La Dernière Ligne Droite

20 mars 2009

Cahiers des charges, plans de contrôle, révision du Code rural, décrets d’homologation… La réforme de l’agrément, via l’INAO, a ouvert un chantier titanesque, en passe de se refermer. Etat des lieux à Cognac.

 

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Laurence Guillard, chef du centre régional INAO de Cognac.

Révision du Code rural – C’est fait ! Le Code rural a bien été révisé le 25 septembre dernier, pour servir de base réglementaire aux modifications introduites par la réforme de l’INAO. La réforme vise plus particulièrement la procédure d’agrément des produits d’appellation. Elle se traduit par la mise en place d’outils nouveaux : ODG, cahier des charges, plan de contrôle… Un vide juridique existait depuis le 1er juillet 2008, à vrai dire sans conséquence visible. Dorénavant, ce vide juridique est comblé. Le Code rural est bien synchro avec la réforme. Consultée en mai dernier sur le projet de révision du Code rural, la région délimitée Cognac en a profité pour glisser quelques propositions complémentaires directement inspirées du Schéma d’avenir viticole : conditions de repli des vignes sous régime d’affectation, gestion des excédents eaux-de-vie… La nouvelle mouture du Code rural a retenu en l’état ces propositions. Elles figurent au chapitre eaux-de-vie. Cependant, entre le principe posé et l’application réelle, il y a encore un pas que Laurence Guillard, chef du centre régional INAO, se garde bien de minimiser. « Considérer par exemple l’application du rendement initial comme la seule traduction du changement de destination paraît un peu court. C’est ignorer les flux, les volumes déjà livrés aux opérateurs. Il faudra bien prévoir des réponses graduelles dans le plan de contrôle. » Ainsi, du travail reste à faire pour rendre les textes pleinement opérationnels.

La réforme de l’agrément s’applique normalement depuis le 1er juillet 2008. A partir de cette date, pour pouvoir revendiquer une appellation, trois conditions sont requises : que les opérateurs soient regroupés au sein d’un ODG ; qu’un cahier des charges reprenne les conditions de production, les obligations déclaratives et les principaux points de contrôle et, qu’enfin, un plan de contrôle existe, cette dernière obligation découlant de la précédente.

ODG – Qu’en est-il pour le Cognac ? L’ODG (l’organisme de défense et de gestion) – l’ADG à Cognac – a été créé. Paritaire, l’ADG Cognac est « adossée » à l’interprofession, tout en conservant son indépendance juridique.

Cahier des charges – Le cahier des charges Cognac a été officiellement transmis à l’INAO. Le 10 juillet, il a reçu un avis favorable de la commission permanente de l’INAO, sur toute la partie concernant les conditions de production, l’aire géographique. Fin septembre, restait à mettre la dernière main à la partie établissant le lien à l’origine. Dans l’optique « cahier des charges », cette partie est extrêmement importante. Elle constitue en quelque sorte le certificat de moralité de l’appellation. « Il ne s’agit pas d’un simple dépliant touristique ni d’un catalogue technique sur la distillation à double repasse » commente L. Guillard. « Cet argumentaire forge l’identité de l’appellation. » Les professionnels charentais, en concertation avec le chef de centre INAO, ont apporté beaucoup de soin et de sérieux à rédiger ce préambule. Et ce d’autant plus qu’ils souhaitent déposer sans tarder une demande d’enregistrement de leur appellation devant la Commission européenne.

Fiche technique pour la protection des appellations – Car, dans le cadre du Règlement 110/2008 sur les boissons spiritueuses, il est prévu que les indications géographiques reconnues comme telles déposent leurs fiches techniques (équivalentes aux cahiers des charges) sous sept ans. Ces fiches techniques ont vocation à servir de base à toute demande de protection ex nihilo des appellations sur les marchés étrangers. Dans cet optique, on comprend mieux pourquoi la communauté des professionnels charentais entende devancer l’appel en mettant sur pied au plus vite un cahier des charges consolidé.

