Respecter l’environnement : Une Véritable philosophie

6 mars 2009

ceps_vigne.jpgLe 16 juin dernier, la coopérative Syntéane avait organisé une journée d’information destinée à présenter les efforts réalisés par l’ensemble de la filière agricole et viticole pour mettre en œuvre des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement. Les témoignages de l’opération de lutte raisonnée Vigilance et de l’engagement de la propriété d’un couple de jeunes viticulteurs dans une démarche de certification environnementale de type ISO 14001 confirment l’implication de certains viticulteurs dans des démarches concrètes.

Il est assez paradoxal de constater que les agriculteurs et les viticulteurs qui connaissent mieux que personne la nature et la défendent au quotidien sont aujourd’hui catalogués de pollueurs. L’âme du métier d’agriculteur est aujourd’hui assimilée par le grand public à l’application des pesticides et des engrais chimiques alors que ces travaux ne représentent qu’une part marginale de l’activité. Le capital de confiance historique et la cote de sympathie pour ce métier dur qui existaient entre la population citadine et les agriculteurs se sont considérablement ternis. L’image véhiculée par l’agriculture est aujourd’hui devenue négative et un certain nombre de jeunes agriculteurs vivent mal cette situation. Un jeune viticulteur nous expliquait qu’il vivait de plus en plus mal cette situation, sur le plan personnel mais aussi vis-à-vis de sa proche famille : « Aujourd’hui, lorsque je rencontre des gens complètement extérieurs à notre milieu, j’hésite parfois à dire que je suis agriculteur et viticulteur. Les gens ont comme image principale de notre métier que nous sommes avant tout des applicateurs de pesticides. J’essaie le plus souvent d’engager la discussion pour expliquer nos méthodes de travail et présenter les réalités techniques et économiques du métier mais le message ne passe pas toujours bien. On a parfois l’impression que les citadins souhaiteraient que l’on travaille avec les mêmes moyens que nos grands-parents. Je pense aussi que nous ne savons pas communiquer sur tous les efforts que nous réalisons quotidiennement pour faire notre métier en respectant l’environnement. Nous sommes beaucoup plus professionnels et plus vigilants lorsque nous utilisons des pesticides que tous les jardiniers amateurs. » Ce témoignage anonyme est le reflet d’une prise de conscience d’un grand nombre d’agriculteurs et de viticulteurs, sur le besoin de cultiver l’image de leur métier afin de tisser des liens de confiance avec le public citadin dont l’attitude de consommateur doit être prise en compte sur un certain nombre de plans. La journée d’information de Syntéane s’inscrit complètement dans cette logique puisque la coopérative est un acteur important au niveau de la viticulture et des grandes cultures en Charente-Maritime. Le président M. Michel Grenot et le directeur M. Alain Cardinaud avaient choisi de s’appuyer sur des initiatives concrètes avec la démarche de lutte raisonnée Vigilance et l’engagement d’une exploitation viticole dans une démarche de certification environnementale de type ISO 14001.

Vigilance « fête déjà » ses 15 ans de Lutte raisonnée

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M. Alain Dubournais, le technicien de Syntéane.

Le réseau Vigilance est une initiative unique de conduite de la protection du vignoble en lutte raisonnée dont l’origine repose sur une volonté conjointe de formation entre des viticulteurs et des techniciens. En 1992, quelques viticulteurs du canton de Cozes avaient exprimé auprès du technicien de la coopérative, M. Alain Dubournais, leur souhait d’appréhender la lutte contre les différents parasites et ravageurs de la vigne d’une autre manière. La présence dans cette zone de la nécrose bactérienne suscitait aussi de nombreuses interrogations. Des contacts ont été pris avec le SRPV de Cognac qui a décidé de s’investir dans un projet pilote en apportant un appui technique totalement indépendant de toutes contingences commerciales. Le réseau Vigilance a été construit et fonctionne toujours avec la même philosophie qui repose sur quelques éléments essentiels : un travail en petit groupe associant une vingtaine de viticulteurs issus d’une entité géographique homogène, un investissement personnel des viticulteurs dans l’observation hebdomadaire de parcelles de référence, une collecte et une transmission d’informations toutes les semaines, un dialogue technique permanent tripartite entre les techniciens locaux de la coopérative et l’équipe du SRPV de Cognac, une formation technique progressive et constante, et une prise de décision finale sous l’entière responsabilité de chaque viticulteur. La formule devait être adaptée aux attentes puisque 15 ans plus tard elle est toujours opérationnelle et le groupe de pionniers de la région de Cozes a fait des petits. Aujourd’hui, Syntéane a mis en place quatre groupes Vigilance regroupant environ 80 viticulteurs.

