Deux projets de Licence professionnelle

3 mars 2009

Le lycée agricole de l’Oisellerie et l’IREO de Richemont souhaitent l’un et l’autre mettre en place une licence professionnelle à la rentrée 2007. Si les thématiques sont différentes, les projets reposent sur un postulat identique : proposer un diplôme de niveau bac + 3 répondant à une attente de la profession. La faculté de droit de Poitiers doit rendre fin juin une première évaluation des dossiers.

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Philippe Puydarrieux, futur coordinateur de la licence pro de l’Oisellerie.

La licence professionnelle appartient aux diplômes de niveau II, intermédiaires entre le BTS et le niveau ingénieur. C’est un diplôme universitaire qui rentre dans le cadre du dispositif européen LMD (Licence, Master, Doctorat), sachant que la licence correspond à une formation de bac + 3. Elle s’assimile donc à une formation supérieure courte, contrairement au Master (bac + 5) ou au Doctorat (bac + 8). Obtenue en un an, la licence professionnelle est ouverte à tout étudiant titulaire d’un bac + 2 (BTS, DEUG, DUT…). Reconnue au niveau européen, la licence professionnelle a capacité à s’exporter. Formation « diplômante », elle ouvre accès aux emplois de la fonction publique, notamment pour des postes de cadre B, contrairement à d’autres formations de niveau bac + 3, obtenues hors cadre universitaire. Si la licence classique débouche plus volontiers sur la poursuite d’études (Master, Doctorat), la licence professionnelle a vocation à former des jeunes directement employables. Créées depuis 1999, les licences pro. se déclinent en autant de parcours que de métiers. La France compte environ mille licences professionnelles tous azimuts, dont deux cents dans le domaine agricole (et une dizaine en viticulture). Les licences professionnelles font appel à un enseignement pluripartite entre l’Université, le corps enseignant des établissements d’accueil et les intervenants professionnels, avec l’accent mis sur des stages en entreprise.

des cadres de la vigne et du vin

La licence professionnelle que souhaite mettre en place le lycée agricole de l’Oisellerie s’intitule « Droit et stratégie appliqués à l’entreprise vitivinicole ». Son nom cerne assez bien son objet. Il s’agit d’une formation technique, centrée sur la filière vitivinicole, destinée à former des cadres des métiers de la vigne, du vin et des spiritueux. Profil de poste visé : celui de cadre intermédiaire, à la fois dans le secteur de la production (responsable d’exploitation viticole, adjoint au responsable d’exploitation, directeur de cultures, maître de chai…) et dans les secteurs d’amont et d’aval (commercialisation des produits vinicoles, courtage, commercialisation des entreprises connexes comme la tonnellerie, le bouchage…). Pour définir le contenu de la formation, les pilotes du projet sont partis du constat suivant : la concentration des exploitations viticoles réclame un besoin croissant de cadres intermédiaires polyvalents, rompus à la fois aux techniques de production mais aussi au droit du travail, à l’optimisation de la rentabilité, au droit du commerce, aux formalités douanières, à la gestion de la qualité et de la traçabilité. L’enquête lancée sur le terrain auprès des professionnels a confirmé cette perception.

En ce qui concerne la licence professionnelle de l’Oisellerie, le porteur de projet est la DRAF. C’est en effet la direction régionale de l’Agriculture et de la Forêt qui coordonne tout ce qui a trait à l’ouverture ou à la fermeture de sections de l’enseignement agricole, en relation avec le ministère de l’Agriculture. « En proposant cette filière, nous cherchons à conférer une cohérence supplémentaire à l’ensemble des formations viticoles régionales. Leur éventail s’étend du CAPA au BTS viti-œno en passant par le Master professionnel de droit, gestion et commerce des spiritueux délivré en 2e année par l’Université des eaux-de-vie de Segonzac, mais il manquait une formation bac + 3. La licence nous permet de compléter l’offre », explique Philippe Puydarrieux, ingénieur du génie rural des eaux et forêts, missionné par son administration pour conduire le projet. Il sera le coordinateur de la licence au moment de son démarrage. Ph. Puydarrieux insiste sur la valorisation des spécificités du territoire local. « Ici, avec le Cognac et le Pineau, nous avons la chance de travailler d’autres produits que le vin. Notre licence professionnelle ne présente donc pas de redondance par rapport aux autres licences professionnelles initiées par les grandes régions viticoles. » Il indique aussi le souhait du ministère de positionner les lycées agricoles comme autant de carrefours d’échange entre la recherche et le terrain. « Ce serait un échec pour le ministère si l’enseignement agricole était déconnecté à la fois du monde professionnel et du monde de la recherche. » Il est clair qu’un problème d’effectifs motive aussi l’ouverture de nouveaux cursus. « La demande ne porte plus tout à fait sur le même type de formation. Il faut s’adapter, pour démontrer les belles opportunités et perspectives de nos métiers. »

Diplômes universitaires, les licences professionnelles doivent être habilitées au plan national. Auparavant, elles passeront le filtre de l’habilitation auprès de l’université chargée de délivrer les cours, en l’occurrence l’université de droit de Poitiers pour la licence professionnelle de l’Oisellerie. Si la faculté donne son accord, c’est elle qui portera le dossier d’habilitation au niveau national. « Le dossier présenté doit être d’excellente qualité », confirme Philippe Puydarrieux. L’ingénieur souligne la proximité qui existe entre le site de La Couronne, l’IUT et le Centre universitaire de la Charente.

