rendement cognac 2012 dans le chaudron des discussions

9 mai 2012

Les hommes sont réputés être « mono-tâche ». Ils leur arrivent parfois aussi d’être « mono-idée ». Et l’idée dominante, en ce froid printemps 2012, c’est le rendement Cognac 2012. Les représentants des deux bords – viticulture et négoce – se sont attelés à la tâche. Avec gourmandise, délectation ? En tout cas avec pugnacité.

Le petit négoce, qualifié plus correctement de « PME du Cognac », ne souhaite qu’une chose : voir le rendement libre – commercialisable immédiatement – augmenter. Chez eux, les coutures craquent, l’étau se resserre, plaçant certains au bord de l’asphyxie. De l’oxygène, vite ! Les grandes maisons, elles, ne verraient sans doute pas d’un mauvais œil une progression des volumes mais la pression est moins forte en ce qui les concerne. La discussion sur le rendement est un vaste marchandage où, au petit jeu du « poker menteur », chacun s’essaie. Toutes les cartes sont… sous la table.

La viticulture écoute la demande de ses partenaires. Elle veut bien y accéder en partie mais n’est pas prête à être « prise en otage ». Un premier GT (groupe de travail) Production, réuni au BNIC le 20 avril, a fait « tourner la moulinette » de l’outil de calcul. En est ressorti le chiffre de 10,04 hl AP/ha, sans compter les 0,79 de rattrapage de l’XO compte 10 (cumul des deux années 2011 et 2012). La viticulture s’est réunie dans la foulée et, à ce stade (22 avril 2012), sa proposition (celle de l’UGVC) est la suivante : rendement total de 11,05 hl AP, dont 10,05 en libre et 1 de pur en réserve. Sur le volume total de 11,05 de pur, cette proposition de rendement est totalement en phase avec le rendement de l’an dernier qui, pour mémoire, s’élevait à 11,02 hl AP/ha. Ce qui change, c’est la répartition entre le libre et les réserves. En 2011, le libre s’élevait à 9,52 hl AP/ha et les réserves à 1,5, partagées entre 1 hl AP libérable en compte 4 et 0,5 en compte 10. Cette année, la proposition de la viticulture vise à augmenter la partie libre de 0,5 hl AP (de 9,52 à 10,05 hl AP) mais à limiter la réserve à 1 hl AP.

La viticulture pourra-t-elle tenir cette position jusqu’au bout ? Devra-t-elle lâcher du lest ? En tout cas, il faut s’attendre à ce que le négoce exerce un gros bras de fer (plutôt côté petites maisons) pour pousser ses feux. Objectif déclaré : obtenir, en libre, 10,5 hl AP/ha, soit 1 hl de mieux que l’an dernier. Dans le collimateur, entre autres, les 0,79 de rattrapage XO, que le négoce verrait bien abonder le rendement libre, alors que la viticulture les préfère en réserve. Son argument ? « Nous n’allons pas les réaliser en 2012. » Pour « calmer le jeu », la viticulture peut-elle objecter que le Cognac n’a pas tenu ses prévisions ? Que nenni. Au lieu des + 3 % prévus, les ventes ont progressé de + 4,3 %. Il n’y a donc aucune réfaction à prévoir, bien au contraire. Ceci dit, la production ne souhaite pas s’engager sur un rendement total trop élevé. A ce jour, les 11 de pur/ha lui semblent un bon chiffre. « Si le rendement est trop élevé, que se passera-t-il le jour où les réserves arriveront sur le marché ? » Il faut dire que rien n’est réglé à l’égard de la sortie de ces réserves de gestion. Sur la récolte 2011, on estime que 90 000 hl AP furent distillés au titre des réserves de gestion. Ces volumes, pour l’heure, ne rentreraient dans aucune méthode de calcul. « Pourtant, il faudra bien les avaler un jour » précise-t-on dans la sphère viticole. Et de poursuivre : « Grosso modo, les ventes de VSOP devraient progresser de 30 %. Souhaitons que les Chinois continuent de consommer beaucoup de Cognac. » La crainte, sous-jacente, c’est que le marché asiatique phagocyte les ventes, au détriment des marchés mâtures comme les Etats-Unis ou l’Europe (phénomène des allocations). Les prix d’achat constituent une autre source d’inquiétude. « Rien à dire sur les vieux comptes, ils trouvent leur valorisation. Par contre, les prix pratiqués sur les comptes 2 et 4 font peur. C’est la surenchère. Chaque semaine, on a l’impression d’être en retard par rapport à la semaine d’avant. C’est bien tant que le mouvement est haussier… jusqu’au dernier mois. » Un resserrement du marché – toujours possible – plane dans toutes les têtes.