Un travail technique à la fois fondamental et concret

L’approche développée dans le cadre de Vigilance repose à la fois sur tous les éléments propres à chaque viticulteur, à la synthèse locale du groupe et aussi des données régionales. L’utilisation de moyens modernes de prévisions de risque (les modèles) comme la seule observation de son exploitation ne sont pas suffisantes pour appréhender de façon objective la pression parasitaire à Cozes, à Jonzac ou à Archiac. La juste appréciation du risque nécessite une véritable synthèse entre ces trois sources d’informations et la confrontation du vécu de la protection entre techniciens et viticulteurs. Contrairement à certaines idées reçues, les techniciens ont un besoin impératif de dialoguer avec les viticulteurs pour valider et faire évoluer leurs réflexions. Un autre volet très important qui est développé dans le cadre de

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M. Denis Estève, viticulteur à Clam.

Vigilance concerne la sensibilisation des viticulteurs à l’observation de leurs vignes et à la qualité de la mise en œuvre de la protection. Chaque année, le travail des viticulteurs doit intégrer des éléments qui ne sont pas directement liés à la protection (mais qui conditionnent son efficacité) comme la qualité de la pulvérisation (des tests sont réalisés), le suivi de la climatologie (enregistrement des niveaux de précipitation, des rosées, de l’intensité du vent pendant les traitements…), l’observation de la phénologie des parcelles. L’introduction sur chaque exploitation de témoins 0 traitement (sur de petites surfaces) représente aussi un moyen important pour détecter l’apparition des parasites et ensuite mieux suivre les cycles épidémiques tout au long de la saison. C’est un outil très pédagogique pour les viticulteurs qui mesurent ainsi l’intérêt de raisonner la lutte et de traiter au bon moment. Le fait de travailler en groupe crée une dynamique très constructive et très formatrice entre viticulteur, qui est entretenue par un dialogue hebdomadaire. Chaque début de semaine, les viticulteurs font des relevés dans leurs parcelles de références qui sont transmis au SRPV et à Syntéane. La synthèse de toutes ces données permet de rédiger un bulletin d’infos Vigilance sur la situation parasitaire qui est transmis à chaque exploitation par fax ou par mail. Entre la fin avril et début septembre, une réunion bout de vigne entre les viticulteurs d’un même groupe, le technicien de Syntéane de la zone concernée et la protection des végétaux a lieu tous les 15 jours. C’est un moment assez unique qui permet aux viticulteurs de s’exprimer librement et de poser des questions aux techniciens. La décision de traiter ou pas relève de la seule responsabilité des viticulteurs. Le fonctionnement des groupes Vigilance a aussi permis aux techniciens du SRPV, d’une part, d’affiner leurs méthodes de travail au niveau des observations et des piégeages et, d’autre part, de se constituer une banque de données techniques spécifique contenant des informations quantitatives et qualitatives.

Des Viticulteurs impliqués dans la lutte raisonnée qui utilisent moins de produits

