Récolte 2010- Région délimitée Cognac : une récolte « ajustée

31 janvier 2011

Les excédents à gérer, ce ne sera pas pour cette année. En Charentes, la récolte 2010 ne brille pas par son embonpoint. Elle serait plutôt « ajustée » aux besoins. D’où, d’ailleurs, un léger flottement chez certains vignerons qui se demandent comment « assurer les rendements » si ces derniers venaient à grimper davantage. Le syndrome « vieilles vignes » inquiète, comme peuvent dérouter des phénomènes climatiques aux conséquences mal maîtrisées (par exemple une sécheresse sévère sur une période assez longue). Vous avez dit « perte de repères » ! C’est un peu cela qui s’est joué en 2010. Des « espérances de récolte » ne se concrétisèrent pas toujours. Au final, cela donne des réalisations « un poil » plus faibles qu’attendues. La Station Viticole du BNIC annonçait 120 hl vol./ha et la « vulgate » régionale n’était pas loin de tabler sur 125 hl vol./ha. Mais le « juge de paix » des déclarations de récolte a livré son verdict : 111 hl vol./ha de moyenne. Un écart de 10 hl vol. Ce différentiel est la fois faible – et donc parfaitement acceptable en terme statistique – mais interpelle cependant si on le rapporte aux 70 000 ha du vignoble Cognac. Faut-il conclure à la défaillance de la méthode de prévision ? Sans prétendre à l’exactitude – « aucune méthode n’est fiable à 100 % – les techniciens remarquent que des contrôles à la parcelle réalisés jusqu’à la veille des vendanges ont confirmé la dernière prévision officielle de rendement de 120 hl/ha, communiquée le 20 septembre 2010. Alors, que peut-il se passer entre l’observation sur pied et les chiffres livrés dans les déclarations de récolte ? Des « biais » peuvent-ils se glisser ici ou là comme par exemple un réglage plus doux de la machine à vendanger, un pressurage moins fort…? Dans les vignobles français soumis depuis des lustres à une stricte observance d’un plafond de rendement, le phénomène est bien connu. Les vignerons s’adaptent à la réglementation ambiante. La région de Cognac – qui rentre dorénavant dans le pot commun des appellations – n’est-elle pas en train de découvrir elle aussi cette nouvelle approche rendement. Pour prévoir le potentiel de récolte, suffira-t-il toujours de raisonner en « pur agronome » ?

A l’autre bout du curseur, les techniciens font état de recherches sur les composantes du rendement et notamment sur l’expression du potentiel de réserves carbonées de la plante. De manière parfois un peu simpliste – et anthropomorphique – une remarque de bon sens fait de l’eau un facteur clé du rendement. Pas si simple. « La baie de raisin est un organisme qui a vocation à accumuler du sucre et non de l’eau. C’est le sucre qui va attirer l’eau de la plante. » Alors, qu’il pleuve ou qu’il ne pleuve pas, la baie grossira…. ou pas. Voir les petites récoltes 2007 ou 2008, pourtant copieusement arrosées. Pour les scientifiques, ce qui semble aujourd’hui beaucoup plus déterminant, ce sont les réserves carbonées que la plante peut mobiliser – le carbone mis en réserve dans la plante les années précédentes – et surtout la capacité d’expression de ces réserves. Des travaux en cours tentent d’établir un référentiel d’interprétation du cycle du carbone. Combien de carbone entre dans la plante (essentiellement par la photosynthèse) et comment se distribue-t-il entre les trois grandes fonctions que sont les grappes (le rendement de l’année), les jeunes pousses et les fameuses réserves ? Un domaine de recherche encore balbutiant mais passionnant ! « Par sa dimension historique, le rendement d’une vigne est bien plus complexe à appréhender que le rendement d’un blé » confirme Vincent Dumot, responsable du pôle viticulture à la Station Viticole du BNIC. On le croit volontiers.

Après dépouillement des déclarations de récolte, le BNIC a communiqué en décembre les chiffres de la récolte 2010. Tous cépages confondus, le vignoble des Charentes aura produit un peu plus de 8,7 millions d’hl vol. sur une surface en production de 78 000 ha. A titre d’information, cette superficie fait aujourd’hui de la région délimitée le deuxième plus gros vignoble de France derrière Bordeaux (120 200 ha). A ne considérer que le seul vignoble « double fin » (apte à produire du Cognac), la récolte s’est élevée à 8,3 millions d’hl vol., sur une surface de 74 400 ha. Avec ces quantités, la récolte 2010 se situe dans la bonne moyenne des dix dernières années mais sans excès. Elle est plus forte qu’en 2007 ou 2008 (de l’ordre de 6,5 millions d’hl vol. chacune) mais beaucoup plus faible qu’en 2004 ou 2005, deux années records où les rendements ha avaient presque atteint les 13 hl AP/ha. La récolte 2010 affiche des scores nettement plus « moyennés ». A quelque chose près, ils se décalquent sur ceux de 2009 : 11,35 hl AP/ha cette année contre 11,44 l’an dernier. Exprimé en volume ha, cela donne une moyenne de 111 hl vol./ha, corrélé à un degré moyen de 10,29.

Le prévisionnel d’avant récolte laissait envisager des excédents de l’ordre de 600 000 hl vol. En réalité, on serait assez loin du compte. Fin janvier, les distillateurs communautaires (Revico, UCVA…) tablaient sur des volumes proches de l’an dernier, c’est-à-dire de l’ordre de 20 000 hl AP (200 000 hl vol.), destinés à la biocarburation.

En 2009, une polémique avait fait rage sur la manière très laxiste dont certains viticulteurs envisageaient le rendement physiologique de leurs « vignes autres ». Rien de tel cette année. A 203 hl vol./ha de moyenne pour les vignes « autres », c’est la grande sagesse qui prévaut.

En terme d’affectation de récolte, encore une fois, le Cognac se taille la part du lion. Tous crus confondus, 91 % des volumes sont allés à la destination Cognac, dans une fourchette variant de 97,4 % pour les Borderies à 74 % pour les Bons Bois, en passant par 93 % pour les Fins Bois, 92 % pour la Petite Champagne ou 96,9 % pour la Grande Champagne.

Qualitativement, les trois premiers mois de distillation ont donné de très belles eaux-de-vie, sinon exceptionnelles, du moins de très bonne facture. Le froid hivernal a éludé les problèmes graves. Le prix des vins de distillation a connu une légère surchauffe, surtout en Grande Champagne, cru décidément très courtisé cette campagne. Partout ailleurs la recherche de volumes fut soutenue, avec des prix « grandes maisons » qui se sont imposés dans tous les crus. Cette embellie va-t-elle s’étendre aux eaux-de-vie nouvelles ? Pas facile de le dire car revient toujours la même question : le terrain reflète-t-il la véritable attente des donneurs d’ordre ? Aujourd’hui, la demande d’eaux-de-vie rassises (comptes 3-4 jusqu’au compte 10) semble davantage alimentée par les petites maisons, mais qu’en sera-t-il demain ? Un courtier confirme en tout cas que le marché des eaux-de-vie retrouve des valeurs équilibrées, « permettant aux bouilleurs de cru de gagner de l’argent ».

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