Décret d’homologation – C’est un décret d’homologation qui va conférer au cahier des charges Cognac sa pleine validité juridique. Dans les semaines qui viennent, le ministère de l’Agriculture va d’ailleurs procéder à la signature des quelque 400 décrets d’homologation des appellations viticoles, reprenant les cahiers des charges. Le ministère a émis le vœu de publier en même temps les décrets d’homologation Pineau, Cognac, Floc de Gascogne et Armagnac. Si une publication avant vendange avait tenu la corde un moment, finalement, la sortie des décrets d’homologation semble être repoussée à la mi-novembre, pour cause de publicité à donner aux textes. La DGCCRF souhaite en faire des outils d’information aux consommateurs.

Instruments pédagogiques – La déléguée régionale INAO décrit les cahiers des charges comme des instruments nettement plus pédagogiques que les anciens décrets, ne serait-ce que par les intitulés de chapitres, « clairs et nets » : vigne, distillation… Des documents qui, accessoirement, seront beaucoup plus faciles à traduire quand il s’agira de parler de l’appellation en Chine, en Inde ou en Australie. Le cahier des charges Cognac actualise et synthétise les trois textes fondateurs de l’appellation : le décret de 1909 sur l’aire géographique, le décret de 1936 sur les conditions de production et le décret de 1938 sur les crus. Ces textes servent de soubassement au nouveau cahier des charges. Ils sont d’ailleurs visés par lui.

Obligations déclaratives – La réforme de l’INAO prévoit des obligations déclaratives. L’identification des opérateurs fait partie de ces obligations. C’est la porte d’entrée pour pouvoir bénéficier de l’appellation. Un opérateur revendiquant l’appellation se doit d’être connu de son Organisme de défense et de gestion. En terme de calendrier, c’est la prochaine étape qui va attendre tous les membres de la filière Cognac, viticulteurs, bouilleurs de profession, négociants. Il est possible qu’elle intervienne au cours du premier semestre 2009. Certes, les opérateurs sont déjà connus à travers leurs systèmes déclaratifs propres (Déclaration de récolte pour les exploitants…). Cette situation leur confère un « statut » spécifique : ils sont habilités d’office. Il n’en demeure pas moins que l’identification a besoin de se formaliser par une déclaration en bonne et due forme. Et cette déclaration comporte un certain nombre d’engagements, dont celui de respecter les conditions de production du cahier des charges. D’où l’intérêt, entre autres, que le cahier des charges soit publié rapidement pour que, quand ils s’engageront, les opérateurs sachent au moins sur quoi ils s’engagent.

Plan de contrôle
– Après le cahier des charges et les obligations déclaratives, le plan de contrôle constitue le troisième pilier de la réforme de l’agrément. Dans l’économie générale du nouveau système, pour pouvoir revendiquer l’appellation il faut subir des contrôles, même si ces contrôles ont vocation à être très ponctuels. Laurence Gaillard résume de la manière suivante l’agrément nouvelle formule : « Tous les opérateurs sont présumés respecter le cahier des charges. Ce n’est que très ponctuellement que des vérifications auront lieu. En gros, on fait confiance en s’assurant, de temps en temps, que la confiance mérite toujours d’être accordée. » Et de préciser encore : « Le plan de contrôle a pour principal objectif d’apporter la preuve aux consommateurs que l’on fait bien ce qui est écrit dans le cahier des charges, ni plus, ni moins. »

D’un point de vue réglementaire, c’est à l’organisme de contrôle désigné par l’ODG que revient le soin de rédiger le plan de contrôle, même si, à l’évidence, des allers-retours existent entre la profession et l’OC. In fine, c’est le CAC (conseil agrément et contrôle) de l’INAO qui valide les plans de contrôle.

Choix de l’organisme de contrôle – La filière Cognac a pris du retard sur le teaming. A ce jour il n’a pas encore choisi son organisme de contrôle, même si le processus de sélection est largement entamé, ainsi que la consultation des professionnels sur le contenu du plan de contrôle. Le 29 septembre dernier, un groupe de travail de l’ADG a reçu trois OC en lice : Certipaq, Certisud, Qualisud. Bien « qu’ayant sa petite idée sur le plan de contrôle qui devrait s’appliquer au Cognac », l’ADG a souhaité respecter la procédure d’appel d’offre. Elle a remis aux trois organismes certificateurs le cahier des charges Cognac, avec mission pour eux de rendre leurs copies à la fin du mois d’octobre. A partir de là, le conseil d’administration de l’ADG, présidé par Bernard Laurichesse, choisira son OC. Décision attendue à la mi-novembre, lors de la prochaine réunion de l’ADG. La finalisation proprement dite du plan de contrôle pourra alors aboutir, sachant que les organismes certificateurs possèdent un vrai savoir-faire en la matière. Pour leur part, les professionnels ont déjà dégagé la philosophie générale qu’ils aimeraient voir imprimer à leur plan de contrôle : essayer de valoriser au maximum les contrôles qui existent dans les relations bilatérales viticulture/négoce ainsi qu’avec les Chambres d’agriculture, Station viticole du BNIC, conseils œnologiques ; privilégier une grosse part d’auto-contrôle et de suivi documentaire grâce au suivi interne de l’ADG ; volonté, comme partout, de réduire la part du contrôle externe. Le CAC accédera-t-il totalement à leurs vues ? Réponse dans quelques semaines.

