records sur un volcan

21 décembre 2011

Le volcan, c’est cette crise de la dette souveraine des nations occidentales qui a pris corps en 2008, après la crise de 2007 et qui, depuis, rôde et maraude, de dégradation de triple A en vraie précarité. Le record, lui, est associé à un chiffre, celui des expéditions de Cognac : 457 701 hl AP.
Depuis que le Cognac est Cognac, il ne s’en est jamais autant vendu qu’en cette année mobile 2010-2011, arrêtée à fin octobre. En 2007, les expéditions totales de Cognac – marchés export + marché français – n’avaient pas atteint ce niveau, même si le record des sorties, tombé cette année-là (506 000 hl AP), n’a toujours pas été égalé. A l’époque, les utilisations « autres » se portaient mieux. Mais le vrai record, la vraie bonne nouvelle ne réside-t-il pas dans un autre indicateur, celui de l’argent qui rentre dans les caisses. Sur l’année glissante au 31-10-2011, le chiffre d’affaires export du Cognac a dépassé les 2 milliards d’euros. Une performance historique !

Dans ces circonstances, l’on comprendra que le climat régional soit, sinon euphorique, du moins très optimiste. Repli sur soi, attentisme, frilosité sont des expressions qui, cet an-ci, n’ont pas cours à Cognac. On leur préfère les termes de dynamisme, de projection vers l’avenir, d’envie d’entreprendre. Celui de confiance ? Ce n’est peut-être pas le mot qui arrive le plus spontanément aux lèvres. « La question que tout le monde se pose aujourd’hui : combien de temps cela va-t-il durer ? » commente un observateur régional. Sans aller jusqu’à dire, pour filer la métaphore, que la profession tout entière « danse sur un volcan », personne n’est vraiment dupe. D’ailleurs, quelques signes avant-coureurs pointent leur nez. Ne parle-t-on d’un mois de novembre moins bon, d’un mois de décembre en baisse. Si la surchauffe marquait une pause, cela ne contrarierait peut-être pas grand monde et surtout pas les PME du Cognac, les seules ou presque à se colleter à un marché libre aux prix quelque peu débridés. « Ces prix du marché libre sont entre 15 et 20 % plus élevés que ceux du marché contractualisé. Quand le marché baisse, on retrouve exactement le même delta » explique un spécialiste. Qui poursuit : « En ce moment, nous sommes à un chouïa près au même niveau qu’en 2007. Et cela avait tenu deux mois ! » L’explication de cette grimpette des prix ? Elle est toute simple : « Il n’y a rien ou presque sur le marché. Le grand négoce et les maisons qui l’ont pu ont contractualisé 100 % de leurs besoins et, plus encore, de leurs objectifs de vente. Entre parenthèses, s’ils n’atteignaient pas leurs objectifs, cela deviendrait assez vite compliqué. » Au-delà de la captation de marchandise, joue aussi l’effet trésorerie. Le 0,5 hl AP supplémentaire obtenu cette campagne (le 9,52 hl AP/ha) donne une bouffée d’oxygène aux exploitations. Elles éprouvent donc moins la nécessité de se porter sur le marché. Et bien sûr, l’autre grand facteur de
rétention – si tant est que l’on puisse parler de rétention quand on s’apprête à distiller 750 000 hl AP – est lié à la fiscalité. « Quand 50 % de la somme partent en prélèvements, vous y regardez à deux fois avant de vendre » relatent les courtiers, qui voient aussi émaner des demandes d’échelonnement d’enlèvements, toujours pour des raisons fiscales.

Si aujourd’hui, la viticulture se porte mieux, les prix élevés – les 3 000 € l’hl AP et plus pour des comptes 10 ou même les prix forts sur les comptes jeunes – sont bien souvent affaire « d’opportunités », de « cerises sur le gâteau ». Le fait majeur de la période se résume davantage en une contractualisation massive, malgré tout perçue par les viticulteurs comme une protection crédible à une exposition frontale au marché.

Fiscalité : l’ambivalence

D’un côté, comment bouder le plaisir de voir le Pineau obtenir gain de cause après 25 ans de combat fiscal, grâce à une détermination et une constance qui forcent l’admiration. De l’autre, comment ne pas déplorer qu’une fois encore le Cognac et les spiritueux en général soient pris en otage par un Etat plus que jamais à la recherche de recettes de poche… et davantage. L’hypocrisie est grande, le procédé éventé, de s’abriter derrière l’argument de santé publique pour surtaxer de manière univoque les spiritueux, en laissant de côté les autres boissons alcoolisées, vins y compris. La filière des spiritueux crie à l’injustice et elle n’a pas tort.

La loi de financement de la Sécurité sociale a été votée en 3e lecture le 29 novembre dernier. Elle confirme l’augmentation des accises de près de 10 % pour les spiritueux et la baisse de la fiscalité des produits intermédiaires (catégorie fiscale du Pineau), qui passe de 223 à 180 € l’hl vol. Jean-Pierre Lacarrière, président de la FFS (Fédération française des spiritueux), dénonce l’iniquité de traitement et rappelle la doctrine de son syndicat, qui a toujours plaidé pour une taxation au degré d’alcool, quels que soient les produits. Il souligne tout particulièrement le mauvais sort fait aux boissons entre 18 et 25 % vol. Outre l’augmentation d’accises, les spiritueux au-delà de 18 % vol. héritent d’une vignette Sécurité sociale qu’ils ne supportaient pas jusqu’alors. Pour les liqueurs et autres crèmes de cassis, cela se traduit par une hausse des taxes de 45 %. « On oublie trop souvent que notre filière ne compte pas que des grands groupes mais qu’elle a aussi de nombreuses petites entreprises, que ce supplément d’accises va lourdement pénaliser. »

Sans faire partie des « dinosaures », Christian Baudry, président de la CNVDL AOC (Confédération des vins de liqueurs), a suffisamment de recul pour se souvenir des débuts du combat fiscal du Pineau. D’autant que c’est lui et quelques autres qui l’ont initié. « Quand nous avons commencé, il y a 25 ans, le Pineau, ramené à l’alcool pur, payait les mêmes droits que le Cognac. Notre objectif consistait à ramener cette fiscalité à la moitié des droits des spiritueux. Aujourd’hui, avec une accise de 180 € l’hl vol., on peut dire que nous y sommes parvenus. Tout n’est pas réglé, notamment le problème de distorsion de concurrence avec les Martini et assimilés, mais c’est un autre sujet. »

Au « finish », le Pineau a remporté la bataille des taxes, en faisant preuve d’une remarquable opiniâtreté mais aussi de discipline et d’un sens aigu de la négociation. « Ce qui nous a fait gagner, analyse rétrospectivement Ch. Baudry, c’est la détermination exemplaire des producteurs de Pineau. Si la moitié d’entre eux avait abandonné en cours de route, nous n’y serions jamais arrivés. De temps en temps, il a fallu remonter le moral des troupes. Il y a eu des périodes de doutes mais, dans ces cas-là, il ne faut surtout pas le montrer à l’extérieur. Sinon on joue contre son camp. Il y a un temps pour tout, un temps pour le refus, un temps pour la négociation. Quand on est sur le front du refus, ce n’est pas le moment de négocier. Il faut bétonner. C’est à partir du moment où l’autre, en face de vous, cède du terrain que là, les discussions peuvent commencer. On ne discute pas en position de faiblesse. » Une stratégie à méditer dans d’autres cénacles, pour d’autres enjeux.

 

 

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