Récolte 2013 : Modalités de campagne Cognac, Pineau, Vins

11 octobre 2013

En dehors du rendement Cognac, en hausse, rien ne change vraiment par rapport à la récolte 2012. Une continuité des modalités de campagne qui surprend presque dans une région habituée à plus de volatilité. Entre Montendre et Rouillac, toucherait-on à une sorte de « maturité réglementaire » ?

 

 

On vous le dit – du grand classique ! Le dispositif de campagne Cognac, Pineau et Vins de la région délimitée Cognac s’inscrit dans le droit fil de l’an dernier, à une ou deux nuances près (rendement Cognac en hausse, réserve de gestion réintroduite pour le Cognac).

La seule vraie nouveauté concerne le concept « valise » de traçabilité. Manifestement, l’Administration souhaite mettre un coup d’accélérateur sur cette notion.

Côté DGCCRF (Répression des Fraudes), cela se traduit par le suivi des raisins, de la vigne au chai (voir encadré) ; et côté Douanes, la notion de « pertes et manquants », au cours du processus de fabrication et de vieillissement des produits (voir article page 9). Deux choses qui n’ont rien à voir entre elles, sauf à partager le dénominateur commun de la traçabilité.

Sur ces aspects, les discussions n’étaient pas totalement bouclées entre professionnels et Administration à la veille des vendanges. Les informations relatives aux obligations d’enregistrement (date d’application, modalités…) présentent donc un caractère liminaire. Heureusement, rien de tel pour les chiffres de campagne Cognac, Pineau et Vins, bien balisés et « calés ».

* Rendement commercialisable : 11,71 hl AP/ha.
* Possibilité de rajouter 1,5 hl AP de réserve de gestion (RG réintroduite cette année sur décision interprofessionnelle, après un « blanc » en 2012).
* Soit un rendement annuel maximum autorisé de 13,21 hl AP/ha.
* La réserve de gestion est libérable en deux comptes, compte 4 (1 hl AP/ha) et compte 10 (0,5 hl AP/ha).

* Rappel important (dans la perspective de la Déclaration de récolte) – Pour les exploitations multi-crus, le rendement Cognac s’apprécie par cru (penser à relever les TAV par cru). Par ailleurs, est retenu l’alcool pur des vins « livrés ou mis en œuvre » et non l’alcool fabriqué (à la sortie de l’alambic).

* Pour cette campagne, la réserve climatique est portée à 7 hl AP/ha en cumulé.
* Elle sert à abonder le rendement annuel, réserve de gestion comprise (potentiel de 13,21 hl AP/ha cette année).
* Possibilités de déblocage de la réserve climatique sans changement (déficit de récolte, événement exceptionnel…).
* A noter que la sortie de réserve climatique répond à un formalisme bien précis. Un formalisme qui s’articule autour de plusieurs étapes, assorties de documents et de dates butoirs :

– demande d’intention de sortie de climatique, que le ressortissant doit déposer* au Service de la viticulture du BNIC avant le 15 décembre 2013 ;

* Conseil pratico-pratique : ne pas se contenter de déposer la demande de validation au standard du BNIC mais la remettre directement au Service de la viticulture ; ou l’envoyer par courrier avec accusé de réception.

– imprimé identifiant la mise en œuvre du Cognac, à retourner au BNIC avant le 15 avril 2014 (voir explications complémentaires page 19 du Paysan Vigneron d’octobre 2012) ;

– validation par les Services du BNIC du volume de réserve climatique à sortir.

Le non-respect de ces échéances entraînerait la caducité de la sortie de réserve climatique.

* Rendement moûts Pineau : 85 hl vol./ha (dont 10 hl vol. en réserve de gestion*).

* Rendement produit fini : 42 hl vol./ha (la notion de double rendement s’applique au Pineau depuis plusieurs années déjà).

* Le déblocage de la réserve de gestion Pineau était intervenu très tôt l’an dernier : le 1er juillet pour une mise en marché à partir du 1er avril. On peut s’attendre à la même chose cette campagne, marché demandeur oblige. A noter par ailleurs que si l’an dernier les producteurs de Pineau avaient pu utiliser la réserve de gestion Cognac pour muter leurs Pineaux, il n’en ira pas de même cette année. Pour la bonne et simple raison qu’il n’y a pas eu de réserve de gestion Cognac en 2012. Conséquence logique : pour la fabrication 2013 du Pineau des Charentes, la réserve de gestion de compte 0 n’est donc pas mobilisable… faute de munitions.

Vins de pays charentais

* Rendement de 90 hl vol./ha + 10 hl vol./ha de bourbes, lies et non-vins éventuels.

Vin de pays de l’Atlantique

* Rendement de 120 h vol./ha + 10 hl/ha de bourbes et lies.

Concernant les « autres débouchés » (vin de table, vin de base mousseux, jus de raisin…), une décision des professionnels datant de 2010 admet un rendement maximum autorisé de 250 hl vol./ha pour les vignes « cépages double fin ». Pour les vins rouges et vins blancs « autres cépages », le rendement admis au plan national s’élève à 180 hl vol./ha. La date d’entrée en production correspond à la 2e feuille (3e feuille pour les vignes Cognac, Pineau, Vins de pays).

