Référentiels environnementaux : une étape incontournable à terme

10 avril 2018

La Rédaction

Jusqu’ici réservées à quelques viticulteurs qui commercialisent en direct ou au travers de structures coopératives, les certifications environnementales se multiplient tous azimuts dans les vignobles de France. Aux référentiels publics (Bio, HVE), aux démarches privées (Agriconfiance, Terra vitis, etc.) viennent s’ajouter de nouvelles initiatives émanant soit de l’appellation d’origine, soit des filières. La bonne nouvelle, c’est que les viticulteurs prennent collectivement les devants faire savoir qu’ils limitent leur impact sur l’environnement ! L’objectif de ces nouvelles reconnaissances environnementales est de redorer le blason du monde agricole face à des attentes sociétales toujours plus vertes et pressantes. Tout ce chamboulement acte le début d’une nouvelle ère. Une ère où la preuve formelle de l’empreinte écologique de chaque exploitation sera probablement une des conditions d’accès aux marchés.

 

Nous vivons dans une société de défiance et non de confiance et la viticulture subit de plein front ce phénomène. Les producteurs savent qu’ils devront intégrer, dans un avenir très proche, deux nouvelles notions dans leur métier : produire propre, en protégeant parfaitement l’environnement, et surtout, faire preuve d’une transparence irréprochable sur leurs pratiques de production.

 

Reprendre la main sur la communication

 

Monsanto papers, Cash investigation, générations futures… Selon le conseil national de l’alimentation, les médias produiraient en moyenne une émission ou un article à charge contre l’agriculture tous les 4 jours. On peut regretter que les grands médias généralistes privilégient une information souvent orientée sur les questions épineuses de l’environnement car cette approche a des conséquences désastreuses sur l’image du monde paysan. « Nous ne communiquons pas assez sur nos pratiques culturales alors que nous avons objectivement beaucoup de pratiques à valoriser » se confiait récemment le directeur d’une structure coopérative régulièrement interpellé par ses clients sur le sujet. Les agriculteurs ont, en effet, trop souvent laissé à d’autres la responsabilité de parler de leur propre métier et cet état de fait a pris une ampleur disproportionnée avec l’explosion de la communication numérique. Gil Rivière-Wekstein journaliste et auteur du livre « Panique dans l’assiette, ils se nourrissent de nos peurs » affirme : « Les viticulteurs doivent reprendre la main, particulièrement au travers des réseaux sociaux, pour parler de leur métier et tout particulièrement lorsque des dires factuellement imprécis ou erronés viennent porter atteinte à leur image ».

 

Ne pas occulter le fond

 

La virulence de ces attaques sur la forme ne doit pas nous faire perdre de vue le fond du sujet car ces attentes sociétales sont justifiées, plus personne ne peut en douter. La viticulture a des progrès à faire et chacun en prend, chaque jour, un peu plus conscience. « Que peut-on répondre au reportage de cash investigation qui crie au scandale lorsque des résidus de pesticides sont retrouvés dans les cheveux des enfants ou au point de captage de l’eau du réseau ? C’est indéfendable ! » s’alarme un viticulteur. Ce constat amer, ce sentiment de culpabilité, beaucoup le partagent car lorsque des preuves manifestement étayées éclatent au grand jour, aucun des arguments susceptibles de défendre le modèle en place n’est à la hauteur : ni celui de la faible concentration des résidus, ni les efforts fournis depuis des années par les filières pour améliorer les choses.

 

Un processus de longue haleine.

Pourtant, voilà des années que la viticulture met en place des actions concrètes pour limiter l’impact de ses activités sur le milieu, parfois de sa propre initiative et souvent, il faut le reconnaître, sous la contrainte réglementaire. Mais les attentes sociétales évoluent parfois plus vite que les pratiques ou que la science. Daniel Sauvaitre, président de l’association nationale Pommes Poires (ANPP), et aussi producteur de Cognac, a récemment été interpellé au cours d’une audition parlementaire sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. « Nous avons été questionnés sur les solutions à mettre rapidement en œuvre pour supprimer toute application de produit d’origine chimique sur les cultures. J’ai répondu que c’était extrêmement simple ! Que les autorisations de mise sur le marché des pesticides pouvaient toutes être rapidement retirées par choix politique. En revanche, si parallèlement la question était aussi de savoir ce que pourrait être, à la même échéance l’état de l’agriculture en France, le choix pourrait être plus difficile à assumer. » Reporte-t-il dans son blog.

