Les « hussards noirs » du terroir

28 juin 2009

Sans eux, les vendeurs directs à la propriété, l’œnotourisme n’existerait pas. Ils sont la matrice, le « fond de sauce » sans lesquels rien ne serait possible. Quelles tendances ces « hussards noirs » du terroir détectent-ils auprès de leur clientèle ? Quel regard portent-ils sur les nouveaux venus de l’œnotourisme ?

 

bouilleurs_de_cru_2_opt.jpegFrancine Forgeron, directrice de l’OT de Segonzac – Cognacs Forgeron – « Je crois que l’œnotourisme est une bonne chose, dans le sens où les initiatives se multiplient pour aller chercher la clientèle touristique. Spontanément, les agences de voyage souhaitaient venir chez nous mais ne trouvaient pas toujours les produits adaptés. Ceci dit, le concept d’œnotourisme me fait un peu rigoler. Moi, l’œnotourisme, voilà 34 ans que j’en fais et, c’est bizarre, je ne le savais pas ! Quand nous avons débuté la vente directe en 1977, je suis allée voir les offices de tourisme, pour déposer mes dépliants mais aussi pour leur dire que j’étais prête à recevoir des touristes. A l’époque, on m’avait répondu “que
seules les grandes maisons étaient demandées”. Et puis, au fil du temps, j’ai pratiqué un “tourisme de cueillette” ; les gens sont venus chez moi ; petit à petit, je me suis bâtie une réputation. Personnellement, j’accueille toujours un touriste. S’il se transforme en client, c’est tant mieux. J’ai envie que le visiteur comprenne le produit qui fait vivre cette région. Je lui raconte le Cognac, son élaboration, son histoire. Je redoutais un peu les dernières Portes Ouvertes des bouilleurs de cru. En fait, j’ai reçu 70 personnes durant le week-end. J’étais partie sur le thème “si le Cognac m’était compté”. Dans une liste de questions, les gens choisissaient la leur et écoutaient la réponse. Certaines personnes, arrivées à 14 h 15, sont reparties à 17 heures. Assises sur le banc de la distillerie, elles semblaient captivées par les histoires sur le Cognac. Ce jour-là, je n’ai pratiquement rien vendu mais je m’en fiche. Ce n’était pas le but. »

Cognacs Paul Beau – « Des choses existent en matière d’œnotourisme, actions du BNIC, Bouilleurs de crus, Etapes du Cognac… Sans doute peut-on toujours faire mieux mais ces actions témoignent au moins du caractère bien vivant du Cognac. Quant à déplacer du public, j’en suis un peu moins convaincue. Pour nous, la clientèle de passage demeure à peu près stable. L’intérêt des uns – autour des vieux Cognacs, du Cognac cigare… – compense le désintérêt des autres. Nous constatons même une revitalisation de la catégorie Cognac, qui pique la curiosité des visiteurs. Nous qui travaillons avec des VRP sur le créneau des CHR (cafés, hôtels, restaurants), nous constatons par contre une franche érosion de cette clientèle. Il est rare que les gens se déplacent à l’aveuglette sur la propriété. Ils arrivent par le biais d’un guide, d’informations glanées ici et là. Nous proposons une visite, que nous adaptons au niveau d’intérêt de chacun. Certains veulent tout savoir, d’autres ne connaissent rien et ne demandent que le B.A.-BA. Des visiteurs que nous apprécions particulièrement, ce sont les amateurs de whisky. Généralement, ils manifestent une grande culture à l’égard de leur spiritueux préféré. Ils en connaissent les plus infimes détails. La diversité des Cognacs, leurs différences les intéressent toujours beaucoup. Notre caractère un peu atypique de producteur leur parle. Habituellement, la visite dure à peu près une heure. Nous insistons tout particulièrement sur le vieillissement. C’est notre “petit plus à nous”, la façon de nous démarquer. Nous expliquons le plus simplement possible les différentes façons de vieillir. Au-delà du produit, les gens posent beaucoup de questions sur la famille, depuis combien de temps elle est là, le nombre d’ha de vignes, si nos enfants reprendront… Les visiteurs sont très sensibles au côté humain. Le retour sur investissement ? On ne l’aborde pas vraiment. Parfois, une longue visite se clôture par la vente d’une miniature. A l’inverse, des visiteurs suivent la visite, achètent, en parlent à leurs copains de boulot qui commandent à leur tour. C’est assez imprévisible. Que se passe-t-il quand nous n’avons pas le temps ? Eh bien, nous ne proposons pas de visites, nous nous contentons de vendre (rires). Ceci dit, le touriste est en attente. Il aime qu’on s’occupe de lui. »

Vendeur direct – Canton de Burie – « La fréquentation a beaucoup baissé. Nous voyons moins de gens qu’il y a dix ans. Mes parents ont débuté la vente à la propriété il y a 37 ou 38 ans. Nous recevions beaucoup de bus de ce qu’il est convenu d’appeler “l’âge d’or”, c’est-à-dire le 3e âge. Et puis, ils sont moins venus. Sans doute partent-ils plus souvent à l’étranger. La clientèle de passage, elle aussi, a tendance à diminuer. On ne va pas parler du pouvoir d’achat, pas encore totalement à l’ordre du jour. Mais c’est vrai que l’essence coûte cher, le budget vacances se rétrécit et j’ai entendu dire que les gens qui venaient ici ne faisaient pas partis des plus fortunés. Peut-être existe-t-il aussi plus de concurrence, entre des vendeurs directs plus nombreux ? Il est possible que les touristes se partagent davantage. Des tentatives de circuits ont bien été organisées mais cela marche pas fort. Il semble de plus en plus difficile d’attirer les gens. Nous essayons de maintenir notre clientèle mais force est de constater que depuis quelques années, elle ne se développe pas beaucoup. Heureusement, le montant des commandes reste assez élevé. A ce niveau-là au moins, il n’y a pas de baisse. Une commande de 50 € représente un minimum. Entre Cognac et Pineau, ça grimpe vite. »

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