Situation de carence
– Le Cognac n’est pas la seule appellation à ne pas être dans les temps pour la délivrance de son plan de contrôle. Début juillet, l’INAO a publié deux textes transversaux destinés à prévenir les situations de carence. L’un visait les cahiers des charges, l’autre les plans de contrôle. La date de 30 juin 2009 a été retenue comme date impérative de remise des documents. Ce qui ne veut pas dire qu’entre les deux doive s’installer un vide juridique. Pour les appellations viticoles sans plan de contrôle, l’INAO envisage l’application d’un plan de contrôle type, jusqu’à publication du texte ad hoc. Existe aussi le cas d’appellations ayant bien déposé un plan de contrôle, sans que ce texte soit recevable en l’état. C’est par exemple la situation du Pineau. Son plan de contrôle a été transmis dans les temps, le 30 juin au soir. Mais il devra évoluer pour être accepté. Cependant, pour ne pas bloquer le travail de suivi, l’INAO a donné son feu vert à l’application temporaire du plan de contrôle existant (au maximum jusqu’à la mi-novembre), dans l’attente de sa version définitive.

Vide juridique ? – Qu’en est-il pour le Cognac ? En région, les professionnels ont tendance à relativiser la question du vide juridique : « Peut-on vraiment parler de vide juridique dans la mesure où la procédure d’agrément n’existait pas auparavant ? » Les autorités de l’INAO sont moyennement d’accord avec cette interprétation, dans la mesure où, juridiquement, la situation a changé. Dorénavant, le Cognac se trouve plongé dans le pot commun à toutes les appellations. Risque-t-il se voir appliquer un plan de contrôle type jusqu’à la sortie de son propre document ? Réponse de Laurence Guillard : « Des pressions existent dans ce sens même si, pour l’instant, le domaine des eaux-de-vie est dépourvu de plan de contrôle type. » Michel Prugue, le président de l’INAO, a tout de même envoyé un courrier à l’ADG Cognac, daté du 18 juillet, l’encourageant à se mettre rapidement au clair vis-à-vis de la réforme. Vu de Paris, le retard paraît d’autant plus paradoxal « que le Cognac n’a pas à rougir des contrôles déjà faits dans la région. Il n’y a pas de problème qualité sur le Cognac ». Pour expliquer cet état de fait, L. Guillard évoque au moins trois raisons : les moyens réduits dont dispose l’ADG, la tenue des élections en juin dernier qui a incité les administrateurs provisoires à attendre le « verdict des urnes » et une thématique « contrôle » du Cognac très compliquée, par l’importance des flux mis en œuvre et la pluralité des acteurs intervenant dans le process de fabrication. En terme de moyens, pour l’instant, l’ADG fonctionne sans. C’est le BNIC qui, par convention avec l’ADG, réalise une prestation de service pour le compte de l’association. C’est dans ce cadre que, actuellement, Janine Bretagne, responsable du bureau Production à l’interprofession, intervient. La situation sera-t-elle amenée à évoluer ? Pour l’heure, les professionnels ne semblent pas disposés à vouloir lever des cotisations ADG autres que symboliques. « Il y a pourtant de la marge. Même à 10 cents de l’hl AP, cela représente des sommes, compte tenu des volumes. » Mais on sait qu’à Cognac, le contrôle sous tutelle de l’INAO n’a jamais soulevé une vague d’enthousiasme chez les professionnels dont, au premier chef, les négociants. Cette culture-là n’est pas vraiment la leur. Pour autant, ils sont loin d’être hermétiques au discours de l’INAO. La protection de l’appellation sur les marchés étrangers les interpelle suffisamment pour justifier la tenue du plan de marche. C’est tout le sens des interventions de Jean-Pierre Lacarrière, président de l’interprofession, particulièrement sensible aux aspects de protection de l’appellation.