 

Bonnes pratiques et communication

 

L’issue de cette crise de confiance, mettra du temps à se présenter. Il est souhaitable qu’années après années, la recherche apporte des solutions plus sécurisantes à la fois pour l’environnement, pour le consommateur et en termes de productivité. Mais en attendant, les viticulteurs vont devoir travailler avec l’existant et sur ce sujet, les spécialistes s’accordent à dire qu’il y a encore à faire : la réduction des doses, la gestion des effluents, le moindre recours aux produits classés CMR ou au désherbage chimique, etc.

Le processus d’amélioration est enclenché et les résultats sont perceptibles. Perceptibles pour les agriculteurs, c’est une certitude, mais est-ce suffisant pour le grand public ? Pour accélérer encore le processus et se mettre en positions de pouvoir communiquer positivement, chacun veut apporter sa pierre à l’édifice. L’INAO, l’IFV, les ODG, les interprofessions, les acheteurs proposent (ou parfois imposent) des solutions clé en main. Les viticulteurs pourront ainsi faire le choix du modèle qui correspondra le mieux à leur profil et à leur débouché.

 

Une condition d’accès au marché ?

 

Les certifications environnementales sont généralement des démarches volontaires même si certaines règles mineures sont de plus en plus souvent intégrées dans les cahiers des charges des AOC. Mais l’accélération inéluctable des initiatives de certifications viendra probablement des marchés. Les acheteurs qui exigent des garanties environnementales de leurs livreurs ne sont, aujourd’hui, pas très nombreux mais pour combien de temps ? On voit poindre dans beaucoup de vignobles de France ces référentiels rédigés conjointement entre la viticulture et le négoce dans le cadre des interprofessions. L’adhésion à ces dispositifs se fait aujourd’hui sur la base du volontariat mais appuyées par des recommandations insistantes des acheteurs. Nul n’en doute, Il est prévisible que cette condition devienne, un jour, une obligation à remplir pour accéder aux marchés. La seule question qui reste aujourd’hui sans réponse est « à quelle échéance ? ».

 

 

Valoriser ses efforts environnementaux.

Les outils sont multiples…

 

Il existe de nombreux référentiels pour valoriser les pratiques ou l’éthique environnementale d’une entreprise. Qu’ils soient publics ou privés, destinés à l’agriculture biologique ou conventionnelle, intégrant les obligations sociales ou économiques, leur vocation est toujours la même : limiter l’impact environnemental et le faire savoir. Certaines filières d’appellation ont rédigé leur propre référentiel environnemental et l’ont fait reconnaître par le ministère de l’agriculture comme un équivalent de la démarche « Haute valeur environnementale » (HVE) niveau 2. Une façon de mettre en valeur des spécificités locales tout en restant lisible pour le consommateur.

 

Les référentiels environnementaux ont le mérite de permettre à chacun de communiquer en toute transparence sur les efforts accomplis ou sur des objectifs environnementaux. Il n’existe que deux dispositifs publics de référence : l’Agriculture Biologique et la mention valorisante HVE.

Les référentiels privés, de leur côté, sont nombreux et certains ont même plusieurs décennies d’existence. Pour se distinguer ces démarches capitalisent sur des concepts complémentaires : pour les produits à tendance « Bio », la distinction concerne souvent les intrants permis ou des concepts humanistes. Pour l’agriculture dite conventionnelle, les référentiels peuvent aussi prendre en compte des principes de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) qui associent à la dimension environnementale des obligations d’équité sociale et d’efficacité économique.

L’aboutissement de ces démarches et la certification. Une validation sans concession du travail accompli par un organisme indépendant et formé à la réalité des entreprises agricoles. La certification rassure les consommateurs mais elle impose à chacun une remise en question profonde et continue de ses pratiques. En résumé, pour être certifié il faut « s’engager vraiment ! » comme le répètent en boucle les défenseurs de ces labels.