La présentation de tout le travail technique mis en œuvre dans le cadre de Vigilance débouche-t-elle sur une évolution des pratiques de protection ? Un viticulteur, M. Denis Estève, de Clam, nous a fait part de son témoignage : « Je fais partie de ces viticulteurs qui aiment les vignes bien faites et pendant longtemps j’ai abordé la protection de mes 11 ha d’Ugni blanc sans prendre de risque. Je traitais de façon systématique sans avoir l’envie de raisonner l’opportunité de mes traitements. Il y a trois ans, j’ai adhéré au groupe Vigilance de Jonzac car l’implication des techniciens de la FREDON et du SRPV à côté de ceux de Syntéane m’a donné confiance. En trois ans, mon approche au niveau de la protection a totalement changé. La qualité des informations qui nous sont transmises et le fait d’avoir acquis plus de compétences grâce à la réalisation des observations et aux échanges avec les techniciens me permettent de traiter plus sereinement. Je raisonne de façon objective l’intérêt de chaque intervention et au final cela m’a permis de réaliser des économies substantielles. ». M. Garry Charré, à Thézac, qui exploite avec son épouse, Mme Pascale Croc, 25 ha de vignes a aussi intégré un groupe Vigilance depuis quelques années. Cela lui a permis d’aborder maintenant la protection avec beaucoup plus de sens des responsabilités : « En quelques années, on a acquis beaucoup plus de technicité grâce à un cadre de travail précis et très formateur. A titre personnel, nous étions très sensibilisés par les aspects environnementaux et de raisonnement de la lutte mais Vigilance nous a permis d’aller beaucoup plus loin. La dynamique de groupe est aussi très intéressante car cela favorise les échanges entre viticulteurs. Faire part de nos expériences, écouter celle des autres, interroger les techniciens sur des sujets précis, c’est vraiment très important pour nous. Le fait de disposer d’une parcelle témoin O traitement nous a beaucoup appris sur le plan de la reconnaissance des maladies. Tous ces éléments nous permettent d’aborder la protection d’une manière plus sereine et surtout plus compétitive sur le plan économique. Au niveau du mildiou, on travaille presque essentiellement avec des produits de contact du début à la fin et dans les parcelles destinées à la production de Pineau, on a limité la protection anti-botrytis à un seul traitement. »

Une volonté personnelle de concilier technicité et respect de l’environnement

S’investir dans la mise en œuvre de pratiques culturales respectueuses de l’environnement est une réflexion devenue presque commune depuis quelques années. Beaucoup d’agriculteurs s’intéressent et mènent sur les exploitations des initiatives qui vont dans ce sens, mais peu d’entre eux vont jusqu’à s’engager dans une démarche de certification environnementale cautionnant les efforts qu’ils ont mis en œuvre. Pascale Croc et son mari Garry Charré, qui exploitent à Thézac une propriété de 130 ha dont 25 ha vignes (l’EARL du Petit-Bois), ont eu depuis quelques années un cheminement intellectuel qui les a amenés à s’engager dans une démarche de certification environnementale de type ISO 14001. Ce couple de jeunes agriculteurs, qui a repris l’exploitation familiale depuis 6 ans, a toujours souhaité aborder ce métier avec la volonté de « produire propre » tout en cherchant à faire preuve de réalisme économique. P Croc et G. Charré ont conduit sur leur exploitation une réflexion de fond sur la gestion et le fonctionnement de leur ferme qui les a amenés à réorganiser totalement l’activité depuis quelques années. L’utilisation des moyens informatiques a permis de faciliter le suivi rigoureux des temps de travaux, l’utilisation et le coût des intrants et le calcul des marges brutes sur chaque culture ont été systématisés pendant plusieurs années. Chiffre à l’appui, ils se sont rendus compte que les 105 ha de céréales (non irriguées) ne contribuaient pas de manière majeure dans leurs revenus et que les 25 vignes représentaient vraiment « le poumon » économique de la propriété. Cette analyse a débouché sur l’externalisation d’un certain nombre de travaux (semis et récolte), une concentration des efforts techniques et financiers sur le vignoble et une réduction de la main-d’œuvre à deux temps pleins (l’activité du couple) complétés par des emplois saisonniers (dans les vignes). Toute cette évolution s’est effectuée en ayant la volonté de respecter l’environnement naturel dans lequel vit la famille, d’autant qu’ils côtoient une nouvelle population aux origines souvent essentiellement citadines (compte tenu de la proximité des villes de Saintes et de Royan). La cohabitation intelligente avec ces nouveaux ruraux nécessite aussi une remise en cause de certaines habitudes de travail. Par exemple, il est devenu délicat de traiter une parcelle de vignes en plein après-midi (et en présence de vent) juste à côté d’une maison avec une piscine. Le souci de respecter la nature (à court et long terme) et l’environnement de vie du village a incité P. Cros et G. Charré à pousser leur initiative le plus loin possible. Leurs investigations les ont amenés dans un premier temps à intégrer un groupe de lutte raisonnée Vigilance mais ensuite la volonté d’appliquer une démarche environnementale à toute l’exploitation a été une motivation supplémentaire. Ils sont rentrés en contact grâce à la chambre d’agriculture de Charente-Maritime avec l’association ISONIS qui regroupait quelques céréaliers de l’Aunis ayant volontairement décidé d’engager leur ferme dans une démarche de certification environnementale ISO 14001.