 

Cognac/TAV maximum à la distillation

De 72 à 72,4 % vol.

p_alcoo_1_opt.jpegLe nouveau cahier des charges Cognac soumis à homologation entérine le fait que l’alcool ne se mesure plus à 15 °C mais à 20 °C. Automatiquement, les 72 % vol à 15 °C devient 72,4 % à 20 °C. A noter que ce TAV maximum à la sortie de l’alambic se mesure dans le récipient journalier. Ce qui signifie qu’au cours de la journée, une eau-de-vie de bonne chauffe peut titrer plus de 72,4 %. Par contre l’harmonisation de toutes les eaux-de-vie produites dans la journée ne doit pas dépasser le TAV maximum prévu au décret.


Distillation/Réintégration des flegmes selon les crus

Un peu plus de souplesse

Par nature, les flegmes, ce sont ces têtes, secondes et queues de distillation, ces restes de bonnes chauffes qui ont vocation à réintégrer le brouillis ou le vin pour être distillé à nouveau. Ces « brouillons d’eau-de vie » sont dénommés dist_guindant_1_opt.jpeg« flegmes » lors de la dernière bonne chauffe de la campagne, quand il n’y a plus ni brouillis ni vin pour les absorber. Ils sont alors stockés en attente de la campagne suivante. Voilà pour la problématique générale. Existe maintenant la problématique des flegmes liée aux changements de crus au cours de la distillation. Cette situation concerne les ateliers de distillation multi-crus, le plus souvent les bouilleurs de profession mais aussi les bouilleurs de cru à cheval sur plusieurs crus. Que se passe-t-il quand le distillateur change de cru ? Le respect de la pureté du cru voudrait qu’avant le début de la distillation du cru suivant, les flegmes du cru précédent soient isolés et stockés pour repasser dans leur cru d’origine lors de la campagne suivante. Sauf que d’un point de vue pratique, cette solution est loin d’être évidente : rupture du flux de distillation, difficulté à conserver des flegmes de chaque cru distillé… Aujourd’hui, rares sont encore les ateliers de distillation à disposer d’équipements leur permettant de travailler en parallèle et de manière entièrement autonome deux crus différents. Et c’est sans parler des commandes qui tombent au fil de l’eau… ou plutôt des crus. C’est pourquoi, traditionnellement, les ateliers de distillation ont bénéficié d’une certaine tolérance. A condition que le pourcentage d’intégration soit minime – aux environs de 3 % en alcool pur – il était admis que des flegmes puissent glisser d’un cru à l’autre au cours de la distillation. Toutefois, au moment de la réécriture du cahier des charges Cognac, la profession et notamment le Syndicat des bouilleurs de profession a souhaité que le principe du changement de cru soit inscrit dans le texte. Objectif : que les professionnels puissent travailler plus « sereinement ». Une procédure est cependant à suivre : en premier lieu, la dernière bonne chauffe du cru en cours de distillation doit se faire en utilisant au maximum 30 % de la capacité de charge de la distillerie ; en deuxième lieu, les flegmes issus de cette dernière bonne chauffe peuvent être dilués dans le cru suivant à hauteur de 8 % volume maximum, soit par incorporation dans les brouillis, soit par repasse avec les vins. Pour autant, cette facilité doit s’exercer dans le cadre des « bonnes pratiques ». Pas question par exemple de jouer à saute-mouton avec les crus en pratiquant des allers-retours trop fréquents. Pour entamer un nouveau cru, il est préférable d’en avoir terminé avec un autre. C’est d’ailleurs la manière de faire de la plupart des ateliers de distillation.

En ce qui concerne le Pineau, l’obligation de traçabilité se fait encore plus grande. Il ne s’agit plus uniquement de cru mais d’exploitation viticole puisque le cahier des charges Pineau prévoit un retour à l’identique des eaux-de-vie servant au mutage des moûts. Cependant, là aussi, une certaine souplesse a été introduite dans le cahier des charges Pineau au sujet des flegmes. Il est admis que le premier brouillis soit un peu composite même si tout le reste de la production Cognac doit provenir d’une seule et même exploitation.

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