 

Les dispositifs publics de référence

 

Agriculture Biologique : La Bio, pour les initiés, est un signe officiel de la qualité encadré par un cahier des charges reconnu au niveau français (INAO) et européen. L’agriculture biologique garantie notamment l’absence d’utilisation de produits chimiques de synthèse. Le mode de production biologique repose notamment sur le respect des systèmes et cycles naturels, le maintien et l’amélioration de la santé du sol, de l’eau, des végétaux et des animaux, contribue à atteindre un niveau élevé de biodiversité. En vigne, la protection fongicide s’appuie essentiellement sur des produits à base de cuivre et de soufre. Ils sont souvent accompagnés avec des biostimulants ou des produits de bio contrôle. Il n’y a pas de lutte insecticide sauf pour les traitements obligatoires contre la flavescence dorée avec des molécules dédiées.

 

HVE Haute valeur environnementale : HVE est une mention valorisante encadrée par les pouvoirs publics français (Commission nationale de la certification environnementale). Elle s’applique obligatoirement à toutes les productions d’une même exploitation. Elle impose à l‘agriculteur, de raisonner ses pratiques en tenant compte de l’ensemble des zones naturelles présentes sur son exploitation. La certification exige d’atteindre des seuils de performance (obligations de résultat) dans 4 domaines : biodiversité, de stratégie phytosanitaire, de gestion de la fertilisation et d’irrigation. Sur la question des produits phytosanitaires, tous les produits homologués sont autorisés mais leur usage doit être raisonné pour tendre vers une amélioration continue de liste (Indice de fréquence de traitement). La certification HVE peut se faire sur la base de l’un des 3 niveaux suivants :

            – Niveau 1 : respect des exigences environnementales de la conditionnalité et réalisation par l’agriculteur d’une évaluation de l’exploitation (référentiel du niveau 2 ou indicateurs du niveau 3.)

– Niveau 2 : respect d’un référentiel comportant 16 exigences, efficientes pour l’environnement.

– Niveau 3 : qualifié de « Haute Valeur Environnementale », est fondé sur des indicateurs de résultats relatifs à la biodiversité, la stratégie phytosanitaire, la gestion de la fertilisation et de l’irrigation.

 

Les référentiels privés

 

Pour viticulture biologique (ou équivalent)

On recense de nombreuses mentions complémentaires à la Bio. Elles correspondent à des exigences plus ou moins vertueuses en matière d’intrants ou intègrent des notions complémentaires d’ordre sociétales et économiques. La plupart d’entre eux sont des référentiels privés qui n’ont pas sollicité de reconnaissance particulière du ministère de l’agriculture.

 

Demeter correspond à vins issus de vignes cultivées en biodynamie,

Nature et progrès : Correspond à un modèle beaucoup plus global intégrant les valeurs d’une société humaniste, écologique et alternative.

AVN sont des vins dits naturels car seul les sulfites à dose très réduite sont autorisés.

S.A.I.N.S. veut dire « sans aucuns intrants ni sulfites ».

 

Pour viticulture conventionnelle

 

Agriconfiance : Né en 1992 à l’initiative des structures coopératives, le label Agri Confiance concerne toutes les filières de production agricole, végétales et animales. Il garantit que l’exploitation s’engage dans une démarche plus respectueuse de l’environnement, notamment par le choix et l’utilisation des intrants (engrais et phytosanitaires), la gestion des déchets, la maîtrise des ressources naturelles (eau, énergie, sols, biodiversité) qui font l’objet d’engagements précis et planifiés.

 

Terra Vitis : Il s’agit d’un modèle spécifique à la viticulture qui est décliné dans la plupart des grands vignobles de France (Vallée de la Loire, Alsace, Champagne, Beaujolais/Bourgogne, Languedoc Roussillon/Vallée du Rhône, Bordeaux Sud-Ouest). Chaque référentiel régional a d’ailleurs fait l’objet d’une reconnaissance HVE niveau 2 par le ministère de l’agriculture. Le modèle repose sur la protection de l’homme, de son environnement, des ressources naturelles. Il prend également en compte la santé du chef d’exploitation, de ses employés, de ses voisins et des consommateurs. Terra Vitis s’appuie de manière égale sur les trois piliers du développement durable : l’environnement, le social et l’économie.