Pour revenir à la réserve de gestion en 2012, l’idée – de la
viticulture – consiste à ne retenir qu’une seule date de sortie. Mais, là aussi, l’unanimité se fera-t-elle ? Des « petits malins » ne proposeront-ils pas « qu’un 0,2 vienne compléter un 0,8 ? » « La double date de sortie en compte 4 et en compte 10 est suffisamment complexe cette campagne pour ne pas avoir envie d’y revenir » tonne pourtant un praticien. Un autre professionnel lance un appel désespéré à la simplicité. « Arrêtons avec ces chiffres après la virgule. Revenons aux chiffres ronds, aux 10 + 1 = 11. Peut-être cela éviterait-il de voir tant
d’erreurs sur les déclarations de fabrication et de revendication. » Des déclarations de fabrication qui, semble-t-il, peinent à arriver au BNIC, tellement elles sont compliquées à remplir. « Normal ! Nous sommes en train de monter de véritables usines à gaz ! »

C’est l’assemblée plénière du BNIC qui entérinera la proposition de rendement Cognac. Elle sera ensuite soumise au vote de l’ODG puis transmise au CRINAO qui, lui-même, la transmettra au Comité national vins et eaux-de-vie de l’INAO. Le rendement Cognac – comme les autres rendements de l’aire délimitée – devrait être connu avant fin juin, pour la déclaration d’affectation.

Selon toute vraisemblance, le chiffre de distillation Cognac 2011 sortira à la mi-mai. D’ores et déjà, on prédit un volume supérieur à 700 000 hl AP, selon la simple multiplication des surfaces affectées au Cognac (72-73 000 ha) à une production moyenne de 10 hl AP/ha.

Dès février, la maison Rémy Martin s’est positionnée en annonçant une augmentation de 20 % de son contrat collectif Alliance Fine Champagne, contrat qui porte sur la moitié de son engagement auprès de la coopérative, le reste étant des contrats individuels à trois ans (2012 : 3e année de récolte). Des commissions de développement ont été mises en place à Alliance, pour intervenir auprès des bouilleurs de cru, des bouilleurs de profession.
Objectif : passer d’une commande de 34 000 hl AP en 2011 à 41 000 hl AP en 2012. Après le recul opéré en 2010 – 28 000 hl AP – la coopérative associée a retrouvé et dépassé ses scores de 2009. Vincent Géré, directeur des achats de Rémy Martin, évoque « les perspectives de confiance » de la maison. « A la clôture de l’année fiscale, notre résultat a augmenté de 25 % et, au niveau des volumes, nous sommes à + 8 %. Nous progressons plus vite que la moyenne régionale. La catégorie des Cognacs haut de gamme que nous représentons bénéficie d’un courant porteur auprès des marchés émergents. » Le directeur des achats informe que le niveau d’engagement (les 20 % supplémentaires) vaut pour deux ans. « Quand nous indiquerons un chiffre, c’est que le degré de confiance nous permettra de le valider pour deux ans. » Lors de l’assemblée générale de la sica des Baronnies, Courvoisier a annoncé une hausse de ses achats de 10 % (voir article pages 6-7).

Dans leurs relations avec la viticulture, les autres maisons Cognac manifestent autant d’élan : staff étoffé pour se porter directement à la rencontre de tous les viticulteurs-livreurs, contacts renforcés avec les bouilleurs de profession…

Question ! « Y en aura-il pour tout le monde ? » La réponse est clairement non. Si chacun espère mettre la main sur le supplément de marchandise en libre, il y aura forcément des laissés-pour-compte. « Je n’ose pas imaginer ce qui se passerait en cas de mauvaise récolte » note un courtier, lui-même très sollicité. La proratisation des volumes, qui semblerait la solution la plus sage, ne paraît pas du goût des acheteurs. « Nous sommes plus ambitieux que cela. Nous voulons capter la plus grande part de l’augmentation. » Devant une telle soif, ne reste plus à la viticulture qu’à « assurer le rendement ». Le plus dur reste à faire.

A lire aussi

L’appel à l’aide de l’US Cognac Rugby

L’appel à l’aide de l’US Cognac Rugby

C'est un constat qui a fait le tour des médias, sportifs ou non: l'US Cognac va très mal. Malgré les efforts de Jean-Charles Vicard pour tenter de redresser la barre, le club se retrouve dans une difficile situation financière.  La direction a de fait décidé d'envoyer...

error: Ce contenu est protégé