La première exploitation viticole à être certifiée ISO 14001

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Mme Pascale Croc et M. Garry Charré, viticulteurs à Thézac.

Les premiers contacts de P. Croc et G. Charré avec le président d’ISONIS, M. Philippe Massonnet, un jeune céréalier à Dampierre-sur- Mer, ont révélé une même philosophie dans les réflexions techniques et environnementales. La démarche de certification ISO 14001 présente un certain nombre d’avantages qui la rendent accessible aux exploitations agricoles. De par son principe, elle permet de tenir compte du contexte de chaque exploitation (à beaucoup de niveaux) et les programmes d’améliorations peuvent être évolutifs dans le temps. Les premières démarches de certifications ont commencé au début des années 2000 avec un groupe de 22 propriétés céréalières mais seulement 6 ont décroché la certification. Les premières approches pour l’engagement de la démarche de la propriété de P. Croc et G. Charré ont au départ soulevé quelques spécificités en raison de la présence d’un vignoble important. Le contenu du programme de certification a été complètement adapté aux spécificités de la ferme et tout particulièrement au niveau de la mise en œuvre des traitements viticoles qui font appel à d’autres principes qu’en grandes cultures. L’earl du Petit-Bois s’est engagée dans la démarche en 2004 et après un statut en tant que stagiaire. La certification a été obtenue en 2005. C’est l’AFAQ qui est venu réaliser l’audit. Au départ, la mise en place de la certification a nécessité du travail administratif conséquent et la mise en place de nouvelles méthodes de travail pour collecter et enregistrer les informations. Quelles sont les contraintes que se sont imposées ces deux jeunes viticulteurs. Leur réponse sur ce sujet est à la fois enthousiaste et réaliste : « Au niveau du raisonnement de la protection du vignoble, le travail effectué dans le cadre de Vigilance constitue une base de travail suffisante. C’est au niveau de la réalisation des traitements que l’approche a été un peu plus contraignante. L’intensité du vent et les conditions d’hygrométrie sont des éléments dont nous tenons compte et cette année, la plupart des traitements ont été effectués en fin de journée. Le rinçage du pulvérisateur à la parcelle est aussi devenu une pratique systématique et lors des traitements, le chauffeur du tracteur est systématiquement équipé d’une tenue de protection complète. Par contre, nous n’avons pas encore investi dans l’installation d’une aire de lavage et d’un local phytos aux normes, et ce projet est inscrit dans le volet des aménagements à réaliser progressivement. Une citerne à gas-oil aux normes a été aussi achetée afin d’éviter tous les risques de pollutions extérieurs. Le volet le plus lourd de la certification a été au départ les enregistrements qui nécessitent du temps mais par la suite cette activité devient presque automatique, au point qu’elle est intégrée dans le temps de travail. La mise en place de la certification nous a amenés à revoir complètement notre organisation du travail, ce qui nous a permis de réaliser des gains de productivité. L’utilisation des bâtiments a été aussi remise en cause à la fois sur le plan de leur fonctionnalité et des conditions de circulation autour de la ferme. Le chai de vinification reste bien sûr un poste d’aménagement important au niveau de la sécurité et du devenir des effluents. Notre seul regret est de n’avoir reçu aucune aide pour mener à bien ce travail qui nous satisfait. Aujourd’hui, nous avons le sentiment de travailler en ayant une autre philosophie intellectuelle et d’ici quelques années, notre souhait serait de valoriser notre engagement dans la certification ISO 14001 à travers le développement de la vente directe de vins et de pineaux. »

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