 

Vignerons en Développement durable : Avec seulement 23 adhérents de taille très conséquente, répartis sur 5 grands vignobles de France, cette association représente presque 5 % du vignoble français. La certification qu’elle propose se fonde sur des principes RSE (Responsabilité sociétale et environnementale). Le dispositif est donc cumulable à d’autres certifications comme la Bio ou HVE. Les entreprises certifiées doivent mettre en œuvre un mécanisme d’amélioration continue, évalué tous les 2 ans, qui s’appuie de manière équitable sur trois piliers : la préservation de l’environnement, l’équité sociale et enfin, l’efficacité économique. Des démarches sont en cours pour obtenir à court terme, une reconnaissance Afnor (Association française de normalisation) du modèle.

 

Référentiels locaux émanant des filières d’appellation (SME Bordeaux, Viticulture durable Champagne ou Cognac) : Deux régions viticoles ont utilisé cette terminologie « viticulture durable » pour leur référentiel : la Champagne en 2001 et Cognac en 2016. Bordeaux de son côté a opté pour le terme SME (Système de management environnemental du vin de Bordeaux). Il s’agit de cadres privés mis en place par les filières sur la base du modèle HVE. Ces dispositifs se concentrent exclusivement sur la partie viticole des exploitations et intègrent quelques contraintes spécifiques à la filière concernée (liste verte à Cognac par exemple). Le ministère de l’agriculture français a reconnu ces certifications comme des équivalents HVE niveau 2 ce qui permettra, aux exploitations qui le souhaitent, d’utiliser cette étape comme une passerelle vers la certification HVE niveau 3.

 

 

Les référentiels les plus courants engageants les entreprises pour la protection de l’environnement.

 

Référentiel

Date de création

 

Équivalence HVE possible

Exclusive viticulture

Prise en compte de critères RSE

Sociaux

Economiques

Agriculture biologique ou équivalent

 


1 985

 

Au-delà des obligations HVE 3

non

non

Non

Label officiel reconnu par la France


2 010

 

Au-delà des obligations HVE 3

non

non

non

Label officiel reconnu par la commission européenne. Une entreprise certifiée AB en France est automatiquement reconnue par le label Européen.


1 928

Au-delà des obligations HVE 3

non

Non

non

Modèle privé non reconnu par l’état plus exigeant que la bio traditionnelle puisqu’il ajoute des principes de biodynamie.

 


1 964

Au-delà des obligations HVE 3

non

oui

oui

Modèle privé, non reconnu par l’état, plus exigeant que la bio traditionnelle reposant sur le modèle d’une société humaniste, écologique et alternative

iticulture conventionnelle

HVE

 

2 011

HVE 2 ou 3

Non

Non

non

Ce dispositif officiel de référence en France permet de certifier des entreprises au niveau HVE 1, 2 ou 3

 


2 007

En projet

oui

oui

oui

Modèle privé, non reconnu par l’état dont le fonctionnement repose sur les 3 piliers RSE. (Environ 35 000 ha)


1 992

non

non

oui

non

Parmi les précurseurs. Ce dispositif, fut développé pour les coopératives.

Terra Vitis

 

2 001

HVE 2

Oui

Oui

non

Le modèle terra vitis fait partie des références en termes de développement durable et couvre 11 000 ha sur la plupart des grands vignobles de France.

Viticulture durable champagne

 

2 001

HVE 2

oui

non

non

Référentiel de filière reconnu HVE niveau 2 par l’état.

SME Bordeaux

 

2 010

HVE2

oui

non

non

Référentiel de filière reconnu HVE niveau 2 par l’état.

Viticulture durable Cognac

 

2 016

HVE 2 (en cours)

Oui

Non

non

Référentiel de filière reconnu HVE niveau 2 par l’état.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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