Traçabilité des raisins Pas de document supplémentaire
C’est la position du Bassin Charentes/Cognac. La traçabilité des raisins de la parcelle au chai ne doit pas occasionner de nouvelles obligations d’enregistrement pour le viticulteur. Par contre, la profession n’est pas hostile à des évolutions, dans l’intérêt de la traçabilité.
La traçabilité des raisins de la parcelle au chai n’est pas franchement une découverte. Les textes communautaires la prévoyant existent depuis 2009. Cette année, l’Administration (la DGCCRF) a fait le forcing auprès des régions viticoles pour qu’elles rentrent dans les clous, en émettant des propositions concrètes. Car l’idée est de considérer que chaque région est spécifique et ce qui vaut pour l’une ne vaut pas forcément pour l’autre.
A cet égard, l’interprétation faite par Bordeaux de la traçabilité des raisins s’est révélée assez conforme aux vœux de l’Administration. La région de Bordeaux vient d’adopter un document type « registre de chai » retraçant l’origine et l’aptitude des raisins à produire telle ou telle appellation.
La région de Cognac allait-elle s’engager dans cette voie, sachant qu’elle partage avec la région bordelaise la même Direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ? Jean-Bernard de Larquier, président de la Fédération des interprofessions et référant sur le dossier, ne partage pas cette approche. « Le bassin cognaçais dispose déjà d’une batterie d’enregistrements, type HACCP ou ODG… Nous sommes conscients de la nécessité de la traçabilité des raisins mais nous estimons que cette traçabilité peut s’exercer sans la tenue de documents particuliers. » Malgré tout, la région ne nie pas la nécessité d’évoluer.
Cette année, à la veille de vendanges, elle propose que les viticulteurs utilisant des fiches de vinification s’en servent pour indiquer l’origine des moûts, en notant le nom de la parcelle culturale en face du n° de la cuve. Pour les autres, ils peuvent inscrire directement sur leurs cuves les noms de parcelles dont proviennent les raisins. Dans les deux cas, ne pas oublier de spécifier le cru. Ce devait être le sens des propositions émises le 26 septembre dernier en réunion de Fédération des interprofessions et le 4 octobre, lors de la réunion de Bassin Charentes/Cognac. A noter que si ces propositions sont avalisées, elles feront l’objet d’une information auprès de tous les viticulteurs. Par ailleurs, Jean-Bernard de Larquier indique qu’avant mai 2014, la région délimitée, en concertation avec la Douane et la DGCCRF, s’engage à mettre en place une nouvelle procédure. Mais en gardant le même esprit : « Nous ne voulons rien ajouter aux contrôles existants. »

Pertes et manquants

La circulaire de la Douane et des contributions indirectes publiée le 31 décembre 2012 s’inscrit dans le droit fil des textes communautaires viti-vinicoles qui, depuis des années, font de la traçabilité une de leurs priorités. Le texte administratif traite du régime des « pertes et manquants » dans le secteur des alcools et boissons alcoolisés. Jusqu’à présent, les deux notions se confondaient. La circulaire introduit une différence entre pertes et manquants. Les pertes interviennent au cours du processus « normal » de production et/ou de stockage. Quant aux manquants, ils correspondent à « une disparition injustifiée de produits alcoolique » (coulage, accident…). Alors que les pertes ne donnent pas lieu à perception des droits d’accises si elles se situent dans les taux normalement admis (5 % pour la distillation, 6 % pour le stockage…), les manquants, eux, ont vocation à être taxés, sauf appréciation autre des services gestionnaires (procédure dite « d’admission en décharge »).

Mais la circulaire ne s’arrête pas là. Elle introduit une nouveauté de taille. Dorénavant, si elles ne sont pas « tracées », les pertes pourront être considérées comme des manquants et donc être taxées, y compris lorsqu’elles se situent en deçà du seuil légal. Une vraie « révolution de palais » ; en tout cas une incitation forte à la traçabilité.

Un enregistrement « au fil de l’eau »

Comment va s’exercer cette traçabilité des pertes. Le texte prévoit que les pertes soient enregistrées « au fil de l’eau », c’est-à-dire au fur et à mesure de leur constatation. En clair, cela signifie qu’il va falloir les faire apparaître sur les différents registres : registre de comptabilité matière (au chapitre des sorties), registres d’élaboration (Pineau), de distillation (Cognac). Et comme la DRM (Déclaration récapitulative mensuelle) n’est le reflet mensuel de la comptabilité matière, les pertes y figureront aussi, par la bande. Auparavant les pertes n’étaient consignées qu’une seule fois, à l’issue de la campagne, lors de l’inventaire.

Comme déjà dit, à défaut d’être « tracées », les pertes supporteront les droits d’accises, de la même manière que les manquants. Une procédure couperet.

Quand est-ce que la mesure va entrer en vigueur ? Applicable depuis le 1er janvier 2013, elle a vocation à jouer dès cette campagne. Cependant, compte tenu de la complexité du processus de fabrication Cognac – distillation à double repasse, sur une période longue – les Douanes, en concertation avec le BNIC, ont décidé d’accorder une période transitoire aux bouilleurs de cru à domicile. Cette année, les pertes – s’il y en a – s’enregistreront en fin de campagne, sur la Déclaration de revendication Cognac. Quid de l’an prochain ? Les producteurs nourrissent une crainte : que le régime de traçabilité des pertes qui leur sera dévolu se rapproche de celui des bouilleurs de profession. Ce ne serait pas un service à rendre aux TPE.

 

 

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