la technique des trois P

Si le dossier présenté par l’IREO de Richemont est appelé à suivre le même parcours – habilitation par l’université de Poitiers avant d’être soumis à l’échelon parisien – il porte sur une autre thématique, celle de la vente directe. Son intitulé exact : « Mercatique et stratégie de vente directe des produits du terroir ». Sous le terme « mercatique », le directeur de l’IREO, Denis Villepastour, entend « les techniques actuelles visant à mettre en avant le produit, que ce soit le packaging, la recherche de la clientèle, sa gestion et, plus globalement, tout ce qui relève du triptyque bien connu des trois P : Prix/Produit/Public ». A partir d’un tronc commun, cette licence se déclinerait en plusieurs sous-parties, l’une plus orientée vers les vins et spiritueux, l’autre vers les produits fermiers et agro-bio et la troisième vers l’agro-tourisme (hébergement, restauration à la ferme). Un comité de pilotage et une enquête auprès des producteurs ont démontré que cette forme de diversification restait une possibilité de développement pour certaines exploitations. « Les personnes ont besoin d’être aidées pour gagner des marchés, vendre correctement leurs produits, valoriser leur patrimoine et l’espace rural. » Le directeur de l’IREO évoque la place occupée par le tourisme dans les départements de l’Arc atlantique, ainsi que la volonté régionale de promouvoir les produits de terroir et l’agro-biologie. La licence s’adresse à des jeunes souhaitant s’installer et développer une diversification, mais aussi à de futurs employés de groupements de producteurs, des conseillers Chambres… A priori, ce serait la première licence de ce type en France. L’idée, arrivée à maturité en 2006, cheminait depuis trois ou quatre ans à l’IREO. Elle concerne elle aussi des jeunes de niveau bac + 2. Cependant, le programme, décomposé en modules ou UE (Unité d’Enseignement) comme il est d’usage en licence, pourra être suivi par des professionnels (femmes d’exploitant notamment) intéressés par l’un ou l’autre des modules sans pour autant viser le diplôme. Pour le public étudiant, c’est la formule de l’alternance qui s’appliquera. D’abord parce qu’il s’agit du mode d’enseignement pratiqué par l’IREO et ensuite parce que le projet tutoré (voir encadré page 32), consubstantiel de la formation, implique mi-temps théorique et mi-temps en entreprise. Au niveau de l’apprentissage des langues, essentiel à une telle formation, il est envisagé de recourir à l’enseignement individuel à distance, pour couvrir toutes les périodes, y compris celles en entreprise. Par ailleurs, l’IREO indique vouloir privilégier un statut, celui de l’apprentissage. Comme pour l’Oisellerie l’effectif optimal tourne autour de 15-20 étudiants par an, un objectif atteignable dans la mesure où le recrutement est national. « Il s’agit d’une licence originale, qui colle bien aux besoins d’aujourd’hui », ajoute Denis Villepastour. Au plan local, il constate que de nombreux jeunes sortis de BTS vont faire une licence ailleurs, pour acquérir des compétences commerciales. « C’est une tendance de fond, précise-t-il. Quand une perte de confiance s’instaure face à l’installation, les gens ont tendance à investir dans la formation. Mais le phénomène, cyclique, peut s’inverser. » Pour l’heure, les établissements agricoles entendent accompagner la demande qui se dessine.

denis.jpgDenis Villepastour dirige l’IREO de Richemont depuis septembre 2002, après le départ à la retraite de Jean-Louis Roucayrol. Comme son patronyme le laisse entendre, il est originaire du Périgord. Son nom signifie « le berger de la ferme » en langue d’oc – prémonitoire pour un enseignant. Diplômé de l’ENSA de Toulouse (école d’agronomie), il a accompli toute sa carrière au sein des Maisons familiales et rurales, excepté un intermède de dix ans, durant lequel il s’installa comme exploitant agricole en production laitière (fabrication et vente de fromage de chèvre fermier). A l’origine spécialiste de la sélection de souches de canards gras pour la production de foie gras, il a toujours été formateur, à temps plein ou à temps partiel et nourrit un vif intérêt personnel pour les production fermières. Il est membre de l’association « Bienvenue à la ferme ».

L’IREO de Richemont compte 200 élèves en formation initiale (hors apprentissage), un effectif stable depuis 4-5 ans. Outre les formations de type bac pro et autres, l’établissement propose trois BTS : ACSE, Viti-oeno et Economie sociale et familiale.

L’aménagement des locaux, maintes fois espéré, est enfin sur les rails. Les travaux concernent la première cour intérieure, la principale, avec construction d’un internat neuf et la mise aux normes de la cuisine. La consultation des entreprises débutera en septembre, pour une réception des travaux attendue à l’automne 2007. Participent au projet trois partenaires institutionnels : le Conseil régional, le Conseil général et la Communauté de communes. 

Qu’est-ce qu’un projet tutoré ?

Le référentiel de la licence professionnelle proposée par l’Oisellerie définit le projet tutoré de la façon suivante – « Projet développé en équipe de deux ou trois étudiants en liaison avec une entreprise ou une organisation de l’environnement régional. Les projets tutorés sont proposés par les entreprises. Les sujets sont présentés aux étudiants à la rentrée de septembre. Ils réalisent les travaux sur une période de 150 heures s’échelonnant d’octobre à février. Ils disposent de 2 à 3 demi-journées par semaine pour réaliser ce travail. Le travail donne lieu à rédaction d’un mémoire collectif et à soutenance devant un jury composé de deux enseignants et d’un professionnel (commanditaire du travail). Il peut s’agir par exemple d’un travail d’audit partiel ou global sur une exploitation, la création d’un site web, la recherche d’une nouvelle filière de commercialisation. »

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