, zone « mixte » produisant à la fois des vins AOC et des vins de table, un producteur affecte un ha à l’appellation Minervois. De deux choses l’une : ou il respecte son choix et produit au rendement de l’appellation ; ou il ne respecte pas sa revendication et se replie en vin de table. C’est possible mais il le fera au rendement de la dite appellation, nécessairement plus faible que celui du vin de table. C’est une manière de sanctionner le revirement du viticulteur et donc, quelque part, de l’encourager à confirmer ses choix initiaux. Toute la philosophie de l’affectation parcellaire est là : initier au préalable les débouchés commerciaux d’une récolte plutôt que de les subir a posteriori. Que va-t-il se passer avec la prochaine OCM vitivinicole ? Elle introduit une nouvelle donne qui chamboule tout le paysage : la liberté pleine et entière accordée aux vins de table, sans possibilité d’exercer un contrôle. Dans ces conditions, comment imposer un quelconque rendement au repli vin de table ? Mais sans « sanction économique », l’affectation parcellaire perd toute son efficacité. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner ce qui adviendra. Les viticulteurs affecteront massivement à la destination la plus « rentable », quitte à se replier in extremis sur le débouché inférieur, vin de table en l’occurrence, sans aucune espèce de limite de rendement et donc de pénalité. Pour l’instant, les juristes n’ont pas trouvé la parade. Vont-ils l’extraire de leur chapeau à la dernière minute ? Beaucoup l’espèrent, sans trop y croire. Pourtant, la non-résolution de l’affectation parcellaire pose de gros problèmes. Réflexion d’un professionnel charentais : « Si les viticulteurs veulent mettre 100 % de leur production au Cognac au rendement maximum, comment faire pour les en empêcher ? » Bien sûr, escomptant cet effet « mouton de Panurge », il serait toujours loisible de baisser le rendement de l’appellation, sans oublier tout de même que, dans le cadre de l’affectation parcellaire, « il n’y a rien au-dessus des ha Cognac ». Si l’impasse attachée à l’affectation parcellaire n’était pas levée, à l’évidence elle redonnerait du lustre à ceux qui ont toujours préféré « l’affection verticale à l’affectation horizontale ». Par affection verticale, il faut entendre par exemple 70 % des volumes d’un ha destinés au Cognac et 30 % à autre chose. Mais comment établir le plafond entre les deux destinations, en l’absence de QNV article 28 ?

La région de Cognac n’est pas la seule à être touchée par le difficile dialogue vin d’appellation/vin de table. En fait, toutes les régions d’appellation subissent l’effet boomerang de la nouvelle OCM. Pour éviter le phénomène des vignes éponges, a été instauré de longue date dans les zones d’appellation un rendement « vignes autres », plus faible que le rendement vin de table. Manifestement, cette contrainte s’avère incompatible avec la libéralisation totale du rendement vins de table dans la nouvelle OCM. La seule parade qu’a trouvée l’INAO à ce jour consiste à dire que les « vignes autres devront produire au moins 110 % du rendement des vignes d’appellation ». Faute de pouvoir limiter le rendement des « vignes autres », on se borne à empêcher que les vins de table viennent « polluer » les appellations en cas de petite récolte. Un changement de pied qui donne plutôt l’impression d’une capitulation en rase campagne.

VIF/IREO de Richemont

Journée technique « Réduction des produits phytosanitaires », le 29-05-08

viflogo_opt.jpegRéduire l’utilisation des produits phytosanitaires, se protéger, tout en restant efficace… C’est le thème que les VIF (Vignerons indépendants des Charentes) et l’IREO de Richemont ont choisi de développer ensemble le 29 mai prochain. Après une matinée en salle à l’IREO, l’après-midi sera davantage consacrée à une approche terrain. Interviendront en première partie de journée les techniciens viticoles des deux Chambres d’agriculture, du SRPV, de l’ITV, de la Station viticole du BNIC ainsi que le technicien prévention de la MSA Charente. Seront abordées une série de questions comme les nouvelles stratégies de traitements proposées, leurs mises en œuvre, la compréhension des problèmes de santé rencontrés pour mieux les éviter, la connaisance de la plante et de ses stades phénologiques, les réglages du pulvérisateur ou encore la possibilité de valoriser économiquement la démarche de réduction des produits phytosanitaires auprès des clients. La réunion en salle sera placée sous le signe de l’interactivité, avec alternance de questions et de réponses. Les ateliers pratiques se dérouleront sur l’exploitation de François Giboin, à Cherves-Richemont.

La manifestation débutera à 9 heures le jeudi 29 mai pour se conclure à 17 h 30. Coût de la journée : 25 €, déjeuner compris (à l’IREO).

Contacts : Vignerons Indépendants de France (Christophe Chevré) : 01 53 02 47 91 ; IREO de Richemont : 05 45 83 16 49.

 

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