Récolte 2006 : Une Année Hétérogène

8 mars 2009

A la mi-octobre, il ne reste sans doute plus beaucoup de raisins dans les vignes charentaises. Comme ce qui tend à devenir la norme depuis quatre ou cinq ans, la récolte a été « pliée » en quinze jours chrono. Entamés vers le 25 septembre voire même un peu plus tôt, les chantiers ont couru au maximum jusqu’à la mi-octobre. A l’heure des premiers bilans, se dégage une impression générale d’hétérogénéité doublée de déceptions dans certains cas. Cette récolte, qualifiée de « jalouse et très irrégulière » par un courtier de campagne, « a eu tendance à surprendre un peu son monde ». Les rendements que l’on annonçait beaux n’ont pas forcément été au rendez-vous. Sécheresse, échaudage, concentration, rendement en jus, réserve hydrique des sols, culture, pas culture… Si tous ces facteurs sont évoqués comme possibles sources d’altération des volumes, c’est surtout l’oïdium qui est cité comme premier fauteur de trouble. Avec l’oïdium « ça va vite » dans la dégradation de la charge. Des exploitations ont fait 160 hl ou 200 hl/ha quand d’autres n’arrivaient pas au rendement agronomique des 130 ni même au quota Cognac dans certains cas. Amplitude très large donc de la fourchette des rendements, qui s’étend de 100 à 200 hl vol./ha. Au final, atteindra-t-on la moyenne des 140 hl vol./ha annoncée par la Station viticole du BNIC sur la base de ses parcelles de référence ? Pas sûr. Quant aux degrés, ils s’avèrent presque aussi aléatoires que les rendements. Le 9 octobre, un opérateur en était à 9,3 % vol. de moyenne sur environ 100 000 hl vol. d’Ugni blanc collectés, avec des degrés beaucoup plus faibles de 7,5-8,5 relevés ici et là. La qualité Cognac ne devrait pas s’en plaindre.

En ce qui concerne les destinations de la récolte 2006, un premier constat s’impose : la viticulture a fait le choix de conserver une grosse disponibilité volumique dans ses chais. Un cabinet de courtage estime de facto son activité réduite de moitié sur ces vendanges. Les volumes iront-ils alimenter le Cognac ? A coup sûr. Et ça n’étonne personne. « Dans un contexte où le Cognac va bien, c’est la solution la plus intelligente » reconnaît un opérateur « autres destinations ». Même si les possibilités de marchés existaient, les moûts de vinification expédiés en cours de récolte n’ont pas fait recette. Les quantités affectées à ce débouché sont qualifiées « d’insignifiantes » par les intermédiaires. Le couperet des prix a tranché ! Même à 130 vol./ha, le rapport de prix était par trop défavorable aux vins de conso. à l’intérieur de la QNV. A l’extérieur de la QNV, le débouché jus de raisin a souvent fait les frais d’un arbitrage en faveur des vins pays tiers ou de la D.O. Une première explication peut tenir aux prix : 14 e le ° hl pour les jus de raisin, 15 e le ° hl pour les moûts pays tiers. Même si la différence paraît mince, elle a toujours un effet déclencheur. Joue éventuellement aussi la gêne de sulfiter les cuves, de les nettoyer et de savoir quoi faire des bourbes. Enfin, l’explication principale tient sans doute à la faculté du tri Cognac que recèlent les vins pays tiers. Le premier opérateur régional jus de raisin, l’entreprise mâconnaise Foulon, dit cependant avoir à peu près trouvé ses volumes, soit
500 000 hl vol. « On n’en sera pas très loin. » S’il estime normal que le débouché vin soit payé plus cher que le débouché jus – « c’est même l’aussi faible différence qui est anormale » – il met en garde contre la versatilité de la destination vins pays tiers. « Ces volumes ne sont pas attachés aux Charentes. Cette année, leur débouché est lié à deux embargos, l’un sur la Géorgie, l’autre sur la Moldavie. C’est ainsi que 3 millions d’hl vol. se répartissent entre la France, l’Italie et l’Espagne. Mais il suffit que le contexte change pour que ces quantités disparaissent. » Durant les vendanges, les camions de jus de raisin se sont montrés étrangement discrets sur les routes charentaises. L’explication réside dans les frais de transport, déjà élevés mais qui ont tendance à carrément doubler en période de pointe. L’opérateur Foulon a pris le parti de stocker 100 à 150 000 hl vol. de jus dans des entrepôts charentais, en attente d’un dégonflement du coût du transport, qui se vérifie généralement dès novembre. « Plutôt que de donner une surprime aux transporteurs, je préfère en faire profiter la filière charentaise » explique Pierre Guyot, qui précise que cette nouvelle stratégie n’interfère en rien sur son mode d’approvisionnement. « Nous travaillons toujours avec nos partenaires traditionnels. »

Tout le monde veut distiller de la récolte 2006 ! » Un opérateur de place confirme la primauté occupée par les vins de distillation dans une ambiance régionale où le Cognac « tire ». Des négociants n’ont pas trouvé tous les volumes qu’ils souhaitaient en 2005 et entendent se rattraper en 2006. Petite, moyennes, grandes maisons préfèrent s’assurer des volumes maintenant, sur la base de contrats, plutôt que d’attendre un hypothétique approvisionnement en eaux-de-vie. Inévitablement, les prix s’en ressentent. Si la campagne 2005-2006 avait démarré à 25-27 F le ° hl pour les vins de distillation, la campagne 2006-2007 débute à 460 € l’hl AP (30 F le ° hl, le prix sur lequel s’est achevée la précédente campagne). En fonction des crus, on donne le cours des vins de distillation entre 460 et 520 € l’hl AP. Cette bonne tenue des prix répond à « l’esprit de conquête » affiché par le négoce, soutenu par des prévisions d’expédition en hausse. « Si vous voulez que nous vendions plus de Cognac, produisez davantage ! » Sur les comptes 2, un opérateur parle de cours « limite surchauffe ». « Sur le marché libre, on se situait à 800 € l’hl AP il y a encore quelques mois. Aujourd’hui, à 950 €, on ne trouve plus grand-chose. » Car les comptes 2 disponibles à la vente ne sont pas légion. Même situation pour les comptes 4 qui, en mai-juin, tournaient autour de 900-1 000 € l’hl AP contre 1 200 € l’hl AP aujourd’hui. En un laps de temps assez court, leur prix a progressé de 20 %. Tout en soulignant la rapidité de la hausse, qui peut poser problème, de bons connaisseurs du marché tendent à relativiser l’importance de la remontée des cours. « N’oublions pas qu’en 1992, le prix des comptes 2 était déjà de l’ordre de 1 000 € l’hl AP alors que la progression des charges et l’inflation sont passées par là. Aujourd’hui, on ne peut pas encore dire que les viticulteurs touchent les dividendes des performances commerciales du Cognac. » Autant ces intervenants cautionnent la légère surproduction du Cognac depuis trois ans, justifiée par les perspectives de vente, autant ils en appellent à la circonspection. « Il faudra être capable de revoir le niveau de production au premier coup de froid. C’est la condition sine qua non pour sécuriser la filière. » « Tout se passe bien mais prudence. »

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